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Document de recherche 2012/072

État des ressources physiques et biologiques et de certaines ressources halieutiques des écosystèmes des eaux canadiennes du Pacifique en 2011

Par J.R. Irvine et W.R. Crawford

Résumé

La température moyenne mondiale en 2011 a été plus élevée que la moyenne à peu près partout, sauf dans l'est de l'océan Pacifique où des eaux fraîches ont été présentes presque tous les ans depuis 2008, situation en partie causée par le modèle de conditions météorologiques observé dans tout le Pacifique et associé aux effets de La Niña pendant cette période. Les effets de La Niña se sont fait davantage sentir pendant l'hiver; un système plus fort de haute pression a été présent dans le Pacifique Nord et des vents frais de l'ouest plus violents ont soufflé sur l'océan à l'ouest de la Colombie-Britannique. Ce modèle d'eau de surface océanique fraîche n'a été interrompu que brièvement au cours de l'hiver 2010, alors que les vents d'El Niño ont poussé des eaux plus chaudes vers notre région.

Le courant du Pacifique Nord a augmenté sa vitesse vers l'est, dans la partie est du Pacifique Nord, pendant l'hiver 2011-2012; autrement, le courant était normal. Il devrait transporter des débris du tsunami survenu au Japon. Bien que certains objets soient déjà arrivés, on prévoit que la majeure partie des débris arrivera l'hiver prochain ou en 2013.

Les mesures des eaux océaniques de surface aux stations côtières le long de la côte de la Colombie-Britannique et dans le détroit de Georgie confirment que les eaux de l'océan ont été plus fraîches et moins salées en 2011 qu'en 2010. Les eaux de surface relativement douces dans le détroit de Georgie, en 2011, étaient en partie attribuables aux fortes accumulations de neige. Les eaux océaniques de surface sur le plateau continental de la Colombie-Britannique ont été plus douces que la normale à l'été 2011.

Les conditions météorologiques à la fin de l'hiver et au début du printemps déclenchent le début de la croissance du phytoplancton et définissent son intensité. Dans la chaîne alimentaire, ce phytoplancton sert de nourriture aux proies consommées par les poissons juvéniles à un moment important de leur vie. La prolifération printanière du phytoplancton dans le détroit de Georgie a été plus tardive en 2011 à cause des vents violents qui ont soufflé en mars mais une fois commencée, elle a été exceptionnellement forte. Les observations de cette prolifération, effectuées par satellite et sous forme de relevés faits par bateau, révèlent l'apparition d'un pic en juin, qui s'est prolongé jusqu'en juillet, ainsi que la présence d'une biomasse exceptionnellement importante de l'algue nuisible Heterosigma akashiwo. La prolifération de ce phytoplancton a été observée au cours des dernières années dans les eaux côtières du détroit de Georgie, de mai à octobre, et a été accusée de possiblement nuire au saumon rouge juvénile lors de sa migration vers la mer.

Des études sur le zooplancton ont été entreprises le long de la côte ouest et dans le golfe de l'Alaska. Ces minuscules animaux qui dérivent dans l'eau se nourrissent principalement de phytoplancton et deviennent par la suite les proies de nombreux poissons juvéniles. La composition, par espèce, du zooplancton et sa biomasse sont des indicateurs utiles pour les pêches. La communauté de copépodes qui vit dans le zooplancton du plateau continental de l'État de l'Oregon a été dominée en 2011 par la présence de copépodes nordiques, riches en lipides, ce qui laisse présager un fort taux de survie des saumons coho et quinnat qui retourneront dans le fleuve Columbia en 2012 et en 2013.

Plus au nord, au large de la côte ouest de l'île de Vancouver, la communauté de zooplancton présentait une composition normale, sauf lors de l'apparition, pendant l'été, de zooplancton océanique provenant des eaux chaudes au sud du plateau de l'île de Vancouver. Dans les eaux océaniques profondes, les indicateurs de zooplancton correspondaient aux conditions fraîches de l'océan. Au large de la côte ouest de l'île de Vancouver et de l'État de l'Oregon, la composition de la communauté de zooplancton, combinée à d'autres indicateurs environnementaux, a permis de classer comme moyennes les conditions pour les saumons juvéniles migrant vers la mer. Cette classification concerne le saumon du fleuve Columbia et de l'île de Vancouver.

Dans le détroit de Georgie, les conditions de 2011 ont en général été favorables pour le saumon rouge juvénile du fleuve Fraser, alors que les projections indiquent de faibles taux de retours pour le saumon coho en 2012, pour le saumon quinnat en 2013 et en 2014, et pour le saumon kéta en 2013.

