L'AQUACULTURE au Canada : Aquaculture multitrophique intégrée (AMTI)
Aquaculture : Répondre aux besoins futurs
Le besoin de sources de nourriture durables augmente à mesure que la population humaine continue de croître. On s'attend à ce que la pêche traditionnelle à elle seule ne réussisse pas à s'adapter à la demande croissante en poissons, en fruits de mer et en plantes marines.
L'aquaculture (pisciculture) fournit déjà environ 50 pour cent des poissons et fruits de mer consommés partout dans le monde, et la production augmente de façon constante. L'essor ultérieur de l'industrie de l'aquaculture au Canada pourrait donner lieu à une croissance économique considérable ainsi qu'à des possibilités d'emploi pour les Canadiens et les Canadiennes, en particulier dans les régions côtières et rurales. La croissance responsable de l'industrie dépendra de la réalisation de recherches continues pour trouver des façons novatrices d'améliorer la performance environnementale et la diversification du secteur.
Aquaculture multitrophique intégrée : Une nouvelle approche
L'aquaculture multitrophique intégrée (AMTI) est une solution qui encourage une meilleure gérance de l'environnement tout en augmentant les retombées économiques pour les producteurs et les communautés.
L'AMTI constitue une nouvelle façon de penser à l'égard de la production d'aliments d'origine aquatique, fondée sur le concept du recyclage.
Plutôt que de produire une seule espèce (monoculture) et de se concentrer principalement sur les besoins de cette espèce, l'AMTI imite un écosystème naturel en combinant l'élevage de diverses espèces complémentaires appartenant à différents maillons de la chaîne alimentaire.
Par exemple, une des formes de l'AMTI est d'élever des poissons, des invertébrés (comme des moules et des holothuries) et des macroalgues à proximité l'un de l'autre au profit de chaque culture et de l'environnement.
Fonctionnement
L'AMTI comprend la culture d'organismes d'une manière qui permet aux résidus d'aliments, aux déchets, aux nutriments et aux sous-produits d'une espèce d'être récupérés et convertis en engrais, en aliments et en énergie pour la croissance des autres espèces.
Les producteurs qui pratiquent l'AMTI combinent des espèces qui ont besoin d'aliments complémentaires, comme les poissons, avec des espèces d'« extraction ». Les espèces d'extraction peuvent comprendre les organismes filtreurs (p. ex., les moules), les organismes limivores (p. ex., les oursins) et les macroalgues (p. ex., le varech). Les organismes filtreurs et les organismes limivores se nourrissent des nutriments organiques particulaires (résidus d'aliments et fécès). Les macroalgues absorbent les nutriments inorganiques dissous (comme l'azote et le phosphore) produits par les autres espèces cultivées.
Essentiellement, les espèces d'extraction agissent comme des filtres vivants. La capacité naturelle de ces espèces à recycler les nutriments (ou les déchets) présents dans les exploitations aquacoles et à proximité de celles-ci peut aider les producteurs à améliorer la performance environnementale de leurs sites aquacoles. En plus de leur capacité de recyclage, les espèces d'extraction choisies pour faire partie d'un site d'AMTI sont également sélectionnées en fonction de leur valeur en tant que produit commercialisable, procurant ainsi des avantages économiques supplémentaires aux producteurs.
L'AMTI imite un écosystème naturel en combinant l'élevage de diverses espèces complémentaires appartenant à différents maillons de la chaîne alimentaire.
Concevoir un système d'AMTI efficace
Pour qu'une exploitation d'AMTI soit efficace, il faut sélectionner et disposer plusieurs composantes ou espèces de façon qu'elles puissent attraper les matières particulaires et les déjections dissoutes provenant des exploitations aquacoles.
La sélection des espèces et la conception du système doivent faire en sorte que la récupération des déchets est maximisée. Les organismes limivores, comme les holothuries et les oursins, se nourrissent des particules organiques de bonne taille, comme la nourriture non consommée et les fécès, qui se déposent sous les cages. Simultanément, les particules fines en suspension sont extraites de la colonne d'eau par des organismes filtreurs comme les moules, les huîtres et les pétoncles.
On place les algues marines un peu à l'écart du site, dans la direction du courant, de façon quelles extraient une partie des nutriments inorganiques dissous dans l'eau, comme l'azote et le phosphore.
