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Document de recherche 2010/116

Immersion en mer dans les habitats essentiels des épaulards résidents (Orcinus orca) : la science à l’appui de la gestion des risques

Par C.L. Lachmuth, J.J. Alava, B.E. Hickie, S.C. Johannessen, R.W. Macdonald, J.K.B. Ford, G.M. Ellis, F.A.P.C. Gobas et P.S. Ross

Résumé

Les épaulards résidents des eaux côtières de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington sont fortement contaminés par les polluants organiques persistants (POP), y compris les biphényles polychlorés (BPC). Les populations du Nord et du Sud d’épaulards résidents sont inscrites en tant que populations menacées et en voie de disparition respectivement en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) du Canada, laquelle interdit de tuer ou de harceler un individu d’une espèce inscrite (article 32) et protège l’ensemble de l’habitat essentiel de ces espèces contre toute destruction (article 58). La stratégie de rétablissement de l’épaulard résident indique que les contaminants, la réduction des proies et les perturbations (bruits et physiques) sont des menaces au rétablissement de la population.

Les sédiments dragués dans la partie inférieure du fleuve Fraser et d’autres emplacements sont immergés périodiquement dans des sites marins des eaux côtières de la Colombie-Britannique, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’habitat essentiel de l’épaulard. L’immersion en mer est réglementée par Environnement Canada en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE). Les sédiments contiennent des mélanges complexes de contaminants et le matériel destiné à l’immersion en mer est examiné afin d’établir une liste de contaminants précis. Étant donné que les épaulards sont des animaux longévifs et qu’ils occupent un niveau trophique très élevé, ils sont exposés à un risque particulier d’accumuler de fortes concentrations de BPC et de substances voisines.

Ce rapport fournit des réponses aux questions suivantes définies par les gestionnaires de l’habitat et de la LEP de Pêches et Océans Canada : Les limites applicables à la sélection et au rejet en mer à des fins d’immersion actuelles concernant les contaminants environnementaux (incluant les BPC, le mercure et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)) aux termes de la LCPE 1999 sont-elles adéquates pour empêcher la destruction de l’habitat essentiel des populations du Nord et du Sud d’épaulards résidents, conformément à l’article 58 de la LEP?; les BPC présents dans les matériaux déposés dans un secteur quelconque de l’habitat des épaulards augmentent-ils le risque d’effets néfastes ou de mortalité chez les populations du Nord et du Sud d’épaulards résidents, aux termes de l’article 32 de la LEP?

Afin de répondre à ces questions, et étant donné la complexité de l’écologie de l’épaulard et de celle de sa principale proie (saumon quinnat), nous avons élaboré un nouvel outil de modélisation dans le réseau tropique. Cet effort comprend les composantes suivantes : i) la désignation de sept zones géographiques en lien avec les priorités en matière de gestion (p. ex. l’habitat essentiel) et/ou les limites internationales dans l'océan du Pacifique Nord-Est; ii) une attribution du temps passé dans chacune de ces zones par les populations du Sud et du Nord d’épaulards et leurs proies (saumon quinnat et espèces autres que les salmonidés) d’après les meilleures données disponibles; iii) l’adaptation de modèles de la bioaccumulation des BPC dans les sédiments et le biote chez les épaulards et leurs proies; iv) une approche compartimentée de modélisation des prélèvements de BPC dans les réseaux trophiques/sédiments pour chacune des sept zones définies afin d’être en mesure d’évaluer les impacts de l’activité d’immersion à des sites particuliers; v) une comparaison des résultats des modèles avec trois seuils d’effet sur la santé établis pour les BPC chez les mammifères marins. L’approche de modélisation est fondée sur la distribution des BPC dans les sédiments, la colonne d’eau et le biote et pour estimer les concentrations qui peuvent s’accumuler chez les animaux au cours de leur vie entière. Ce modèle n’évalue pas la distribution existante des BPC et les voies empruntées dans le milieu abiotique de la Colombie-Britannique, mais prédit plutôt les conséquences additionnelles pour les épaulards de la modification des sédiments des fonds marins pour refléter les concentrations de BPC après une série de scénarios d’immersion. 

Notre modèle indique que l’immersion de matériaux contenant des concentrations de BPC inférieures à celles des sédiments ambiants dans les sites d’immersion ne devrait pas accroître les apports de BPC chez les épaulards. Cependant, l’immersion de sédiments dans les sites d’habitat essentiel à partir de certains des sites les plus contaminés au sujet desquels des données sont disponibles pourrait entraîner une augmentation des concentrations de BPC chez les épaulards pouvant atteindre jusqu’à 8 %. Ces prévisions supposent que les sédiments et l’eau étaient en équilibre et que le détroit de Georgie était un système fermé. Certains processus peuvent entraîner une diminution de l’absorption de BPC par le réseau trophique par rapport au résultat du modèle (p. ex. enfouissement par sédimentation et échange avec la pleine mer), tandis que d’autres peuvent l’augmenter (p. ex. une absorption directe de BPC par le réseau tropique pendant les activités d’immersion).

Selon les pratiques actuelles, l’examen minutieux et l’approbation des applications d’immersion dans la région du Pacifique sont limités par les lacunes des étalons de mesures analytiques et par la définition du seuil d’intervention aux termes de la LCPE, fondé seulement sur des effets à des niveaux tropiques inférieurs. Une analyse instrumentale à haute résolution permettrait de réduire les limites de détection jusqu’à 350 fois et d’améliorer l’évaluation de la gestion des risques des applications d’immersion. Le seuil d’intervention actuel en vertu de la LCPE est trop élevé pour protéger les épaulards, car les BPC subissent une bioamplification. L’immersion de sédiments contenant des BPC à une concentration correspondant au seuil d’intervention actuel aux termes de la LCPE pourrait hypothétiquement entraîner une augmentation 32 fois plus importante des concentrations de BPC dans la population du Sud d’épaulards résidents mâles.

Nous avons trouvé qu’une fourchette de concentration de BPC dans les sédiments allant de 0,012 à 0,200 μg·kg-1 en poids sec protégerait 95 % des épaulards résidents. Les résultats montrent la grande vulnérabilité des épaulards quant à l’accumulation de contaminants persistants, étant donné que seulement 4 sites de sédiments sur 61 (6,6 %) pour lesquels nous connaissons les concentrations de BPC en Colombie‑Britannique et dans l’État de Washington affichent des concentrations inférieures aux concentrations les moins prudentes dans les sédiments. Ces données laissent entendre que la contamination à grande échelle de l’habitat de l’épaulard résident par les BPC traditionnels se poursuit.

Ce nouvel outil de modélisation peut servir d’outil de gestion des risques pour appuyer la protection de l’épaulard en vertu de la LEP. Nous proposons que les concentrations de BPC dans les sédiments ambiants deviennent un point de référence important dans l’évaluation des risques fondée sur la gestion pour les épaulards et leur habitat essentiel. L’immersion de matériaux contenant des concentrations de BPC inférieures aux concentrations ambiantes de l’habitat essentiel dans les milieux d'intense sédimentation n’augmentera pas les concentrations de BPC dans les sédiments, pourrait contribuer à enfouir les sédiments contaminés et ne devrait pas entraîner une augmentation des concentrations de BPC chez les épaulards. La décision d’immerger ou non les matériaux contenant des concentrations de BPC supérieures aux niveaux ambiants dans le milieu marin, particulièrement dans l’habitat essentiel, aura des conséquences sur les épaulards.

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