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Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent

Conclusions

Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent

Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent (PDF, 1.52 MB)

Table des matières

7. Conclusions

Lorsqu'on a mené l'examen visant à estimer le potentiel de rétablissement de la population de béluga de l'ESL après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005, on considérait que la population était stable ou augmentait à un taux maximal de 1 % par année (Hammill et al. 2007). L'examen effectué par la suite par le MPO en 2013 a révélé qu'au moment de l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP, cette population était en fait déjà en déclin et ce, depuis environ 2000 (MPO 2014). Les changements majeurs de la dynamique de la population et des tendances démographiques à l'époque ont coïncidé avec la dégradation de plusieurs paramètres environnementaux que l'on jugeait déjà défavorables pour le rétablissement du béluga; la situation a donc encore empiré. Ces paramètres comprenaient de nouveaux reculs de la disponibilité des proies par rapport aux moyennes à long terme dans le golfe du Saint-Laurent, un réchauffement du climat, une exposition chronique à la circulation maritime et les perturbations provenant de l'augmentation des activités d'observation des baleines dans les secteurs de l'habitat essentiel du béluga, les importantes concentrations d'un grand nombre de contaminants (p. ex., BPC, DDT, EDP) et les proliférations épisodiques d'algues nuisibles. La population est désormais considérée comme étant en voie de disparition et toujours en déclin. De là, nous concluons que, collectivement, les mesures de rétablissement mises en œuvre à la suite du premier plan de rétablissement (Bailey et Zinger 1995) et celles qui ont été mises en œuvre après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ne sont pas parvenues à suffisamment réduire les menaces pour permettre la croissance et le rétablissement de la population.

Les données publiées à l'occasion du récent examen du MPO (MPO 2014) n'ont pas relevé de menaces pour le rétablissement du béluga de l'ESL autres que celles qui figuraient déjà dans le programme de rétablissement. Elles ont toutefois modifié notre perception de l'importance relative des menaces précédemment cernées. La contamination élevée, les niveaux de bruit et le potentiel de dérangement importants ainsi que la pénurie des approvisionnements en nourriture sont toujours considérés comme les principales menaces qui pèsent sur le rétablissement du béluga de l'ESL. Toutefois, la pénurie des approvisionnements en nourriture, que l'on considérait comme une menace probablement imminente, mais non documentée au moment de la publication du programme de rétablissement en 2012, est désormais considérée comme l'un des principaux facteurs probablement en cause dans le déclin actuel de la population (Plourde et al. 2014; MPO 2014; Williams et al. sous presse). De même, on jugeait que les proliférations d'algues nuisibles étaient une menace potentielle moyennement préoccupante. Même si rien ne prouve que deux des trois proliférations d'algues nuisibles documentées au cours des deux dernières décennies (voir Scarratt et al. 2014) ont augmenté la mortalité du béluga de l'ESL, la mortalité massive de plusieurs bélugas et d'autres espèces marines en 2008, qui découlait probablement d'une prolifération d'algues nuisibles (Scarratt et al. 2014), a apporté une perspective très concrète des effets potentiels de tels événements sur la dynamique de la population et a relevé le niveau de préoccupation de cette menace.

Les mesures de rétablissement mises en œuvre jusqu'à ce jour comprenaient des mesures fondées sur la science et la recherche et des mesures fondées sur la gestion. Même si l'on n'a rien fait depuis 2005 pour augmenter l'accès du béluga aux approvisionnements en nourriture ou pour atténuer avec efficacité le bruit et les perturbations, nous pouvons conclure que les mesures d'atténuation visant à réduire les organochlorés existants dans l'environnement du béluga sont parvenues à réduire la mortalité due au cancer chez le béluga. Toutefois, les augmentations exponentielles parallèles d'autres composés chimiques toxiques (p. ex., les EDP), qui pourraient de nos jours être au moins partiellement responsables de l'incidence élevée des problèmes périnatals chez les femelles et les baleineaux nouveau-nés, ont contrebalancé ces efforts.

