Avis scientifique 2014/011
État de la population de phoques du Groenland (Pagophilus groenlandicus) du Nord-Ouest de l'Atlantique
Sommaire
- Les phoques du Groenland du Nord-Ouest de l’Atlantique sont récoltés dans les eaux du Canada et du Groenland. Après avoir atteint un sommet de 355 000 captures déclarées en 2006, les captures de la chasse commerciale au Canada ont diminué pour atteindre 91 000 captures en 2013. Au Groenland, les captures annuelles ont oscillé entre 66 100 et 92 200 phoques depuis 2003. Les captures dans l’Arctique canadien demeurées faibles (< 1 000 individus). Les prélèvements additionnels comprennent les prises accessoires ainsi que les estimations d'animaux qui ont été tués, mais qui n'ont pas été retrouvés (abattus et perdus). Les prélèvements totaux annuels ont été de moins de 250 000 individus depuis 2009.
- Les femelles âgées de huit ans et plus (8 +) comptent pour environ 70 % de la production de petits. Les taux de gestation pour ces âges, qui étaient élevés durant les années 1960, ont décliné, particulièrement depuis le début des années 2000.
- Les phoques du Groenland ont besoin de la glace stable pour le repos, la mise bas et l’élevage des petits. L'étendue annuelle de la couverture de glace dans le Canada atlantique a varié considérablement au cours des 44 dernières années, particulièrement dans le golfe du Saint-Laurent (le « Golfe ») où l'ensemble de la couverture de glace a diminué. Une estimation de la mortalité des jeunes de l'année due à de mauvaises conditions de glace a été intégrée dans l'évaluation. Si la fréquence des hivers avec de mauvaises conditions de glace observés durant la dernière décennie se maintient ou augmente, la reproduction dans le sud du Golfe sera nettement réduite ou cessera.
- Des relevés aériens photographiques et visuels effectués dans le Golfe, le détroit de Belle Isle et au large de Terre-Neuve (Front) entre le 27 février et le 16 mars 2012 ont permis d'estimer la production de petits à 115 500 (ET = 15 000), 74 100 (ET = 12 400) et 601 400 (ET = 66 900), respectivement. La combinaison de ces estimations a permis d'estimer la production totale de petits à 790 000 (ET = 69 700, CV = 8,8 %). Cette estimation est significativement inférieure à celle de 2008, en partie en raison des taux de reproduction plus faibles.
- Le modèle d'évaluation de la population a utilisé comme données d'entrée la série chronologique des estimations de production de petits, y compris l'estimation pour 2012, ainsi que les taux de reproduction, les estimations de la mortalité causée par les glaces et les renseignements concernant la récolte jusqu'en 2013. Le modèle a estimé la production de petits en 2012 à 929 000 (ET = 148 000) et la population totale à 7 445 000 phoques (ET = 698 000). La projection du modèle pour 2014 donne une estimation de la production de petits égale à 853 000 (ET = 202 000) et une population totale égale à 7 411 000 phoques (ET = 656 000). La population semble être relativement stable avec peu de changements dans l'abondance depuis 2004.
- La Stratégie de gestion du phoque de l’Atlantique détermine trois niveaux de référence fondés sur la population maximale observée, que l'on appelle Nmax. Le premier niveau de référence est un niveau de précaution, appelé N70 , fixé à 70 % du Nmax. Un niveau sécondaire de précaution, appelé N50, est fixé à 50 % du Nmax, et un niveau de référence de limite critique, appelé N30, est fixé à 30 % du Nmax. Selon le modèle actuel, on a estimé Nmax à 7,8 millions, N70 à 5,5 millions, N50 à 3,9 millions et N30 à 2,3 millions d'individus.
- En supposant que la récolte du Groenland, les taux de reproduction (moyenne de 0,34) et la mortalité causée par les glaces demeurent à l'intérieur de la plage des valeurs observées au cours des 5 dernières années, des prélèvements de 125 000, 100 000, et 75 000 individus composés à 95 %, 90 % et 70 % de jeunes de l'année, respectivement, résulteraient en une probabilité de 80 % de rester au-dessus de N70. On estime que des prélèvements de 250 000, 225 000 et 150 000 phoques composés respectivement à 95 %, 90 % et 70 % de jeunes de l'année auraient une probabilité de 80 % de rester au-dessus de N50.
