Avis scientifique 2019/055
Examen de la documentation scientifique existante sur la mortalité des poissons et ses répercussions sur la population à la centrale hydroélectrique marémotrice d’Annapolis, Annapolis Royal (Nouvelle-Écosse)
Sommaire
- L’objet de ce processus consultatif était de fournir un sommaire et une évaluation de la documentation scientifique sur la mortalité des poissons à la centrale marémotrice d’Annapolis (centrale d’Annapolis) et les effets de cette mortalité sur les populations.
- La recherche à la centrale d’Annapolis est ancienne. La plus récente étude sur le terrain réalisée à la centrale et relevée au cours de cet examen remonte à 1999. L’évaluation la plus récente de l’évolution des caractéristiques du cycle biologique de l’alose savoureuse a eu lieu en 1996.
- Une communauté de poissons diversifiée est présente à la centrale d’Annapolis. Au moins quarante espèces ont été capturées dans le cadre d’études menées à la centrale ou à proximité. On ne connaît pas l’abondance de chaque espèce, mais d’après l’échantillonnage effectué dans les années 1990, le nombre de poissons qui franchissent le pont-jetée chaque année devrait se chiffrer en les bas millions. Bon nombre de ces poissons sont de petite taille, y compris des capucettes, ainsi que des jeunes de l’année du hareng atlantique, de l’alose d’été, du gaspareau et de l’alose savoureuse.
- Les espèces les plus prioritaires pour déterminer les effets sur la population sont celles qui sont désignées par le COSEPAC comme étant disparues du pays, en voie de disparition, menacées ou préoccupantes, et celles qui soutiennent des pêches commerciales, récréatives et autochtones (CRA) pour lesquelles l’effet prévu sur la population, d’après une évaluation qualitative du risque associé au franchissement de la centrale d’Annapolis, est une diminution de l’abondance supérieure à 10 %.
- Huit espèces de la rivière Annapolis et de l’estuaire ont été désignées comme étant disparues du pays, en voie de disparition, menacées ou préoccupantes par le COSEPAC : l’anguille d’Amérique, le saumon atlantique, l’esturgeon noir, le loup atlantique, la merluche blanche (à Annapolis, le merlu n’était généralement pas identifié au niveau de l’espèce), la lompe, l’aiguillat commun et le bar rayé. Parmi ces espèces, seul le loup atlantique figure sur la liste de la Loi sur les espèces en péril, mais les décisions d’inscription d’autres espèces sont en attente.
- Le risque a aussi été évalué comme une diminution de l’abondance >10 % pour d’autres espèces qui soutiennent des pêches CRA : gaspareau, alose savoureuse, alose tyran, alose d’été et éperlan arc-en-ciel.
- Il existe des preuves de la mortalité de poissons à la centrale d’Annapolis, notamment : des rapports anecdotiques de poissons morts (avec des blessures compatibles avec le passage dans la turbine) à proximité de la centrale d’Annapolis, des observations de poissons morts en aval de la turbine et des recherches in situ sur la survie des poissons franchissant la turbine.
- Les poissons se déplaçant vers l’aval de la centrale d’Annapolis peuvent emprunter trois voies de passage : la nouvelle passe migratoire, l’ancienne passe migratoire et le tube de la turbine. Les études sur l’utilisation des passes migratoires se limitent à l’été et à l’automne. Elles ne portent pas sur les poissons plus gros non susceptibles d’être capturés dans des filets d’un mètre de diamètre. Dans l’ensemble, à l’exception de la capucette, les études indiquent que la majorité des poissons passent par la turbine.
- Trois études fournissent des estimations du taux de mortalité des poissons qui passent par la turbine. Toutes se limitent à quantifier la mortalité survenant pendant ou peu de temps après le passage du poisson.
- Pour interpréter les estimations du taux de mortalité provoqué par la turbine, il est important de se rappeler qu’il ne détermine pas à lui seul l’effet sur la population. Premièrement, si une partie de la population franchit le pont-jetée par les passes migratoires, la survie globale sera supérieure à ce que laisse supposer le taux de mortalité provoqué par la turbine. Deuxièmement, si les poissons franchissent plus d’une fois le pont-jetée dans les deux sens, ils peuvent traverser la turbine plus d’une fois, ce qui réduit la survie globale.
- Bon nombre des biais associés aux études sur le taux de mortalité provoqué par la turbine mènent à des estimations pour un seul passage qui sont faussées à la hausse (c.-à-d. que les taux de mortalité provoqués par la turbine sont surestimés).
- Une étude sur l’alose savoureuse adulte réalisée en 1986 a conclu que 21,3 % (intervalle de confiance à 90 % +/- 15,2 %) de ces poissons franchissant la turbine meurent à la suite du passage.
- Une étude effectuée en 1999 pour mettre à l’essai une nouvelle méthode d’estimation des taux de mortalité provoqués par la turbine a donné des estimations pour 12 espèces de poissons. Ces estimations variaient de 0,0 % pour la lamproie marine à 23,4 % (intervalle de confiance à 95 % : 6,1 % à 58,8 %) pour les jeunes de l’année de l’alose savoureuse. Ces estimations peuvent être biaisées parce qu’elles ne tiennent pas pleinement compte de la mortalité due à la capture et à la manipulation.
