Avis scientifique 2016/034
Évaluation du potentiel de rétablissement de la merluche blanche (Urophycis tenuis) : population du sud du golfe du Saint-Laurent
Sommaire
Caractéristiques biologiques, abondance, aire de répartition et paramètres du cycle biologique
- En novembre 2013, le COSEPAC a désigné la merluche blanche de l'unité désignable (UD) du sud du golfe du Saint-Laurent (SGSL) comme étant une espèce en voie de disparition. Les indices d'abondance des géniteurs issus des relevés par navire scientifique indiquent un déclin de plus de 90 % entre 1985 et 2014 (environ trois générations). La majeure partie du déclin s’est manifestée durant la période 1985 à 1996 mais il s'est poursuivi depuis mais à un taux anéanti. Les indices des juvéniles avaient tendance à être plus élevés entre 1985 et 1992 par rapport à depuis 1993, quoique des niveaux d’abondance aussi élevés ou supérieurs ont été notés dans les années récentes.
- Les indices d’âges-agrégés des relevés des pêches sentinelles au chalut de fond et à la palangre démontrent une diminution importante de la biomasse durant la décennie de 2000, avec les indices des dernières années aux plus bas niveaux de la série chronologique.
- La biomasse de stock reproducteur (BSR) estimée a brusquement chuté à la fin des années 1980 et au début des années 1990. La BSR estimée atteignait en moyenne 52 848 tonnes de 1978 à 1982 et 6 516 tonnes de 2009 à 2013, un déclin de 88 %. La valeur de la BSR estimée en 2013 de 3 844 tonnes était la plus basse dans la série chronologique et représente une baisse de 93 % par rapport à la fin des années 1970 et au début des années 1980. En revanche, les estimations des abondances et des biomasses des juvéniles ont fluctué sans afficher de tendance au cours de la série chronologique de 36 ans.
- La zone occupée par les adultes a atteint un sommet à environ 25 000 km² au début des années 1980, pour ensuite diminuer à environ 5 000 km² au cours des dernières années, soit une baisse de l’ordre de 70 % par rapport à la fin des années 1980. La zone occupée par les juvéniles est demeurée relativement stable autour de 10 000 km², à l'exception d'une augmentation temporaire entre le milieu des années 1980 et au début des années 1990.
- En été, la merluche blanche est généralement répartie dans les eaux côtières à des profondeurs inférieures à 50 mètres et au large à des profondeurs supérieures à 100 mètres. Le pourcentage de merluches présentes dans les eaux côtières peu profondes était de 68 % dans les années 1970, de 45 % à 50 % dans les années 1980 et 1990, et de 6 % dans les années 2000. On pense que ce changement de la répartition au large des côtes découle du risque accru de prédation par les phoques gris dans les eaux côtières.
- On sait que le frai a lieu dans les eaux côtières en été, et on croit qu'il a lieu au large des côtes en fin hiver et début printemps. Une frayère côtière n'est plus utilisée depuis la fin des années 1990. Avec la quasi-absence de la merluche adulte dans les eaux côtières, il pourrait y avoir des pertes additionnelles de frayères dans les eaux côtières.
- Une contraction spectaculaire de la composition selon l'âge de cette population de la merluche blanche a lieu depuis 1971. On observait couramment des poissons âgés de 10 ans ou plus dans les prises durant les relevés par navire scientifique dans les années 1970 et 1980, mais on n'a observé aucune merluche de plus de 7 ans dans le relevé depuis 1998.
Menaces et facteurs limitatifs liés à la survie et au rétablissement de la merluche blanche
- Il n’y a eu aucune pêche dirigée sur la merluche blanche depuis 1995. Les prises accessoires dans les pêches commerciales ciblant les autres espèces de poissons de fonds ont diminué à de très faibles niveaux, en moyenne 18 t annuellement dans la division 4T de l’OPANO durant les années de 2010 à 2013. Le taux instantané de mortalité par pêche (F) estimé avec un modèle de population est en moyenne 0,002 pour les merluches d’âges 4 à 5 et de 0,033 pour celles d’âges 6+ durant 2010 à 2013.
