Sélection de la langue

Recherche

Revue de la littérature scientifique concernant les effets environnementaux potentiels de l'aquaculture sur les écosystèmes aquatiques - Volume 5

Les études ont été publiées dans le document suivant :

Fisheries and Oceans Canada 2006. A Scientific Review of the Potential Environmental Effects of Aquaculture in Aquatic Ecosystems. Volume V. Behavioural Interactions Between Farm and Wild Salmon: Potential for Effects on Wild Populations (Laura K. Weir and Ian A. Fleming); Overview of the Environmental Impacts of Canadian Freshwater Aquaculture (C.L. Podemski and P.J. Blanchfield); A Scientific Review of Bivalve Aquaculture: Interaction Between Wild and Cultured Species (T. Landry, M. Skinner, A. LeBlanc, D. Bourque, C. McKindsey, R. Tremblay, P. Archambault, L. Comeau, S. Courtenay, F. Hartog, M. Ouellette and J.M Sevigny). Can. Tech. Rep. Fish. Aquat. Sci. 2450: p x + 138.

Avant-Propos

Contexte

Le gouvernement du Canada est déterminé à assurer le développement responsable et durable de l'industrie aquacole au Canada. Le Programme d'aquaculture durable (PAD) de 75 millions de dollars annoncé par le ministre des Pêches et des Océans en août 2000 traduit clairement cet engagement. Ce programme vise à soutenir le développement durable du secteur aquacole, surtout en améliorant la confiance du public envers l'industrie et la compétitivité globale de celle-ci. Veiller à ce que l'industrie fonctionne dans des conditions durables sur le plan environnemental constitue une responsabilité essentielle du gouvernement fédéral. À titre d'organisme fédéral responsable de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada (MPO) est déterminé à prendre des décisions éclairées qui reposent sur des données scientifiques éprouvées en ce qui concerne l'industrie aquacole. Le MPO mène un programme de recherches scientifiques pour améliorer ses connaissances sur les effets de l'aquaculture sur l'environnement. Le Ministère collabore également avec des intervenants, les provinces et l'industrie à la coordination des recherches et à l'établissement de partenariats. Le MPO contribue au Programme de l'aquaculture durable du gouvernement fédéral en passant en revue la littérature scientifique qui aborde les effets possibles de l'aquaculture sur les écosystèmes marins et d'eau douce.

Objectif et portée

Désignée projet sur l'état des connaissances, cette revue de la littérature définit l'état actuel des connaissances scientifiques sur les effets de l'élevage de poissons et de mollusques en mer et de la pisciculture en eau douce et fait des recommandations de recherches futures. La revue, qui se concentre surtout sur les connaissances scientifiques applicables au Canada, les aborde sous trois thèmes principaux : les impacts des déchets (éléments nutritifs et matière organique), les produits chimiques utilisés par l'industrie (pesticides, médicaments et agents antisalissures) et les interactions entre les poisons d'élevage et les espèces sauvages (transfert de maladies et interactions génétiques et écologiques).

Cette revue présente les effets environnementaux possibles de l'aquaculture documentés dans la littérature scientifique. Les effets environnementaux des activités aquacoles dépendent du site, des conditions environnementales et des caractéristiques de production de chaque établissement aquacole. L'examen résume les connaissances scientifiques disponibles mais ne constitue pas une évaluation des activités aquacoles spécifique au site. L'examen ne porte pas non plus sur les effets de l'environnement sur la production aquacole.

Les articles sont destinés à un auditoire de scientifiques et de personnes bien informées, notamment des personnes et des organisations participant à la gestion de la recherche sur les interactions environnementales de l'aquaculture. Les articles visent à soutenir la prise de décision sur les priorités de recherche, la mise en commun de l'information et les interactions entre diverses organisations concernant les priorités de recherche et les partenariats de recherche possibles.

Rédigées par des scientifiques du MPO ou sous leur supervision, les articles ont été contrôlés par des pairs, ce qui assure qu'ils sont à jour au moment de leur publication. Après la publication de toute la série d'articles sur l'état des connaissances, des recommandations de recherches ciblées et rentables seront faites.

Série sur l'état des connaissances

Dans le cadre du projet de l'état des connaissances, le MPO prévoit publier douze articles de synthèse portant chacun sur un aspect des effets environnementaux de l'aquaculture. Le présent volume contient les trois articles suivants : Interactions comportementales entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage – effetc possibles sur les populations sauvages; Un aperçu général des impacts écologiques d'aquaculture d'eau douce en canada; et Examen scientifique de l'élevage de bivalves : interaction entre les espèces d'élevage et les espèces sauvages.