Environ 5 millions de saumons quinnat du fleuve Fraser sont retournés dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique en 2011, tout à fait dans la fourchette de prévisions fournie l'année précédente. Ce nombre contraste avec le record élevé d'environ 30 millions en 2010 et le nombre minimal d'un million en 2009. Le faible taux de retour observé en 2011, comparé à celui de 2010, est principalement attribué au taux réduit de survie des jeunes saumons en eau douce. Le principal estimateur du nombre de retours du saumon rouge se base sur le nombre de géniteurs quatre ans auparavant, car la plupart des saumons rouges retournent dans leur rivière natale à l'âge de quatre ans, après avoir passé deux ans en mer et deux ans en eau douce. Sur cette base, la fourchette de prévisions, pour une distribution de probabilités se situant entre 10 % et 90 %, donne un nombre de retours en 2012 compris entre 0,7 et 7 millions de saumons rouges. Ces chiffres sont plus bas que la moyenne et s'expliquent par la diminution du nombre de saumons rouges géniteurs en 2008. Le taux de retour du saumon rouge du fleuve Fraser, en 2013, pourrait aussi être inférieur à la moyenne à cause du faible nombre de parents géniteurs en 2009 et des conditions généralement favorables dans le détroit de Georgie en 2011, tel qu'il a été mentionné précédemment.

Dans le cadre d'une étude permanente sur les changements annuels de l'état de l'océan et leurs effets sur le taux de survie du saumon en mer, les scientifiques ont examiné les taux de survie d'un stock précis de saumon rouge, qui provient du lac Chilko dans le bassin du fleuve Fraser. En comparant les retours du petit nombre de saumons retournant à l'âge de cinq ans aux retours de ceux retournant à l'âge de quatre ans, l'étude a révélé un brusque écart en 1990 par rapport au modèle, alors que la tendance des taux de survie marins s'est inversée, passant d'un taux en croissance avant 1990 à un taux décroissant après 1990. En revanche, le taux de survie marin du saumon rose du fleuve Fraser n'affichait pas de tendance marquée et les récentes augmentations de retours de saumons roses ont été attribuées principalement à la réduction de la pêche. Une autre recherche, réalisée à partir de modèles écosystémiques incluant la plupart des espèces marines et la variabilité du climat dans le détroit de Georgie, a permis de déceler un changement à la baisse du taux de croissance du phytoplancton, changement amorcé dès les années 1990 qui se poursuit à l'heure actuelle et est attribué à des vents plus forts au printemps et à l'été depuis 1990. Cette plus faible production primaire se manifeste, dans le modèle, comme une diminution, après 1990, pour les saumons coho et quinnat, le hareng, le chien de mer et les épaulards.

L'année 2011 a vu une diminution de la biomasse de crevettes nordiques à l'ouest de l'île de Vancouver, par rapport aux fortes quantités des années 2009 et 2010. Cette situation résulte probablement d'un printemps aux eaux plus chaudes, survenu deux ans auparavant; ces eaux chaudes ont nui à la survie des jeunes crevettes.

Les indices de la biomasse pour la plupart des espèces de poissons de fond dans le détroit d'Hecate et dans le détroit de la Reine-Charlotte montrent une tendance à la hausse, après plusieurs années de déclin.

Les populations d'eulachons demeurent faibles partout sur la côte, tandis que la biomasse de sardines du Pacifique, au large de la côte ouest de l'île de Vancouver, a augmenté en 2011 par rapport à 2010. Les prévisions de biomasse de hareng pour les stocks de Haida Gwaii et de la Côte centrale se situent sous le seuil de pêche, mais au-dessus pour les stocks du détroit de Georgie et de Prince Rupert.

La longueur et le poids selon l'âge pour le hareng recruté ont diminué depuis les années 1970 dans toutes les populations de la Colombie-Britannique, y compris les populations de hareng non pêchées lors de la pêche au hareng rogué. Des changements semblables sont survenus en Californie et dans certaines populations de hareng du sud-est de l'Alaska, mais pas toutes. Puisque cette diminution de la taille selon l'âge se produit dans des zones où il n'y a pas eu de pêche, on ne peut pas l'attribuer à la pêche.

Les oiseaux peuvent servir d'indicateurs efficaces de l'état des écosystèmes marins, car leurs vastes regroupements de reproducteurs sont relativement faciles à dénombrer. Le taux de succès de reproduction du starique de Cassin habitant l'île Triangle est fortement corrélé, dans le temps, avec la phénologie d'une proie importante, le copépode Neocalanus cristatus. En 2011, il a été supérieur à la moyenne à long terme et bien supérieur à celle de 2010.

