Avis scientifique 2020/034
Aperçu biophysique et écologique de la zone d’intérêt (ZI) du chenal de Fundy et du banc de Browns
Sommaire
Caractéristiques physiques de la zone d’intérêt (ZI) du chenal de Fundy et du banc de Browns
- La ZI du chenal de Fundy et du banc de Browns est une zone d’intérêt extracôtière d’environ 7 200 km2 composée de deux composantes géographiquement distinctes. La composante ouest de la ZI est centrée sur le bassin de Georges et la composante est plus vaste comprend des parties du banc de Browns, du chenal de FundyNote de bas de page 1 , et la pente continentale.
- La ZI se situe principalement au sein de la division 4X de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO). Plusieurs fermetures de pêche déjà en place recouvrent la ZI, notamment la zone de conservation des coraux du chenal Nord-Est, près de 50 % de la zone de pêche du homard (ZPH) 40, qui est actuellement fermée à la pêche au homard, et certaines parties du banc de Browns abritant des frayères du poisson de fond qui connaissent une fermeture saisonnière.
- La bathymétrie de la ZI varie d’environ 50 m (banc de Browns) à 370 m (bassin de Georges), avec des profondeurs allant jusqu’à 2 200 m, s’étendant de la partie est de la ZI jusqu’à la pente continentale.
- Le chenal de Fundy est semblable à d’autres chenaux transversaux du plateau continental qui ont été érodés par les courants glaciaires passés. Le chenal de Fundy est plus énergétique que les autres chenaux transversaux du plateau continental de la région.
- La classification des fonds marins divise la ZI en quatre grandes zones : le bassin et le chenal de la partie extérieure du plateau dans le golfe du Maine; l’ouest du versant néo-écossais – cône; la partie extérieure du plateau néo-écossais – ensellement; et la partie extérieure du plateau néo-écossais – banc.
Espèces importantes de poissons et d’invertébrés
- L’abondance du zooplancton et la composition des communautés dans l’ouest du plateau néo-écossais ont globalement changé au cours des dernières années, y compris dans la ZI.
- Les changements concernant la communauté des copépodes pourraient entraîner des modifications de la répartition d’autres espèces de zooplancton et d’ichtyoplancton, de mammifères marins, de poissons pélagiques et d’autres espèces qui dépendent des grands copépodes comme proies.
- La diversité relativement élevée d’invertébrés benthiques que l’on trouve dans la ZI correspond à la variété et à la complexité des habitats associés au chenal de Fundy, au bassin de Georges, à la partie sud du banc de Browns, à la pente continentale et aux eaux profondes.
- Les deux principales espèces de coraux d’eau profonde de la ZI sont les espèces Alcyonacea Primnoa resedaeformis et Paragorgia arborea. Certaines des agrégations les plus denses de ces deux taxons sur le versant néo-écossais se trouvent dans la zone de conservation des coraux du chenal Nord-Est au sein de la ZI qui a été établie précisément pour les protéger.
- Des concentrations importantes d’éponges ont été relevées dans la partie sud du banc de Browns, chevauchant partiellement la ZI. L’éponge en forme de tonneau (Vazella pourtalesi) habite le chenal de Fundy, mais à des concentrations non significatives d’après les estimations de la densité par la méthode du noyau.
- Les pennatules (Pennatulida) sont concentrées dans les bassins profonds et le long de la pente continentale, avec une forte probabilité d’occurrence le long de la pente et dans les eaux profondes, au large. Des pennatules ont été observées dans l’ensemble de la Z, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour déterminer leur répartition complète.
- Les espèces biogènes formant des habitats, comme les coraux, les éponges et les pennatules, fournissent un habitat et un refuge importants contre la prédation, ainsi que des aires d’alimentation et de croissance pour divers poissons et invertébrés.
- Il a été démontré que les populations de homard d’Amérique (Homarus americanus) au large des côtes, en particulier dans la ZPH 40, comprennent une proportion plus élevée de grands homards femelles œuvées que les populations côtières observées. Les abondances de homard enregistrées dans les environs de la ZI pendant le relevé de recherche d’été font constamment partie des plus élevées sur le plateau néo-écossais.
- Le relevé de recherche d’été a documenté 71 espèces de poissons dans la ZI entre 1970 et 2017. Les 20 espèces les plus abondantes, dont l’aiglefin (Melanogrammus aeglefinus), la morue franche (Gadus morhua), le merlu argenté (Merluccius bilinearis), la limande à queue jaune (Pleuronectes ferruginea), et la goberge (Pollachius virens), représentent presque 80 % de toutes les observations.
- Le stock de morue franche de la division 4X (espèce en voie de disparition – Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC)) se trouve dans la zone critique depuis 2011, et la biomasse est demeurée faible depuis ce temps, avec un recrutement très faible. La ZI comprend un habitat représentatif de la morue franche, y compris une partie de l’habitat persistant du quintile supérieur déterminée dans la partie du banc de Browns de la ZI au cours des quatre dernières décennies.