Renseignements supplémentaires

Pour de plus amples renseignements sur un article, veuillez communiquer avec son auteur principal. Pour de plus amples renseignements sur le projet de l'état des connaissances, veuillez communiquer avec :

Sciences de l'environnement et de la biodiversité
Sciences des écosystèmes
Secteur des Sciences
Pêches et Océans Canada
200, rue Kent Ottawa (Ontario)
K1A 0E6
Canada

Sciences de l'aquaculture
Sciences des écosystèmes
Secteur des Sciences
Pêches et Océans Canada
200, rue Kent Ottawa (Ontario)
K1A 0E6
Canada

Interactions comportementales entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage - Effets possibles sur les populations sauvages

Laura K. Weir
Department of Biology, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada

Ian A. Fleming
Ocean Sciences Centre, Memorial University of Newfoundland, St. John's, Terre Neuve, Canada

Sommaire

Il existe des interactions comportementales entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages aux trois stades mentionnés dans le présent examen. La capacité qu'ont les saumons d'élevage à migrer vers des rivières après s'être évadés de sites piscicoles en milieu océanique donne lieu à des interactions avec les saumons sauvages durant la période de reproduction. Puisque nous en connaissons très peu sur le saumon lors de la partie de son cycle de vie passée en milieu marin, il est difficile d'évaluer quels seront les effets à long terme des interactions entre les saumons d'élevage et les saumons sauvages sur les populations sauvages au stade de reproduction. Cependant, les saumons d'élevage montrent des régimes de migration aberrants, notamment en raison du fait qu'ils peuvent se disperser dans de nombreuses rivières et ainsi avoir des conséquences pour plus d'une population sauvage. Les effets des interactions comportementales entre les saumons d'élevage et les saumons sauvages sont plus évidents lors de la période de reproduction. Les femelles et les tacons mâles matures d'élevage constituent les éléments les plus probables du flux génétique entre les populations d'élevage et les populations sauvages, l'importance de ces éléments étant accrue par le fait que les saumons d'élevage viennent à maturité en plus bas âge en raison d'une vitesse de croissance plus rapide. Cependant, les interactions comportementales sur les lieux de fraie avec les mâles et les femelles de grande taille, ainsi qu'avec les tacons mâles matures, peuvent avoir des effets néfastes sur le succès de reproduction des poissons sauvages. La progéniture d'élevage et hybride dans les milieux d'eau douce peuvent faire concurrence aux poissons sauvages pour la nourriture et le territoire. De plus, à ce stade, les effets de l'aquaculture sur l'environnement sont réduits. Les effets maternels ont une grande incidence sur le succès de la progéniture d'élevage aux premiers stades juvéniles, et la survie de celle ci est habituellement faible par rapport à celle des poissons sauvages (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003). En outre, les juvéniles d'élevage ont parfois plus de difficultés à échapper aux prédateurs et ne sont habituellement pas dominants par rapport aux poissons sauvages en milieu naturel.

Tandis que les tendances générales suggèrent que les poissons d'élevage et les poissons hybrides pourraient ne pas avoir un comportement semblable aux poissons sauvages, ils ont en effet un taux de survie moins élevé (McGinnity et al., 2003), les différences entre les études illustrent que le succès des poissons d'élevage dans la nature ne peut être déterminé qu'en tenant compte du contexte. Les effets des poissons d'élevage dépendent d'un certain nombre de facteurs, y compris l'origine génétique, les conditions d'élevage, le nombre, le moment, l'importance et la fréquence des évasions, et l'état de la population sauvage (Hutchings, 1991). Ainsi, l'évaluation des risques devra porter sur les facteurs qui sont les plus susceptibles d'entraîner une exposition au danger (évasion) et de faire varier le niveau de risque et l'importance des dommages (Kapuscinski, 2005). Cette évaluation devra également tenir compte de divers types d'incertitude. Un résultat important de ce processus devrait être un plan de réduction des risques et la mise en œuvre de ce plan.

