Document de recherche 2005/045
Cycle biologique et dynamique de la population des épaulards (Orcinus orca) résidents du nord de la Colombie-Britannique
Par Olesiuk, P.F., G.M. Ellis, et J.K.B Ford
Résumé
Des relevés annuels par identification photographique menés entre 1973 et 1975 et en 2004 ont servi à estimer les paramètres du cycle biologique et à élaborer un modèle de la population d’épaulards résidents du nord qui vit dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique. Pendant les années 1970, les années 1980 et le début des années 1990, la population a augmenté de façon exponentielle (r2 = 0,986; F1,22 = 1 568,5; P < 0,001) à un taux annuel de 2,6 % (IC à 95 % = 2,48 – 2,76 %). Bien que l’effectif ait presque doublé, passant d’environ 125 à 217 individus, on n’a pas constaté de ralentissement du taux de croissance (F1,21 = 0,25; P = 0,622), ce qui laisse présager une croissance soutenue de la population à son taux intrinsèque maximal. La population a grimpé abruptement au milieu des années 1990, a diminué de 7 à 9 %, puis a augmenté légèrement, de sorte qu’on n’a pas observé de tendance perceptible pendant la dernière décennie (F1,10 = 1,36; P = 0,271), ce qui indique que quelque chose empêchait cette population de prendre de l’expansion. Les paramètres du cycle biologique et de la dynamique de la population ont donc été estimés séparément pour 1973 à 1996, période de croissance soutenue, et pour 1996-2004, période sans changement net. Pendant la période de croissance soutenue, les femelles avaient une espérance de vie de moyenne de 46 ans et une longévité maximale de l’ordre de 80 ans. Dans l’ensemble, les femelles ont donné naissance à leur premier baleineau viable à 14,1 ans (erreur-type = 0,050; plage de 10 à 21 ans) et les survivants ont produit au total 4,7 petits à des intervalles moyens de 4,9 ans (erreur-type = 0,18; plage de 2 à 11 ans) sur une durée de vie féconde d’habituellement 24 ans environ. Les femelles âgées affichaient une sénescence sexuelle, 50 % d’entre elles environ étant post-reproductrices à l’âge de 38 ans et aucune ne se reproduisant après l’âge de 46 ans. Selon le développement de l’aileron dorsal – caractéristique sexuelle secondaire – les mâles atteignent la maturité sexuelle à 13,0 ans (erreur-type = 0,046; plage de 9 à 18 ans). Leur aileron continue de se développer pendant 5,5 ans en moyenne (erreur-type = 0,113; plage de 3 à 7 ans). Ils atteignent d’ordinaire la maturité physique à l’âge de 18,5 ans. Les mâles ont une espérance de vie de 31 ans en moyenne et leur longévité maximale est probablement de l’ordre de 60 à 70 ans. Les courbes de mortalité sont en forme de U pour les deux sexes, ce qui indique que la plupart des décès surviennent tôt ou tard dans la vie, mais le côté droit de la courbe est plus abrupt pour les mâles, ce qui entraîne un rapport entre les sexes penchant progressivement vers les femelles avec l’âge (1:1 à l’âge 15, 2:1 l’âge 34 et 3:1 à l’âge 41). Un modèle structuré selon le sexe et l’âge, incorporant ces paramètres, a prévu que la population augmentera à un taux de 2,4 % par an et sera composée à 46 % de juvéniles, à 22 % de femelles fécondes, à 10 % de femelles post-reproductrices et à 22 % de mâles adultes. Pendant la période de 1973 à 1996, la population à l’étude a en fait augmenté à un taux de 2,6 % et était composée, en moyenne, à 46 % de juvéniles, à 21 % de femelles fécondes, à 11 % de femelles post reproductrices et à 22 % de mâles adultes, ce qui concorde bien avec les prévisions du modèle. Étonnamment, il n’y a pas eu de variation importante dans les paramètres de reproduction, et la population s’est stabilisée durant la période de 1996 à 2004. L’âge moyen à la première naissance a augmenté légèrement, mais de manière significative, de 14,1 à 15,4 ans (t49 = 3,23; P = 0,002), l’âge moyen du début de la sénescence sexuelle est passé de 38,4 à 40,6 ans (t61 = 2,84; P = 0,006), et les intervalles entre les mises bas ont été légèrement plus longs (5,5 versus 4,9 ans; t97 = 2,92; P = 0,091). L’effet global a été une légère baisse du potentiel reproducteur estimé des femelles, qui est passé de 4,7 à 4,5 baleineaux. Le déclin récent de la productivité a été presque entièrement attribuable aux hausses de la mortalité, qui ont été évidentes et statistiquement significatives (7,63 < X2 < 8,14; P < 0,01) pour toutes les catégories de sexe et d’âge. Le taux de survie des baleineaux viables jusqu’à l’âge de 15 ans (âge approximatif de leur recrutement au sein de la population adulte) a chuté de 80 % à 61 %, et l’espérance de vie moyenne a diminué de 46 à 30 ans pour les femelles et de 31 à 19 ans pour les mâles. Puisque l’augmentation de la mortalité a été largement répartie dans toutes les catégories de sexe et d’âge, la structure prévue par sexe et par âge de la population stable est restée pratiquement inchangée : 47 % de juvéniles, 24 % de femelles fécondes, 11 % de femelles post reproductrices et 18 % de mâles adultes. Les paramètres du cycle biologique des populations d’épaulards résidentes voisines de l’Alaska et de l’État de Washington semblent correspondre à nos modèles de croissance stable et soutenue pour les épaulards résidents du nord de la C.-B., ce qui laisse entrevoir que les modèles représentent la biologie de la population générale de l’écotype des épaulards résidents. Nous croyons que de tels modèles sont des outils utiles pour explorer les facteurs qui peuvent régir les populations d’épaulards ou avoir une incidence sur elles et pour acquérir une meilleure compréhension de ceux-ci.
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