Document de recherche 2013/074
Effets des sédiments sur les éponges siliceuses (Porifera, hexactinellides) et effets prévus sur les récifs d'éponges siliceuses
Par S.P. Leys
Résumé
Les éponges dépendent de leur environnement en ce qui concerne le débit de l'eau, et donc la nourriture. Elles sont dépourvues de nerfs et de muscles et ne peuvent pas changer rapidement de place en réponse à l'évolution de leur environnement. Les éponges siliceuses sont immobiles principalement en raison de leur lourd squelette composé de silice. Ce sont tout de même des animaux, car elles ont aussi des tissus et des systèmes sensoriels qui leur permettent de détecter les changements survenant dans leur milieu et de tenter d'en éviter les effets négatifs. Pour ce faire, elles utilisent leurs cils sensoriels et contractent leur système de filtration (chez les démosponges) ou leurs tissus sensoriels et des signaux électriques pour interrompre le courant d'alimentation (chez les hexactinellides [éponges siliceuses]).
Les éponges sont des organismes suspensivores : elles attirent l'eau par les pores de leurs tissus superficiels dans les canaux qui transportent l'eau jusque dans les cavités des choanocytes, où la nourriture est capturée. Elles extraient les bactéries (0,2-1 µm) et le picoplancton (0,2-10 µm) (p. ex., algues unicellulaires). Les études de clairance démontrent que les éponges absorbent surtout de petites particules (0-8 µm), mais leur alimentation est sélective : elles mangent les particules les plus nutritives, puis expulsent le reste. Une proportion de sédiments de plus de 10-11 mg/L irrite le système de filtration des démosponges, puis finit par le boucher. L'obstruction déclenche un réflexe d'expulsion, ce qui fait enfler puis se contracter les canaux internes, expulsant ainsi les sédiments de l'éponge; plusieurs contractions l'une à la suite de l'autre (environ 10 à 40 minutes chacune) permettent d'expulser avec succès de petites quantités de sédiments.
L'étouffement par les sédiments entraîne une respiration plus rapide et une plus petite consommation d'oxygène, tout en diminuant la capacité de reproduction et le poids corporel de l'animal. La mort s'en suit, de trois à six mois plus tard.
Les éponges siliceuses vivent en eaux profondes (plus de 30 m), généralement sur les fonds à topographie élevée où le courant est plus rapide. Les récifs d'éponges vivent en eaux turbides (concentration élevée de solides en suspension [7-8 mg/L]) et sont d'efficaces bactérivores. Ces éponges absorbent près de 99 % des bactéries et 94 % des eucaryotes unicellulaires dans l'eau qu'elles filtrent. Les sédiments (argile, limon) sont expulsés en tant que déchets. Sur les récifs, les sédiments sont composés à 44-58 % d'argile, et 75 % des sédiments mesurent moins de 3 microns. Chaque fois que les démosponges se contractent pour expulser des débris et des particules indésirables, les éponges siliceuses sont irritées par des stimuli comme les signaux électriques arrêtant l'alimentation à cause des sédiments. On n'a encore jamais étudié les effets à long terme de l'étouffement des éponges siliceuses par les sédiments, mais la présence continue de plus de 15 à 35 mg/L de sédiments (taille des grains < 25 µm) entraîne l'arrêt complet et continu des processus de pompage et de filtration chez les éponges siliceuses. Une exposition de plus de 40 minutes à 15 à 35 mg/L de sédiments entraîne l'obstruction des tissus d'alimentation des éponges. L'obstruction par les sédiments réduit le processus de filtration des récifs d'éponges siliceuses de 50 à 80 % par rapport aux niveaux normaux.
Les récifs d'éponges siliceuses dépendent des courants, qui réduisent les coûts énergétiques de la filtration. On estime que les deux tiers de l'absorption quotidienne de nourriture d'une éponge ont lieu lors du flux maximal de la marée, qui lui se produit environ 20 % du temps. Les activités de pêche au chalut peuvent occasionner une remise en suspension temporaire des sédiments des fonds marins (de 40 à 120 mg/L; une combinaison de particules comestibles et indésirables) durant les périodes de vitesse accrue du courant de marée. Les récifs d'éponges prennent au moins six heures pour retrouver leurs niveaux de filtration normaux, ce qui réduit chaque jour d'au moins six heures le temps passé à s'alimenter. Une diminution de l'alimentation lorsque le courant atteint sa vitesse maximale empêche les récifs d'éponges d'absorber les deux tiers de leur nourriture chaque jour, ce qui compromet leur croissance et leur capacité de reproduction.
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