Avis scientifique 2015/039
Avis scientifique visant à orienter la recherche au moyen de la plateforme BioMark de Fluidigm® pour détecter les microbes chez les saumons d'élevage et sauvages
Sommaire
- Plus de 90 % des jeunes saumons qui migrent des eaux douces vers l'océan mourront avant de retourner vers les eaux douces pour frayer. On a lieu de croire que le taux de mortalité est à son maximum dans les premiers mois en milieu marin; toutefois, il existe un taux de mortalité constant qui s'explique par de nombreux facteurs différents. Étant donné que la majeure partie des connaissances actuelles sur les maladies affectant les saumons découle d'observations sur des poissons d'élevage, l'importance relative des causes infectieuses et non infectieuses chez le saumon du Pacifique migrateur reste en grande partie méconnue.
- L'initiative stratégique visant la santé du saumon (ISSS) en Colombie-Britannique lancée par Genome BC est en cours de déploiement et son rôle stratégique consistera à détecter les microbes et les maladies éventuelles qui en découlent et qui pourraient nuire à la productivité et au rendement du saumon de C.-B., à son évolution, ainsi que le rôle que pourraient jouer les échanges entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage. Ce projet de recherche est hautement pluridisciplinaire faisant intervenir plusieurs domaines de recherche à savoir : la génomique, l'épidémiologie, l'histopathologie, l'immunologie, la virologie, la parasitologie, l'écologie du saumon et la bioinformatique. Le projet sera réalisé en quatre phases (étapes) séquentielles.
- Le projet ISSS porte surtout sur les microbes reconnus à l'échelle mondiale et dont on sait qu'ils occasionnent des maladies chez les saumons (ou qui sont liés à des infections opportunistes des poissons immunodéprimés) ou dont on soupçonne qu'ils les occasionnent. Il a recours à une méthode génomique pour identifier et vérifier les microbes présents sur les poissons à nageoires sauvages et d'élevage (écloseries fédérales et exploitations salmonicoles) en Colombie-Britannique au Canada. Dans les phases ultérieures du projet, on mènera des études de provocation sur les microbes dont on convient qu'ils pourraient nuire le plus au saumon sauvage. Ces études nous permettront de mieux comprendre les conditions dans lesquelles, le cas échéant, les microbes provoquent des maladies.
- Le champ d'application de ce processus du Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS) en est à la phase 2a de ce projet dont le principal objectif défini consiste à évaluer la sensibilité, la spécificité et la répétabilité des essais destinés à analyser de manière quantitative la présence et la quantité de microbes simultanément dans plusieurs échantillons à l'aide d'une plateforme microfluidique à haut rendement (plateforme BioMark de Fluidigm®, ci-après désignée par BioMark). Cette technologie utilise une étape d'amplification spécifique cible (ASC), dont les effets ont été évalués dans le présent rapport.
- Il n'existe aucune norme minimale convenue sur les caractéristiques de rendement analytique comme l'énonce l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). L'étape 1 de l'évaluation de l'OIE (tests diagnostiques) est vraisemblablement l'analogue le plus proche; toutefois, l'OIE ne fournit pas expressément de lignes directrices sur la validation des essais multiplexes (p. ex., l'amplification spécifique cible) ou les nouvelles technologies (p. ex., la plateforme BioMark).
- Dans le présent contexte, les essais réalisés sur la plateforme BioMark visent à effectuer des travaux de recherche (objectif qui ne figure pas dans ceux énumérés par l'OIE mais qui n'en est pas non plus exclu). Par conséquent, l'hypothèse conceptuelle vérifiable pouvant être évaluée sur le plan statistique (nul contre autre) dans le cadre de ce projet est l'estimation et la comparaison de la prévalence des microbes et des pathogènes et elle est donc probablement la plus proche des objectifs énumérés par l'OIE.
- Concernant les maladies réglementées par l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) ou répertoriées par l'OIE, il a été discuté et convenu d'une procédure de déclaration à l'ACIA.
- L'équipe de projet (laboratoire) a recours aux essais recommandés par l'OIE, le cas échéant.
