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Comprendre le sort du saumon quinnat du fleuve Yukon au cours de sa migration de 3 000 kilomètres

Personnel du Conseil des Tlingits de Teslin et de la Yukon First Nations Salmon Stewardship Alliance installant une tour de télémétrie sur la rive de la rivière Teslin, un important affluent du fleuve Yukon, afin de détecter les saumons quinnats marqués qui remontent vers les frayères.

Le majestueux fleuve Yukon coule à travers plus de 3 000 kilomètres de nature sauvage, depuis son cours supérieur glacé en Colombie-Britannique et au Yukon jusqu’à l’étendue éloignée de la mer de Béring en Alaska. Tout au long de son parcours, ce grand fleuve nourrit une diversité remarquable d’espèces, dont les saumons quinnats. Ces saumons entreprennent l’une des plus longues migrations en eau douce au monde sur le fleuve Yukon, revenant année après année pour frayer dans les eaux où il sont nés. Au cours des dernières décennies, les saumons quinnats sont retournés en nombre de plus en plus réduit dans le fleuve Yukon et ses affluents, et au cours des cinq dernières années, il a disparu en route vers ses frayères.

La crise du saumon quinnat

Tandis qu’autrefois la population de de saumons quinnats du fleuve Yukon était abondante, elle a chuté à son niveau le plus bas jamais enregistré. Entre 2019 et 2023, le saumon quinnat d’origine canadienne a connu cinq années consécutives de mortalité importante en rivière avant la fraie, et en 2022 et 2023, les retours au Canada ont été les plus faibles observés, ce qui a forcé les gouvernements à prendre des mesures draconiennes. En 2024, un moratoire de sept ans (c.-à-d. un cycle de vie complet) sur la pêche du saumon quinnat dans le fleuve Yukon a été mis en œuvre, confirmant à quel point la situation est devenue critique. Pour les collectivités autochtones, les pêcheurs qui pratiquent la pêche de subsistance et les économies locales qui dépendent du saumon quinnat, les enjeux ne pourraient pas être plus élevés.

En coulisse, les scientifiques, les dirigeants autochtones et les gouvernements essaient de comprendre pourquoi ces poissons disparaissent. Selon des études récentes, jusqu’à la moitié des saumons quinnats du fleuve Yukon qui fraient au Canada pourraient mourir en route vers leurs frayères. Mais les raisons ne sont toujours pas claires, même si l’on soupçonne certaines des causes allant de la maladie à l’augmentation de la température de l’eau en raison du changement climatique.

Pour découvrir le mystère et éclairer les efforts de rétablissement, nous avons lancé une étude de trois ans en 2023. Nous avons tiré parti des efforts de marquage du saumon quinnat entrepris par le ministère de la Pêche et de la Chasse de l’Alaska (gouvernement de l’État de l’Alaska) à l’embouchure du fleuve Yukon pour surveiller leur montaison dans le bassin versant canadien de plus de 300 000 km2. Grâce à notre partenariat avec les Premières Nations du Yukon et le gouvernement de l’État de l’Alaska, ce projet nous permet de mieux comprendre le destin du saumon quinnat durant son épopée vers l’amont.

Travailler de concert avec la technologie pour suivre le saumon quinnat

La radiotélémétrie nous aide à suivre les saumons marqués lorsque des récepteurs stratégiquement mis en place au sol dans des tours installées le long de cours d’eau ou fixées à un aéronef pendant des relevés aériens détectent les signaux. Dans notre cas, nous suivons les déplacements des saumons quinnats, en particulier ceux qui sont migrent vers les eaux canadiennes, et qui sont marqués à l’embouchure du fleuve Yukon, en Alaska, alors qu’ils commencent à parcourir les milliers de kilomètres qui les séparent de leurs frayères. Le saumon quinnat qui fraie au Canada entre dans le fleuve Yukon en Alaska à partir de la mi-mai et atteint la frontière canadienne environ deux mois plus tard, soit du début juillet jusqu’à la mi-août. Chaque poisson marqué fait également l’objet d’un échantillonnage de tissus qui, combiné au marquage, nous fournit des données essentielles sur sa vitesse, sa période de montaison, son origine, ses caractéristiques démographiques et, surtout, sa survie.

