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Fiches techniques du Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture (PCRDA)
Numéro 12 - Mai, 2012

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Utilisation de la génomique pour combattre le virus de l'anémie infectieuse du saumon

(PDF, 305 Ko)

Résumé

Le virus de l'anémie infectieuse du saumon (VAIS) représente une grave menace pour les éleveurs de poissons au Canada et dans le monde entier. Il peut engendrer d'importantes pertes financières pour les exploitations aquacoles de saumon de l'Atlantique et représente un risque pour les populations de saumon sauvage de l'Atlantique. Bien que l'amélioration des pratiques d'élevage et de gestion aient contribué à réduire le risque et l'incidence de la maladie, d'autres éclosions associées à de nouvelles souches virulentes demeurent une menace pour l'industrie. Si on veut élaborer des outils d'intervention et des vaccins efficaces, on doit absolument arriver à mieux comprendre les interactions entre les poissons et les virus au niveau moléculaire. Souvent, pour étudier les interactions entre les hôtes et les pathogènes au niveau moléculaire, on utilise des outils de la génomique fonctionnelle, comme les micro-réseaux à ADN, qui mesurent l'expression génétique dans des tissus particuliers à des moments précis durant l'infection. Grâce à cette méthode, il a été possible de repérer plusieurs gènes sur-régulés ou sous-régulés dans les tissus rénaux du saumon au cours d'une infection causée par le VAIS, ce qui a permis de mieux comprendre la façon dont le poisson lutte contre la maladie. L'expression génétique a été mesurée à cinq moments différents au cours de l'infection expérimentale : 6 heures, 24 heures, 3 jours, 7 jours et 16 jours après l'injection du virus. Plusieurs gènes intervenant dans les mécanismes de défense immunologique sont devenus sur-régulés à mesure que l'infection progressait. Au cours de la dernière étape de l'infection, plusieurs gènes servant au transport de l'oxygène étaient sous-régulés. Une telle expression génétique correspond étroitement à l'anémie (faible nombre de globules rouges) observée chez le saumon de l'Atlantique infecté par des souches virulentes du VAIS juste avant sa mort. De telles études permettent une meilleure compréhension des mécanismes de défense des poissons contre la maladie et fournissent un aperçu des approches qui pourraient être adoptées pour aider l'industrie et prévenir les infections.

Introduction

Le virus de l'anémie infectieuse du saumon (VAIS) représente une grave menace pour la santé des stocks de poissons de l'industrie piscicole. Le virus peut causer une maladie systémique susceptible d'entraîner la mort de quantités importantes de saumons de l'Atlantique (Salmo salar). Les poissons infectés présentent une hémorragie, des branchies pâles, une congestion des organes internes et une anémie grave, menant souvent à la mort. D'autres membres de la famille des salmonidés, y compris la truite brune (Salmo trutta), la truite arcenciel (Oncorhynchus mykiss) et le saumon coho (Oncorhynchus kisutch), peuvent être également infectés par le VAIS. Cependant, la majorité de ces infections sont  symptomatiques (un poisson peut être atteint de la maladie sans avoir de symptômes). Bien que le VAIS présente des similarités avec le virus de la grippe, il n'est pas zoonotique (les humains ne peuvent pas être infectés).

La maladie a été signalée pour la première fois en Norvège en 1984 et, depuis, elle a été détectée sur la côte est du Canada, aux états-Unis, en écosse, dans les îles Féroé et au Chili. Le virus a été signalé en 1996 au Nouveau-Brunswick, où il a durement frappé l'industrie aquacole. Un certain nombre de mesures de biosécurité ont été mises en place pour limiter la propagation de l'infection, comme les unités de gestion aquacole des baies, mais le risque de nouvelles éclosions demeure. Diverses souches du VAIS ont été détectées et caractérisées au fil des années et présentent une virulence allant de faible à élevée, en fonction de la souche.

