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Fiches Techniques du Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture (PCRDA)
Numéro 3 - Avril 2009

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Production de populations entièrement femelles de saumon coho, Oncorhynchus kisutch, à l'aide demarqueurs ADN du chromosome Y

(PDF, 269 Ko)

Résumé

Certaines souches de saumon coho manifestent des taux moyens à élevés de maturation sexuelle précoce à une taille sous-optimale pour le marché. La mise au point de souches entièrement femelles de cette espèce pourrait avoir des avantages notables pour l'industrie aquacole, éliminant les pertes découlant de lamaturation précoce desmâles et permettant de produire deux fois plus d'oeufs avec un nombre comparable de géniteurs à celui des culture de sexes combinés. Les populations unisexuées ont aussi des avantages pour l'environnement, dans des zones où des espèces non indigènes sont élevées, en fournissant une méthode hautement efficace pour limiter la reproduction.

L'application de méthodes diagnostiques posées à l'aide d'un simple essai de réaction en chaîne de la polymérase (RCP) peut permettre de distinguer les mâles XY ordinaires des mâles XX masculinisés, facilitant d'autant le développement et le maintien de souches monosexes, entièrement femelles.

Introduction

Des mâles de certaines souches de saumons peuvent atteindre la maturité rapidement, à une taille sousoptimale pour le marché. Afin de contourner ce problème, des souches entièrement femelles de saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha) ont été mises au point et composent maintenant la plus grande partie de la production de cette espèce au Canada.

Les salmonidés possèdent un système de détermination du sexe XY d'une haute stabilité, permettant la production de populations pures d'individus XX à des fins de production. Dans le passé, on obtenait ce résultat en alliant des protocoles de renversement de sexe avec la sélection familiale. Ainsi, la progéniture des deux sexes est traitée aux androgènes au stade d'alevin, ce qui masculinise les femelles XX et en fait des mâles fonctionnels, produisant des groupes contenant des mâles XX et XY.

La distinction entre les deux types de mâles se fait de la façon suivante :

  1. à l'aide d'un essai de croisement de chaque individu avec des femelles ordinaires, en gardant ceux qui donnent une progéniture uniquement femelle (ce résultat nécessite des années),
  2. à l'aide des traits distinctifs (p. ex. absence de canal spermatique) qui existent entre les mâles XX et XY (induire cette caractéristique nécessite des traitement alimentaires prolongés à l'androgène et n'est pas toujours fiable),
  3. par l'identification des gonades hermaphrodites, ce qui est fortement indicateur d'un fond génétique XX (mais se produit seulement chez une petite proportion des poissons à sexe inversé et est donc aussi peu fiable),
  4. par l'usage demarqueurs ADN du chromosomeY, ce qui permet de distinguer les mâles de génotype XX et XY (très fiable).

Le saumon coho, une autre espèce d'importance commerciale (bien qu'un peu moindre au Canada que le saumon quinnat ou le saumon atlantique) affiche aussi, pour certaines souches, un degré de maturation modéré à élevé. En outre, les oeufs de cette espèce ont beaucoup de valeur. Le développement de souches entièrement femelles aurait des avantages importants pour l'aquaculture.

Méthodes

Les étapes menant à l'induction d'une souche entièrement femelle de saumon sont les suivantes (figure 1) : 1)masculinisationde lapremièregénération; 2) établissement d'un marqueur génétique qui permettra de distinguer lesmâles génétiques (XY) des femelles génétiques (XX); 3) vérification de chaque poisson aumoyen dumarqueur génétique et retrait de tous les mâles génétiques (XY); 4) vérification de l'absencede tous lespoissons réellementmâles (XY) en les laissantgrossir jusqu'àlamaturitéetenlesaccouplant avec des femelles normales (XX) afin de produire une progéniture mixte de mâles (XY) et de femelles (XX) (utilisée seulement pour les projets de recherche); 5)accouplementdespoissonsqui,aprèsdépistage, sont génétiquement femelles (XX –mais semblent être des mâles et produisent du sperme) avec des femelles normales (XX) afin de produire une progéniture entièrement femelle (XX).