- Les systèmes de déviation du poisson, destinés à dissuader les poissons de passer à travers la turbine, peuvent être physiques ou comportementaux. Les barrières physiques ont été jugées peu pratiques à la centrale d’Annapolis en raison de sa grande taille, des débris et de la petite taille de la plupart des poissons.
- Des systèmes de guidage comportemental ont été testés à la centrale d’Annapolis et se sont révélés prometteurs pour les jeunes de l’année de l’alose savoureuse, du gaspareau et de l’alose d’été. Un raffinement plus poussé du système en améliorerait probablement l’efficacité pour ces espèces. On ne sait pas s’il est possible de mettre au point un système de guidage comportemental qui serait efficace pour toutes les espèces à la centrale d’Annapolis, mais c’est peu probable.
- La population d’alose savoureuse de la rivière Annapolis est la seule population pour laquelle on dispose d’une comparaison de ses caractéristiques biologiques avant et après la mise en service de la centrale d’Annapolis.
- La comparaison des caractéristiques de la montaison d’alose savoureuse avant et après la mise en service de la turbine indique une diminution de la taille moyenne, de l’âge moyen, de l’âge maximal observé, de l’âge à maturité et du pourcentage de reproducteurs multifrai, et une augmentation globale du taux de mortalité totale. Le sens de ces changements est conforme à l’augmentation de la mortalité à la centrale d’Annapolis. Toutefois, les changements ne peuvent être entièrement attribués à la turbine sans information sur l’utilisation des passes migratoires, le nombre prévu de passages dans la turbine chaque année et la connaissance d’autres changements susceptibles d’influencer la survie au cours des 15 années pendant lesquelles ces évaluations ont eu lieu.
- Des études génétiques et de marquage ont montré que le bar rayé migre dans les zones côtières et se nourrit dans des estuaires autres que celui de sa rivière natale. L’assemblage de bars rayés dans l’estuaire de la rivière Annapolis, du moins historiquement, était composé de poissons provenant de plus d’une population, dont l’abondance relative a probablement changé avec le temps et n’est pas connue. Ce fait, ainsi que le manque d’information sur les taux de mortalité du bar rayé qui franchit le pont-jetée, empêche d’évaluer l’effet de la centrale d’Annapolis sur la population de bar rayé de la rivière Annapolis.
- Il y a peu de preuves de la présence actuelle d’une population d’esturgeon noir indigène de la rivière Annapolis, mais son statut n’est pas connu avec certitude. Si les esturgeons présents à la centrale d’Annapolis proviennent d’autres populations, l’effet sur ces populations est probablement assez faible. Cependant, s’il existe une population indigène dans la rivière Annapolis, les effets de la mortalité provoquée par la turbine sur celle-ci seraient élevés.
- Les données manquantes pour estimer les répercussions sur la population de la centrale d’Annapolis pour la majorité des espèces comprennent : la proportion des populations susceptible d’arriver à la turbine; les taux d’utilisation des passes migratoires et de survie; la survie des poissons, à tous les stades biologiques, qui franchissent la turbine; le nombre prévu de passages dans la turbine; et les taux de mortalité d’origine anthropique.
- Le développement de taux de mortalité de référence associés au franchissement de la centrale d’Annapolis permettrait de vérifier que les taux de mortalité sont conformes au Cadre pour la pêche durable du MPO et pourrait guider les décisions réglementaires prises en vertu de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril. Il faciliterait également les décisions concernant les recherches futures.
- Les méthodes d’étude du comportement et de la survie des poissons se sont considérablement améliorées depuis celles qui ont été entreprises à la centrale d’Annapolis. Pour les espèces et les stades biologiques suffisamment grands pour porter des étiquettes acoustiques, les progrès réalisés grâce à cette technologie permettent de combler bon nombre des lacunes dans les données. Pour les espèces et les stades biologiques qui sont trop petits pour porter des étiquettes acoustiques, des recherches visant à mieux comprendre et à améliorer les méthodes de capture et de manipulation, ainsi que l’efficacité de la capture, permettraient de mieux comprendre les effets de la centrale d’Annapolis.
- Le présent document porte sur la mortalité provoquée par la turbine à la centrale d’Annapolis et son effet sur les populations. Bien que le thème soit orienté sur les effets de la mortalité directe, il ne traite pas entièrement des répercussions de cette centrale sur les populations de poissons, car il y a aussi un potentiel d’effets indirects. Des sujets tels que les changements dans la quantité et la qualité de l’habitat, la disponibilité des proies ou le transport des sédiments, qui peuvent influer sur la productivité des pêches de myes dans le bassin d’Annapolis, ne sont pas abordés ici. Ces questions méritent un examen plus approfondi.
Le présent avis scientifique découle des réunions des 9 et 10 janvier et 6 mars 2019 sur l’Examen de la documentation scientifique existante afin de déterminer le taux de mortalité des poissons et les incidences potentielles sur les populations de poissons découlant de l’exploitation de la centrale marémotrice d’Annapolis. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.
Avis d’accessibilité
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