Avis scientifique 2016/059
Évaluation du potentiel de rétablissement de la raie tachetée (Leucoraja ocellata) : population du golfe du Saint-Laurent
Sommaire
Caractéristiques biologiques, abondance, aire de répartition et paramètres du cycle biologique
- La raie tachetée est une espèce endémique des eaux du plateau continental de l’Atlantique Nord-Ouest. Dans le golfe du Saint-Laurent, l’UD est caractérisée par la maturation à un âge beaucoup précoce, et les individus de cette espèce sont de plus faible taille qu’à d’autres endroits.
- Le type de raie tachetée affichant une maturation précoce, qui est caractéristique de l’UD du golfe du Saint-Laurent, ne semble pas être présent dans le nord du golfe du Saint-Laurent. L’évaluation du potentiel de rétablissement considère que l’UD du golfe du Saint-Laurent est limitée à la division 4T de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO). Au sein de la division 4T, la raie tachetée semble être en grande partie confinée au sud du golfe du Saint-Laurent, bien qu’elle ait été signalée à quelques reprises dans l’estuaire du Saint-Laurent.
- Selon les prises effectuées lors du relevé annuel de septembre par navire de recherche (NR), l’abondance de raies tachetées adultes (≥ 42 cm de longueur totale) a connu un déclin de 99 % depuis 1982.
- Selon ce relevé, l’indice de la biomasse obtenu pour la raie tachetée, toutes tailles confondues, a connu un déclin de l’ordre de 99 %, selon les estimations, entre 1980 et 2014 (35 années, trois générations). L’indice de la biomasse dérivé du relevé du détroit de Northumberland (DN), disponible depuis 2000, a diminué de 78 % sur 15 ans.
- L’abondance des adultes estimée d’après un modèle de la population était élevée dans les années 1970, affichant une moyenne de 7,7 millions de poissons, mais a décliné à son niveau le plus bas jamais enregistré en 2014, à 0,2 million de poissons, soit 3 % du niveau moyen dans les années 1970.
- Il y a eu une contraction importante dans la répartition par taille des raies tachetées adultes : la proportion moyenne d’adultes mesurant plus de 50 cm de longueur, qui était de 72 % dans les années 1970, a chuté à 45 % de 1995 à 2010.
- Les estimations de la mortalité naturelle (M) d’après un modèle structuré par âge montrent qu’il y a eu une augmentation importante de la mortalité naturelle des adultes, qui est passée d’une valeur médiane de 10 % annuellement entre 1971 et 1977 à une valeur médiane de 63 % annuellement entre 1992 et 1998, et qui est demeurée élevée à un taux de 57 % depuis 1999.
- Les taux de recrutement de la raie tachetée ont fluctué, n’affichant pas de tendance particulière et se situant à une moyenne de 10,4 recrues par femelle reproductrice. La mortalité naturelle des juvéniles a également fluctué, sans afficher de tendance, autour d’une valeur moyenne de 57,6 % chaque année.
Exigences relatives à l’habitat et à la résidence
- Durant l’été, les raies tachetées adultes étaient largement réparties dans les eaux côtières peu profondes (< 50 m) du sud du golfe du Saint-Laurent durant les années 1970 et 1980, mais leur aire de répartition géographique s’est contractée à partir de la fin des années 1980. En ce qui concerne les adultes, l’habitat occupé en été a décliné d’environ 94 %. Durant l’hiver, les raies tachetées adultes sont largement réparties sur le Plateau madelinien et la pente du chenal Laurentien (environ 40 à 200 m); cependant, nous ne disposons pas d’information sur des changements possibles de l’aire de répartition hivernale au fil du temps.
- La répartition de la raie tachetée durant l’été est maintenant limitée à la partie ouest du centre du détroit de Northumberland, la seule zone importante où la raie tachetée est maintenant détectable dans le sud du golfe du Saint-Laurent.
Menaces et facteurs limitants liés à la survie et au rétablissement de la raie tachetée
- Aucune pêche dirigée de la raie n’est pratiquée dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Cependant, les raies, y compris la raie tachetée, sont capturées de façon accidentelle dans le cadre de pêches commerciales visant d’autres espèces. À l’heure actuelle, toutes les prises accessoires de raies doivent être remises à l’eau.