Bien que l'évolution et le pouvoir pathogène des diverses souches de VAIS soient abondamment étudiés, peu d'études ont été menées sur les interactions moléculaires entre le virus et l'hôte durant une infection. Lorsque les salmonidés sont infectés par un virus, plusieurs mécanismes de défense sont activés, y compris une réaction immunitaire et la production d'anticorps qui immuniseront le poisson contre de prochaines attaques virales. Cependant, avec le VAIS, cette réaction n'est souvent pas suffisante pour combattre le virus, ce qui entraîne la mort du poisson. Il est essentiel de comprendre la façon dont le saumon réagit à l'infection par le VAIS si on veut mettre au point de nouveaux traitements par agents antiviraux et développer de nouveaux vaccins.

étant donné l'importance économique majeure du saumon dans l'industrie aquacole et le désastre qui pourrait être causé par une éclosion de l'infection par le VAIS, plusieurs équipes de chercheurs tentent de mettre au point un vaccin contre le virus. Lorsque les vaccins sont efficaces, ils stimulent la production d'anticorps spécifiques et protègent le poisson contre de prochaines attaques virales connexes. Il existe des vaccins efficaces contre de nombreuses maladies des poissons, notamment la vibriose et la furonculose. Toutefois, à ce jour, le saumon ne réagit toujours pas comme on voudrait aux vaccins contre le VAIS en voie d'élaboration. L'essai de vaccins est un processus long et coûteux et, par conséquent, il serait extrêmement utile de pouvoir établir un profil de l'expression génétique indiquant le déclenchement de la réaction immunitaire chez les poissons. Ce profil serait établi après la vaccination et une courte période d'incubation. Il est probable que des vaccins efficaces provoqueraient chez les poissons une réaction génétique très semblable à la réaction suscitée par une infection par le VAIS.

Ces dernières années, une série de projets sur le génome a mené au séquençage et à la construction de banques d'acide désoxyribonucléique complémentaire (ADNc) pour les  espèces de poissons, y compris le saumon de l'Atlantique et la truite arcenciel. Ces banques d'ADNc ont rendu possible la mise au point des puces à ADN, qui ont été utiles dans de nombreuses études sur la génomique fonctionnelle. Les puces à ADN consistent en des molécules d'ADN fixées à des surfaces en verre. Chaque molécule représente un marqueur génétique unique, soit généralement un gène exprimé dans les tissus hôtes.

La présente étude vise à déterminer les marqueurs génétiques (un gène ou une séquence d'ADN à l'emplacement connu sur un chromosome) indiquant une infection par le VAIS, à mesure qu'elle progresse. On suppose qu'un grand nombre de ces marqueurs seraient aussi présents après la vaccination à l'aide d'une formulation vaccinale efficace.

Un essai initial des formulations vaccinales pourrait être effectué pour choisir l'option la plus prometteuse en vue de réaliser des essais plus approfondis. Le Consortium de recherche en génomique sur tous les salmonidés (cGrasp) a constitué un micro-réseau à ADN des salmonidés (ou puce à ADN) qui comprend 32 000 molécules d'ADN. Ces puces à ADN ont été utilisées pour repérer les gènes exprimés de façon différentielle dans les reins du saumon de l'Atlantique au cours d'une infection par une souche virulente du VAIS.

Méthodes

Étude d'exposition en milieu contrôlé

Avant l'étude, les saumoneaux de l'Atlantique ont été placés trois semaines en eau de mer maintenue à 13 ºC dans le laboratoire à isolement maximal de la Station biologique de St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Ils ont reçu une injection d'isolat virulent de la souche HPR4 du VAIS et ont été répartis dans deux bassins. Les témoins ont reçu seulement une injection de milieu de culture. Des échantillons ont été prélevés sur les poissons 0 heure, 6 heures, 24 heures, 3 jours, 7 jours et 16 jours après l'injection. Les poissons ont été examinés pour repérer des signes d'anémie infectieuse. Des sections du rein ont été retirées de chaque poisson et conservées jusqu'à l'analyse (figure 1).

Échantillonnage du saumon de l'Atlantique après injection du VAIS. Échantillonnage du saumon de l'Atlantique après injection du VAIS.
Figure 1
Échantillonnage du saumon de l'Atlantique après injection du VAIS.