- Si elle soupçonne que les échantillons renferment un agent pathogène à déclaration obligatoire, l'équipe de projet (laboratoire) suivra les directives de déclaration obligatoire de l'ACIA applicables aux laboratoires de recherche le cas échéant (directive : Avis de déclaration obligatoire de maladies des animaux aquatiques à déclaration obligatoire par les chercheurs).
- Si on soupçonne que les échantillons renferment un agent pathogène répertorié par l'OIE sans déclaration obligatoire auprès de l'ACIA (ou qui ne doit pas être déclaré immédiatement à l'ACIA), l'ACIA doit être avisée selon la procédure déterminée pour un laboratoire de recherche.
- Si les tests de dépistage confirment la présence d'agents pathogènes à déclaration obligatoire, les résultats doivent être communiqués à l'ACIA dans les 24 heures suivant la détection, et ces résultats préliminaires ne doivent pas être communiqués en dehors de l'équipe de projet. C'est à l'ACIA que revient la responsabilité sur le plan réglementaire de confirmer la présence de toute maladie à déclaration obligatoire au Canada.
- L'équipe de projet (laboratoire) communiquera avec l'ACIA pour obtenir des clarifications, au besoin.
- L'équipe de gestion du projet ISSS ne sera informée qu'après la tenue d'une enquête par l'ACIA (le cas échéant).
- Conformément au mandat, cet examen du SCCS a analysé : la sensibilité analytique, la spécificité et la répétabilité des essais microbiens sur la plateforme BioMark; la comparabilité des résultats des essais entre les plateformes BioMark et ABI 7900; les effets de l'amplification spécifique cible; les avantages, les limitations, les incertitudes et les emplois proposés de cette méthode.
- Sensibilité des essais : Pour presque tous les essais BioMark, une limite de détection des échantillons soumis à une étape d'enrichissement par ASC était de un à dix exemplaires par chambre, identiques à la limite de détection du matériel de départ. La valeur admissible du cycle seuil (Ct) associée à la limite de détection se situait entre 27 et 29. Les échantillons témoins dont le résultat au test s'est avéré positif ont été recueillis à partir de sources aussi fiables que possible et ont affiché des résultats satisfaisant pour la plupart des 47 essais; pour deux virus ISAV7 et IPNV, les essais n'ont pas décelé toutes les variantes des souches, ce qui correspond aux résultats obtenus sur d'autres plateformes et ce à quoi on s'attendait d'après le degré d'homologie. Les auteurs de l'examen ont laissé entendre qu'il se pouvait également que certaines variantes de souches de microbes d'origine bactérienne ne se trouvent pas dans les échantillons testés, et qu'ils ne soient pas détectables par des analyses in silico.
- Spécificité des essais : 13 essais sur des virus et 12 sur des bactéries ont mis en évidence une spécificité élevée par rapport à l'ensemble des espèces étroitement apparentées. Les essais portant sur 22 parasites étaient en grande partie spécifiques, mais certaines espèces plus éloignées ont affiché un résultat positif dans certains échantillons de tissus vraisemblablement en raison d'une coinfection par plusieurs espèces de parasites. Tandis que les auteurs montrent que pour ces paires de microbes, la codétection n'était pas la norme (ce qui concorde avec une coinfection plutôt qu'avec une hypothèse d'amplification croisée), les responsables de l'examen ont pensé que le séquençage des nucléotides apporterait une meilleure preuve qu’il s’agissait d’infection mixte.
- Dans l'ensemble, on n'a enregistré aucun écart entre la sensibilité ou la spécificité évaluée pendant les essais et celle escomptée sur d'autres plateformes, tout écart d'une spécificité analytique à 100 % n'empêchait pas la résolution de microbes connus chez les saumons (à une exception près) et les mesures du rendement analytique se situaient dans une fourchette acceptable pour la plupart des essais.
- Répétabilité des essais : on a analysé la répétabilité de vingt-six (26) microbes endémiques au travers de 240 échantillons de saumon provenant de Colombie-Britannique. La répétabilité (dans un réseau dynamique) et la reproductibilité (à travers des réseaux dynamiques) ont fait l'objet d'un examen. On a évalué l'état binaire de concordance (positif/négatif) entre les réplicats et il s'est avéré qu'il était de 98 %, globalement.