Les espèces utilisées dans le cadre de l'AMTI doivent être des produits de l'aquaculture viables sur le plan économique et être élevées à une densité permettant d'optimiser l'utilisation des déchets tout au long du cycle d'élevage.
Promouvoir la durabilité par la recherche
Le rôle de Pêches et Océans Canada
Pêches et Océans Canada favorise le développement de l'aquaculture durable au Canada, et la viabilité de cette dernière dépend d'une solide base scientifique.
Les scientifiques de Pêches et Océans Canada se penchent sur le potentiel de développement des exploitations d'AMTI, et sur la façon dont ce type d'aquaculture pourrait aider les producteurs à améliorer la santé des poissons et la performance environnementale de leurs exploitations tout en maintenant une viabilité économique.
Pêches et Océans Canada finance ce type de recherches pour plusieurs raisons : mieux comprendre et réglementer les répercussions de l'aquaculture; élaborer des technologies et des outils nouveaux et de pointe pour améliorer la santé des poissons; déterminer des pratiques écosystémiques durables. Pêches et Océans Canada se fonde également sur l'expertise qu'elle met au point relativement à l'AMTI pour répondre de façon proactive aux préoccupations environnementales associées au développement éventuel de l'industrie.
Cela dit, Pêches et Océans Canada participe à un certain nombre d'activités de recherche et de développement liées à l'AMTI depuis plusieurs années. Ces activités concernent principalement trois programmes : le Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture (PCRDA), le Programme de recherche sur la réglementation de l'aquaculture (PRRA) et le Programme d'innovation en aquaculture et d'accès au marché (PIAMM). Une grande partie de ces recherches sont menées en collaboration avec de nombreux partenaires provenant notamment de l'industrie de l'aquaculture, des universités, et des ministères et organismes fédéraux et provinciaux.
Réseau canadien d'aquaculture multitrophique intégrée
Motivé par le besoin d'établir une approche concertée et stratégique à l'égard du développement de l'AMTI au Canada, le Réseau canadien d'aquaculture multitrophique intégrée (RCAMTI) a été conçu en vertu du programme de subventions de réseaux stratégiques du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). Ce réseau réunit 26 scientifiques provenant de 8 universités, de 6 laboratoires du Ministère et d'une institution provinciale. Les domaines de recherche du RCAMTI portent sur le rendement des systèmes environnementaux et les interactions entre les espèces, la conception et l'ingénierie des systèmes, de même que l'analyse économique et les répercussions sociales. Le RCAMTI est financé par le CRSNG, Pêches et OcéansCanada, l'Université du Nouveau-Brunswick et quatre partenaires industriels : Cooke Aquaculture Inc., Grieg Seafood BC, Kyuquot SEAfoods Ltd. et Marine Harvest Canada Ltd.
Domaines de recherche de Pêches et Océans Canada en AMTI
Rendement des systèmes environnementaux
Les chercheurs examinent de nouvelles techniques de culture et divers types d'infrastructures visant à améliorer l'exploitation d'un site, et ce, en tenant compte de l'hydrographie particulière de chacun des sites (p. ex., les courants, les marées, les vagues). Les modèles sont testés pour aider les scientifiques à prédire la dispersion des déchets provenant des sites d'exploitation, et la récupération des nutriments nécessaires à l'obtention d'un juste équilibre entre les espèces absorbant les composés organiques et les espèces vivant de composés inorganiques dans un système d'AMTI. Ces renseignements aideront les futurs sites d'AMTI à atteindre les niveaux de production commerciale.
Santé des animaux aquatiques
L'influence des pratiques d'AMTI sur les espèces sauvages, comme l'incidence des produits de traitement du pou du poisson sur les vers de mer (polychètes), fait l'objet d'un examen. Des recherches novatrices sont également effectuées sur les bivalves filtreurs, comme les moules bleues, en tant que possible « technologie verte » de lutte contre le pou du poisson sur les poissons d'élevage. En filtrant et en ingérant les larves du pou du poisson, les bivalves filtreurs pourraient réduire les épidémies et limiter le transfert de maladies, ce qui améliorerait la santé générale du site et atténuerait les risques potentiels pour les espèces sauvages.
