Document de recherche 2013/134
Évaluation du potentiel de rétablissement de l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata) dans l'Est du Canada : cycle biologique, aire de répartition, débarquements déclarés, indicateurs de l'état et paramètres démographiques
Par D.K. Cairns, G. Chaput, L.A. Poirier, T.S. Avery, M. Castonguay, A. Mathers, J.M. Casselman, R.G. Bradford, T. Pratt, G. Verreault, K. Clarke, G. Veinott et L. Bernatchez
Résumé
Le présent rapport regroupe les données sur les indices biologiques, de pêche et d'abondance pour l'évaluation du potentiel de rétablissement de l'anguille d'Amérique (Anguilla rostrata), qui a eu lieu à Ottawa en juin 2013. Les données ont été compilées dans quatre zones se trouvant principalement ou en totalité au Canada (bassin du Saint-Laurent, nord du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve, sud du golfe du Saint-Laurent et Scotia-Fundy) et trois zones se trouvant principalement ou en totalité aux états-Unis (côte nord de l'Atlantique, côte centrale de l'Atlantique, côte sud de l'Atlantique). Les anguilles d'Amérique naissent dans la mer des Sargasses, migrent vers les eaux continentales lorsqu'elles sont au stade de leptocéphales, se métamorphosent en civelles cristallines, en civelles pigmentées et en anguilles jaunes, puis reviennent dans la mer des Sargasses lorsqu'elles ont atteint le stade d'anguilles argentées afin d'y frayer et d'y mourir. Les anguilles d'Amérique sont panmictiques, ce qui veut dire qu'elles descendent de parents qui s'accouplent aléatoirement dans le lieu de frai. On comprend très peu la dynamique stock-recrutement de l'anguille d'Amérique. Il est possible que des variations dans l'écosystème océanique (absence de stationnarité) influent considérablement sur le nombre de recrues produites par une quantité donnée de reproducteurs.
Les anguilles sont présentes, mais rares au Groenland et au Labrador. Elles sont toutefois répandues et souvent communes dans les eaux côtières des baies et des estuaires ainsi que dans les eaux douces accessibles de la côte est de l'Amérique du Nord, de Terre-Neuve-et-Labrador jusqu'en Floride. On sait peu de choses sur l'abondance des anguilles dans le bassin des Caraïbes et le golfe du Mexique et ses bassins versants, mais on pense que l’abondance peut être grande. Selon les observations de recherche, des registres de pêche et un schéma de classification de l'habitat, on estime que la côte est de l'Amérique du Nord, entre le détroit de Belle Isle et les Keys de la Floride, contient 23 270 km2 d'eau saumâtre et d'eau salée constituant un habitat pour les anguilles. La côte de l'Atlantique des états-Unis offre un plus grand habitat d'eau douce (17 763 km2) que d'eau saumâtre et d'eau salée (14 360 km2), mais une proportion inconnue de l'habitat d'eau douce n’est pas accessible aux anguilles. Les débarquements déclarés dans l'ensemble de l'aire de répartition de l'anguille ont connu un sommet à la fin des années 1970 à un niveau de 3 000 t par année et ont diminué depuis pour se chiffrer à 750 t par année. Un modèle linéaire général indique un important déclin (> 99 %) du recrutement des anguilles et du stock actuel du lac Ontario en l'espace de deux générations ou plus (32 ans), ainsi que des indices généralement en baisse ailleurs au Canada. Les tendances au cours d'une génération (16 ans) montrent une amélioration par rapport aux tendances sur deux générations. En l'espace d'une génération, les indices du stock actuel ont diminué dans trois des quatre zones, mais on remarque aussi des tendances stables et à la hausse. Les tendances relatives à l'abondance sur la côte est des états-Unis évaluées dans le cadre d'une évaluation américaine récente variaient selon la méthode analytique, allant d'aucune tendance temporelle à des tendances considérablement à la baisse.
Les paramètres démographiques de l'anguille d'Amérique de l'est de l'Amérique du Nord ont été examinés afin d'y déceler une variation géographique systématique. La longueur des civelles augmentait avec la latitude et l'éloignement du lieu de frai. Les tendances relatives au taux de croissance des anguilles jaunes et à la taille et à l'âge des anguilles argentées ont révélé des différences entre les zones au sud du détroit de Cabot et celles au nord et à l'ouest du détroit. La longueur des anguilles argentées variait peu en fonction de la latitude au sud du détroit de Cabot, mais plus les anguilles étaient loin du lieu de frai, plus elles étaient longues dans le bassin du Saint-Laurent. Le pourcentage de mâles était à son plus faible niveau dans les zones du nord, mais sinon, le sex-ratio ne variait pas de manière significative selon la latitude. La fécondité augmente selon la taille de la femelle anguille, mais les données publiées sur la relation entre la taille et la fécondité indiquent que les estimations de la fécondité varient grandement pour les anguilles d'une taille donnée. On ne connaît pas très bien le taux de mortalité naturelle de l'anguille d'Amérique. Les équations tirées des données sur l'anguille européenne et fondées sur la masse corporelle, la température de l'eau, la densité et le sexe semblent être la meilleure méthode pour estimer la mortalité naturelle de l'anguille d'Amérique. Les objectifs de rétablissement proposés pour l'espèce au Canada sont d'accroître les indices d'abondance à court terme (une génération), de ramener l'abondance aux niveaux qui existaient au milieu des années 1980 à moyen terme (trois générations) et de maintenir l'abondance dans la zone saine du cadre de l'approche de précaution à long terme (> 50 ans).
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