Centre d’expertise sur les mammifères marins
Rapport sur la recherche scientifique
2015-2017
Table des matières
- Texte Complet
- Introduction
- Utilisation d’images aériennes infrarouges pour dénombrer les phoques annelés sur la glace
- Utilisation de véhicules aériens sans pilote (UAV)
- 2017 : A Marine Mammal Odyssey, Eh!
- Une analyse de marquage-recapture provenant d’une étude à long terme sur l’île de Sable révèle des changements dans les taux démographiques chez le phoque gris de l’Atlantique Nord-Ouest
- Réseau OTN – Utilisation des phoques gris (Halichoerus grypus) comme sondes biologiques pour estimer la biomasse de phytoplancton
- Relevés aériens internationaux de la mégafaune marine du plateau continental dans l’Atlantique Nord-Ouest, du nord du Labrador jusqu’à la baie de Fundy
- Surveillance des déplacements des phoques lors de la mise bas sur la banquise dérivante
- Recherche en génomique sur les mammifères marins dans la région du Centre et de l’Arctique
- Réseau OTN et interactions prédateurs/proies
- Écoute en eaux profondes : Surveillance acoustique passive des baleines au large de la Nouvelle-Écosse
- Le partage des repas maintient la cohésion des familles d’épaulards: l’approvisionnement des membres de la famille maintient le lien social à long terme et aide à transmettre des gènes communs
- Nouveaux progrès dans l’utilisation d’acides gras pour déterminer le régime alimentaire des mammifères marins
- Plus qu'une simple bouchée : Révéler l’historique de quête de nourriture et de reproduction de la baleine boréale à partir du fanon
- Observation du comportement du morse dans les échoueries quasiment en temps réel
- Vers un dénombrement automatisé
- Références
Vers un dénombrement automatisé
Garry Stenson et Mike Hammill
L’obtention d’une estimation de l’abondance des animaux est nécessaire pour définir les objectifs de conservation, établir les limites de récolte et évaluer l’effet du développement. Pour cela, nous effectuons souvent des relevés visuels et photographiques, afin de déterminer le nombre d’animaux dans une zone. Pendant les relevés visuels, des observateurs entraînés repèrent et dénombrent les animaux alors qu’ils passent le long d’un transect prédéterminé à bord d’un bateau ou d’un aéronef. Les avantages de tels relevés résident dans le fait que des observations peuvent être effectuées rapidement et que les données peuvent être saisies et analysées afin de produire une estimation en quelques jours ou semaines seulement.
Cependant, les observations visuelles sont momentanées. L’observateur aperçoit rapidement l’animal, identifie l’espèce, le nombre et peut parfois enregistrer d'autres données, mais il n’est en aucun cas possible de revenir plus tard sur les lieux pour vérifier si les données sont exactes.
L’approche privilégiée consiste à utiliser un capteur, p. ex., un appareil photo, pour photographier la zone. Cependant, chaque photographie doit être examinée, ce qui peut être difficile et long. La détection d’animaux sur une photo dépend de la qualité de l’image et de la capacité du lecteur à détecter l’animal sur la photographie (figure 16).
Cette capacité à détecter un animal varie d’un lecteur à l’autre, mais étant donné qu’il est possible de vérifier de nouveau l’image, des protocoles peuvent être mis au point et la qualité des identifications peut être évaluée. Au cours des trois dernières décennies, nous avons été témoins d’améliorations considérables en matière de qualité de l’image, étant donné que les appareils ont intégré des mécanismes de stabilisation et sont passés de la pellicule au numérique. Grâce aux systèmes numériques actuels, la résolution est tellement bonne que les lecteurs peuvent s’attarder sur une seule image, l’agrandir et déterminer s’il s’agit d’un animal ou d’un autre objet. Cela a permis de réduire la quantité de corrections appliquées aux dénombrements afin de compenser le nombre d’animaux manquants. L’intégration d’images aux systèmes d’information géographique (SIG) a aussi aidé à accélérer le dénombrement, étant donné que chaque animal est géoréférencé à l’écran et saisi automatiquement dans une base de données. Toutes les identifications incertaines peuvent être de nouveau vérifiées et la saisie physique de données, une étape fastidieuse, peut ainsi être évitée. Les données géolocalisées peuvent aussi être utilisées pour d’autres études, comme l’identification des types de glace utilisés pour la mise bas. Cependant, de nombreux relevés, en particulier ceux de mammifères marins, couvrent de vastes zones. Le nombre de photographies à examiner peut donc être considérable. Dans le cadre des relevés du phoque du Groenland, nous produisons 25 000 à 35 000 images chaque année lorsqu’un relevé aérien est mené. À l’heure actuelle, l’examen de toutes les images nécessite trois personnes travaillant à temps plein pendant un an.