Lacunes dans les connaissances

Malgré le nombre croissant d'études sur le sujet, il existe encore de nombreuses lacunes en ce qui concerne les effets possibles des poissons d'élevage sur les populations sauvages. Notre rapport porte principalement sur les tendances qui ressortent des études sur les différences entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages. Il existe toutefois des différences importantes entre les résultats des diverses études, ce qui met en évidence le fait que les conséquences des interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages dépendent probablement du contexte. Certaines études montrent que les conséquences des interactions, ou l'ampleur des différences, entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages varient en fonction de la souche d'élevage et de la population sauvage concernées (Einum et Fleming, 1997; Weir et al., 2004). Cela est peut-être attribuable à un manque de connaissances sur l'interaction entre les effets génétiques et environnementaux de l'aquaculture sur les poissons d'élevage. Il est important de connaître ces effets pour évaluer comment des poissons d'élevage d'origine différente peuvent avoir une incidence sur certaines populations sauvages. Certaines études indiquent que des changements génétiques peuvent se produire chez certaines populations sauvages à la suite de l'évasion de poissons d'élevage (Crozier 1993 et 2000), mais il n'existe aucun document prouvant que les poissons d'élevage évadés sont directement responsables de changements démographiques chez des populations sauvages. Il est toutefois possible de tirer des conclusions solides en ce sens en se fondant sur deux expériences de libération dans des rivières (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003). Du point de vue démographique, nous en connaissons peu sur la survie et la concurrence en mer des poissons d'élevage et des poissons sauvages. De plus, nos connaissances sur les comportements de migration et d'errance des poissons d'élevage évadés demeurent rudimentaires malgré le fait que les poissons d'élevage ont plus de chances de s'évader d'enclos en mer et que leurs premières interactions avec des poissons sauvages se produisent lors de la migration au stade adulte. Il existe des données de fond sur les interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages en milieux artificiels ou semi naturels, mais il manque de données de terrain sur ce type d'interactions dans les rivières, notamment en ce qui concerne les juvéniles. De plus, bien que la valeur adaptative globale pendant une génération ou plus ait déjà été étudiée (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003), les conséquences démographiques à long terme d'une baisse de la valeur adaptative des poissons d'élevage par rapport à celle des poissons sauvages en milieu naturel n'ont toujours pas été déterminées. Des progrès importants ont été réalisés en ce qui a trait à l'approfondissement des connaissances sur les interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages afin de permettre une évaluation des risques, mais il reste encore des lacunes dans les connaissances qui constituent des sources d'incertitude. Une étude officielle de ces lacunes, qui comprend des analyses de la sensibilité des modèles de flux génétiques et de dynamique des populations, est nécessaire pour déterminer les types d'études à entreprendre afin de réduire l'incertitude actuelle.

Références

Crozier, W.W. 1993. Evidence of genetic interaction between escaped farmed salmon and wild salmon (Salmo salar L.) in a Northern Irish river. Aquaculture 113: 19–29.

Crozier, W.W. 2000. Escaped farmed salmon, Salmo salar L., in the Glenarm River, Northern Ireland: genetic status of the wild population 7 years on. Fish. Manage. Ecol. 7: 437–446.

Einum, S., and I.A. Fleming. 1997. Genetic divergence and interactions in the wild among native, farmed, and hybrid Atlantic salmon. J. Fish Biol. 50: 634–651.

Fleming, I.A., K. Hindar, I.B. Mjølnerød, B. Jonsson, T. Balstad, and A. Lamberg. 2000. Lifetime success and interactions of farmed salmon invading a native population. Proc. R. Soc. Lond., B 267: 1517–1523.

Hutchings, J.A. 1991. The threat of extinction to native populations experiencing spawning intrusions by cultured Atlantic salmon. Aquaculture 98: 119–132.

Kapuscinski, A. 2005. Current scientific understanding of the environmental biosafety of transgenic fish and shellfish. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz. 24: 309–322.

McGinnity, P., P. Prodöhl, A. Ferguson, R. Hynes, N.Ó. Maoilédigh, N. Baker, D. Cotter, B. O'Hea, D. Cooke, G. Rogan, J. Taggart, and T. Cross. 2003. Fitness reduction and potential extinction of wild populations of Atlantic salmon Salmo salar as a result of interactions with escaped farm salmon. Proc. R. Soc. Lond., B 270: 2443–2450.

Weir, L.K., J.A. Hutchings, I.A. Fleming, and S. Einum. 2004. Dominance relationships and behavioural correlates of spawning success in farmed and wild male Atlantic salmon, Salmo salar. J. Anim. Ecol. 73: 1069–1079.

