Avis scientifique 2022/045
Évaluation à l’appui des décisions liées à l’autorisation de relevés scientifiques menés à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond dans les aires protégées de la biorégion des plateaux de Terre-Neuve-et-Labrador
Sommaire
- Les engins de pêche qui entrent en contact avec le fond ont évidemment des répercussions sur les populations, les communautés et les habitats benthiques. Il s’agit notamment de répercussions directes attribuables à l’endommagement et à la destruction d’organismes, et de répercussions indirectes résultant de la perte des services écosystémiques fournis par ces organismes et de la biodiversité qu’ils peuvent abriter.
- Il est reconnu que les relevés scientifiques menés à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond peuvent affecter les coraux, les éponges et d’autres espèces benthiques. Le degré et la nature de ces répercussions dépendent du taxon et de l’engin, mais le premier passage d’un engin entrant en contact avec le fond entraîne le plus grand nombre de prélèvements et de dommages aux spécimens et aux caractéristiques biogéniques. L’ampleur de ces répercussions localisées sur la biodiversité et la fonction de l’écosystème n’est pas connue.
- Le délai de rétablissement des éponges et des coraux individuels dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador pourrait varier entre des décennies et des siècles. Bien que les relevés scientifiques faisant appel à des engins entrant en contact avec le fond puissent causer des dommages localisés, leur intervalle de récurrence moyen dans les aires protégées est beaucoup plus élevé (jusqu’à des dizaines de milliers d’années) que les délais de rétablissement estimés. Cela suggère que les coraux et les éponges individuels devraient avoir suffisamment de temps pour se rétablir entre les relevés. Les habitats que ces organismes créent (p. ex., les lits d’éponges ou les regroupements de gorgones) connaîtraient un délai de rétablissement beaucoup plus long (peut-être des milliers d’années). En comparaison, l’intervalle de récurrence de la pêche commerciale à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond dans la région de Terre-Neuve-et-Labrador est, en moyenne, de 10 ans.
- La superficie cumulative touchée par année par des relevés effectués à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond s’est avérée inférieure à 0,04 % pour chacune des aires protégées considérées dans l’analyse.
- Des analyses rétrospectives ont permis d’examiner l’effet de l’exclusion totale des relevés scientifiques menés à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond des aires protégées sur diverses séries chronologiques de données régulièrement utilisées pour la prestation d’avis scientifiques. Ces analyses ont montré que cette exclusion serait susceptible d’introduire un biais dans certaines données de séries chronologiques et, dans certains cas, d’entraver la capacité à fournir des avis scientifiques fiables sur un large éventail de sujets (p. ex., les évaluations des stocks, les évaluations des écosystèmes, les études climatiques, la surveillance à long terme).
- Des modifications dans la répartition et les tendances des espèces sont attendues en association avec des changements directionnels dans l’environnement (p. ex., le changement climatique). Par conséquent, l’exclusion des relevés dans les aires protégées risque d’entraver la capacité à suivre de manière fiable les changements écologiques et environnementaux futurs.
- Le seul moyen d’éliminer complètement les perturbations causées par les engins de pêche entrant en contact avec le fond sur les caractéristiques vulnérables consiste à éviter les aires protégées assorties d’objectifs de conservation du milieu benthique. Cependant, dans la mesure où (1) les intervalles de récurrence des relevés sont élevés et la superficie des aires protégées touchées est faible, (2) l’exclusion des relevés dans ces aires risque d’entraver la surveillance de l’écosystème et, (3) dans une perspective plurispécifique, il n’existe actuellement aucune autre solution appropriée pour remplacer les relevés au chalut de fond, une exclusion générale des relevés de recherche de toutes les aires protégées n’est pas recommandée pour le moment. Si l’exclusion des traits de relevé de recherche dans les aires protégées assorties d’objectifs de conservation benthique n’est pas une option, il est recommandé d’explorer en profondeur les méthodes permettant de réduire au minimum les perturbations potentielles causées par ces relevés. Les mesures d’atténuation proactives peuvent comprendre les suivantes : (1) la réduction de l’intensité de l’échantillonnage à l’intérieur des zones de fermeture; (2) l’identification de zones de chalutage scientifique à l’intérieur des zones de fermeture afin d’éviter les endroits où l’on sait qu’il existe de fortes densités de coraux ou d’éponges; (3) la compensation des perturbations causées par les relevés par l’élargissement des zones de fermeture.
- Le MPO devrait élaborer un cadre pour faciliter la sélection et la mise en œuvre de mesures d’atténuation appropriées pour les aires protégées assorties d’objectifs de conservation benthique.
- Une mesure associée importante concerne l’élaboration de protocoles d’échantillonnage améliorés afin de maximiser les données recueillies en rapport avec les objectifs de conservation benthique dans les aires protégées.
- L’établissement et la délimitation d’aires protégées reposent en partie sur des données provenant de relevés scientifiques effectués à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond. Dans les années à venir, il sera possible de surveiller les communautés de poissons et de mollusques et crustacés dans les aires protégées au moyen de relevés effectués à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond, mais ces méthodes ne sont pas les plus appropriées pour entreprendre un suivi à long terme des taxons benthiques vulnérables. Pour ces taxons, d’autres méthodes moins destructives, telles que les relevés visuels du plancher océanique (p. ex., au moyen de véhicules télécommandés ou de caméras lestées), sont plus appropriées. Cependant, la suppression des relevés menés à l’aide d’engins entrant en contact avec le fond de fond entraverait la prestation d’avis relatifs à certains objectifs de conservation.
Le présent avis scientifique découle du processus d’examen régional par les pairs tenu du 5 au 9 octobre 2020 sur l’évaluation visant à soutenir les décisions liées à l’autorisation des relevés scientifiques avec des engins entrant en contact avec le fond dans des zones protégées de la biorégion de Terre-Neuve-et-Labrador. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.
Avis d’accessibilité
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