Un système de détection et de dénombrement automatisé accélèrerait le traitement des photographies et réduirait le temps et la quantité d’énergie nécessaires pour dénombrer les animaux sur les images. Une telle approche pourrait être partiellement ou totalement automatisée. Dans le cas d’un système entièrement automatisé, le nombre d’animaux figurant sur une image est détecté et compilé par le système. Cela réduit le degré d’effort nécessaire et accélère les résultats finaux, mais est très difficile à mettre au point en réalité. Un système semi-automatisé, où les animaux potentiels sont mis en évidence et un observateur formé décide s’il s’agit d’un mammifère marin ou non, est plus réaliste.
Au fil des ans, diverses tentatives ont été faites pour créer un système semi-automatisé afin de dénombrer les blanchons, mais ce n’est que durant la dernière décennie, grâce à des améliorations considérables réalisées en matière de puissance de calcul et à des avancées importantes dans les systèmes de reconnaissance faciale, que certains progrès ont été accomplis. Ces caractéristiques, combinées à une approche qualifiée d’apprentissage profond, ont ouvert des possibilités en matière de création de nouveaux systèmes de détection automatisés. L’apprentissage profond correspond au moment où l’ordinateur, alors exposé à des centaines d’images de mammifères marins (p. ex., phoques sur la glace), apprend lentement à reconnaître un phoque sur la glace. Cela s’oppose aux approches précédentes, plus traditionnelles, où les scientifiques tentaient de définir la forme d’un phoque à l’aide d’algorithmes très complexes.
Les scientifiques du MPO collaborent avec des chercheurs de l’Institut norvégien de recherche marine et le centre informatique norvégien afin de mettre au point un programme qui détermine automatiquement des blanchons potentiels du phoque du Groenland et du phoque à capuchon sur des images aériennes à l’aide d’un réseau neuronal convolutionnel (CNN) profond. Bien que cette approche soit encore au stade de développement, les premiers résultats semblent indiquer qu’elle est utile. La méthode a été élaborée à l’aide d’images provenant de relevés canadiens et norvégiens plus anciens et elle est maintenant mise à l’essai par rapport aux images obtenues pendant le relevé du phoque du Groenland effectué en mars 2017. On espère que le programme sera opérationnel au moment du prochain relevé.
Le plus grand défi lors de l’identification de mammifères marins, notamment celle de phoques donnant naissance à des blanchons comme les phoques du Groenland et les phoques gris, sur les images obtenues à l’aide de capteurs normaux est le manque de contraste entre les blanchons et l’arrière-plan. Par le passé, des appareils photo équipés d’un filtre ultraviolet ont été utilisés pour améliorer le contraste des phoques du Groenland, mais de tels appareils étaient coûteux et difficiles à obtenir. Cependant, au cours des dernières années, des capteurs qui fonctionnent en utilisant d’autres longueurs d’onde sont devenus facilement accessibles. Les capteurs thermiques capables de mesurer la différence entre la chaleur émise par un animal et son environnement plus froid sont un exemple du potentiel offert par un capteur.
En collaborant avec des chercheurs du Duke University Marine Laboratory, nous avons récemment déployé un capteur thermique dans un petit véhicule aérien sans pilote (UAV) pour recueillir des images de blanchons du phoque gris nés sur de petites îles en janvier dans le Canada atlantique.
Un modèle de détection du phoque a été élaboré pour numériser des images thermiques, détecter les phoques et les dénombrer. Les dénombrements obtenus à l’aide du système automatisé ont été comparés aux dénombrements manuels obtenus à partir de deux sites de mise bas insulaires dans le Canada atlantique. L’outil utilisait des seuils de température et effectuait un tri de la taille en fonction du groupe de pixels pour détecter les adultes et les blanchons du phoque gris. Les images ont été examinées manuellement une première fois pour fournir un dénombrement de référence. Elles ont ensuite été examinées à l’aide du modèle de détection thermique automatisé. Sur une île, le système de dénombrement automatisé a détecté 5 % moins de phoques par rapport au dénombrement effectué manuellement.
Sur la deuxième île, le système de dénombrement automatisé a seulement détecté 2 % moins de phoques par rapport au dénombrement effectué manuellement (figure 17).
Dans nos analyses, la méthode automatisée a mieux fonctionné que les dénombrements manuels sur le site de prévision (site deux) où les températures ambiantes étaient plus faibles, ce qui permettait d’obtenir un meilleur contraste entre les phoques et l’environnement. Cependant, le modèle n’a pas réussi à détecter les jeunes animaux dont la température n’était pas suffisamment chaude. Ces animaux « froids » étaient probablement des animaux morts qui n’avaient plus de signature thermique mais qui ont été repérés par les lecteurs humains. Ce système automatisé est relativement facile à configurer et à utiliser à l’aide d’un logiciel de SIG couramment utilisé. Dans les zones où plusieurs capteurs sont utilisés, il offre un moyen clair d’améliorer le dénombrement et la compilation d’images obtenues à partir de nos relevés.
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