Préparation de l'échantillon

L'acide ribonucléique (ARN) a été extrait de chaque échantillon de rein, puis purifié, quantifié et testé aux fins de contrôle de la qualité. L'ARN de référence a été préparé à partir d'un groupe distinct de poissons sains. L'ARN de référence représente l'état normal des saumons non infectés. Chaque saumon ayant été échantillonné dans les bassins expérimentaux et ayant reçu une injection du VAIS ou de milieu de culture (contrôlé) a été analysé par rapport au poisson témoin. Pour chaque échantillon de poisson infecté ayant été prélevé durant l'expérience, l'ARN a été transcrit en ADNc et marqué in vitro avec un colorant rouge fluorescent. Un échantillon d'ARN de référence a été marqué de la même façon, mais avec un colorant vert. L'ARNc marqué du poisson expérimental (témoin ou infecté) a été mélangé avec l'ARNc du poisson témoin.

Le mélange a ensuite été déposé sur la surface de l'ADNc (micro-réseau). Chacune des 32 000 molécules (ou groupes de souches d'ADN identiques) sur la surface représente une courte séquence de gène. Lorsque les surfaces sont exposées à l'ADNc marqué du poisson infecté et témoin, on constate une hybridation avec l'ADN correspondant se trouvant sur les surfaces.

Balayage des micro-réseaux à ADN et analyse des images

Les micro-réseaux à ADN ont été balayés au laser et numérisés aux fins d'analyse des images. L'intensité de la fluorescence de chaque molécule (gène) sur la surface a été mesurée. La fluorescence indique la contribution des deux poissons (l'ADNc du poisson témoin, en vert, et l'ADNc du poisson expérimental, en rouge). Étant donné que chaque molécule sur la surface représente un gène, les molécules en vert indiquent une contribution prédominante du poisson témoin, ou une expression réduite de ce gène particulier chez le poisson expérimental. Les molécules en rouge indiquent une nette prédominance de l'ADNc du poisson expérimental ou une expression accrue de ce gène chez celui-ci. L'intensité de la fluorescence indique l'amplitude de cette expression différentielle. Les gènes qui ne sont pas exprimés de façon différentielle chez le poisson expérimental apparaîtront en jaune (figure 2).

Cartographie génétique avec fluorescence.
Figure 2
Cartographie génétique avec fluorescence.





Analyse statistique

On a repéré les gènes exprimés de façon différentielle à chaque moment d'échantillonnage (6 heures, 24 heures, 3 jours, 7 jours et 16 jours) en comparant les ratios des poissons ayant reçu une injection du VAIS par rapport aux ratios des poissons ayant reçu une injection de milieu de culture (témoins). Les gènes importants repérés pour chaque moment l'échantillonnage ont ensuite été catégorisés selon leur fonction.

Validation par réaction en chaîne de la polymérase après transcription inverse quantitative (qRT-PCR)

Le test génétique de la réaction en chaîne de la polymérase après transcription inverse quantitative (qRT-PCR) a été effectué sur chaque poisson pour vérifier le degré d'infectiosité. Il a également été utilisé pour confirmer l'expression différentielle d'une sélection de gènes repérés par l'analyse des puces à ADN.

Résultats

Les premiers saumons de l'Atlantique morts ayant été infectés par le VAIS ont été observés le 12e jour suivant l'injection. Au 16e jour, soit la fin de l'expérience, la plupart des poissons restants étaient sur le point de mourir. Les poissons témoins étaient sains et aucun ne s'est révélé infecté par le VAIS. Le virus a été détecté dans le rein du poisson ayant reçu une injection du VAIS après 6 heures (3 échantillons de rein sur 8). Après 3 jours, tous les poissons ayant reçu une injection se sont révélés infectés et la charge virale est demeurée élevée jusqu'à la fin de l'expérience.