Espèces potentielles pour l'AMTI et interactions entre les espèces
Diverses nouvelles espèces font l'objet d'un examen afin de voir lesquelles pourraient contribuer à combler les différentes niches alimentaires d'un système d'AMTI. Une partie de ces recherches comprendra la vérification de l'efficacité avec laquelle ces espèces peuvent consommer, et incorporer dans leur propre biomasse, les nutriments issus des activités d'aquaculture. Les espèces seront également évaluées en fonction de la biosécurité du site d'aquaculture et de la façon dont elles peuvent contribuer à contrôler naturellement les parasites, les virus pathogènes et les bactéries. Cela aidera à atténuer les répercussions d'un site sur l'environnement, à accroître les bénéfices des producteurs et à fournir aux consommateurs un plus grand éventail de produits sûrs.
L'avenir de l'AMTI au Canada : De la recherche au développement et à la commercialisation
Même si l'AMTI est encore largement au stade de développement au Canada, les résultats de recherches collaboratives sont utilisés pour établir des pratiques exemplaires et améliorer les technologies déjà utilisées dans les exploitations. Les produits issus de ces activités sont également maintenant offerts sur le marché. Les recherches visent essentiellement l'adoption de ces idées novatrices par l'industrie.
Les pratiques liées à l'AMTI continueront d'évoluer à mesure que de nouvelles recherches seront réalisées, et que de nouvelles solutions novatrices visant l'amélioration des systèmes seront découvertes.
Autres domaines de recherche en AMTI
Gestion des baies
L'AMTI concerne aussi la gestion des interactions écologiques dans les sites d'AMTI et à proximité de ceux-ci. Des recherches complémentaires permettront de mieux comprendre l'incidence associée à l'exploitation de multiples sites d'AMTI dans une zone de gestion des baies étendue, et dans un contexte plus général de gestion intégrée de la zone côtière. Ces recherches permettront également d'aider la direction à prendre des décisions concernant l'utilisation des ressources d'une région ou d'une zone donnée par les producteurs qui pratiquent l'AMTI ainsi que d'autres utilisateurs.
Optimiser les combinaisons d'espèces
On devra sélectionner soigneusement les combinaisons d'espèces de coculture en fonction d'un ensemble de conditions et de critères : (1) leur complémentarité avec d'autres espèces dans le système d'AMTI; (2) leur capacité à s'adapter à l'habitat; (3) les techniques d'élevage et les conditions environnementales du site; (4) leur capacité d'atténuation biologique efficace et continue; (5) la demande pour les espèces sur le marché et leur prix comme matière première ou en vue d'une transformation; (6) leur potentiel commercial; (7) leur contribution à l'amélioration de la performance environnementale. Il est possible que, dans un système d'AMTI efficace, on ne puisse obtenir la production maximale pour aucune des espèces. On devrait plutôt s'efforcer d'optimiser la production durable et le rendement global de toutes les espèces en coculture.
Interactions entre espèces
Cette nouvelle recherche s'intéressera aux interactions entre différentes espèces d'AMTI. Dans le contexte de la prévention et du traitement des maladies, les mollusques présentent une solution intéressante en raison de leur capacité de filtration et de réduction de l'incidence des virus, des bactéries et des maladies chez le poisson d'élevage. Il peut toutefois y avoir des cas où certaines espèces pourraient servir d'hôtes provisoires et ainsi accroître les risques pour la santé des poissons. Il faut faire des recherches afin de mieux comprendre ces types d'interactions et de les réduire au minimum. On réalisera aussi des études sur la manière dont les espèces sauvages réagissent aux espèces et aux pratiques d'AMTI, ainsi que sur les effets possibles sur leur comportement, leur croissance et leur reproduction.
AMTI – Une approche équilibrée et avantageuse
L'AMTI est une approche expérimentale de développement de systèmes de production d'aliments d'origine aquatique responsables qui peut être adaptée aux particularités de différentes régions. Il s'agit d'une méthode souple pour les systèmes d'aquaculture sur terre et en mer, tant dans l'eau salée que dans l'eau douce. L'AMTI permet une gestion écosystémique équilibrée qui peut être avantageuse pour les producteurs, l'environnement et la société.
Aquaculture multitrophique intégrée
Une nouvelle approche à l'élevage durable de poissons, de mollusques, et d'algues
Les systèmes D'AMTI réunissent des organismes appartenant à différents maillons de la chaîne alimentaire qui se partagent habituellement un même environnement. Dans un tel système, les déjections d'une espèce servent de nourriture à une autre.