Un modèle cumulatif intégrant les principales menaces, à l'exception des proliférations d'algues nuisibles (c.-à-d. la pénurie des approvisionnements en nourriture, la contamination élevée et le bruit et le dérangement découlant des activités maritimes) et leur effet sur la dynamique de la population n'est pas parvenu à déterminer laquelle de ces trois menaces doit être atténuée en priorité pour permettre à la population de croître (Williams et al. sous presse). La présente analyse indique plutôt qu'une atténuation simultanée et prononcée des trois menaces est nécessaire pour que la population maintienne la résilience requise pour faire face aux effets du réchauffement climatique. Le présent rapport propose des mesures de rétablissement visant à réduire les menaces. Toutefois, on ne dispose généralement pas de preuves scientifiques permettant de déterminer le niveau au-dessous duquel une menace n'est plus susceptible de provoquer des effets biologiquement significatifs sur le béluga de l'ESL. Par conséquent, notre capacité à qualifier même les avantages de certaines mesures de rétablissement précises pour la population est également limitée. Nonobstant ce qui précède, la réduction des trois principales menaces relève de notre contrôle, ne peut pas nuire à la population et donne la meilleure chance à la population de croître.

Pour réduire la menace posée par les contaminants, il faut prendre immédiatement des mesures pour réduire ou réduire davantage les niveaux d'EDP et des autres produits ignifuges et pour renforcer le contrôle du rejet des autres substances hautement toxiques (p. ex., HAP, mirex, BPC, DDT) dans les zones situées à l'amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga.

Comme le bruit s'atténue avec la distance et, en général, avec la proximité des navires, la manière la plus efficace de réduire les menaces posées par le bruit et le dérangement consiste à augmenter la distance qui sépare les navires, les traversiers et les petits bateaux du béluga ou de ses habitats importants. Le remplacement des traversiers par une infrastructure routière à l'embouchure du fjord du Saguenay entraînerait des gains élevés immédiats dans la réduction de l'une des principales menaces qui contribuent à prévenir le rétablissement, car il supprimerait des milliers de passages de navires chaque année dans un habitat important pour le béluga, où le niveau de bruit est le plus élevé et le plus chronique (McQuinn et al.. 2011). Il faudrait également revoir en priorité l'emplacement des voies de navigation et de la station de pilotage, car il est probable que l'on puisse apporter des ajustements qui procureraient des gains élevés et rapides sur le plan de l'insonorisation d'importants habitats du béluga. Parallèlement, il faut également limiter les interactions du béluga avec les embarcations de plaisance et les bateaux d'observation des baleines ou avec les activités découlant des projets d'aménagement marin. Une prolongation de la limite des approches du béluga (c.-à-d. la zone d'interdiction de navigation de 400 m) dans les secteurs situés à l'extérieur du PMSSL grâce à l'inclusion de cette mesure dans le Règlement sur les mammifères marins, ainsi que la création de zones d'exclusion (p. ex., des refuges acoustiques) à l'intérieur et à l'extérieur des limites du PMSSL, combinées à une application adéquate de la loi et à des campagnes de sensibilisation, seraient très efficaces pour réduire rapidement la menace posée par le bruit et les perturbations. Il est particulièrement important de mettre ces mesures prioritaires rapidement en œuvre, étant donné l'augmentation prévue du bruit et de la circulation maritime qui découlera des projets récemment mis en œuvre ou proposés de renforcer le transport de pétrole et de minéraux en provenance de ports situés en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga.

Il est difficile de prévenir à court terme les effets du réchauffement du climat sur la structure de l'écosystème et la disponibilité des proies pour le béluga. Toutefois, des mesures visant à augmenter les stocks actuels de proies potentiellement importantes pour le béluga, comme le hareng, l'éperlan arc-en-ciel, le poulamon, l'anguille d'Amérique et certaines espèces de poissons de fond, pourraient offrir au béluga un meilleur accès aux proies. Ces mesures comprennent la réduction des prélèvements par les pêches existantes, ou même des interdictions possibles de pêches d'espèces fourragères supplémentaires, ainsi qu'un renforcement de la protection des sites de frai. L'achèvement rapide de la recherche sur l'alimentation et l'utilisation de l'habitat pourrait contribuer à cerner les principales espèces proie et à cibler les mesures de gestion sur les espèces les plus importantes.

