Avis scientifique 2017/014
Évaluation du potentiel de rétablissement de la raie tachetée (Leucoraja ocellata) : population de l'est du plateau néo-écossais et de Terre-Neuve
Sommaire
Caractéristiques biologiques, abondance, aire de répartition et paramètres du cycle biologique
- En 2015, le COSEPAC a passé en revue la structure de la population de raie tachetée de l'est du plateau néo-écossais et de Terre-Neuve (EPNETN) afin d'inclure l'ancienne population de l'est du plateau néo-écossais et la partie de Terre-Neuve de la population du nord du golfe du Saint-Laurent. Cette nouvelle population de l'unité désignable (UD) de l'EPNETN a été évaluée comme étant en voie de disparition, en raison de la réduction de son abondance d'environ 98 % depuis le début des années 1970 et d'une diminution de son aire de répartition.
- La raie tachetée de l'UD de l'EPNETN atteint la maturité à un âge et une taille plus grande que la raie tachetée de l'UD du golfe du Saint-Laurent (GSL), mais à des tailles et des âges semblables à ceux des populations de raie tachetée ailleurs sur la côte est de l'Amérique du Nord.
- La superficie de l'UD de l'EPNETN comprend les divisions 3LNOP et 4VW de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO), et la majorité des raies tachetées se trouvent dans les divisions 4VW.
- D'après les relevés de recherche annuels du MPO propres à une zone, les indices de biomasse de raie tachetée (toutes tailles) ont diminué de 90 % dans les divisions 3LNOP et de 92 % dans les divisions 4VW, entre 1996 et 2014. Dans les divisions 4VW, le déclin observé a commencé en 1970, avec une diminution de 99 % entre 1970 et 2014.
- Les indices de biomasse estimés pour tous les groupes de taille de cette UD indiquent une diminution de 98 %, passant d'une valeur maximale de 48,6 kt en 1970 à 1,2 kt en 2015.
- La raie tachetée de l'est du plateau néo-écossais était largement répartie dans les eaux du plateau à des profondeurs de moins de 110 m et dans les bancs extracôtiers, avec des concentrations sur banc du Milieu, du banc de l'île de Sable et le banc Banquereau dans les années 1970 et 1980. Au début des années 1990, l'aire de répartition s'est modifiée, passant de la zone de l'île de Sable aux bords de l'est du plateau néo-écossais. La superficie moyenne occupée a diminué, passant de 15 000 km² dans les années 1980 à environ 4 000 km² en 2010 (une diminution de 74 %).
- En ce qui concerne la raie tachetée dans les divisions 4VW, la mortalité naturelle (M) estimée pour les adultes (plus de 75 cm) était faible (entre 10,5 % et 18,1 % par année) au cours de la période 1970 à 1990 et a augmenté à 36 % depuis 1998. Cette population avait un taux intrinsèque de croissance négatif depuis 2005, c'est-à-dire que le stock ne s'est pas remplacé de lui-même.
Menaces et facteurs limitants liés à la survie et au rétablissement de la raie tachetée
- La raie tachetée de l'UD de l'EPNETN ne fait pas l'objet de pêches dirigées. Dans cette UD, les individus de raie tachetée sont capturés accidentellement dans le cadre de nombreuses pêches à engins fixes et mobiles, notamment celles du poisson de fond, de la raie épineuse (principalement dans la sous-division 3Ps), de la crevette, du pétoncle et de la mactre d'Amérique. Cependant, la mortalité par pêche ne semble actuellement pas représenter un facteur limitant la survie et le rétablissement de la raie tachetée.
- Les individus de raie tachetée peuvent seulement être conservés dans le cadre des pêches du poisson de fond, mais ils sont habituellement remis à l'eau. D'après la faible couverture par des observateurs en mer (entre 0 % et 7 % par année), les estimations de rejets annuels pour ces pêches variaient de 0 à 63 t dans les divisions 3LNOP et de 29 à 93 t dans les divisions 4VW pour la période 2005 à 2013.
- D'après les estimations de débarquements, de rejets, et des taux de survie après rejet, les taux d'exploitation estimés au cours de la période 1970 à 2015 dans les divisions 4VW étaient de 4 % pour les juvéniles, de 11 % pour les grands juvéniles et de 17 % pour les adultes. Les taux d'exploitation entre 2011 et 2015 s'élevaient à 1,3 % pour les juvéniles, à 0,6 % pour les grands juvéniles et à 0,41 % pour les adultes.
- L'habitat ne constitue pas un facteur limitant pour la survie et le rétablissement de la raie tachetée dans l'UD de l'EPNETN. Il n'existe aucune menace anthropique connue ayant occasionné une baisse de la quantité et de la qualité de l'habitat de cette population.
