Avis scientifique 2015/005
Examen des mesures d'atténuation et de surveillance dans le cadre des activités de levés sismiques dans l'habitat d'espèces de cétacés en péril et à proximité de celui-ci
Sommaire
- L'exploitation pétrolière et gazière ainsi que les activités de cartographie dans les zones fréquentées par des espèces de cétacés inscrites en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP) ont entraîné le besoin d'examiner l'Énoncé des pratiques canadiennes d'atténuation des ondes sismiques en milieu marin [ci-après l'Énoncé de pratiques canadiennes] et d'évaluer son efficacité pour éviter les répercussions interdits par la LEP (tuer un individu, lui « nuire » et le « harceler » et « détruire » un habitat essentiel) sur les cétacés inscrits en vertu de la LEP.
- En s'appuyant sur les avis précédents, on a examiné l'incidence potentielle des sons produits par les canons à air utilisés durant les levés sismiques sur les cétacés inscrits en vertu de la LEP afin de déterminer les conséquences éventuelles et les séquences des effets liées au fait de « tuer » un individu, de lui « nuire » et de le « harceler » et de « détruire » un habitat essentiel (à l'aide des plus récentes définitions de ces termes disponibles) (tableau 1).
- Les mesures possibles de l'exposition au bruit qui pourraient être utilisées afin de déterminer les seuils quantitatifs pour éviter les impacts interdits par la LEP ont fait l'objet de discussions (tableau 2). Il existe des mesures possibles de l'exposition au bruit pour un certain nombre d'effets potentiels comme les effets physiologiques auditifs, les changements dans les vocalisations, la capacité diminuée de détection acoustique passive des proies, des prédateurs et des congénères ainsi que la capacité diminuée d'évitement des menaces anthropiques. Dans la plupart des cas, toutefois, il n'existe pas de descripteurs normalisés utilisés par l'ensemble de la communauté scientifique pour ces mesures.
- Il est impossible pour le moment de déterminer des seuils uniques indépendants pour éviter les impacts interdits par la LEP étant donné qu'il y a peu d'information sur les liens quantitatifs entre les mesures de l'exposition au bruit et les mesures des réactions en ce qui concerne les cétacés. Les déplacements permanents et temporaires du seuil auditif pourraient servir à établir des seuils pour éviter les effets physiologiques entraînant le fait de tuer un individu, de lui « nuire » et de le « harceler », mais ils ne traiteraient qu'en partie les impacts interdits par la LEP, et des seuils supplémentaires seraient nécessaires pour les effets potentiels sur le comportement et l'écologie. D'autres recherches et analyses sont requises afin d'établir un lien entre les mesures de l'exposition au bruit et les seuils quantitatifs pour les divers effets physiologiques, comportementaux et écosystémiques causés par l'exposition à des levés sismiques qui pourraient entraîner des impacts interdits par la LEP.
- Compte tenu des incertitudes qui subsistent quant aux seuils pour éviter les impacts interdits par la LEP, la mise en œuvre de mesures fiables de précaution et d'atténuation des risques est probablement l'approche la plus efficace pour minimiser les répercussions négatives potentielles sur les cétacés inscrits en vertu de la LEP. Ainsi, bien qu'on ne puisse recommander de seuils quantitatifs, les mesures d'atténuation de l'Énoncé des pratiques canadiennes ont été examinées avec prudence en ce qui concerne la réduction ou l'évitement des impacts interdits par la LEP sur les cétacés inscrits en vertu de la LEP en utilisant la population de baleines à bec communes du plateau néo-écossais, les baleines noires de l'Atlantique Nord et les rorquals bleus de l'Atlantique comme études de cas.
- Il a été conclu que la plupart des mesures d'atténuation de l'Énoncé des pratiques canadiennes étaient susceptibles de réduire les impacts négatifs potentiels des sons produits par les canons à air sur les individus, mais à des degrés divers et avec certaines mises en garde (tableau 3). Par exemple, l'efficacité peut être limitée par la disponibilité des renseignements sur la répartition, l'abondance et le comportement d'une espèce, ou par la façon précise dont la mesure d'atténuation est appliquée. La mise en œuvre de l'ensemble des multiples mesures de l'Énoncé des pratiques canadiennes est susceptible d'être plus efficace que n'importe quelle mesure prise individuellement, et l'Énoncé des pratiques canadiennes permet une certaine souplesse pour améliorer les mesures d'atténuation visant à satisfaire aux exigences de la LEP étant donné qu'il stipule que les exploitants peuvent être tenus de mettre en place des mesures d'atténuation supplémentaires ou modifiées pour certaines espèces préoccupantes.