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Figure 1

Schéma du processus d'induction d'une souche entièrement femelle à l'aide de la méthode de masculinisation et de dépistage génétique.

Masculinisation

Les saumons cohos ont été masculinisés par traitement de poissons récemment éclos (alevins) à la méthyltestostérone et à la méthyldihydrotestostérone, produisant des poissons de constitution génétique mixte (XX et XY) qui ont uniquement des traits sexuels mâles. Dans un contexte de production, ces poissons peuvent être génotypés et les mâles génétiques retirés, afin d'économiser les frais d'élevage; cependant, le tri a généralement lieu au stade de smoltification ou même après. Certains exploitants ne les retirent pas, préférant sélectionner les mâles XX à la maturité. Dans le cadre de notre étude, ces poissons ont été élevés en eau douce jusqu'au stade de smoltification, puis dans des parcs en mer jusqu'à la maturité. Les géniteurs ont été transférés dans un site d'eau douce, marqués individuellement, puis des échantillons de sang ont été prélevés en vue du génotypage.

établissement d'unmarqueur génétique

La détermination du sexe génétique (XX ou XY) a été effectuée aumoyen d'un test de génotypage servant à dépister le chromosome Y du saumon coho. Cet essai est basé sur la présence d'un pseudogène de l'hormone de croissance (GH-P) sur le chromosomeY qui peut être distingué d'autres copies autosomiques de gènes de GH à l'aide d'un simple diagnostic par réaction en chaîne de la polymérase (RCP). Le test de RCP a été fait au moyen d'amorces GH5 et GH6 qui s'étendent à l'intron-E de tous les gènes de GH du génome. Les réactions en chaîne de la polymérase ont été effectuées à des températures d'annelage oscillant entre 50 °C et 60 °C, et les produits ont été soumis à l'électrophorèse dans des gels d'agarose à 0,8%, colorés au bromure d'éthidium. Les séquences d'oligonucléotides utilisées comme amorces d'amplification étaient les suivantes:

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La deuxième étape consistait à mettre au point un test génétique fiable pour dépister le chromosomeY dans le sang ou le tissu de poisson, permettant de marquer les poissons qui sont desmâles génétiques (XY) et ceux qui sont des femellesmasculinisées (XX).

Le marqueur du chromosome Y (GH‑P) dont on a précédemment découvert le lien étroit avec le locus de détermination du sexe chez le saumon coho sauvage, s'est aussi révélé lié au chromosomeY de la population domestiquée (données non publiées). Ainsi, le génotype du sexe peut être aisément déterminé au moyen d'un diagnostic par RCP qu'il est possible d'effectuer à l'aide de tissu brut ou de préparations sanguines. Les amorces de GH utilisées pour l'amplification donnent 2 produits chez les femelles génétiques (découlant de GH1 et de GH2), tandis que chez les mâles, sont produits ces fragments en plus d'une bande de 290 paires de base découlant du pseudogène GH lié au chromosome Y (figure 2). Les essais peuvent être effectués rapidement, de sorte que dans des conditions idéales, les données peuvent être obtenues et renvoyées sur les lieux où se trouve le stock géniteur dans une seule journée.

Dépistage génétique

Après détermination du sexe génétique, des femelles génétiques (XX) ont été sélectionnées et examinées en vue de dépister des signes de masculinisation (production de laitance ou traits morphologiques). S'il y avait production de laitance, celle-ci était recueillie directement dans le canal spermatique. Toutes les autres femelles génétiques ont été euthanasiées et leur tissu gonadal examiné en vue de trouver des signes de développement testiculaire; le cas échéant, la laitance était recueillie par macération délicate du tissu testiculaire excisé. Cette laitance a été utilisée dans les croisements avec des femelles génitrices ordinaires (XX) et leur progéniture a été élevée en eau douce jusqu'au stade de pré-saumoneaux. Des échantillons de la progéniture ont été prélevés et soumis eux aussi au génotypage par marqueur sexuel, afin d'en vérifier l'étatmonosexe.

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Figure 2

Gel d'agarosemontrant l'amplification à l'aide de la RCP selon le sexe du fragment de GH‑P lié au chromosome Y (290 pb) de saumon coho.M,mère; F, père; S, fils;D, filles; C, témoin négatif.