- La mortalité par pêche estimée des juvéniles s’établit à moins de 0,1 % annuellement depuis 1971, affichant une moyenne annuelle de 0,006 % sur les cinq dernières années. Pour ce qui est des adultes, la mortalité par pêche estimée a décliné, passant de seulement 1,8 % en moyenne par année entre 1971 et 1993 à 0,1 % en moyenne depuis 2011.
- Le taux de mortalité naturelle élevée des adultes est la principale cause du déclin continu de l’abondance de cette espèce dans cette UD. Le poids de la preuve appuie l’hypothèse selon laquelle la prédation par le phoque gris serait le facteur qui contribue le plus à cette mortalité naturelle élevée des adultes.
- La répartition estivale de la raie tachetée est maintenant concentrée dans une petite zone côtière du détroit de Northumberland, où le risque de prédation semble être relativement faible. Cette zone pourrait donc, à l’heure actuelle, constituer un refuge pour la raie tachetée.
Objectifs de rétablissement
- Les objectifs de rétablissement possibles concernant la survie, la structure par taille, la répartition et l’abondance de la raie tachetée sont proposés. L’objectif en matière de survie est défini comme étant le taux de croissance intrinsèque de la population (r) ou un équivalent en termes de mortalité naturelle (M). En terme de M, la population devrait s’accroître, et le risque de disparition deviendrait négligeable si la mortalité naturelle actuelle des adultes (M = 0,85, 57 % chaque année) était réduite de 80 % (c.-à-d., à M = 0,17, 16 % chaque année).
- Les objectifs en matière de structure par taille, de répartition et d’abondance ne peuvent pas être atteints tant que la mortalité naturelle des raies tachetées adultes n’est pas réduite de façon importante.
Prévisions
- Si l’on présume que les conditions actuelles de la productivité perdurent, et même sans aucune perte liée à la pêche, la population de raies tachetées devrait continuer à décliner rapidement, et il est presque certain qu’elle disparaîtra d’ici le milieu du siècle.
Scénarios des mesures d’atténuation et des solutions de rechange
- L’absence de rétablissement et le déclin continu de la raie tachetée du sud du golfe du Saint-Laurent sont dus à une mortalité naturelle (M) excessivement élevée chez les raies adultes. Si ce taux élevé de M se maintient, toutes les mesures supplémentaires visant à réduire davantage une mortalité par pêche d’ores et déjà faible seront inefficaces en ce qui concerne la promotion du rétablissement et la réduction du risque élevé de disparition. Seules les mesures permettant de réduire le taux de mortalité naturelle élevé chez les adultes sont susceptibles d’être efficaces dans la diminution du risque de disparition. La diminution de la prédation des raies tachetées par le phoque gris devrait permettre de réduire la mortalité naturelle chez les adultes.
- Voici quelques-unes des mesures d’atténuation possibles pour réduire les dommages causés à la raie tachetée du fait de la pêche : interdiction prolongée de rétention d’un individu d’une espèce de raie, priorité donnée au tri et au rejet rapides des prises pour améliorer les taux de survie postérieurs aux prises et diminution de l’effort de pêche dans les zones où le risque d’intercepter des raies tachetées est le plus élevé, et aux moments où ce risque est présent.
Évaluation des dommages admissibles
- La perte de raies tachetées juvéniles et adultes en raison de la pêche a été estimée à une moyenne de 0,006 % à 0,1 %, respectivement, au cours des cinq dernières années. Si l’on se fonde sur les prévisions, des pertes liées à la pêche à ces niveaux devraient avoir des conséquences négligeables sur la trajectoire de la population, la probabilité de rétablissement et le risque de disparition.
Le présent avis scientifique découle de la réunion qui s’est déroulée du 19 au 21 janvier 2016 et qui portait sur l’évaluation du potentiel de rétablissement : la raie tachetée (Leucoraja ocellata), population du golfe du Saint-Laurent et population de de l'est du plateau néo-écossais et de Terre-Neuve. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques du secteur des Sciences de Pêches et Océans Canada (MPO).
Avis d’accessibilité
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