- Au cours des vingt dernières années, la principale source de mortalité de la merluche blanche est la mortalité naturelle (M). Pour les juvéniles (âgés de deux et trois ans), la valeur M estimée a augmenté, passant de 0,60 en 1978 à 1,36 en 2013 (équivalent à une mortalité de 45 % à 75 % par année). Pour les poissons plus âgés, les augmentations de la valeur M étaient encore plus extrêmes, de 0,4 en 1978 à une valeur moyenne de 2,05 depuis 2000 pour les poissons âgés de 4 à 5 ans (de 33 % à 87 % par année), et de 0,32 à 1,51 (de 27 % à 78 % par année) pour les poissons âgés de 6 ans et plus.
- L’augmentation de la mortalité naturelle à des niveaux extrêmes a aussi été observée chez d'autres grands poissons de fond de taille adulte (la morue franche, la plie canadienne, la raie épineuse, la raie tachetée) dans l'écosystème du sud du golfe du Saint-Laurent. Selon l’examen des données probantes, l’augmentation de l'abondance du phoque gris, un prédateur important de ces poissons, serait en cause des taux élevés de mortalité naturelle.
- Le recrutement demeure fort au sein de cette population de merluche blanche, malgré une très faible biomasse du stock reproducteur. Ceci est conséquent des taux de recrutement élevés (recrues par unité de la BSR) au cours des 20 dernières années.
Objectifs de rétablissement
- Un objectif de rétablissement pour l’abondance est proposé qui correspond à une augmentation soutenue de la BSR à un niveau égal ou supérieur à 40 % de la BSR qui génère la production excédentaire maximale. De plus, le rétablissement de cette population nécessiterait une expansion de la structure d'âge du stock d'adultes telle que caractérisée par des proportions substantielles de merluches âgées de sept ans et plus comme en était le cas dans les années antérieures à 1985.
- L'estimation de la BSR pour l'année la plus récente, 2013, est d'environ 30 % de l'objectif de rétablissement d'abondance avec aucune chance qu'elle soit égale ou supérieure à cet objectif. Les estimations des BSRs ont été inférieures à l'objectif d'abondance depuis 1995.
- Le retour de la merluche dans les eaux côtières du sud du golfe du Saint-Laurent, les zones où elle était majoritairement présente en été dans les années 1970 à 1990, est proposé en tant qu'objectif de répartition pour le rétablissement.
- La principale menace et le plus important facteur limitatif pour le rétablissement de cette population est le taux excessivement élevé de mortalité due à des causes autres que la pêche (M).
Projections
- Les projections ont indiqué que les déclins continus de la BSR et de l'abondance des adultes vont persister dans les conditions actuelles. La probabilité d'atteindre l'objectif de rétablissement dans les conditions actuelles est de zéro, même sans pêche. Les projections indiquent qu’il y a une probabilité de disparition de 5 % dans environ 45 à 50 ans. Après 60 ans, la probabilité de disparition est de 19% ou 38% selon l’approche utilisée pour prédire le recrutement. Un niveau de F pour les âges entièrement recrutés (6 and et plus) de 0,24, le niveau observé le plus élevé depuis l’an 2000, ne modifiait pas de façon perceptible la trajectoire d’abondance de la population.
- Le taux de recrutement est resté élevé durant les 20 dernières années. Sous cette condition, la probabilité d’atteindre l’objectif de rétablissement d’abondance est estimée à 27 % en 30 ans si le taux de mortalité naturelle (M) était réduit de 20 %. La probabilité augmenterait à 95 % en 30 ans si M était réduit de 30 %, et si M était réduit de 40%, il y aurait 51 % de probabilité d’atteindre l’objectif en seulement 6 ans.
- Si les taux de recrutement retournaient aux faibles niveaux observés durant la période 1978 à 1994, il faudrait une réduction de 60 % de la valeur M pour que la BSR augmente à un niveau supérieur de l'objectif de rétablissement. La probabilité d’atteindre cet objectif est de 77 % après 30 ans.
Évaluation des dommages admissibles
- Les activités de pêche entraînent une mortalité continue de la merluche blanche. Les conséquences des taux de mortalité par pêche actuels (F = 0,04 pour âges 6+) et récents (F = 0,24 pour âges 6+) sur les projections de population sont négligeables en raison des taux de mortalité naturelle extrêmement élevés sur la merluche adulte au sein de cette population.
Le présent avis scientifique découle de la réunion du 14 au 16 janvier 2015 qui sur l'Évaluation du potentiel de rétablissement : merluche blanche (Urophycis tenuis), population du sud du golfe du Saint-Laurent et population de l’atlantique et du nord du golfe du Saint-Laurent. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu'elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO).
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