L'AMTI concerne des producteurs qui élèvent des espèces que l'on doit nourrir (comme le saumon) et des espèces d'« extraction » (comme les moules, les holothuries, les vers polychètes et différentes espèces d'algues marines).
Les espèces d'extraction utilisent les matières et les produits organiques et inorganiques provenant d'autres espèces pour assurer leur croissance. Cette combinaison d'organismes occupant différentes places dans la chaîne alimentaire imite le fonctionnement des écosystèmes naturels. Ce type de système équilibré, qui repose sur le recyclage des nutriments, contribuera à l'assainissement des eaux.
Algues marines – Les extracteurs de nutriments inorganiques dissous
Les varechs et autres algues marines extraient naturellement des nutriments inorganiques dissous, comme l'azote et le phosphore, et peuvent contribuer à réduire les niveaux de nutriments inorganiques dissous produits par les autres composantes nourries et non nourries du système d'AMTI. Les algues marines du système d'AMTI sont placées un peu à l'écart pour mieux capter les nutriments inorganiques dissous qui sont plus légers et qui sont transportés plus loin que les nutriments organiques.
Espèces d'algues marines élevées :
- Laminaire sucrée (Saccharina latissima)
- Alaire (Alaria esculenta)
Espèces potentielles :
- Dulse (Palmaria palmata)
- Ulve (Ulva sp.)
- Nori (Porphyra sp.)
Utilisation des algues marines
- Nourriture pour d'autres espèces d'AMTI
- Nourriture pour les humains
- Produits pour les humains
- Engrais
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Poisson – La composante « nourrie »
Certaines espèces élevées, comme le saumon et la morue charbonnière, ont besoin d'aliments préparés. Or, une certaine quantité des aliments en question échappe aux poissons. Tous les animaux produisent naturellement des déchets organiques et inorganiques dans le cadre de leur alimentation et de leurs activités métaboliques.
Les poissons comptent parmi les organismes terrestres et aquatiques élevés par l'homme les plus efficaces lorsqu'il s'agit de transformer les aliments en masse corporelle. Les déchets des poissons, qui comprennent de la nourriture non consommée et des fécès, représentent des aliments de grande qualité pour d'autres espèces vivant dans le système d'AMTI, y compris des espèces sauvages.
Espèces de poissons élevées :
Le saviez-vous?
Les poissons comptent parmi les organismes terrestres et aquatiques élevés par l'homme les plus efficaces lorsqu'il s'agit de transformer les aliments en masse corporelle.
- Saumon de l'Atlantique (Salmo salar)
- Morue charbonnière (Anoplopoma fimbria)
Espèces potentielles :
- Saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha)
Organismes filtreurs – Les extracteurs de nutriments organiques à particules fines
Les bivalves filtreurs, comme les moules et les huîtres, filtrent la colonne d'eau et se nourrissent de micro-algues, de zooplancton et de particules fines. On peut s'en servir pour diminuer la quantité de particules organiques fines provenant de la composante nourrie ou non nourrie du système d'AMTI.
Espèces d'organismes filtreurs élevées :
- Moule bleue (Mytilus edulis – Mytilus trossulus)
- Pétoncle japonais (Mizuhopecten yessoensis)
Espèces potentielles :
- Pétoncle géant (Placopecten magellanicus)
- Huître creuse du Pacifique (Crassostrea gigas)
- Bucarde de Nuttall (Clinocardium nuttalli)
- Moule méditerranéenne (Mytilus galloprovincialis)
Espèces limivores – Les extracteurs de nutriments organiques à particules grossières
Selon le modèle d'AMTI, ces espèces sont surtout des invertébrés, comme les holothuries, les oursins et certaines espèces de vers polychètes, qui fouillent les sédiments à la recherche de particules organiques. On peut s'en servir pour recycler les particules organiques grossières provenant de la composante nourrie ou non nourrie du système d'AMTI qui se déposent sous l'exploitation aquacole.
Espèces limivores élevées :
- Oursin vert (Strongylocentrotus droebachiensis)
- Holothurie du Pacifique (Parastichopus californicus)
Espèces potentielles :
- Homard américain (Homarus americanus)
- Néréide (Nereis virens)
- Ver de vase (Glycera dibranchiata)
- Holothurie du nord (Cucumaria frondosa)
- Oursin rouge (Strongylocentrotus franciscanus)
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez visiter :
www.dfo-mpo.gc.ca | www.cimtan.ca
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