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Fiche Technique du Programme Coopératif de Recherche et Développement en Aquaculture (PCRDA)
Numéro 24 - Mars, 2017

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Étude des effets d’un entreposage prolongé sur la composition biochimique et la qualité de la moule bleue

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Résumé

Marine finfish aquaculture site
Figure 1

Moule bleue (Mytilus edulis).

Dans cette étude, la condition physiologique de moules bleues (Mytilus edulis) de culture entreposées dans un entrepôt de pêche fraîche exposé aux conditions environnementales ambiantes a été évaluée. Des moules récoltées à Terre-Neuve-et-Labrador ont été entreposées durant un mois à l’automne, en hiver et au printemps et échantillonnées chaque semaine dans les conditions standards de l’industrie. Les moules entreposées ont été comparées à des échantillons de moules fraîchement récoltées au même moment. Les changements dans la composition biochimique (teneur en lipides, en acides gras et en glycogène) et la qualité (goût et appétibilité) ont été comparés entre les moules entreposées et les moules fraîchement récoltées. Les résultats ont révélé que la condition des moules était moins bonne après quatre semaines d’entreposage, mais que leur composition biochimique n’était affectée que par la saison de la récolte et non par les conditions d’entreposage. Les membres du groupe chargé de goûter les moules n’ont pas été en mesure de distinguer entre les moules fraîchement récoltées et celles entreposées.

Le Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture (PCRDA) est une initiative concertée de Pêches et Océans Canada et de l’industrie de l’aquaculture visant à stimuler la recherche collaborative et le développement. Les projets de recherche et de développement menés dans le cadre du PCRDA visent l’amélioration du rendement environnemental de l’aquaculture et soutiennent la santé optimale des poissons.

Introduction

La culture de la moule bleue (Mytilus edulis) (figure 1) est une industrie en acroissement dans l’est du Canada, et la demande de produits frais sur le marché est élevée tout au long de l’année. Il peut s’avérer difficile pour les producteurs de répondre à cette demande de manière constante. En conséquence, les entrepôts de pêche fraîche sont devenus un outil précieux permettant de maintenir la disponibilité des produits malgré les retards attribuables à une météo défavorable ou d’entreposer une récolte en prévision de commandes anticipées. Cependant, ces installations d’entreposage ne disposent pour la plupart d’aucun dispositif de contrôle des conditions environnementales, et dépendent des conditions ambiantes pour le maintien des moules vivantes durant des périodes prolongées. Les variations saisonnières naturelles de la température, de la disponibilité de la nourriture et de l’effort reproducteur peuvent causer des changements dans le rendement en chair et la qualité du produit. Des études précédentes ont montré que les moules affichaient une réponse métabolique aux variations saisonnières des conditions ambiantes qui est susceptible d’influer sur la qualité de la chair et la valeur marchande. Cependant, les effets d’un entreposage prolongé dans des installations de transformation sur la composition biochimique de la moule bleue (c.-à-d., teneur en lipides, en acides gras et en glycogène) et la qualité de la chair (c.-à-d., goût et sapidité) demeurent en grande partie inconnus.

Le présent projet de recherche visait à étudier : 1) comment la saisonnalité influe sur les variations de la composition biochimique de la moule bleue; 2) si des changements sont survenus dans la composition en lipides, en acides gras et en glycogène de moules entreposées durant des périodes prolongées; 3) si la qualité de la chair a changé à la suite d’une période d’entreposage prolongée.

figure 2
Figure 2
Analyse de la composition biochimique d’échantillons de moules. (Photo : H. Murray, MPO)

Méthodes

Des moules ont été récoltées à Bulley’s Cove, à Terre-Neuve-et-Labrador, et transportées dans une installation de transformation commerciale. Au début de chaque saison (c.-à-d., automne 2011, hiver 2012 et printemps 2012), des moules non transformées ont été placées dans deux réservoirs-viviers d’une capacité de 1 000 l, à une densité d’entreposage correspondant aux normes de l’industrie de 0,36 kg/l. Les conditions environnementales ambiantes ont été maintenues en assurant une circulation continue de l’eau de la baie à travers les réservoirs-viviers. Durant chaque saison, des moules ont été échantillonnées au hasard dans les réservoirs, au début de l’essai et après une, deux et quatre semaines d’entreposage. En même temps, un échantillon semblable de moules fraîchement récoltées a été prélevé au même site de culture commerciale, en tant qu’échantillon témoin.

Condition des moules

Dans le but d’analyser la condition des moules, nous avons échantillonné150 individus provenant du groupe des moules entreposées et 150 individus provenant du groupe témoin à chaque période définie. Le poids et la taille de chaque individu ont été mesurés. La chair a été soigneusement disséquée et séchée à poids constant durant 48 à 72 heures à 80 °C, tandis que les coquilles étaient séchées à l’air durant la même période. Les poids secs ont ensuite été mesurés, et un indice de condition a été calculé selon le rapport entre le poids sec et le poids humide des tissus.