En collaboration avec les Premières Nations du Yukon et le gouvernement de l’État de l’Alaska, un total de 26 tours radio fixes ont été installées dans tout le bassin versant du fleuve Yukon pour détecter les poissons marqués. Vingt tours ont été installées au Canada cette année, dont sept par les Premières Nations du Yukon et la Yukon First Nation Salmon Stewardship Alliance avec l’appui de différentes nations et du programme autochtone de gestion des ressources aquatiques et océaniques. Pour terminer l’installation de l’une des tours les plus éloignées, nous avons entrepris un voyage de plusieurs jours en rivière avec la collectivité des Gwitchin Vuntut d’Old Crow jusqu’à un village historique des Gwitchin Vuntut sur la rivière Whitestone, dans le cours supérieur du bassin hydrographique de la rivière Porcupine. La collaboration avec les Premières Nations du Yukon s’est étendue aux relevés aériens, pour lesquels nous avons effectué 13 jours de vol pour élargir notre aire de répartition géographique afin de détecter le saumon quinnat près de son habitat de fraie dans certaines des régions les plus éloignées du Canada. Cette collaboration a mis en évidence le rôle essentiel du savoir autochtone et de l’expertise locale dans la réussite de l’étude.

Détection du saumon quinnat et résultats préliminaires

Les résultats de la deuxième année de ce projet font déjà la lumière sur la migration du saumon quinnat. Au cours de la saison sur le terrain de 2024, nous avons détecté 96 des 119 saumons quinnats marqués à destination du Canada. Chaque détection permet aux scientifiques de mieux comprendre pourquoi certains saumons ne terminent pas leur périple de 2 000 km vers l’amont au Canada. À l’heure actuelle, les principales théories font état de stress thermique et de maladies, en particulier d’infections causées par le parasite Ichthyophonus, qui est aggravé par des eaux plus chaudes. Il est essentiel de comprendre ces facteurs pour améliorer les stratégies de gestion des populations de saumons quinnats dans le fleuve Yukon.

L’importance des travaux

Depuis des millénaires, le saumon sauvage du Pacifique est un pilier de la vie des Premières Nations du Yukon. Il leur procure un moyen de subsistance, une identité culturelle et un lien avec la terre. Le saumon quinnat est également essentiel à l’écosystème du fleuve Yukon, car il nourrit des prédateurs comme les ours et les aigles et apporte des éléments nutritifs aux habitats d’eau douce. Le fleuve Yukon abrite également toutes les autres espèces de saumons du Pacifique en plus du saumon quinnat, notamment d’importantes montaisons de saumons kétas qui migrent également sur de grandes distances jusqu’au Canada pour frayer.

Le déclin des montaisons de saumons quinnats a eu des répercussions sur l’écosystème du fleuve et les communautés humaines. Il a également eu une incidence sur l’Accord sur le saumon du fleuve Yukon, en vertu du Traité sur le saumon du Pacifique, qui régit les efforts de gestion du saumon du Pacifique entre le Canada et les États-Unis.

Notre travail dans le cadre de l’Initiative de la Stratégie pour le saumon du Pacifique joue un rôle important en appuyant des projets comme celui-ci qui nous aident à comprendre les divers facteurs qui contribuent au déclin des populations vulnérables de saumons du Pacifique. Nous avons également affecté des fonds à plus de 20 autres études qui examinent les répercussions des changements climatiques sur les populations de saumons du Pacifique. Le fait de mieux comprendre le saumon du Pacifique et ses écosystèmes nous aidera à orienter la gestion et le rétablissement du saumon du Pacifique dans les années à venir.

Le bassin versant du fleuve Yukon en Alaska, aux États-Unis, et au Yukon et en Colombie-Britannique, au Canada, est en vert sur la carte. Les nombreux affluents du fleuve se déversent également dans le fleuve Yukon à partir des cours supérieurs situés au Yukon et en Colombie-Britannique.

Une équipe de la Première Nation de Little Salmon Carmacks et de la Yukon First Nation Salmon Stewardship Alliance installe une tour de télémétrie sur la rive de la rivière Nordenskiöld, un affluent du fleuve Yukon, afin de détecter les saumons quinnats marqués qui remontent vers les frayères.

Notre biologiste vérifie les composants électroniques d’une tour de télémétrie surplombant Dawson City, au Yukon, pour s’assurer que les signaux radio des saumons quinnats marqués peuvent être suivis. Au total, quatre tours ont été installées dans ce secteur, soit trois sur le fleuve Yukon et une sur la rivière Stewart, un affluent important du fleuve Yukon. Des efforts considérables ont été déployés pour trouver des emplacements appropriés pour les tours, y compris des déplacements par bateau et l’établissement de camps de nuit pour installer les tours de télémétrie.

Notre équipe scientifique a survolé les affluents du fleuve Yukon pour accroître la détection de saumons quinnats frayant dans des régions éloignées. Sur la photo, on voit un affluent de la rivière Stewart dans son cours supérieur.

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