Dans la réserve du parc national Pacific Rim, l'abondance d'oiseaux de mer en 2011 est demeurée élevée, semblable à celle de 2010. La population de la plupart des espèces a affiché une tendance stable ou à la hausse au cours des 4 à 5 dernières années. Le nombre de bivalves intertidaux de la réserve vivant dans la section du détroit de Barclay se situait dans la moyenne par rapport au niveau des années précédentes. Le déclin des palourdes japonaises se poursuit, alors qu'on ne dénote aucun déplacement spatial de cette espèce causé par la récente introduction de palourdes Nuttalia obscurata. L'huître plate du Pacifique, protégée par la LEP, affiche une tendance au rétablissement depuis sept ans, mais les stocks n'ont pas encore retrouvé les niveaux observés à la fin des années 1990.

Les contaminants persistants, biocumulatifs et toxiques constituent un risque pour la santé des biotes aquatiques, notamment ceux qui se situent en haut de la chaîne alimentaire comme les épaulards et les phoques. Les analyses récentes de prélèvements par biopsie pratiqués sur de jeunes phoques communs, capturés vivants dans la mer de Salish, révèlent que la quantité de biphényles polychlorés (BPC) chez ces individus a diminué de 81 % entre 1984 et 2009. En revanche, la concentration de polybromodiphényléthers (PBDE) a augmenté, avec l'indication d'un pic des niveaux de PBDE chez ces individus entre 2003 et 2009, suivi d'une diminution. Cette tendance correspondrait à l'élimination progressive, à partir de 2004, de deux des trois produits utilisant des PBDE offerts sur les marchés canadien et américain.

Les levés aériens liés à la recherche d'hydrocarbures dans les eaux de la Colombie-Britannique sont plus efficaces depuis 2006, Transports Canada ayant installé des capteurs plus précis à bord des appareils aériens de surveillance dans le cadre du Programme national de surveillance aérienne. Les observations réalisées dans le cadre de ce Programme, combinées à la modélisation et aux analyses de ces observations faites entre 2006 et 2010 par le Service canadien de la faune, révèlent que la plus grande probabilité de détection de déversements d'hydrocarbures se situe près de la côte et, plus précisément, dans le détroit de Georgie, dans le passage intérieur de la Côte centrale, près de Prince-Rupert, et dans le passage Alberni. Bien qu'il s'agisse de résultats préliminaires, on peut penser que la densité des marinas et l'intensité des activités des navires locaux (par opposition au transport international) définissent généralement les modèles de déversements d'hydrocarbures dans la région du Pacifique. Il existe quelques preuves que le nombre de déversements d'hydrocarbures a diminué depuis l'amélioration du programme en 2006.

Les scientifiques ont signalé que des concentrations en oxygène extrêmement faibles ont été relevées pendant l'été dans les eaux côtières de la côte de l'État de l'Oregon depuis 2002, le niveau le plus alarmant ayant été atteint en 2006. Un taux de mortalité élevé chez les crabes vivant au fond de l'océan est survenu au cours de ces étés. De faibles concentrations en oxygène (moins de 1 ml/l) ont aussi été observées au large de la côte sud-ouest de l'île de Vancouver depuis 2002, avec des concentrations de 0,7 ml/l à 150 m de profondeur. Cette concentration, relevée en 2006 et en 2009, est la plus basse enregistrée depuis les 50 dernières années. La concentration était de 1,0 et 1,1 ml/l en 2010 et en 2011 respectivement. L'hypoxie sur le plateau canadien est bien moins grave qu'au large des États de l'Oregon et de Washington; la mortalité de la faune et de la flore marine du fond de l'océan n'a pas fait l'objet de rapport.

L'eau profonde du Pacifique Nord est déjà la plus acide de tous les océans et le plateau continental de la Colombie-Britannique en souffrira sans doute bien avant la plupart des eaux océaniques.

Les scientifiques espèrent collaborer l'année prochaine en vue de définir plus d'indicateurs océaniques quantitatifs qui serviront à classer l'état de santé de l'océan et de ses espèces marines, dans le cadre d'une approche écosystémique permanente de gestion. Pour ce faire, ils devront élaborer un ensemble d'outils et de produits pour informer les gestionnaires de ressources sur les répercussions et les options de gestion des activités humaines dans l'environnement marin. Des ateliers et des rapports subséquents sur l'état des océans rendront compte de l'élaboration continue des indicateurs relatifs aux écosystèmes.

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