Composition biochimique

Dix moules ont été prélevées parmis les moules entreposées et le groupe témoin à chaque période définie, afin de mesurer la teneur en lipides et la composition en acide gras (figure 2). La teneur en lipides a été analysée en utilisant une méthode de Folch adaptée (Parrish 1999). Les classes de lipides ont été établies par chromatographie sur couche mince. En ce qui concerne l’analyse du glycogène, 10 moules supplémentaires ont été prélevées parmis les moules entreposées et le groupe témoin, et la concentration de glycogène dans chacun des échantillons a été calculée.

Goût et appétibilité des moules

Pour évaluer si l’entreposage prolongé des moules affectait leur goût et leur appétibilité, on a sélectionné 200 moules parmis les moules entreposées et 200 moules témoins qui ont été transportées sur de la glace. Les moules ont été passées à la vapeur durant dix minutes, écaillées et placées dans des bols numérotés au hasard. Une évaluation sensorielle des moules a été effectuée par 24 goûteurs non formés. Pour établir s’il y avait une différence entre les moules fraîches et les moules entreposées, un essai triangulaire a été mené pour établir s’il y a une différence entre deux produits. On a présenté aux goûteurs trois bols numérotés au hasard contenant deux moules entreposées et une moule témoin, ou deux moules témoins et une moule entreposée. On a demandé aux goûteurs de choisir quel échantillon était différent des deux autres. Pour évaluer la qualité globale du produit, un test hédonique (c.-à-d., un test permettant de juger l’acceptation du produit et la satisfaction à son égard d’après une liste d’attributs) a été mené. On a présenté aux goûteurs deux bols numérotés au hasard, l’un contenant des moules du groupe des moules entreposées, et l’autre contenant des moules du groupe témoin. On a demandé aux goûteurs d’évaluer les deux échantillons séparément et d’apprécier l’apparence, l’odeur, la texture et la saveur des moules à l’aide d’une échelle en sept points.

Résultats / Discussion

Condition des moules

L’analyse de la condition des moules a révélé que, durant les expériences menées à l’automne et au printemps, le poids humide des tissus des moules entreposées a augmenté au fil du temps, ce qui entraînait une diminution du rapport entre le poids sec et le poids humide au cours des quatre semaines d’entreposage (figure 3). Cette diminution du rapport entre les deux variables indique un changement dans l’équilibre énergétique de l’animal et suggère que la hausse du contenu en eau des tissus était reliée à un appauvrissement des réserves énergétiques (Lucas et Beninger 1985). La condition des moules entreposées a décliné après deux semaines à l’automne, et après une semaine au printemps. Par contraste, les moules entreposées en hiver affichaient une légère amélioration de leur condition à la fin de l’essai (quatre semaines). L’entreposage durant la saison hivernale pourrait donc être associé à des conditions environnementales plus stables, et les moules pourraient subir un stress physiologique moins important. On a observé des différences significatives entre la condition des moules entreposées et celle des moules témoins durant l’automne (à 2 et 4 semaines), durant l’hiver (à 2 et 4 semaines) ainsi que durant le printemps (à 1, 2, et 4 semaines) (figure 3). Parmi ces différences, seules celles qui ont été enregistrées au point d’échantillonnage de deux semaines durant l’hiver révélaient une condition significativement meilleur chez les moules entreposées. Cette différence marquée pourrait être le résultat d’une erreur d’échantillonnage puisque l’échantillon de moules témoins prélevé à deux semaines a été effectué sur une mauvaise ligne contenant des moules d’un calibrage inférieur.

Composition biochimique

figure 3
Figure 3
Rapport entre le poids sec et humide. Les astérisques représentent une différence significative par rapport au témoin.

Les moules entreposées durant quatre semaines présentaient une teneur totale en lipides qui était comparable et souvent plus élevée que celle mesurée chez les moules témoins durant les essais menés à l’automne et en hiver, ce qui pourrait indiquer la présence de meilleurs équilibre métabolique et niveau nutritionnel. Par contraste, au printemps, on a observé les teneurs en lipides les plus faibles parmi les trois saisons visées par l’examen, et la teneur en lipides chez les moules entreposées déclinait à quatre semaines. Le même profil général était observé lorsque l’on examinait des classes particulières de lipides, le rapport entre le triacyglycérol et le stérol chez les moules entreposées étant constament inférieur à celui calculé chez les moules témoins au printemps (figure 4). Ce résultat suggère qu’après quatre semaines d’entreposage au printemps, les moules subissent des conditions de stress métabolique possiblement attribuables à une hausse de la température de l’eau et aux effets de la densité d’entreposage.