Plusieurs centaines de gènes ont été exprimés de façon différentielle au cours de l'infection; certains ont été observés après 6 heures et 24 heures, mais la plupart ont été repérés à des moments ultérieurs. Parmi ces gènes, une surexpression claire des composants associés au développement de la réaction immunitaire innée et à l'immunité acquise a été observée. Après 16 jours, des gènes associés à une réaction immunitaire (dans ce cas, présentation des antigènes aux cellules T tueuses – T CD8) ont été activés; plusieurs gènes intervenant dans le transport de l'oxygène ont été sous-exprimés (figure 3).

Proportion et fonction des gènes exprimés de façon différentielle après 16 jours.
Figure 3
Proportion et fonction des gènes exprimés de façon différentielle après 16 jours.

Comme prévu, une surexpression des gènes intervenant dans la présentation du virus aux cellules du système immunitaire a été observée, mais l'activation des mécanismes menant à la production d'anticorps n'a pu être détectée. Il est important de noter que les anticorps assurent une défense à long terme contre les prochaines infections. Après 16 jours, lorsque la plupart des poissons étaient en train de mourir, l'infection virale avait eu raison du système de défense de l'hôte. L'anémie (ou déficience sanguine) est un symptôme caractéristique de l'infection par le VAIS, connu pour adhérer aux globules rouges du saumon de l'Atlantique. La réponse génétique observée à cette étape était étroitement corrélée avec les symptômes observés chez le poisson (c.àd. la sous-expression de plusieurs éléments associés au transport de l'oxygène et à la production de globules rouges).

À partir de la liste de gènes repérés comme étant exprimés de façon significative par l'analyse des puces à ADN, huit gènes ont été sélectionnés et leur expression a été confirmée au moyen de la méthode qRT-PCR (figure 4).

Figure 4FR
Figure 4
Expression relative des gènes sélectionnés.






Conclusion

Grâce à l'utilisation des micro-réseaux à ADN, il a été possible de déterminer les mécanismes de défense immunitaire du saumon de l'Atlantique contre le VAIS et d'établir la séquence d'événements physiologiques menant à la mort. Les marqueurs génétiques définis peuvent être utilisés pour étudier de nouveaux vaccins et évaluer l'effet de nouveaux isolats du VAIS. Les micro réseaux à ADN sont des outils puissants pour la mesure à grande échelle de l'expression génétique. La méthode qRT-PCR permet une quantification absolue à plus petite échelle et s'avère une méthode de choix pour valider les résultats obtenus en utilisant les micro-réseaux. Une fois les résultats obtenus et validés en utilisant la méthode qRT-PCR, ils peuvent être utilisés dans d'autres expériences semblables.

Cette expérience a révélé que le saumon naïf (saumon qui n'a pas été utilisé dans des expériences précédentes) a réagi fortement à l'infection par le VAIS. Il serait intéressant d'approfondir la recherche pour inclure la façon dont les autres variables seraient susceptibles d'avoir une incidence sur la réaction immunitaire du saumon (notamment la résistance de certaines familles de poissons, le degré de virulence de l'isolat injecté, les conditions environnementales influant sur la maladie comme l'hypoxie et les effets de la température). De telles études permettent de mieux comprendre les mécanismes de défense des poissons contre la maladie et fournissent un aperçu des approches à adopter pour aider l'industrie et prévenir les infections.


Le projet du PCRDA (MG-09-01-002) est le fruit d'un effort de collaboration entre Pêches et Océans Canada et l'Atlantic Canada Fish Farmers Association (ACFFA). Il est possible de communiquer avec Nellie Gagné, scientifique participant au projet, à l'adresse suivante : Nellie.Gagne@dfo-mpo.gc.ca.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur le présent projet et d'autres projets du PCRDA, veuillez visiter le site /aquaculture/acrdp-pcrda/index-fra.htm


Publié par:

Direction des sciences de l'aquaculture
Pêches et Océans Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0E6

©Sa Majesté la Reine du chef du Canada 2012

ISSN 1919-6849 (version imprimée)
ISSN 1919-6857 (version en ligne)
ISBN : 978-1-100-99205-1
MPO/2012-1825
No de cat. : Fs23-580/3-2012F-PDF

La version anglaise et d'autres formats sont disponibles à l'adresse suivante : /aquaculture/acrdp-pcrda/index-eng.htm

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