- Le risque de disparition de la population de l'UD de l'EPNETN a considérablement augmenté depuis la dernière évaluation réalisée par le COSEPAC pour la raie tachetée en 2005. À l'échelle de l'UD, l'estimation de la biomasse a chuté de 98 % au cours de la période 1970 à 2015. Pour les divisions 4VW de l'UD, l'abondance des adultes a chuté de 99 % durant la même période. Malgré la fermeture de la pêche dirigée de la raie dans les divisions 4VW et la réduction des prises accessoires de raies dans le cadre d'autres pêches, l'abondance des adultes dans les divisions 4VW a diminué de 76 % durant la période 2005 à 2015. On prévoit que ce nombre continuera de diminuer, même s'il n'y a pas de prises. La mortalité naturelle élevée, telle qu’estimée, est le plus important facteur limitant mettant cette population à risque d'extinction.
- La prédation par les phoques gris est une cause possible du taux élevé de la mortalité naturelle de la raie tachetée dans les divisions 4VW. D'autres prédateurs, comme les grands requins, peuvent constituer une autre cause de la mortalité élevée. Toutefois, l'abondance de grands requins semble avoir diminué à des niveaux très bas dans l'Atlantique Nord-Ouest.
Objectifs de rétablissement
- Certaines caractéristiques du cycle biologique de la raie tachetée, soit la croissance lente, la maturité sexuelle tardive et le développement embryonnaire prolongé, entraînent un faible taux d'accroissement de la population, une diminution de la résilience et peu de possibilités de rétablissement après des déclins importants, tels que ceux causés par la pêche ou d'autres causes.
- Les objectifs de rétablissement possibles concernant la survie, la structure par taille, la répartition et l'abondance de la raie tachetée sont proposés. L'objectif en matière de survie est défini par un taux intrinsèque de croissance de la population (r) ou par une équivalence fondée sur le taux de mortalité naturelle (M). En ce qui concerne la mortalité naturelle des adultes, la population devrait augmenter et son risque d'extinction deviendrait négligeable si la mortalité naturelle actuelle (36 % par année) était réduite de 50 % (18 % par année).
- Les objectifs proposés en matière de structure par taille, de répartition et d'abondance ne peuvent pas être atteints tant que le taux élevé de la mortalité naturelle des raies tachetées adultes n'est pas réduit de façon importante.
Projections
- Les résultats de la modélisation révèlent que l'UD de l'EPNETN de la raie tachetée n'est pas viable dans les conditions actuelles, principalement en raison de l'augmentation de la mortalité naturelle chez les adultes à des niveaux beaucoup trop élevés. Si les conditions de productivité observées entre 2005 et 2015 persistent, cette population devrait disparaître, même en l’absence de de pertes attribuables à la pêche.
- À la lumière des conditions actuelles de productivité, l’abondance dans les divisions 4VW de cette UD devrait continuer à diminuer rapidement, avec une probabilité de 58 % de baisser en dessous de 50 t (un indicateur d'extinction) d'ici 2040, même en l’absence de pertes attribuables à la pêche.
Scénarios des mesures d’atténuation et des solutions de rechange
- L'absence de rétablissement et le déclin continu de la raie tachetée dans l'UD de l'EPNETN sont attribuables à la mortalité naturelle élevée chez les adultes. Si cette mortalité naturelle élevée se maintient, toutes les mesures supplémentaires visant à réduire encore davantage la faible mortalité par pêche seront inefficaces en ce qui concerne la promotion du rétablissement et la réduction du risque élevé de disparition.
- Des mesures possibles pour réduire les pertes de raies tachetées liées aux pêches du pétoncle, du poisson de fond et de la crevette sont fournies.
Évaluation des dommages admissibles
- Même sans pertes liées à la pêche (provenant de la conservation et de la remise à l'eau), il existe une probabilité supérieure à 50 % que la disparition de l'UD de l'EPNETN de la raie tachetée survienne d'ici 25 ans si les conditions de productivité de la période 2005 à 2015 persistent. Selon les taux d'exploitation estimés pour 2011 à 2015, il n'y aurait pas d'incidence notable sur l'évolution prévue de la population; toutefois, il y aurait une petite augmentation de la probabilité de disparition (de 58 % à 65 %) d'ici 2040.
- Les résultats étaient semblables pour les divisions 4VW de l'UD, en fonction d'un modèle structuré par stade. Si les conditions actuelles persistent, la probabilité que la biomasse des adultes diminue en dessous de 50 t (un indicateur d'extinction) d'ici 2040 est estimée à 58 % s'il n'y a aucune prise, et à 62 % selon les taux d'exploitation de la pêche de 2011 à 2015.
Le présent avis scientifique découle de la réunion du 19 au 21 janvier 2016 sur l’Évaluation du potentiel de rétablissement : la raie tachetée (Leucoraja ocellata), population du golfe du Saint‑Laurent et population de l'est du plateau néo-écossais et de Terre-Neuve. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques du secteur des Sciences de Pêches et Océans Canada (MPO).
Avis d’accessibilité
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