Un aperçu général des impacts écologiques d'aquaculture d'eau douce en Canada

C.L. Podemski
Sciences de l'environnement, Pêches et Océans Canada, Institut des eaux douces, Winnipeg (Manitoba)

P.J. Blanchfield
Sciences de l'environnement, Pêches et Océans Canada, Institut des eaux douces, Winnipeg (Manitoba)

Sommaire

À l'échelon mondial, l'aquaculture a été liée à diverses incidences environnementales, notamment l'enrichissement en matières nutritives, la perturbation d'habitats et des dommages aux populations de poissons sauvages (Gross, 1998). Le développement écologiquement durable de l'industrie en eau douce exige des connaissances scientifiques solides des incidences potentielles sur ce milieu. Nous faisons dans le présent document un bilan de l'état actuel des connaissances scientifiques sur les incidences environnementales de l'aquaculture d'eau douce au Canada et nous identifions également des sujets de recherche futurs. L'utilisation et les incidences environnementales potentielles d'agents chimiothérapeutiques débordent cependant le cadre de ce bilan et n'y sont donc pas inclus. Nous y incluons les études étrangères pertinentes aux pratiques aquacoles canadiennes car la littérature scientifique traitant expressément de l'aquaculture d'eau douce au Canada est extrêmement rare. D'importants changements ont été apportés aux méthodes d'élevage, ce qui fait que les vieilles publications ne s'appliquent pas à ce qui se passe aujourd'hui. Dans toute la mesure du possible, nous avons limité notre examen aux documents scientifiques évalués par les pairs publiés au cours de la dernière décennie.

Les incidences de l'aquaculture sont complexes. Elles résultent de la production et du rejet de débris organiques, ainsi que des interactions entre les espèces d'élevage et les espèces sauvages. La masse des débris est constituée de déchets métaboliques des poissons et d'aliments non mangés. La taille du poisson, la température de l'eau et les pratiques d'élevage (composition des aliments, ration alimentaire et méthodes de nourrissage) comptent parmi les facteurs qui agissent sur la production de débris organiques. La plus grave inquiétude que posent ces débris au plan de l'environnement, c'est qu'ils déclenchent des poussées planctoniques locales et des conditions hypoxiques dans l'eau et les sédiments sous les cages. La compétition pour des ressources limitées et la prédation exercées par les évadés nuisent en particulier aux poissons dulcicoles indigènes.

Les déchets solides sont constitués principalement de matières fécales, les résidus d'aliments n'en constituant qu'une faible partie (Ackefors et Enell, 1990). La production de matières fécales, qui est difficile à estimer précisément, varie entre 15 à 30 % du volume d'aliments offert (Costello et al., 1996; Cho et Bureau, 2001; Bureau et al., 2003). Selon des estimations, le volume de résidus d'aliments, qui est rarement signalé, constitue entre 3 à 40 % du volume d'aliments offert (Weston et al., 1996), alors que des rapports anecdotiques et des valeurs modélisées suggèrent que le volume de résidus d'aliments issus des fermes canadiennes se chiffre actuellement à environ 5 % du volume offert. Il existe des lacunes dans les données sur les résidus d'aliments. Les déchets solides sédimentent au fond des lacs; le biote les consomme (Johansson et al., 1998) ou ils se décomposent. La plus forte accumulation se produit directement sous les cages (Enell et Lof, 1983a), ce qui donne à penser que les effets directs sur les sédiments peuvent être limités au plan géographique. Les sédiments sous les cages subissent généralement un enrichissement en phosphore, en azote, en carbone organique et en zinc (Cornel et Whoriskey, 1993; Kelly, 1993; MacIsaac et Stockner, 1995; Troell et Berg, 1997). Bien que de nombreuses études sur les effets benthiques de la mariculture aient été publiées, peu de publications récentes documentent les effets benthiques de l'aquaculture d'eau douce. Peu d'études canadiennes sur le sujet évaluées par les pairs ont été publiées pendant la dernière décennie. Les effets des déchets de piscicultures peuvent être semblables à ceux résultant d'autres formes d'enrichissement organique, notamment une diversité réduite des espèces, une abondance accrue d'organismes résistants à la sédimentation et à une faible teneur en oxygène et une plus forte dominance de ceux-ci (Hynes, 1963; Johnson et al., 1993). En général, les effets sur les sédiments et la communauté benthique sont limités aux aires situées directement sous les cages et à proximité. Aucune étude n'a été publiée sur le rétablissement des sédiments et la reconstitution du biote des sédiments à d'anciens sites piscicoles au Canada. Plus de trois ans après l'arrêt des activités aquacoles dans des lacs d'eau douce de l'Écosse, d'importantes perturbations des communautés benthiques présentes sous les cages étaient encore apparentes (Doughty et McPhail, 1995). Les systèmes lotiques se rétablissent généralement plus vite que les systèmes lentiques en raison de la dispersion plus rapide des déchets par les courants et la reconstitution relativement rapide de la faune invertébrée (Doughty et McPhail, 1995).