La prolifération d'algues nuisibles de 2008 a illustré de manière frappante l'incidence potentielle de ces événements sur la survie et la dynamique de la population. L'eutrophisation due à l'augmentation des concentrations d'azote et d'urée dans l'eau en particulier, ainsi que le changement climatique, que l'on a accessoirement inclus dans les causes des nouveaux épisodes de proliférations d'algues, pourraient augmenter la fréquence de ces événements (Anderson et al. 2012). Par conséquent, il faut mettre en œuvre des mesures réglementaires visant à réduire l'apport de certains nutriments, comme les composés enrichis d'urée (p. ex., dans les engrais agricoles, les effluents mal traités), dans l'habitat du béluga ou en amont, afin de contribuer à limiter l'occurrence de ces événements mortels.

Parallèlement à ces mesures, il faut instituer des indicateurs de rendement et les surveiller afin d'évaluer les tendances des menaces et leur incidence sur la santé du béluga au fil du temps en vue d'orienter la gestion adaptative; à l'heure actuelle, il existe très peu d'indicateurs de cette nature (voir l'annexe 1). Nous avons particulièrement besoin d'indicateurs permettant de surveiller l'exposition du béluga aux contaminants et aux bruits des navires, les interactions avec les navires et l'accès à des proies adéquates. Il existe des programmes de surveillance qui documentent la dynamique de la population et les tendances démographiques, la répartition, le niveau de certaines menaces (p. ex., collision, empêtrement) et les causes de mortalité. Il existait également un programme de surveillance des contaminants au MPO, mais il a été aboli en 2014 et n'a pas été transféré à d'autres institutions, ce qui pourrait entraver notre capacité à surveiller l'efficacité des mesures de rétablissement à l'avenir. L'examen mené en 2013 par le MPO a montré l'importance de ces programmes, car ils nous aident à comprendre les interactions complexes et combinées entre les agents de stress d'origine anthropique et naturelle.

Ces programmes de surveillance devraient s'accompagner de recherches scientifiques (voir les tableaux 3 à 8 pour consulter les lacunes précises dans les données) afin d'obtenir le contexte nécessaire à l'interprétation des tendances et de veiller à axer les mesures de rétablissement sur les composantes les plus susceptibles de contribuer à la réduction des menaces. L'élaboration de modèles et d'autres outils de prédiction serait particulièrement utile pour tester les effets de divers scénarios de gestion (p. ex., réacheminement de la circulation, réductions de vitesse) sur le niveau de certaines menaces ou sur la probabilité des effets biologiquement significatifs sur le béluga de l'ESL.

En vertu de son emplacement, en aval d'importants centres industriels, et de la diversité des activités socio-économiques à valeur ajoutée qu'il soutient, l'ESL et ses espèces marines sont exposés à une myriade d'agents de stress d'origine anthropique. À l'heure actuelle, il n'existe aucun mécanisme d'intégration de la planification spatiale des activités dans l'ESL ou d'objectifs de gestion propres aux agents de stress, car il n'existe aucun suivi centralisé des activités ou des projets autorisés, ou de leurs impacts cumulés sur des espèces précises. C'est particulièrement pertinent en ce qui concerne les activités ou les projets qui se déroulent en dehors de l'habitat du béluga de l'ESL, mais qui produisent des impacts sur l'habitat du béluga (p. ex., par l'augmentation de la circulation maritime). Il est urgent qu'un examen stratégique (ou programmatique) définisse les limites supérieures du niveau de certaines menaces que nous sommes disposés à accepter et de fournir un contexte aux activités en cours ou planifiées et aux projets d'aménagement qui aggravent ces menaces. Un tel examen est particulièrement nécessaire pour les activités et les projets qui produisent du bruit et du dérangement, car il fournirait un cadre pour l'établissement des objectifs de gestion du point de vue des niveaux de bruit ou du volume de circulation à ne pas dépasser, tout en améliorant la planification spatiale et temporale des activités économiques comme la navigation maritime et les projets d'aménagement marin, ainsi que l'évaluation et la gestion de leurs effets cumulatifs ou regroupés sur le béluga et son habitat.

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