Cadre de référence
Processus de consultation scientifique zonal sur l'incidence du phoque gris sur les populations de poissons dans l'est du Canada
Du 4 au 8 octobre 2010
Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada
Président : Mike Chadwick
Contexte
Le débat se prolonge autour des répercussions négatives possibles de la prédation du phoque sur les populations de poissons présentant un intérêt sur le plan commercial et sur le plan de la conservation (p. ex., la morue). L'un des facteurs contribuant à nourrir le débat est la croissance des populations de phoques gris observée au cours des dernières décennies dans les eaux de l'est du Canada ainsi que la diminution parallèle ou l’effondrement dans certains cas, de plusieurs populations de poissons à un point tel que la pêche a été interrompue. On a estimé que la mortalité naturelle des poissons adultes est anormalement élevée au sein de ces populations effondrées qui ne se rétablissent pas.
On a posé l'hypothèse que les phoques ont cinq effets naturels négatifs sur les populations de proies : 1) prédation; 2) compétition pour la nourriture; 3) transmission de parasites causant une mortalité accrue des poissons; 4) perturbation du frai, entraînant une baisse du succès de reproduction; et 5) autres effets indirects sur la productivité des proies causés par le changement de comportement des poissons dans le but d'atténuer les risques de prédation par le phoque.
Un examen indépendant demandé par le ministère des Pêches et des océans (MPO) du Canada (Rapport du groupe d'experts sur la gestion des phoques, 2001) s'intéressait précisément aux effets de la prédation. D'autres types d'effets éventuels n'ont cependant pas été pris en considération dans le cadre de référence de l'examen. Les résultats du groupe d'experts indiquaient que l'interaction entre les phoques, les poissons de fond et d'autres espèces est complexe et variable. Il en ressort en conclusion qu'il existe peu de preuves appuyant l'hypothèse que la prédation a une incidence majeure sur la plupart des stocks de poissons commerciaux. Depuis la présentation des constatations du groupe d'experts, on a réalisé de nombreuses études sur la taille de la population de phoques, les changements survenus sur le plan de la mortalité naturelle des poissons et les répercussions de la prédation.
Récemment, le MPO a organisé un atelier en deux parties afin d’examiner l'incidence des phoques sur les stocks de morue de l'Atlantique dans les eaux canadiennes de l'Est. Le premier atelier portait sur la nature et la qualité des données disponibles, et la détermination des analyses et études de modélisation qui pourraient être entreprises avec les données déjà disponibles afin de couvrir, de façon plus complète, l'enjeu des répercussions des phoques sur le rétablissement des pêches commerciales (MPO, compte rendu 2008/021). Le second atelier avait pour but d'effectuer la revue finale de ces nouvelles analyses (MPO, compte rendu 2009/020). Les objectifs ultimes de ce processus en deux volets étaient l’examen des éléments suivants : 1) les études sur les interactions trophiques (p. ex., les effets de la prédation) entre les phoques et les stocks de morue de l’Atlantique de l’est du Canada, en particulier les phoques gris et les phoques du Groenland; 2) les études semblables menées ailleurs qui pourraient aider à mieux comprendre les effets de la prédation exercée par les phoques gris et les phoques du Groenland sur les stocks de morue de l’Atlantique; 3) les études sur les effets des parasites transmis par les phoques comme source de mortalité du poisson; 4) les études sur les effets indirects négatifs, non trophiques, des phoques sur le succès de la ponte et sur le comportement alimentaire des poissons; 5) l’information disponible sur les répercussions d’une diminution des populations de phoques sur la taille des populations de poissons et leur biomasse exploitable ainsi que sur les aspects économiques de la gestion des phoques; 6) la conception d’expériences ou d’autres études pouvant permettre de préciser les répercussions des phoques sur la dynamique des stocks de morue.
De nombreuses hypothèses existent quant aux facteurs qui limitent le rétablissement des stocks de morue en contribuant à une forte mortalité, et ont été examinées lors du second atelier. Parmi celles-ci, les captures non signalées (c.-à-d., la mortalité est due à la pêche et non à la mortalité naturelle), les maladies, les contaminants, le manque de nourriture (les mauvaises conditions), les changements biodémographiques, les répercussions de la prédation accrue par les phoques (prédation, parasites, autres répercussions) et la prédation accrue par d'autres espèces. À l'issue de l'atelier, les résultats ont permis de conclure que les données indirectes suggèrent que la prédation par le phoque gris pourrait représenter un grand pourcentage de la forte mortalité naturelle de la morue du sud du golfe. L'avis scientifique le plus récent produit sur la morue du sud du golfe indiquait également que la prédation par les phoques gris est considérée comme l'une des principales causes de mortalité naturelle de la morue dans le sud du golfe et qu’avec de tels taux de mortalité naturelle la croissance du stock est peu probable à moins que la productivité dépasse largement les niveaux des dix dernières années. Pour 2009-2010 et au-delà, le ministre a annoncé un programme visant le prélèvement ciblé d’un maximum de 15 000 phoques gris qui sont susceptibles de s'attaquer aux concentrations de morues du sud du golfe.