Du carbone dissous, de l'azote et du phosphore sont relâchés dans la colonne d'eau par suite de leur solubilisation des aliments et des matières fécales et de l'excrétion par les poissons des produits de la respiration et d'urine (Bureau et Cho, 1999). Pour chaque tonne métrique de poissons produite, environ 3 à 10 kg de phosphore et de 39 à 55 kg d'azote sont libérés dans le milieu (Ackefors et Enell, 1994; Cho et al., 1994; Bureau et al., 2003). La plus grande partie du phosphore des déchets aquacoles se perd dans les sédiments sous forme de solides (Enell et Ackefors, 1991; Phillips et al., 1993). Les déchets azotés, en particulier l'ammoniac et l'urée, constituent la plus grande partie de la fraction des déchets dissous. En général, les augmentations décelables des teneurs en ammonium ou en ammoniac dans la colonne d'eau se produisent à proximité des cages (NCC, 1990) et dans le milieu récepteur en aval des installations terrestres (Selong et Helfrich, 1998). Aucun rapport de teneurs supérieures à celles prescrites dans les lignes directrices relatives à la qualité des eaux au niveau local ou de teneurs résultant en des eaux toxiques n'a été publié, alors que les teneurs en aval d'installations terrestres reviennent à leur niveau naturel à une distance de 400 m à 12 km des cages (Selong et Helfrich, 1998). Les élevages en cages situés dans des bassins peu profonds ou des bassins à faible action de chasse d'eau ont souvent signalé une augmentation décelable des teneurs en phosphore total, alors que les fermes situées en eau profonde où l'action de chasse d'eau est adéquate rapportent généralement qu'aucun changement décelable n'a été noté. Plusieurs études font état de teneurs élevées en phosphate dans le milieu récepteur d'effluents de fermes terrestres (Munro et al., 1985; Trojanowski, 1990). La décomposition des dépôts de déchets solides résulte en la libération de P labile dans la colonne d'eau (Kelly, 1992; Kelly, 1993). Durant les périodes de stratification, le phosphore libéré des sédiments dans des eaux hypolimniques ne sera pas disponible pour la production primaire. Peu de recherches ont été menées sur le cycle du P entre les dépôts de déchets aquacoles et la colonne d'eau, et la proportion de ce P qui sera éventuellement disponible pour la production primaire est inconnue. Ces connaissances seraient d'une grande aide dans la gestion durable de l'industrie.

La décomposition des déchets peut résulter en de faibles teneurs en oxygène dissous (hypoxie) dans les sédiments et la colonne d'eau (Axler et al., 1998), mais cet effet a rarement été signalé. La respiration des poissons d'élevage peut donner lieu à une réduction locale de la teneur en oxygène dissous. Les rapports d'une baisse de la teneur en oxygène dissous à proximité des cages varient, mais, dans l'ensemble, les sites connaissant un échange d'eau adéquat affichent une baisse de faible ampleur et de courte durée (Weston et al., 1996; Demir et al., 2001; Veenstra et al., 2003). Dans la dernière décennie, une seule étude primaire fait état de données limitées sur des profils d'oxygène dissous à des fermes canadiennes d'élevage de poissons en cages (Hamblin et Gale, 2002); il est impératif que de telles données soient recueillies et rassemblées. La demande biologique et chimique en oxygène dissous des déchets issus d'installations aquacoles terrestres peut mener à une réduction des teneurs en oxygène dissous dans les milieux lotiques sur de courtes distances en aval, mais aucune donnée récente n'a été recueillie au Canada.