- Sur le plateau néo-écossais, la merluche blanche (Urophycis tenuis; espèce menacée – COSEPAC) présente les plus fortes abondances dans la baie de Fundy et le long des eaux profondes de la faille du plateau continental. La merluche blanche adulte et juvénile se trouve couramment sur des substrats fins, comme la boue au fond des bassins du plateau néo-écossais. Les parties plus profondes du bassin de Georges comprises dans les limites de la zone ZI sont considérées comme un habitat persistant du quintile supérieur de la merluche blanche sur le plateau néo-écossais.
- Sur le plateau néo-écossais, le banc de Browns représente un habitat persistant du quintile supérieur du loup atlantique (Anarhichas lupus; espèce préoccupante – la Loi sur les espèces en péril (LEP)).
- Le flétan atlantique (Hippoglossus hippoglossus) dans les eaux canadiennes connaît une période de recrutement élevé et de forte croissance démographique. La ZI comprend l’une de deux zones distinctes d’abondance persistante du flétan atlantique juvénile dans la biorégion du plateau néo-écossais. Ces régions de forte abondance de juvéniles sont constamment observées indépendamment de l’abondance globale du stock, ce qui suggère qu’elles sont persistantes et résilientes.
- Le brosme (Brosme brosme; espèce en voie de disparition – COSEPAC) est considéré comme se trouvant dans la zone de prudence depuis 2011. Le chenal de Fundy, y compris une grande partie de la ZI, affiche l’une des probabilités les plus élevées de présence du brosme d’après les modèles d’habitats propices.
- La raie épineuse (Amblyraja radiata; espèce préoccupante – COSEPAC) est considérée comme une seule unité désignable dans les eaux canadiennes et a subi de graves déclins de population dans la partie sud de sa répartition historique. Ce déclin s’est poursuivi dans la partie sud de son aire de répartition malgré une réduction de la mortalité par pêche. Il a été démontré que le bassin de Georges constitue un habitat persistant du quintile supérieur de la raie épineuse dans les environs de la ZI.
- La raie tachetée (Leucoraja ocellata) au Canada est présente à trois concentrations principales, y compris dans l’ouest du plateau néo-écossais et la baie de Fundy. Le banc de Browns, y compris une partie de la ZI, et la baie de Fundy sont les seules zones d’habitat persistant du quintile supérieur de la raie tachetée dans l’ouest du plateau néo-écossais.
- Une diversité de grands poissons pélagiques, y compris les thons, les voiliers et les requins, sont présents de façon saisonnière et peuvent se nourrir dans la ZI.
- Différents processus océanographiques, y compris des remontées d’eau à l’embouchure du chenal de Fundy, des vagues internes générées dans le chenal et des tourbillons locaux, ainsi que des caractéristiques dynamiques associées au Gulf Stream, concentrent le plancton et des espèces fourragères comme le calmar et le hareng (Clupea harengus), attirant ainsi de gros poissons pélagiques vers la ZI et la pente continentale.
Mammifères marins
- Au moins 22 espèces de cétacés sont présentes dans les eaux du Canada atlantique. Bon nombre de ces espèces ont été observées au large de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse; toutefois, aucun relevé systématique complet sur la présence ou la répartition des cétacés dans la ZI n’a été effectué et l’abondance des cétacés n’a pas été estimée pour cette zone.
- La bordure du plateau continental a été déterminée comme une importante zone d’alimentation pour le rorqual bleu (Balaenoptera musculus; espèce en voie de disparition – LEP), y compris une partie de la ZI.
- La baleine à bec de Sowerby (Mesoplodon bidens; espèce préoccupante – COSEPAC) et la baleine à bec commune (Hyperoodon ampullatus; espèce en voie de disparition – LEP) sont réparties le long du talus du plateau néo-écossais près du chenal de Fundy et dans les canyons sous-marins dans l’est du plateau néo-écossais. Ces espèces sont présentes dans la ZI et leur présence est confirmée par de récentes détections acoustiques et visuelles.
Oiseaux marins
- L’abondance et la diversité des oiseaux marins dans les environs de la ZI sont le reflet d’une base de proies abondante et variée. La ZI a pris en charge les concentrations du décile supérieur (c.-à-d. le 10e percentile supérieur) de la plupart des guildes fonctionnelles d’oiseaux marins à diverses échelles de temps annuelles et décennales fondées sur les données des observateurs d’oiseaux à partir des années 1960.
- La communauté avifaune comprend les espèces qui ont accès à des proies près de la surface, comme les océanites cul-blanc, les phalaropes, les goélands, les sternes, les labres et les labbes; les plongeurs, comme le fou de Bassan (Morus bassanus); les plongeurs de faible profondeur, comme les puffins; et les plongeurs en eau profonde, comme les pingouins, qui peuvent atteindre presque 200 m de profondeur.
