Avis scientifique 2019/028
Examen de la présence de la baleine noire de l’Atlantique Nord et des risques d’empêtrement dans les engins de pêche et de collision avec des navires dans les eaux canadiennes
Sommaire
- Les efforts de surveillance et de détection de la baleine noire de l’Atlantique Nord (BNAN) ont considérablement augmenté en 2018 par rapport à 2017. Des BNAN ont été détectées acoustiquement dans les eaux canadiennes tout au long de l’année, bien que le nombre de détections soit plus faible en hiver. La répartition des baleines était généralement similaire en 2018 et 2017, avec de grandes concentrations de baleines observées dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent (GSL) et des effectifs plus faibles, mais stables, observés dans le nord-ouest du golfe. Seul un faible nombre de baleines a été observé dans les zones d’habitat essentiel des bassins Roseway et Grand Manan.
- La répartition générale de la BNAN dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent était semblable entre 2017 et 2018, bien qu’à une échelle plus fine, il y ait de légères différences entre les deux années. La position des baleines dans leur habitat variait sur une courte échelle de temps. Toutefois, des lacunes dans l’effort lié aux activités de relevé limitent notre capacité d’évaluer la variabilité saisonnière et interannuelle.
- Les données présentées ici confirment qu’il y a eu une augmentation de la présence de BNAN dans le golfe du Saint-Laurent à partir de 2015. Cette augmentation est survenue à la suite d’un déclin antérieur de l’abondance et d’un changement de la répartition des BNAN dans la baie de Fundy qui a commencé en 2010.
- Un certain nombre de facteurs influencent la répartition des BNAN. Le principal facteur de la présence de BNAN est la densité et la disponibilité de sa principale proie, le copépode (Calanus spp.). Il y a eu des changements importants de l’abondance de Calanus dans les eaux de l’est du Canada depuis 2010. Bien qu’il y ait une variabilité interannuelle, la biomasse de Calanus a diminué dans la plupart des régions, les plus fortes baisses ayant été observées dans le golfe du Maine et sur la plate-forme Néo-Écossaise.
- Un modèle de quête de nourriture bioénergétique de la BNAN a permis de relever des zones persistantes dans les eaux canadiennes où l’abondance et la densité de Calanus peuvent être suffisantes pour répondre aux besoins énergétiques de la BNAN. Cependant, il y avait une variabilité interannuelle considérable des densités de Calanus, avec des différences plus grandes relatives aux habitats propices observées avant et après 2010. Bon nombre des zones relevées dans les nouvelles analyses comme étant des habitats potentiellement propices à la BNAN étaient semblables à celles relevées précédemment.
- Les modèles de répartition de l’espèce propres à la plate-forme Néo-Écossaise et à la baie de Fundy ont permis de prédire l’habitat propice à la BNAN en fonction de facteurs physiques, océanographiques et biologiques utilisés comme approximations de la présence de proies. Bien que les zones relevées variaient légèrement d’un modèle à l’autre, les bassins Grand Manan et Roseway ainsi que les zones intermédiaires, et les zones à l’est de la plate-forme Néo-Écossaise et à l’est du Cap-Breton, ont toujours été relevées comme des habitats propices.
- Diverses approches ont toujours permis de relever un certain nombre de zones qui bénéficieraient d’efforts nouveaux ou accrus en matière de relevé, comme le nord du golfe du Saint-Laurent, le nord-est de l’île d’Anticosti, le détroit de Cabot, le nord-est de Terre-Neuve, le chenal d’Émeraude (entre le bassin d’Émeraude et la faille de la plate-forme continentale), la mer du Labrador et des voies potentielles de migration.
- L’analyse des données de relevés acoustiques et visuels récents appuie l’avis fourni en 2017 sur les périodes où les BNAN se déplacent vers le golfe du Saint-Laurent et en ressortent. Les enregistreurs acoustiques indiquent que les BNAN sont demeurées dans le golfe jusqu’à la fin de décembre 2017 et y sont retournées à la fin d’avril 2018. Les baleines ont été observées pour la première fois dans le golfe en mai 2018. Les baleines étaient encore détectées acoustiquement dans le golfe à la fin de novembre 2018.