L'azote, le phosphore et le carbone organique provenant des déchets métaboliques dissous et du lessivage des matières fécales et des résidus d'aliments peuvent mener à la stimulation des populations bactériennes pélagiques. La seule étude des effets sur les communautés microbiennes pélagiques fait état d'aucune augmentation de l'abondance des bactéries à proximité de cages en Colombie-Britannique, mais d'une production significativement plus élevée (MacIsaac et Stockner, 1995). Une stimulation de l'activité microbienne a été observée dans un milieu lotique récepteur d'effluents aquacoles. Par exemple, dans une rivière de la Nouvelle-Angleterre, l'abondance des bactéries et l'activité hétérotrophe dans les eaux et les sédiments en aval des points de rejet d'effluents aquacoles étaient nettement plus élevées en comparaison des sites témoins (Carr et Goulder, 1990a).

Jusqu'ici, les études de lacs canadiens n'ont pas révélé de différences dans les concentrations de chlorophylle a entre les sites témoins et les sites aquacoles (Cornel et Whoriskey, 1993); seuls des effets localisés sur les algues périphytiques ont été signalés (MacIsaac et Stockner, 1995). En plus de stimuler la production de populations bactériennes, les substances nutritives issues d'installations aquacoles peuvent entraîner un accroissement de la production primaire (Kelly, 1993). En Finlande, les effluents aquacoles déversés dans un lac ont donné lieu à une forte augmentation de la concentration de chlorophylle a et de la production primaire, ainsi qu'à des changements dans la composition des espèces de phytoplancton (Eloranta et Palomaki, 1986). Dans les rivières, les effluents des installations terrestres peuvent stimuler la production primaire (Carr et Goulder, 1990b). Par exemple, Munro et al. (1985) font état d'une importante augmentation de la biomasse d'algues épilithiques et de la concentration de chlorophylle a, ainsi que de changements dans la composition des espèces d'algues en aval des écloseries dans plusieurs cours d'eau de la Colombie-Britannique.

Aucune étude n'a été publiée sur les effets de l'élevage de poissons dulcicoles en cages sur les communautés de poissons indigènes au Canada. Les incidences potentielles des activités d'élevage en cages sur les communautés de poissons indigènes incluent des perturbations trophiques et des interactions entre ceux-ci et les poissons d'élevage. Au Canada, l'aquaculture d'eau douce en cages est généralement pratiquée dans des systèmes oligotrophes. L'enrichissement de ces systèmes en matières nutritives peut mener à une plus forte croissance des poissons indigènes et des poissons d'élevage qui s'y trouvent (Stockner et MacIsaac, 1996). D'autres changements trophiques peuvent se produire chez les communautés de poisons indigènes par suite de la consommation de déchets d'aliments et de matières fécales. La consommation de déchets par le biote peut réduire les effets localisés de leur accumulation sous les enclos, mais personne n'a quantifié ce processus dans les écosystèmes canadiens.

Il est inévitable qu'un faible nombre des poissons élevés en cages s'évadent, même en l'absence d'une défaillance totale de l'enceinte de confinement. Les dommages causés par une tempête ou l'impact d'un bateau, les attaques de prédateurs, le vandalisme et les pertes accidentelles reliées à la manipulation des poissons s'inscrivent parmi les causes d'évasion. Aucune estimation du nombre de poissons dulcicoles qui se sont évadés de leurs cages au Canada n'a été publiée. Selon des études menées à l'étranger, les évadés représentent de 3 à 5 % environ de la production totale en cages dans un plan d'eau douce donné (Phillips et al., 1985b). La prédation et la compétition pour des ressources limitées sont les principaux processus par lesquels les évadés peuvent transformer la communauté de poissons indigènes. L'introduction d'une nouvelle espèce dans un écosystème, ou une plus forte abondance d'individus d'une espèce déjà présente, donne lieu à une certaine redistribution des ressources dans la communauté ichtyenne. Les caractéristiques qui favorisent certaines espèces pour l'aquaculture sont les mêmes que celles qui peuvent leur permettre de prospérer lorsque introduites dans un plan d'eau d'où elles étaient absentes (c'est-à-dire que ce sont des espèces généralistes montrant une grande tolérance au milieu). Aucune étude n'a toutefois été publiée sur la survie des évadés dans les écosystèmes d'eau douce de l'Amérique du Nord.