- L'Énoncé des pratiques canadiennes se concentre sur la réduction des effets néfastes notables sur les individus et les populations, principalement grâce à des efforts visant à réduire les blessures physiques potentielles chez les animaux à proximité de canons à air, mais il ne fournit pas de mesures d'atténuation précises pour réduire les impacts qui peuvent se produire à des distances plus grandes de la source du son (c.‑à‑d. au-delà de la zone de sécurité) ou pour réduire les impacts sur l'habitat. La planification des levés sismiques pour éviter les effets néfastes notables ou éviter de déplacer ou de faire dévier des mammifères marins inscrits est considérée comme la seule mesure de l'Énoncé des pratiques canadiennes qui traite de la prévention des « dommages » potentiels à des individus ou de leur « harcèlement » au-delà de la zone de sécurité établie ou de la « destruction » de l'habitat essentiel.
- La planification des levés sismiques pour éviter le chevauchement spatial et temporel avec des zones où l'on s'attend à ce que des cétacés inscrits en vertu de la LEP soient présents est considérée comme la mesure d'atténuation la plus efficace pour réduire les impacts sur les individus et leur habitat essentiel, mais dépend de l'obtention de renseignements adéquats sur la répartition et l'abondance. Dans bien des cas, un effort de recherche est nécessaire avant la tenue des activités de levés sismiques pour déterminer, de manière suffisante, l'occurrence des espèces, de sorte que des mesures d'évitement spatiales et temporelles puissent être appliquées efficacement. En outre, il n'est pas toujours possible d'éviter le chevauchement spatial et temporel étant donné que les levés sismiques sont habituellement limités à une zone d'intérêt précise et que les espèces qui y vivent toute l'année ne peuvent être évitées.
- Le rayon de la zone de sécurité devrait être, selon le paramètre le plus prudent, de 500 mètres ou un rayon calculé à l'aide de modèles de propagation s'appuyant sur les meilleures données scientifiques disponibles pour un seuil acoustique prédéterminé (qui n'a pas encore été établi), en tenant compte, dans la mesure du possible, des espèces, de l'environnement et du contexte de la source du son; ce rayon devrait être validé par des mesures sur le terrain.
- Afin de surveiller efficacement une zone de sécurité pour les cétacés, les activités de levés sismiques et les méthodes de détection des cétacés doivent être conçues de manière à maximiser la probabilité de détecter les cétacés inscrits en vertu de la LEP afin d'atteindre un objectif en matière de probabilité de détection dans la zone de sécurité qui soit conforme aux exigences de la LEP (lequel n'a pas encore été établi). Les méthodes et les technologies améliorées de surveillance en temps réel, comme les périodes d'observation prolongées avant l'intensification, le fait d'effectuer les activités de levés sismiques seulement lors de bonnes conditions de visibilité, le fait de disposer d'un nombre suffisant d'observateurs de mammifères marins expérimentés et qualifiés, l'utilisation d'autres moyens de surveillance, l'amélioration des observations visuelles à l'aide de la surveillance acoustique passive et/ou d'autres technologies de surveillance, devraient être prises en compte. Une combinaison de méthodes et de technologies de détection peut être nécessaire pour atteindre l'objectif en matière de probabilité de détection.
- L'efficacité des procédures d'intensification ou de la réduction de canons à air à un seul bulleur comme mesure d'atténuation pendant les levés sismiques n'est pas entièrement comprise, bien que des études de modélisation et des études sur les réactions comportementales soient en cours afin d'étudier son efficacité.
- Afin de se conformer à la LEP en évitant les impacts interdits par celle-ci, il est nécessaire d'effectuer des efforts de recherche visant à améliorer notre compréhension de la répartition et de l'abondance au fil du temps, des réactions comportementales et physiologiques des cétacés aux sons produits par les canons à air et des conséquences de telles réactions sur l'utilisation de l'habitat, la santé, la reproduction, la survie et le rétablissement des espèces touchées. Ces efforts seront particulièrement importants dans les zones où les levés sismiques chevauchent l'aire de répartition des cétacés inscrits en vertu de la LEP. De telles études ont été réalisées, et continuent de l'être, par la communauté scientifique internationale, et sont importantes pour approfondir nos connaissances de l'étendue des impacts des levés sismiques sur les cétacés. Pour être plus pertinente dans le cadre d'une gestion efficace, cette recherche doit être axée sur la réduction des risques ou des dommages plutôt que sur la connaissance parfaite de la biologie fondamentale derrière les impacts, laquelle pourrait prendre plusieurs années et, par conséquent, retarder les mesures d'atténuation utiles.
- Des recherches spécifiquement conçues seront nécessaires pour évaluer l'efficacité des mesures d'atténuation mises en œuvre au cours des levés sismiques afin de réduire les impacts des sons produits par les canons à air sur les cétacés inscrits en vertu de la LEP. De telles études devront être conçues avec des protocoles rigoureux de collecte de données ainsi qu'une efficacité et une sensibilité statistique suffisantes pour permettre la détection et l'analyse quantitative des effets néfastes potentiels à des distances de la source du son où les impacts interdits par la LEP peuvent se produire, y compris au-delà de la zone de sécurité définie.
Le présent avis scientifique découle de la réunion du 25 au 27 mars 2014 sur la Revue des mesures de migration et de suivi des activité de relevé séismique à la proximité de l'habitat des espèces de cétacé en péril. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu'elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.
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