- Les données préliminaires de photo-identification indiquent qu’en 2018, au moins sept BNAN identifiées individuellement étaient présentes dans la baie de Fundy, et au moins 135 étaient présentes dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent. Les relevés aériens ont permis d’estimer la présence de 190 BNAN (IC à 95 % : 52-692) dans le sud du golfe du Saint-Laurent, bien qu’il s’agisse d’une sous-estimation en raison des baleines en plongée qui n’ont pas été observées. Cela représente une proportion substantielle (~50 %) de la population connue.
- Le temps de résidence d’une BNAN individuelle dans une zone donnée peut varier considérablement. D’après les réobservations d’animaux individuels au cours d’un programme de relevé aérien, le temps de résidence dans le sud-ouest du golfe du Saint-Laurent en 2018 était en moyenne de 34 jours, bien qu’il soit très variable selon les individus. Certaines baleines n’ont été observées qu’une seule journée, tandis que d’autres ont été observées pendant la totalité des 69 jours de surveillance aérienne. Sur les 51 individus identifiés lors du premier relevé aéroporté, 13 ont été réobservés lors du dernier relevé. Des recherches antérieures dans le bassin Roseway et dans la baie de Fundy indiquent que le temps de résidence moyen des BNAN était de 136 et 75 jours, respectivement.
- Le comportement de déplacement des BNAN individuelles était très variable. Certains individus ne se déplaçaient pas très loin entre les jours successifs, tandis que d’autres se déplaçaient sur de grandes distances. On estime que certaines baleines du sud-ouest du golfe du Saint-Laurent se déplacent sur une distance allant jusqu’à 50 km en une seule journée.
- Dans les eaux canadiennes, très peu de BNAN ont été détectées à des profondeurs inférieures à 50 m. De plus, le Calanus n’était pas abondant dans les eaux inférieures à 50 m. Bien que nous ne puissions pas estimer le risque d’empêtrement de BNAN dans les eaux peu profondes en raison du manque de données adéquates sur les activités de pêche dans ces zones, nous savons que celui-ci n’est pas nul.
- La présence simultanée d’activités de pêche et de BNAN dans le sud du golfe du Saint-Laurent est élevée. Une étude de simulation conçue pour estimer les rencontres potentielles entre la BNAN et les engins de pêche du crabe des neiges au cours des années 2015 à 2017 dans le sud du golfe du Saint-Laurent a indiqué que la majorité des rencontres potentielles simulées sur les trois années auraient eu lieu dans la zone de fermeture statique des pêches établie en 2018.
- Le risque relatif d’une collision mortelle avec un navire a été estimé à l’aide d’un modèle de simulation qui incorporait des données sur les déplacements et la vitesse des navires ainsi que sur la densité et la répartition de BNAN dans le golfe du Saint-Laurent en 2017. Le risque a été réduit de 56 % à l’intérieur de la zone de limitation de vitesse obligatoire pendant que celle-ci était en vigueur. Toutefois, le risque relatif a augmenté au nord-ouest de l’île d’Anticosti directement à l’extérieur des limites de la zone de limitation de vitesse en raison de la présence accrue de navires qui a coïncidé avec la limitation de vitesse en 2017. Dans d’autres zones du golfe, la menace relative de collision avec un navire était élevée, mais la surveillance était limitée.
- En 2018, la présence d’une seule baleine a servi à déclencher des mesures de gestion dans certaines zones. D’autres approches utilisant la présence de plusieurs baleines pour déclencher des mesures de gestion nécessiteraient des méthodes de relevé conçues pour évaluer le nombre d’individus et leur persistance dans une zone donnée, ainsi que d’autres exigences opérationnelles.
- Il existe plusieurs options possibles pour la surveillance de la présence de BNAN au large de l’est du Canada, qui présentent chacun des points forts et des limites connexes. Toutes les méthodes de relevé et de surveillance utilisées en 2018 ont fourni des données pertinentes et complémentaires pour la science et la surveillance. Les meilleures méthodes à utiliser dépendent des objectifs de gestion et des objectifs scientifiques et comprennent une combinaison d’outils. Il est important de déterminer et de classer par ordre de priorité les questions et les objectifs clés pour élaborer le programme de surveillance le plus efficace.
Le présent avis scientifique découle de la réunion du Comité national d’examen par les pairs sur les mammifères marins (CNEPMM) : Examen de la présence de la baleine noire de l’Atlantique Nord et du risque d’interactions avec les engins de pêche et de collision avec les navires, qui s’est tenue du 26 au 30 novembre 2018 à Montréal (Québec). Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.
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