Les interactions interspécifiques, en particulier celles résultant de l'établissement d'espèces introduites qui deviennent autonomes ou de la modification d'un fonds génétique indigène, sont des incidences potentiellement nuisibles de l'aquaculture. L'évasion de salmonidés d'élevage n'équivaut pas forcément à l'introduction intentionnelle de la même espèce à des fins de gestion. Les agences responsables de programmes d'empoissonnement peuvent avoir des critères de sélection différents et par conséquent préférer des stocks de géniteurs différents de ceux choisis pour l'élevage. Les traits sélectionnés pour les programmes d'aquaculture diffèrent significativement de ceux requis pour la survie dans le milieu sauvage (Bridger et Garber, 2002) et la disparité de comportement entre les sujets indigènes et les sujets domestiqués augmente en fonction de la période de captivité. Les interactions entre les évadés et les sujets sauvages peuvent être très différentes des interactions entre les poissons indigènes et les poissons ensemencés qui, après s'être évadés, ont établi des populations autonomes, selon le niveau de sélection qui s'est produit chez le stock de géniteurs. L'ampleur de tout effet permanent d'évadés d'une espèce donnée dépend du succès de leur accouplement dans le milieu sauvage avec des individus d'élevage, d'écloserie ou indigènes de la même espèce ou de l'hybridation avec des espèces étroitement apparentées. Le croisement de sujets d'élevage et de sujets sauvages ou de sujets d'élevage et de sujets ensemencés naturalisés peut produire chez ces populations des changements génétiques nuisibles à long terme (McGinnity et al., 1997; Fleming et al., 2000).

Lacunes dans les connaissances et priorités de la recherche

Les incidences environnementales de la mariculture sont assez bien documentées. Par contre, peu de recherches sur les incidences environnementales de l'aquaculture d'eau douce sur les écosystèmes ont été menées au Canada, et encore moins ailleurs. Des recherches doivent être menées sur les sujets suivants.

Examen scientifique de l'élevage de bivalves : Interaction entre les espèces d'élevage et les espèces sauvages

T. Landry
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

M. Skinner
Université du Nouveau Brunswick, Fredericton, Nouveau Brunswick, E3B 5A3, Canada

A. LeBlanc
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

D. Bourque
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

C. McKindsey
Institut Maurice Lamontagne, Pêches et Océans Canada, 850, route de la Mer, Mont-Joli, Québec, G5H 3Z4, Canada

R. Tremblay
Université du Québec à Rimouski, Rimouski, Québec, G5L 3A1, Canada

P. Archambault
Institut Maurice Lamontagne, Pêches et Océans Canada, 850, route de la Mer, Mont-Joli, Québec, G5H 3Z4, Canada

L. Comeau
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

S. Courtenay
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

F. Hartog
Institut Maurice Lamontagne, Pêches et Océans Canada, 850, route de la Mer, Mont-Joli, Québec, G5H 3Z4, Canada

M. Ouellette
Centre des pêches du Golfe, Pêches et Océans Canada, 343, avenue Université, Moncton, Nouveau Brunswick, E1C 9B6, Canada

J.M Sevigny
Institut Maurice Lamontagne, Pêches et Océans Canada, 850, route de la Mer, Mont-Joli, Québec, G5H 3Z4, Canada

Sommaire

Cet article porte sur l'examen de l'état actuel des connaissances sur les interactions entre les espèces d'élevage et les espèces sauvages dans le contexte de l'élevage de bivalves en milieu marin au Canada. De plus, nous y cernons les lacunes dans les connaissances qui ont une importance particulière et nous recommandons des projets de recherche pour combler ces lacunes. Nous avons passé en revue les ouvrages canadiens et étrangers contenant de l'information sur l'élevage, le rétablissement, les communautés côtières et l'écologie des bivalves. Le présent examen est axé sur les changements qui ont une incidence sur la communauté pélagique, les communautés benthiques, les prédateurs, les structures génétiques et le risque d'introduction d'espèces envahissantes.