Portée
Il n'existe aucun énoncé d'avis officiel traitant de l'interaction des phoques gris avec les stocks de morues à part celui visant le sud du golfe. Les études susmentionnées passées en revue au cours des ateliers révèlent que les donnés disponibles étaient moins concluantes dans les autres secteurs tel que, par exemple, l'est du Plateau néo-écossais. Pour ces secteurs, on a formulé d'autres hypothèses (autre que la prédation par le phoque gris) parmi celles qui n'avaient pas été écartées, et la concordance entre les tendances observées concernant la population du phoque gris et celles concernant la situation de la morue n'était pas évidente. Le travail sur ces questions se poursuit. Dans le contexte de la présente réunion, l'accent sera mis sur la morue, mais l'examen pourrait s'étendre à d'autres proies pertinentes.
Objectifs de la réunion de consultation de 2010
Puisqu'il y aura un prélèvement ciblé des phoques gris, la Gestion des pêches et de l'aquaculture (GPA) a demandé au secteur des Sciences de répondre aux questions suivantes :
Combien de phoques gris faudrait-il prélever au cours des cinq prochaines années afin de diminuer de façon mesurable la mortalité naturelle de la morue du sud du golfe et d'autres stocks de morue qui présentent une forte mortalité naturelle? Quelles pourraient être les réactions de l'écosystème (p. ex., abondance d'autres prédateurs et proies) au prélèvement ciblé des phoques gris, particulièrement celles qui pourraient avoir une incidence sur le rétablissement de la morue?
Dans le cadre du présent processus de consultation scientifique, on examinera un certain nombre de documents de travail portant sur les thèmes suivants :
- preuves directes de la consommation de morues par les phoques gris;
- preuves indirectes de la consommation de morues par les phoques gris;
- diminution minimale de la mortalité naturelle afin de rétablir les populations de morue aux niveaux de référence;
- changements observés relativement à l'abondance, à la répartition et à l'écologie du phoque gris;
- scénarios de réduction des populations de phoques gris dans le but de rétablir les stocks de morue;
- exemples de contrôle des grands prédateurs marins dans d'autres pays; et
- conception d'un essai contrôlé visant à vérifier l'incidence du contrôle du phoque gris sur la mortalité de la morue du sud du golfe.
Les documents de travail aborderont les sujets suivants :
- Preuves directes de la consommation de morues par les phoques gris
- Quel est le régime alimentaire estimé du phoque gris?
- Quelles sont les estimations des proportions et de la répartition par taille des morues consommées par les phoques gris?
- Quelles sont les sources possibles de biais et d'incertitude dans l'estimation du régime alimentaire du phoque gris?
- Quel est le chevauchement spatio-temporel des phoques gris et des morues, et quelles sont les sources possibles de biais et d'incertitude liées aux estimations de la répartition saisonnière des populations de phoque gris et de morue?
- Quels sont les estimations relatives aux taux et aux tendances liées à la mortalité de la morue causée par la prédation du phoque gris, et dans quelle mesure ces estimations expliquent-elles la mortalité naturelle de la morue en fonction de sa taille?
- Quel est le degré de sensibilité des résultats du point 1.e aux biais et aux incertitudes possibles reconnues aux points 1.c et 1.d?
Fournir des estimations du régime alimentaire du phoque gris propres au stock ou à la région, de la prédation et de la mortalité.
Pour répondre à ces questions, les participants examineront les différentes méthodes ayant servi à estimer le régime alimentaire ainsi que les différentes approches de modélisation ayant servi à estimer la mortalité causée par la consommation et la prédation. Il est prévu que ces approches incluent des modèles de prédation à deux espèces, plurispécifiques et écosystémiques.
- Preuves indirectes de la consommation de morues par les phoques gris
- Quelles sont les tendances relatives à la mortalité naturelle chez la morue et chez d'autres espèces de poisson pertinentes dans chacun des écosystèmes?
- Quelles sont les autres hypothèses pouvant expliquer la forte mortalité naturelle de l'espèce observée (morue et autres espèces)?
- En se basant sur une approche privilégiant le poids de la preuve, lesquelles de ces hypothèses sont les plus susceptibles de contribuer à l'augmentation de la mortalité naturelle observée?
La liste minimale des autres hypothèses à examiner pour tous les écosystèmes et toutes les espèces visés comprend les éléments suivants :
- prises non déclarées;
- maladies;
- contaminants;
- parasites;
- mauvaises conditions nuisant aux poissons;
- changements biodémographiques
- l'implication d'un taux plus élevé de mortalité pour la reproduction en raison de la maturation à un plus jeune âge ou à une plus petite taille;
- évolution d'une sénescence précoce;
- emprisonnement dans une zone de prédation
- prédation par le phoque gris, le phoque du Groenland et d'autres prédateurs.
Dans bien des cas, l'information disponible pouvant contribuer à étayer certaines hypothèses sera très limitée. Néanmoins, un examen approfondi des données et des documents disponibles doit être réalisé.