Reésultats

Sur une période de cinq ans, des saumons cohos ont été masculinisés avec de la méthyltestostérone et élevés jusqu'au stade de maturité sexuelle en vue de servir de stock géniteur. À lamaturation, du sang a été prélevé et soumis au génotypage afin de déterminer le sexe génétique (tableau 1).

Tableau 1.

Production de géniteurs et d'une progénituremonosexe
Année de génération 1999 2000 2001 2002 2003
Géniteurs testés 522 591 582 158 210
% masculinisés 1% 4% 33% 41% 86%
% non en voie de maturation 9% 8% 55% 41% 14%
Nombre de saumoneaux de la progéniture testés 1600 1600 1600 600 600
% de femelles dans la progéniture 100% 95% 100% 100% 100%

Les mâles phénotypiques de génotype femelle (XX) ont été sélectionnés comme géniteurs et utilisés pour les croisements avec des femelles ordinaires. Au cours de la première année de production, une forte proportion de femelles a été obtenue au sein de la progéniture de ces croisements (tableau 1). Les mâles exceptionnels ont été récupérés au cours de la seconde année. Des essais ont révélé qu'ils contenaient un chromosome Y. Ainsi, les mâles exceptionnels ne semblent pas découler d'effets génétiques autosomiques ou d'influences du milieu, mais plutôt, vraisemblablement, de l'inclusion accidentelle de géniteurs XY dans les croisements reproductifs. Au cours des années subséquentes, une progéniture entièrement femelle a pu être observée, démontrant l'utilité de cette méthode pour la production de populations monosexes de cette espèce.

Outre les bienfaits des souchesmonosexes issues de l'élimination de la maturité sexuelle, les souches entièrement femelles permettent d'améliorer la production d'oeufs, ce qui est susceptible de procurer des avantages si l'on développait les marchés appropriés. Ainsi, pour le saumon coho, l'utilisation de souches femellesmonosexes a permis de doubler la production d'oeufs d'un nombre égal de reproducteurs à celui qui a été utilisé antérieurement dans une culture de sexes combinés (figure 3).

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Figure 3

Production accrue d'oeufs par la populationmonosexe.

Conclusions

Bien que l'objet principal du développement de souches monosexes pour l'aquaculture soit d'améliorer la production, il peut arriver dans certains cas que les populations unisexuées aient aussi des avantages pour l'environnement. Par exemple, dans les zones où des espèces non indigènes sont élevées, le recours à une population monosexe, s'il était généralisé, pourrait constituer une méthode hautement efficace pour limiter la reproduction. Ces poissons pourraient vivre leur vie lorsqu'ils s'échappent, sans trouver dans la nature de congénère du sexe opposé avec qui se reproduire, de sorte que leur impact direct serait limité à une seule génération et serait vraisemblablement d'une importance limitée. Les souches monosexes ont aussi leur utilité dans la production de populations non reproductrices de poissons triploïdes. Pour de nombreuses espèces, les mâles triploïdes continuent leur maturation sexuelle et produisent un sperme fonctionnel, bien qu'aneuploïde, tandis que les femelles n'ont pas de développement ovarien important. Ainsi, les populations triploïdes entièrement femelles sont avantageuses aux fins du confinement pour reproduction et de la suppression de la maturation sexuelle.


Ce projet (P-01-06-002) du PCRDA a été le fruit d'un effort coopératif de Pêches et Océans Canada (Secteur des sciences) et de Target Marine Hatcheries.

Il est possible de communiquer avec le scientifique principal de ce projet, Dr Robert Devlin, à Robert.Devlin@dfo-mpo.gc.ca.

Pour un complément d'information au sujet de ce projet ou d'autres projets du PCRDA, consultez : /aquaculture/acrdp-pcrda/index-fra.htm.


Publié par:

Direction des communications
Pêches et Océans Canada
Ottawa, Ontario K1A 0E6

© Sa Majesté la Reine du chef du Canada 2009

ISSN 1919-6806 (version imprimée)
ISSN 1919-6814 (version en ligne)
MPO/2008-1493

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