Interactions entre les bivalves d'élevage et la communautépélagique

L'élevage de bivalves a deux effets principaux sur la communauté pélagique. D'abord, à titre de brouteurs, les bivalves réduisent la biomasse de phytoplancton, ce qui peut avoir une incidence sur la productivité d'autres espèces de brouteurs. Peu de données sont disponibles sur cet effet possible de l'élevage de bivalves, et, à ce jour, seuls des modèles écosystémiques ont mis cet effet en évidence. Le deuxième effet principal de l'élevage de bivalves sur la communauté pélagique est une conséquence de la création d'habitats supplémentaires dans la colonne d'eau. Cet effet a été mis en évidence principalement par des études sur les conséquences du rétablissement de mollusques, qui montrent clairement que les bancs d'huîtres en trois dimensions entraînent une augmentation de la biomasse et du potentiel de productivité de plusieurs espèces pélagiques, celles-ci profitant de la disponibilité de ressources alimentaires ou des possibilités d'évitement des prédateurs. Même si ces extrapolations peuvent être logiques, il n'y a toujours pas de preuve directe de telles interactions. Nous recommandons que des recherches soient menées sur les sujets suivants :

Inetractions entre les bivalves d'élevage et la communauté benthique

Les communautés macrobenthiques ont une incidence sur les taux et les voies d'échange d'énergie et de matières entre la colonne d'eau et les sédiments, de même que sur les orientations de ce type d'échange, et elles sont essentielles à la régénération des éléments nutritifs par l'intermédiaire de mécanismes de liaison entre le milieu benthique et le milieu pélagique. Des changements sur le plan de la structure et du fonctionnement de la communauté benthique, dus aux biodépôts, à des modifications du milieu physique et à la présence de salissures marines, ont été signalés à proximité de sites d'élevage de bivalves. L'ampleur de ces changements est toutefois variable. Les données préliminaires suggèrent que l'élevage de bivalves pourrait accroître la productivité en milieu côtier. Nos recommandations de recherche sont les suivantes :

Effets des prédateurs liés à l'élevage de bivalves

La recherche portant sur la relation entre les prédateurs et l'élevage de bivalves est centrée principalement sur les effets des prédateurs sur les bivalves d'élevage. Ces études sont axées sur la gestion des prédateurs et les méthodes d'exclusion. Ces méthodes ont fait l'objet d'études à l'échelle locale seulement, et leurs effets à l'échelle des écosystèmes n'ont pas encore été examinés. Les effets des activités aquacoles sur la densité des prédateurs ne sont pas établis clairement, certaines études suggérant un regroupement des prédateurs et d'autres indiquant l'inverse. Dans le cas des études qui suggèrent une hausse de la densité des prédateurs, il n'est pas établi clairement si cette hausse est due à un regroupement de populations existantes ou à une hausse de l'effectif de la population. Les lacunes qui doivent être comblées sont les suivantes :

Espèces exotiques liées à l'élevage de bivalves

Historiquement, l'introduction et le transfert de bivalves aux fins d'aquaculture a été l'un des vecteurs d'introduction d'espèces exotiques les plus importants partout dans le monde. Ces espèces exotiques comprennent les bivalves qui ont été introduits de manière intentionnelle dans une zone aux fins d'aquaculture, c.-à-d. les espèces cibles ainsi que les animaux et les plantes (à la fois les macroalgues et le phytoplancton) qui sont associés aux bivalves introduits, les auto-stoppeurs et les maladies. Les bivalves introduits sont des espèces qui peuvent avoir une grande incidence sur de nombreux aspects de l'écologie du milieu récepteur. Ces changements peuvent faciliter davantage l'introduction et la croissance d'autres espèces exotiques. Les espèces cibles et les auto-stoppeurs peuvent entraîner une cascade d'effets divers sur l'écosystème récepteur. Cependant, la recherche sur le sujet est très limitée, et nombre de ces effets sont uniquement théoriques. Idéalement, des évaluations approfondies des risques devraient être effectuées avant l'autorisation de toute introduction ou de tout transfert. La quarantaine, la désinfection et d'autres protocoles peuvent être utilisés pour réduire les risques. Cependant, l'efficacité de tels traitements n'est pas toujours élevée et d'autres mesures devraient être envisagées. Un certain nombre de besoins de recherche ont été cernés afin de mieux comprendre et de réduire au minimum le rôle possible de l'élevage de bivalves dans la hausse du taux d'introduction, de la propagation et des répercussions des espèces exotiques. Parmi les besoins de recherche, il convient de mentionner les suivants :

Il est nécessaire d'obtenir plus de renseignements sur les besoins et l'incidence des auto stoppeurs dans l'environnement, particulièrement dans le cas d'un certain nombre d'espèces qui posent des problèmes (p. ex. tuniciers). Il convient notamment de satisfaire les besoins suivants :

Date de modification :