- Diminution minimale de la mortalité naturelle afin de rétablir aux niveaux de référence les populations de morue
Quelle est la diminution minimale de la mortalité naturelle de la morue nécessaire pour obtenir une probabilité élevée (90 %) d'augmentation de la biomasse de morue (supérieure au point de référence limite [PRL] de 80 000 tonnes) sur 10 et 15 ans, en prenant en compte les paramètres de productivité actuels (croissance, taux de maturation, etc.)?
- Changements observés relativement à l'abondance, à la répartition et à l'écologie du phoque gris
- Quels sont les facteurs qui pourraient avoir joué un rôle dans l'une ou l'autre des répercussions accrues associées au phoque gris sur les proies en général et (ou) la morue en particulier? Procéder à un examen des changements sur le plan de l'écologie, de la répartition et des prédateurs naturels du phoque gris.
- Certains de ces facteurs peuvent-ils faire l'objet d'activités de gestion, y compris des mesures de contrôle de la population?
- Scénarios de réduction des populations de phoques gris dans le but de rétablir les stocks de morue
- En considérant que la prédation par le phoque gris est un facteur de mortalité, quelle serait la réduction minimale de la population de phoques gris nécessaire pour acquérir 50 % de certitude d'atteindre une augmentation observable de la productivité à un niveau auquel la population augmenterait en l'absence de pêche (si cette mesure de gestion était la seule adoptée)?
- Vu les données et les diverses hypothèses concernant le régime alimentaire du phoque gris, quelles pourraient être les conséquences d'une réduction de 10 %, de 20 % et de 40 % de la population de phoques gris sur la consommation directe de la morue et d'autres proies, et comment ces conséquences se traduiraient-elles en changements sur le plan de la mortalité naturelle?
- Quelles pourraient être les conséquences si aucune action n’était prise?
- Exemples de contrôle des grands prédateurs marins dans d'autres pays
- Comment se sont conclues les autres tentatives de contrôle des prédateurs (particulièrement, mais sans en exclure d'autres, des prédateurs marins) dans le but d'atteindre des résultats précis relativement à des proies ciblées?
- À partir du compte rendu des expériences dans la documentation, quel est le niveau de compréhension requis pour prendre une décision sur la mise en œuvre de programmes de contrôle des prédateurs dans d'autres écosystèmes?
- Conception d'un essai contrôlé visant à tester l'incidence du contrôle du phoque gris sur la mortalité chez la morue du sud du golfe
À partir des résultats obtenus à l'issue des analyses susmentionnées, quelle serait la conception d'un essai visant à tester l'incidence du contrôle du phoque gris sur la mortalité de la morue? Quel stock, quel endroit, quelle méthode, quel délai d'exécution et quel degré de contrôle seraient requis pour observer une hausse de productivité de la morue? De plus, pour un niveau donné de prélèvement ou de réduction de la population de phoque gris, quelle serait la nature (la portée, l'étendue et la durée) du prélèvement ou de la réduction qui pourrait être appliquée afin de maximiser la probabilité et l'ampleur d'une diminution possible de la mortalité naturelle de la morue?
Publications prévues
Les conclusions et les recommandations de ce processus de consultation scientifique zonal (PCSZ) seront étayées dans un compte rendu et un avis scientifique publiés par le Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS). L'avis scientifique procurera à la GPA de l'information sur la mesure selon laquelle les décisions de gestion concernant le contrôle de la population de phoque gris pourront permettre d'entraîner des augmentations mesurables de la productivité et de la biomasse de morue.
Parmi les publications qui doivent être produites à la suite de la réunion, mentionnons un avis scientifique du SCCS, des documents de recherche du SCCS fondés sur les documents de travail présentés et un compte rendu du SCCS documentant les discussions tenues pendant la réunion.
Participants
Cette réunion vise à offrir un examen par les pairs ouvert et transparent des renseignements scientifiques existants, qui fournira une occasion pour les experts informés de contribuer à l’atteinte des objectifs décrits dans le cadre de référence (à publier). Ainsi, on s’attend à ce que les participants contribuent pleinement à la discussion et présentent des commentaires objectifs, informatifs et constructifs qui éclaireront ce processus scientifique. On ne cherche pas à ce que les participants soient présents à la réunion seulement pour être informés sur le sujet ou pour avancer une position précise sans fondement scientifique. Les participants choisis pour participer à ce processus de consultation possèdent des connaissances particulières ou ont de l'expertise dans ce domaine. La participation est individuelle, en fonction des connaissances et de l'expertise liées aux sujets susmentionnés, et ne vise pas à représenter un groupe en particulier. Le processus respectera les lignes directrices normalisées du SCCS visant la participation aux processus de consultation scientifique du MPO. Il réunira des spécialistes du secteur des Sciences du MPO et d’autres secteurs du Ministère ainsi qu’un vaste éventail de participants de l’extérieur invités en raison de leur expertise en la matière.
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