Espèces en péril
- Les divers poissons, mammifères, tortues et oiseaux marins qui ont été observés dans la ZI sont évalués comme étant en péril par le COSEPAC et/ou inscrits en vertu de la LEP et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Lacunes dans les connaissances
- On ne dispose pas actuellement de données sur la répartition complète des coraux et des éponges dans la ZI, de connaissances sur la composition des communautés endofauniques et de renseignements sur la génétique de la plupart des populations de poissons et d’invertébrés. Bien que ces renseignements puissent faciliter la délimitation des limites et le zonage d’une ZPM potentielle, leur absence n’empêche pas d’établir des priorités en matière de conservation.
- Le relevé de recherche d’été est à l’origine de la plupart des renseignements sur la diversité des poissons de fond et des invertébrés benthiques utilisés dans le présent aperçu écologique. Par conséquent, les migrations saisonnières, les variations d’abondance et les changements relatifs à la composition des communautés de poissons de fond et d’invertébrés dans la ZI demeurent largement inconnus.
- Les observations de la composition de la faune dans l’habitat du talus en eau profonde se limitent aux strates adjacentes dans le relevé de recherche d’été. Aucun relevé de recherche d’été n’a été effectué à plus de 400 m de profondeur dans la ZI.
- De nombreuses espèces sont présentes pendant les mois d’été et on présume qu’elles se nourrissent en fonction de la productivité et des caractéristiques océanographiques de la ZI; cependant, aucune observation directe de l’alimentation en association avec les caractéristiques de la ZI n’a été enregistrée.
Considérations relatives au changement climatique
- Il existe une certaine incertitude quant à la façon dont les principaux attributs biologiques et physiques de la ZI réagissent ou réagiront aux conditions climatiques changeantes.
- Plus précisément, nous reconnaissons l’incertitude entourant les répercussions de ce qui suit :
- le changement observé dans les communautés de zooplancton à l’intérieur et dans les environs de la ZI en ce qui concerne la productivité et la répartition des prédateurs, et l’utilisation générale de la zone par des espèces pélagiques;
- l’acidification et le réchauffement des océans sur les coraux et les éponges, qui sont considérés comme des priorités de conservation;
- le changement climatique et l’augmentation connexe des températures sur la répartition, la biomasse et la résilience des communautés de poissons de fond et d’invertébrés au sein de la ZI;
- l’évolution de la composition des communautés de poissons et d’invertébrés associée à la prévalence accrue d’espèces d’eau chaude et à la perte d’habitat pour certaines espèces adaptées au froid sur l plateau néo-écossais, en particulier dans l’ouest du plateau néo-écossais.
Priorités de conservation
- Les éventuelles priorités de conservation pour la ZI du chenal de Fundy et du banc de Browns ont été déterminées avant l’examen du Secrétariat canadien de consultation scientifique (SCCS) par le Programme de gestion des océans. Ces priorités de conservation ont été évaluées dans le cadre du processus d’examen scientifique par les pairs du SCCS et il a été recommandé de les conserver, de les modifier ou de les rejeter en fonction de la force des preuves scientifiques disponibles. Les caractéristiques ont été évaluées en fonction des critères d’agrégation, d’unicité et d’adaptation des zones d’importance écologique et biologique (ZIEB) ou des critères de vulnérabilité, d’état de conservation et relatifs aux espèces d’importance écologique fondés sur les espèces.
- Les caractéristiques suivantes ont été jugées prioritaires en matière de conservation par la majorité des participants, d’après l’information disponible aux fins d’examen :
Habitat
- Représentation diversifiée des types d’habitats, y compris les habitats dans les bassins, les bancs, les pentes en eau profonde et les chenaux, ainsi que les communautés de poissons et d’invertébrés qui y sont associées.
- Habitat persistant du flétan atlantique juvénile
- Concentrations de gros homards femelles matures
- Habitat propice pour la baleine à bec de Sowerby et la baleine à bec commune
Biodiversité
- Coraux en eau profonde
- Concentrations importantes d’éponges
- Habitat représentatif de la morue franche, du loup atlantique, de la raie tachetée, de la raie épineuse et de la merluche blanche
- Habitat très propice pour le brosme
Productivité
- L’ensemble des caractéristiques océanographiques, comme les vagues internes, les zones de remontée d’eau et la présence occasionnelle du Gulf Stream et de poches d’eau chaude, à l’embouchure du chenal de Fundy, qui en font une zone très productive associée à la présence de grands poissons pélagiques, de tortues de mer et de cétacés
- Aire d’alimentation pour le rorqual bleu
- Lieux d’alimentation pour la plupart des guildes fonctionnelles d’oiseaux marins, y compris l’océanite cul-blanc (Oceanodroma leucorhoa)
Le présent avis scientifique découle de la réunion du processus régional d’examen par les pairs de l’Aperçu biophysique et écologique du site d’intérêt du chenal de Fundy et du banc de Browns, qui s’est déroulé du 27 au 29 novembre 2018, avec des réunions de suivi les 19 décembre 2018 et 26 février 2019. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada (MPO).
Avis d’accessibilité
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