- Comparaison des plateformes : L'étude a comparé le rendement de BioMark et d'ABI 7900HT au moyen des concentrations d'amorce et de sonde recommandées pour la plateforme BioMark, et elle a obtenu des résultats comparables pour 22 essais disponibles. Ces conditions n'ont pas été optimisées individuellement pour des plateformes conventionnelles de PCR quantitative.
- Effet de l'ASC : le recours à l'ASC permet d'accroître la sensibilité de détection de la cible et il est nécessaire en raison du petit volume décidé inhérent à toute plateforme microfluidique (7 nl pour le tableau dynamique 96.96). Ce volume représente environ 1/1000 le volume d'une plateforme conventionnelle de PCR quantitative (qPCR). La valeur admissible du cycle seuil et la limite de détection par chambre pour l'amplification spécifique cible (ASC) et l'amplification non spécifique cible (ANSC) sont les mêmes, respectivement Ct de 27 à 29 et environ de 1 à 10 exemplaires, mais le matériel de départ doit comporter un minimum d'environ 1000 exemplaires par µl si l'ASC n'est pas appliquée. En gros, l'ASC enrichit les produits ciblés d'environ 1000 fois. Mis à part l'effet de la limite de détection sur le matériel de départ, aucun biais récurrent n'a été recensé quant à l'abondance relative des cibles. De plus, on n'a observé aucune différence importante entre les fréquences de faux résultats positifs dans l'amplification spécifique cible (ASC) et non spécifique cible (ANSC) dans l'ensemble des essais, ce qui laisse supposer que l'étape d'enrichissement n'a eu aucun effet sur la sensibilité ni sur la spécificité des essais. L'enrichissement ciblé par ASC n'a pas eu d'effets importants sur la répétabilité et la reproductibilité ni sur les résultats individuels (positifs/négatifs). Dans l'ensemble, la répétabilité s'est avérée bonne à excellente pour la plupart des essais et se trouvait dans les fourchettes observées sur d'autres plateformes.
- Forces et faiblesses : un certain nombre de forces ont été recensées, notamment des avantages quant à : la profondeur du champ d'application; la détection de coinfection; le coût par test; le gain de temps; l'efficacité; la flexibilité; le caractère extensible; une meilleure définition des objectifs; la sensibilité analytique; l'interchangeabilité; les exigences limitées par rapport au tissu; la mise à niveau permettant de faciliter le séquençage de la PCR; évaluation simultanée de la qualité de l'ARN; la détection d'une deuxième sonde; utilisation d'échantillons non létaux. Inversement, un certain nombre de faiblesses ont également été recensées notamment : la mauvaise qualité de la courbe pour certains essais; les exigences accrues en matière de formation; le coût élevé initial des instruments; le volume de données et le niveau d'analyse requis (« mégadonnées »); le besoin d'améliorer les algorithmes des logiciels; un instrument mieux adapté aux études plus vastes et aux ensembles de données plus grands; la prudence dans l'interprétation des résultats. Voir la rubrique Évaluation pour obtenir de plus amples explications sur ces points.
- Incertitude : un certain nombre de sources d'incertitude ont été répertoriées dans la méthode analytique notamment : le recours à des gBlocks pour les espèces étroitement apparentées; l'utilisation d'échantillons de tissus comme témoins positifs, ce qui peut améliorer les chances de détection de coinfection lorsque plusieurs microbes sont évalués en même temps; le regroupement d'échantillons témoins (par virus, bactéries et parasites) dans le cadre des études de spécificité; le recours à une seule dilution en série (sans évaluation de la variation d'ordre technique dans l'exactitude du pipettage). Ces limitations sont abordées plus en détail dans la rubrique Évaluation accompagnées des recommandations connexes.