- En supposant un prélèvement composé à 95 % de jeunes de l'année et des taux de reproduction similaires à ceux observés au cours des 5 dernières années, les probabilités que la population décline sous N70, avec des récoltes de 300 000, 400 000, 500 000 et 600 000 individus seraient de 0,68, 0,91, 0,98 et 1, respectivement. Les probabilités que des prises similaires entraînent un déclin de la population en dessous de N50 seraient de 0,29, 0,6, 0,85 et 0,96 respectivement. La probabilité que la population décline en dessous de ces seuils serait plus grande si la proportion des jeunes dans les prises diminuait à 90 % ou à 70 %.
- En supposant que le prélèvement du Groenland, les taux de reproduction (moyenne de 0,48) et la mortalité causée par les glaces demeurent à l'intérieur de la plage des valeurs observées au cours des 10 dernières années, des récoltes de 325 000, 275 000 et 175 000 individus aboutiraient à une probabilité de 80 % que la population reste au-dessus de N70, pour une proportion de jeunes de l'année dans les prélèvements de 95 %, 90 % et 70 % respectivement. Des prélèvements de 450 000, 375 000 et 225 000 individus aboutiraient à une probabilité de 80 % de respecter N50, en supposant que les proportions des jeunes de l'année dans les prélèvements soient de 95 %, 90 % et 70 %.
- Étant donné les taux de reproduction observés au cours des 10 dernières années et des prélèvements composés à 95 % de jeunes de l'année, les probabilités que des prélèvements de 300 000, 400 000, 500 000 et 600 000 individus entraînent un déclin de la population en dessous de N70 étaient de 0,16, 0,35, 0,59 et 0,80, respectivement. Les probabilités que la population décline en dessous de N50 étaient de 0,04, 0,11, 0,28 et 0,49. Des prélèvements comprenant une moindre proportion de jeunes de l'année auraient des probabilités plus faibles de maintenir la population au-dessus des niveaux de référence respectifs.
- En supposant une approche similaire pour l'incorporation d'un degré d'incertitude dans les estimations de la population, des niveaux de prélèvement fixés en fonction de N50 augmentaient le risque de tomber dans la zone critique lorsque l'on utilisait l'approche actuelle constistant à utiliser N70. En règle générale, il est probable que le risque de tomber en dessous des seuils de précaution (N70 et N50) et, par la suite, en dessous de la limite critique (N30) est sous-estimé. Par exemple, si les taux de reproduction futurs sont davantage semblables aux taux observés au cours des 5 dernières années, un niveau de prélèvement fondé sur une hypothèse prenant en compte la moyenne des taux sur 10 ans entraînerait une surexploitation de 40 à 50 %.
- L’état de la population de phoques du Groenland est évalué tous les 4 à 5 ans en même temps qu'est réalisée une nouvelle estimation de la production de petits. Puisque les prélèvements ciblent les jeunes de l'année et que les femelles ne sont pas totalement recrutées avant l’âge de 8 à 10 ans, un déclin de la production de petits résultant de taux d'exploitation très élevés ou d'une mortalité inhabituelle ne sera pas détecté avant au minimum 10 à 15 ans. La fixation d'un taux de prélèvement fondé sur N50 entraînera un risque plus élevé que la population tombe dans la zone critique avant qu'un tel déclin ne soit détecté.
- Les taux de reproduction des femelles sont en déclin depuis les années 1980 en raison de l'augmentation de la taille de la population et de l'augmentation du nombre d’avortements tardifs. Le taux d’avortements semble être influencé par la disponibilité des proies et les conditions de glace, soit par une influence directe sur l'habitat pour la mise bas soit par une influence indirecte des autres changements écosystémiques. On prévoit que ces changements écosystémiques se poursuivront. Par conséquent, il est probable que les taux de reproduction resteront bas.
- Plusieurs facteurs doivent être surveillés afin de déterminer si un TAC pluriannuel devrait être réévalué. En général, d’importants changements dans n’importe quelle hypothèse principale utilisée dans le cadre des projections devraient déclencher le besoin de procéder à une nouvelle analyse, l’élément le plus important concernant les taux de reproduction annuels. Des changements importants dans la structure selon l’âge de la récolte ou la mortalité, particulièrement en ce qui concerne la récolte du Groenland ou la mortalité des petits associée aux mauvaises conditions de glace, devraient également mener à une nouvelle analyse.
Le présent avis scientifique découle de la réunion annuelle du Comité national d’examen par les pairs sur les mammifères marins (CNEPMM) qui s'est tenue du 7 au 11 octobre 2013. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu'elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO).
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