Aucune différence notable entre les moules entreposées et les moules témoins n’a été observée en ce qui concerne la composition en acides gras. Une certaine variabilité saisonnière dans la proportion d’acides gras oméga 3 a été remarquée chez les moules entreposées; cependant, ce phénomène pourrait être dû à une différence dans le contenu en phytoplancton entre le site de l’étude et la zone de la baie d’où provenait l’eau des réservoirs-viviers.

Les niveaux de glycogène étaient comparables entre les moules entreposées et les moules témoins, à l’exception des moules échantillonnées à deux semaines durant l’automne et à une semaine au printemps, qui présentaient une teneur en glycogène inférieure chez les moules entreposées. Cette différence observée à l’automne pourrait être due à une panne temporaire (environ 24 heures) du dispositif d’approvisionnement en eau de l’installation d’entreposage, durant laquelle les moules pourraient avoir utilisé leurs réserves d’énergie. Dans l’ensemble, les moules échantillonnées au printemps présentaient les concentrations en glycogène les plus élevées, tant pour le groupe de moules entreposées que pour celui des moules témoins.

figure 3
Figure 4
Rapport triacyglycérol : stérol chez les moules entreposées et les moules témoins au printemps 2012 (n=10).

Qualité des moules

À toutes les périodes d’échantillonnage, les essais triangulaires n’étaient pas significatifs statistiquement et montraient qu’il n’y avait pas de différence de qualité ou de goût entre les moules entreposées jusqu’à un mois et les moules directement récoltées sur le terrain.

Les résultats des tests hédoniques menés pour les trois saisons montraient que l’apparence, l’odeur, la texture et la saveur des moules entreposées et des moules témoins étaient en très similaires. Les moules entreposées affichaient des résultats significativement supérieurs pour ce qui est de l’odeur (une semaine, à l’automne) et la saveur (deux semaines, à l’hiver). Pour toutes les autres périodes à l’essai, il n’y avait pas de différence significative entre les moules entreposées et les moules témoins.

Selon groupe de goûteurs, les paramètres de la qualité des moules entreposées jusqu’à un mois dans les conditions ambiantes ne changeaient pas de manière significative sur toute la période d’entreposage lorsqu’on les comparait directement aux moules témoins. De plus aucun effet saisonnier n’a été décelé.

Conclusions

À l’automne et au printemps, la condition des moules et le rapport entre le triacyglycérol et le stérol présentaient certains éléments probants à l’effet qu’il y aurait une réponse au stress physiologique chez les moules entreposées jusqu’à un mois. Cependant, on n’a pas observé que ces changements avaient un effet significatif sur la qualité du produit lorsqu’on le comparait avec les moules témoins. Les saisons semblent être le facteur le plus important influant sur la qualité des moules entreposées dans les conditions ambiantes. Comme les résultats de cette recherche concernent une seule installation, la conception des installations d’entreposage et de conservation pourrait devoir varier en fonction des besoins de l’industrie et des conditions environnementales de la région. Les installations d’entreposage équipées de systèmes de recirculation ou de dispositifs de contrôle environnemental doivent faire l’objet d’une surveillance si l’on veut maintenir une qualité optimale constante du produit. Des études futures pourraient nous permettre d’accroître les connaissances acquises durant cette recherche en comparant la variabilité dans les paramètres biochimiques et de qualité mesurés durant la présente étude avec ceux mesurés chez des moules entreposées dans une installation munie de dispositifs de contrôle environnemental.

Références

Lucas, A. and P.G. Beninger. 1985. Aquaculture 44: 187–200.

Parrish, C.C. 1999. Dans: Lipids in Freshwater Ecosystems. Springer-Verlag. p. 4-20.

 

Ce projet mené en vertu du PCRDA (N-11-02-004) est le fruit d’un effort de collaboration entre Pêches et Océans Canada (Secteur des sciences) et de Norlantic Processors Ltd. Il est possible de communiquer avec le scientifique responsable du projet à l’adresse Harry.Murray@dfo-mpo.gc.ca

Pour de plus amples renseignements sur ce projet et d’autres projets entrant dans le cadre du PCRDA.


Publié par:
Division des sciences de l’aquaculture, de la biotechnologie et de la santé des animaux aquatiques
Pêches et Océans Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0E6

©Her Majesty the Queen in Right of Canada 2017.
MPO/2017-1992
Cat No.: Fs48-2/24-2017F-PDF
ISSN: 1919-6849 (imprimé)
ISSN: 1919-6857 (en ligne)
ISBN: 978-0-660-07644-7

La version anglaise et d’autres formats sont disponibles à : Aquaculture Collaborative Research and Development Program (ACRDP)

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