Avis scientifique 2011/028
Évaluation du potentiel de rétablissement de la morue franche (Gadus morhua) de l’unité désignable du Sud laurentien
Sommaire
- L’UD de morue franche du Sud laurentien se compose de trois stocks ou unités de gestion : la morue du sud du Golfe Saint-Laurent (unité de gestion 4T-4Vn [nov.-avr.]), la morue résidente de 4Vn (4Vn [mai-oct.]) et la morue de l’est du plateau néo-écossais (4VsW). Jusqu’à récemment, le stock du sud du Golfe était le plus important.
- On a établi des projections à long terme pour les stocks du sud du Golfe et de l’est du plateau néo-écossais ainsi que pour l’ensemble de l’UD. Les conditions de productivité futures demeurent très incertaines. En conséquence, ces projections ne doivent pas être interprétées comme étant des prévisions de l’état futur du stock, car elles reposent sur des hypothèses concernant les futures productivité et mortalité par la pêche. On ignore la probabilité que les conditions actuelles se maintiennent pendant une longue période. Ces projections permettent l’analyse des conséquences de certaines hypothèses sur la productivité.
- Les projections sont illustrées à l’aide de la médiane ainsi que des 2,5 e et 97,5e percentiles. Toute la gamme d’incertitudes doit être prise en considération dans l’interprétation de ces projections.
Morue du sud du Golfe Saint-Laurent
- La population du sud du Golfe est à son niveau le plus bas des 61 années d’observation et est en déclin. L’abondance des morues matures de 2008 à 2010 est évaluée en moyenne à 37 % du niveau moyen constaté du milieu jusqu’à la fin des années 1990 et à 10 % du niveau moyen au milieu des années 1980.
- La mortalité naturelle chez les morues du sud du Golfe agées de 5 ans et plus (5+) est anormalement élevée, selon les estimations (en moyenne 0,66 de 1994 à 2010). La prédation par le phoque gris est considérée comme étant l’une des causes majeures de cette mortalité naturelle élevée.
- Actuellement, la plupart des autres paramètres de la productivité sont également faibles chez la morue du sud du Golfe. Le poids-à-l’âge a atteint un faible niveau à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et est demeuré faible depuis. Le taux de recrutement (recrues par unité de biomasse du stock reproducteur [BSR]) a été exceptionnellement élevé du milieu jusqu’à la fin des années 1970, mais a décliné pour atteindre un faible niveau dans les années 1990 et 2000, comparable à ceux des années 1950 et 1960. Il n’y a aucun signe d’augmentation compensatoire du taux de recrutement aux faibles niveaux récents de la BSR.
- Au cours de la pêche dirigée à la morue du sud du Golfe pratiquée à petite échelle en 2007 et en 2008, la mortalité par la pêche fut estimée à 0,11 pour les âges entièrement recrutés (9-10), soit une faible fraction de la mortalité naturelle mais quand même non durable étant donnée la productivité actuelle du stock. En raison de la fermeture de la pêche dirigée en 2009, la mortalité par la pêche chez les individus entièrement recrutés a chuté à 0,014, un niveau négligeable.
- On a établi un point de référence limite (PRL) pour la conservation à l’égard de la morue du sud du Golfe, en fonction de la BSR en deçà de laquelle la probabilité que le recrutement soit médiocre est élevée. Le PRL se situerait à 80 000 t. La BSR estimée est inférieure au PRL depuis 2003 et, au début de 2010, s’établissait à 39 500 t.
- La productivité du stock de morue du sud du Golfe est très faible depuis les 20 dernières années. Si ces conditions persistent, ce stock devrait poursuivre son déclin, même en l’absence de pêche. Dans de telles conditions, la probabilité d’atteinte du PRL est nulle.
- En 2009, à la suite de la fermeture de la pêche dirigée à la morue, la mortalité par la pêche chez la morue du sud du Golfe attribuable à des activités de surveillance scientifique et aux prises accessoires dans les pêches visant d’autres espèces se situait à un très faible niveau. L’effet de ce niveau de mortalité par la pêche sur la trajectoire démographique projetée et, par conséquent, sur la probabilité de survie de la population est négligeable. Par contre, une mortalité par la pêche aux niveaux estimés en 2007 et en 2008, alors qu’il y avait une pêche dirigée à la morue pratiquée à petite échelle, accélère le déclin projeté de la population et, de ce fait, réduit la probabilité de survie de la population.
- La seule autre avenue pour accroître les possibilités de rétablissement de la morue du sud du Golfe semble être une réduction du taux de mortalité naturelle chez les morues adultes (5+). Comme la prédation par les phoques semble représenter une part importante de cette mortalité, les prélèvements de phoques gris devraient réduire la mortalité naturelle. Des réductions sensibles de la mortalité naturelle devraient nécessiter le prélèvement d’un nombre important de phoques.
Morue de l’est du plateau néo-écossais (4VsW)
- La BSR de la morue de 4VsW a atteint le niveau le plus bas observé au cours de la série chronologique de 53 années en 2003, se situant à environ 7 500 t. Récemment, elle a connu une croissance rapide pour atteindre 64 000 t et se rapproche de la moyenne à long terme (75 000 t).
- La mortalité naturelle chez les morues de 4VsW âgées de 5 ans et plus (5+) était, selon les estimations, anormalement élevée dans les années 1990 et au début des années 2000 (culminant à environ 1,1), mais a décliné récemment pour s’établir à 0,36.
- Pour la morue de 4VsW, la plupart des autres paramètres de la productivité étaient à leurs valeurs les plus faibles de 1990 à 2000, puis se sont améliorés par la suite. Le poids–à-l’âge, la condition et le territoire occupé affichent tous des tendances semblables. Récemment, on a également observé des améliorations dans le taux de recrutement certaines années.
