Avis scientifique 2009/070
Avis sur la désignation de l’habitat essentiel des bélugas du Saint-Laurent (Delphinapterus leucas)
Sommaire
Plusieurs caractéristiques associées au béluga en tant qu’espèce et à la population du Saint-Laurent en particulier devraient être prises en compte lors de l’évaluation de l’habitat essentiel à la survie et au rétablissement de la population des bélugas du Saint-Laurent :
- Le béluga est une espèce arctique qui compte une population vivant dans l’estuaire du Saint-Laurent. L’environnement y est favorable à la présence continue de l’espèce grâce aux remontées d’eaux froides et riches en minéraux, à la productivité élevée et au couvert de glace marine. Les processus océanographiques responsables de ces conditions sont considérés comme cruciaux à la survie et au rétablissement de cette population.
- La population de bélugas du Saint-Laurent est de petite taille et ne montre aucun signe de rétablissement depuis le début des activités de surveillance, au milieu des années 1980. La mort de quelques individus chaque année résultant de l'activité humaine aurait un effet négatif sur le rétablissement.
- Selon un échantillonnage effectué dans les années 1930, les bélugas du Saint-Laurent ont un régime alimentaire varié, constitué principalement de poissons tels que le capelan, le hareng, le lançon, l’éperlan, la lompe, la morue, la plie, le poulamon ainsi que de calmars et de polychètes. Il n’existe aucune donnée récente sur le régime alimentaire du béluga.
- L’aire de répartition actuelle du béluga du Saint-Laurent équivaut à environ 65 % de son aire de répartition historique (figure 1). Présentement, les bélugas vivent principalement dans les eaux situées entre les Battures-aux-Loups-Marins et Rimouski/Forestville, y compris dans le Saguenay, jusqu’à la baie Sainte-Marguerite.
- Cette population effectue des déplacements saisonniers d’une ampleur limitée. La glace marine, les risques de prédation et la disponibilité de la nourriture pourraient influencer la période et l’ampleur de ces déplacements. À l’automne, on observe un déplacement général de la population vers l’est jusque dans le nord-ouest du golfe du Saint-Laurent où une partie de la population séjourne durant l'hiver. Les bélugas se déplacent vraisemblablement pour trouver des habitats d’hiver présentant un couvert de glace minimisant les risques d’emprisonnement (< 70-90 %), mais où les ressources alimentaires sont adéquates. Les habitats où les bélugas ont été observés pendant l’hiver incluent le chenal Laurentien, l’estuaire entre Tadoussac et Les Escoumins, ainsi que les régions de Cloridorme et de Sept-Îles dans le nord-ouest du golfe (de novembre à avril).
- Malgré la rareté des données sur la répartition et l’utilisation de l’habitat pendant l’automne, l’hiver et le printemps, le secteur situé entre Forestville/Rimouski et Pointe-des-Monts/Ste-Anne-des-Monts, ainsi que la partie nord-ouest du golfe du Saint-Laurent, ne devraient pas être ignorés lors de la désignation des habitats importants pour la survie et le rétablissement des bélugas du Saint-Laurent.
- Le printemps pourrait être une période d’alimentation importante, mais on sait peu de choses sur l’aire de répartition des bélugas pendant cette saison. Selon les habitudes alimentaires d’autres populations de bélugas et l’information limitée sur le régime alimentaire de celle du Saint-Laurent, la présence d’une abondance de poissons en frai ou d’autres proies au printemps pourrait avoir une incidence sur l’aire de répartition des bélugas (d’avril à juin). On sait très peu de choses sur l’emplacement exact des habitats d’alimentation et leurs caractéristiques, mais il est fort probable que des espèces telles que le capelan, le hareng et l’éperlan, y soient présentes.
- L’été, on observe régulièrement un phénomène de regroupement par sexe et par classe d’âge chez de nombreuses populations de l’espèce, y compris celle du Saint-Laurent. Dans le Saint-Laurent, on retrouve ainsi de juin à octobre, les femelles, les nouveau-nés et les juvéniles dans l’estuaire moyen, de Battures-aux-Loups-Marins à l’embouchure du Saguenay, alors que les mâles adultes sont présents dans la partie nord de l’estuaire maritime (figure 2). L’estuaire moyen diffère notamment de l’estuaire maritime du fait qu’il est moins profond, plus chaud et plus turbide (moins salin), mais on ne sait pas avec précision quelles sont les caractéristiques qui attirent les individus de chaque sexe et de différentes classes d’âge dans des secteurs particuliers du Saint-Laurent. On estime toutefois que l’accessibilité de ces secteurs, du moins pendant l’été, pour chacune de ces classes d’âge est essentielle à la survie et au rétablissement de la population.
- Au sein de ces grands secteurs, il existe de nombreuses petites zones fréquentées régulièrement par les bélugas ou dans lesquelles ils passent une grande proportion de leur temps. Certaines d’entre elles ont été identifiées pour la période estivale dans le Saint-Laurent. Ces zones sont interconnectées par un réseau plus ou moins complexe de couloirs de déplacement.
- En été, l’espèce tend à former des regroupements, parfois importants, dans les estuaires ou les embouchures des rivières, et bien que leurs fonctions soient inconnues, ces zones constitueraient une partie essentielle de l’habitat de l’espèce. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, les embouchures de la rivière Ouelle, du Saguenay, la baie Sainte-Marguerite et les bancs de la Manicouagan constituent des secteurs où les bélugas se regroupent actuellement ou se regroupaient autrefois (figure 2).
Comme l’aire de répartition actuelle de la population est petite comparativement à ce qu’elle était autrefois, le rétablissement de l’espèce pourrait reposer sur le retour des bélugas dans leurs habitats historiques. L’accessibilité à l’habitat historique et l’intégrité de celui-ci doivent donc être considérés comme importants pour la survie et le rétablissement de la population.
Il faut améliorer notre compréhension de l’utilisation temporelle des habitats et des patrons de mouvements des bélugas entre les habitats. Il faut également établir les caractéristiques clés et les fonctions biologiques de ces habitats ainsi que leur contribution relative au cycle annuel des bélugas. Il faut en outre décrire le régime alimentaire saisonnier des bélugas afin de relever les secteurs où vivent leurs proies. Toute cette information nous permettra d’évaluer les conséquences de changements des paramètres clés de l’habitat ou de la réduction de la disponibilité des habitats clés sur la survie et le rétablissement des bélugas du Saint-Laurent.
Avis d’accessibilité
Ce document est disponible en format PDF. Si le document suivant ne vous est pas accessible, veuillez communiquer avec le Secrétariat pour l’obtenir sous une autre forme (par exemple un imprimé ordinaire, en gros caractères, en braille ou un document audio).
- Date de modification :