- Cet examen par les pairs conclut que ce projet de recherche peut passer à la phase 2b. Toutefois, l’avis scientifique contient plusieurs recommandations concernant l’amélioration à apporter à la méthodologie expérimentale, aux procédures de laboratoire et au document de travail connexe (Document de recherche) qui doivent être appliquées. Vous trouverez de plus amples détails dans la rubrique Évaluation du présent rapport, mais parmi ces recommandations, on trouve :
- Les mêmes essais ont été réalisés plusieurs douzaines de fois afin d'obtenir la limite de détection et la linéarité des essais pour chaque conception d'amorce ou de sonde; toutefois, ils ont été effectués au moyen d'une seule dilution en série de témoins positifs artificiels. Les auteurs ont réussi à démontrer l'exactitude de la prise de mesures dans un seul échantillon pour chaque point, notamment l'effet de six réactions indépendantes d'ASC; cependant, ils n'ont pas inclus l'évaluation des écarts possibles dans la manipulation des liquides (pendant la préparation de la dilution en série de l'ASC). Pour complètement remédier à la variabilité inhérente, il est recommandé d'évaluer la variabilité entre les témoins en utilisant plusieurs dilutions en série préparée séparément.
- Tous les microbes détectés lors de la comparaison avec les échantillons de témoins positifs autres que ceux ciblés doivent faire l'objet d'un séquençage d'ADN à des fins de confirmation. Il est préférable pour le séquençage de cibler un autre gène (PCR classique ou par amorces incluses) permettant ainsi de distinguer les réactions croisées éventuelles des coinfections. Un séquençage similaire peut être réalisé sur un sous-ensemble d'échantillons de terrain testés afin de confirmer ou de valider la spécificité associée aux études de surveillance de microbes.
- Afin de garantir la même efficacité de détection (c'est-à-dire les mêmes valeurs Ct), il faut comparer les résultats sur les deux plateformes en utilisant les échantillons d'ASC dans les conditions prescrites pour les deux (p. ex. une température d'hybridation de 60°C pour toutes les amorces et les sondes). Cette comparaison devrait idéalement se faire au moyen de véritables échantillons positifs (c'est-à-dire sans gBlocks) dans la mesure du possible.
- Il est fortement recommandé de disposer d'un cadre permettant d'orienter l'interprétation des observations de recherche (p. ex., méthode de notation). Il faudrait également tenir compte des conséquences plus vastes qu'auront les observations potentielles et de la façon dont elles seront communiquées aussi bien à l'interne (au sein du ministère) et plus largement à l'externe (le public). Aussi bien les organismes de réglementation que les décideurs pourront tous deux grandement tirer parti d'un cadre uniforme d'interprétation des résultats de projets.
- Afin de tenir compte de l'incertitude de certains procédés d'essai, il est recommandé de mettre en place un système de gestion de la qualité qui permettrait d'assurer la mise en place de méthodes et de vérifications de processus; la vérification et le calibrage du matériel et des instruments; la mise en place de réactifs critiques; l'introduction de nouveaux essais. En outre, chaque aspect de l'assurance ou du contrôle de la qualité (AQ/CQ) doit prendre en compte les risques recensés et les atténuer (p. ex., des procédures opérationnelles normalisées ou un manuel de contrôle de la qualité).
- Il est recommandé d'effectuer une vérification de l'efficacité de l'étape de nettoyage après l'ASC.
- Il est recommandé de vérifier la spécificité entre les regroupements de microbes (virus, bactéries et parasites) en utilisant des échantillons réels et en excluant les tissus et les gBlocks dans l'ensemble des essais.
- Il est recommandé de tester la robustesse des gains d'efficacité des Ct calculés. Pour ce faire, on peut changer les gains d'efficacité (manuellement dans les formules) et vérifier les effets sur les Ct calculés.
Le présent avis scientifique découle du processus consultatif national qui a eu lieu du 2 au 4 décembre 2014 concernant l'Examen de l'évaluation de la plateforme BioMark de Fluidigm pour déterminer son adéquation pour la surveillance microbienne. Le document de recherche et le compte rendu découlant de cette réunion seront publiés, lorsqu’ils seront disponible, sur le calendrier des avis scientifiques du secteur des Sciences du MPO.
Avis d’accessibilité
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