- Depuis la fermeture de la pêche dirigée en 1993, la mortalité par la pêche (âges 5-15) est, selon les estimations, de 0,035, ce qui correspond à une petite fraction de la mortalité naturelle. Plus récemment, la mortalité par la pêche a diminué davantage pour s’établir à environ 0,01, un niveau négligeable.
- On a établi un PRL pour la morue de 4VsW à 40 % de la biomasse du stock reproducteur au niveau du rendement maximal soutenu (RMS) pendant la période productive antérieure à 1990. Le PRL est évalué à 50 000 t. La BSR estimée est inférieure au PRL depuis 1992, sauf en 2009 où l’estimation était de 64 000 t, soit 25 % au-dessus du PRL.
- Si les conditions de productivité de 1994 à 2009 perdurent, les projections indiquent que la BSR de la population de 4VsW devrait décliner sous le PRL, puis se stabiliser à long terme à un niveau faible, même en l’absence de pêche. Les conditions de productivité se sont améliorées au cours des dernières années comparativement à la moyenne de celles utilisées dans les projections.
- Un niveau de prélèvement de morue de 4VsW équivalent aux prises accessoires depuis la fermeture de la pêche dirigée à la morue en 1993 n’a aucun effet décelable sur la probabilité de survie ou de rétablissement.
- La seule autre avenue pour améliorer les possibilités de rétablissement de la morue de 4VsW semble être une réduction du taux de mortalité naturelle chez les morues adultes (5+). La prédation par les phoques gris est considérée comme étant une cause importante de la mortalité naturelle, mais l’ampleur de sa contribution relative demeure inconnue. Même si l’on n’établit pas de degré de causalité, on a constaté que la population de phoques gris de l’île de Sable était inférieure à 50 000 individus lorsque la morue de 4VsW était productive; or, la taille actuelle du troupeau de l’île de Sable se situe à environ 300 000 individus, soit six fois plus importante.
Morue résidente de 4Vn
- Les prises provenant du stock résident de 4Vn (ci-après 4Vn), compris dans l’UD, ont décliné de 1985 jusqu’à la fermeture de la pêche, en septembre 1993. Présentement, les débarquements ont été limités aux prises accessoires uniquement, ce qui est très peu par rapport à la mortalité naturelle.
- Les relevés des pêches sentinelles menés par le MPO et l’industrie révèlent que l’abondance du stock de morue de 4Vn a décliné pour atteindre de faibles niveaux et qu’elle se situe présentement aux niveaux les plus bas observés ou près de ceux-ci.
- La mortalité naturelle était élevée récemment. Les causes probables de cette augmentation de la mortalité naturelle demeurent méconnues.
- Un PRL, défini par le niveau minimal de la BSR à partir de laquelle le stock a démontré une capacité de rétablissement, a été déterminé d’après la biomasse des individus matures estimée par les relevés effectués en juillet et extrapolés à toute la zone. Le PRL correspond à la période de 1973 à 1978, avec une valeur moyenne d’environ 8 400 t. Présentement (2004-2009), la biomasse se situe à environ 2 250 t, soit 25 % de la limite.
- Le recrutement a été à son maximum dans le stock de 4Vn de 1975 à 1988. Le taux de recrutement était faible au cours de la première partie de la série chronologique, mais s’est redressé depuis 1998.
Unité désignable (UD) du Sud laurentien
- Le stade de juvénile benthique (4‑35 cm de longueur) est la période du cycle biologique pendant laquelle la morue franche est la plus dépendante de l’habitat. La perturbation physique des caractéristiques structurales de l’habitat peut réduire sa qualité et accroître la mortalité chez les morues juvéniles. Les données disponibles n’ont pas la résolution spatiale nécessaire pour que l’on puisse évaluer la superficie d’habitat approprié disponible pour les morues juvéniles et déterminer si celui-ci a changé au cours des trois dernières générations, particulièrement au large. Cependant, rien n’indique que la superficie d’habitat disponible constitue présentement un facteur limitant le rétablissement de la morue dans cette UD.
- Au milieu des années 2000, les indices combinés des relevés de l’abondance et de la biomasse de la morue mature pour les trois stocks de l’UD du Sud laurentien étaient équivalents ou au-dessous des niveaux les plus bas observés antérieurement. Depuis, ces indices ont légèrement augmenté en raison de l’accroissement du stock de 4VsW.
- Les projections pour l’ensemble de l’UD peuvent être effectuées en combinant uniquement les stocks du sud du Golfe et de 4VsW. D’après les indices dérivés des relevés, ces deux stocks représentent plus de 90 % de l’ensemble des morues matures de l’UD. Selon les projections, l’abondance combinée des individus matures des stocks du sud du Golfe et de 4VsW devrait décliner si les conditions de productivité actuelles persistent. La probabilité de dépasser leur niveau d’abondance en individus matures 36 ans plus tôt (c.-à-d. la probabilité qu’il n’y ait aucun déclin sur 36 ans) est rapidement nulle selon cette projection.
Le présent avis scientifique fait suite à un processus de consultation scientifique zonal du Secrétariat canadien de consultation scientifique de Pêches et Océans Canada, qui a eu lieu du 21 au 25 février 2011 et qui portait sur l’évaluation du potentiel de rétablissement (EPR) de la morue franche. D’autres documents découlant de ce processus seront publiés, dès qu’ils seront disponibles, dans le répertoire des avis scientifiques du MPO.
Avis d’accessibilité
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