Avis scientifique 2021/013
Avis pour informer l’élaboration d’un programme de surveillance après le rejet de médicaments et de pesticides par les sites de pisciculture marine à l’appui du Règlement sur les activités d’aquaculture
Sommaire
- Comme c’est le cas pour la plupart des animaux d’élevage, les poissons d’élevage sont touchés par des maladies et des parasites. La gestion intégrée efficace de la santé de ces poissons repose sur une série d’outils qui englobent les médicaments autorisés et les pesticides homologués ainsi que des méthodes autres que chimiques (physiques, biologiques ou de gestion du site et d’élevage). Environ les trois quarts des sites de pisciculture marine actifs au Canada ont administré au moins un médicament ou pesticide chaque année (de 2016 à 2018). Les médicaments et les pesticides utilisés varient d’un bout à l’autre du pays selon la réglementation (p. ex. en Colombie-Britannique, les seuils de contrôle du pou du poisson qui ne sont pas liés à la santé des poissons d’élevage sont imposés par les conditions de permis) et les pratiques de gestion, tout comme le sont la quantité de produits chimiques utilisés et le nombre et le moment des traitements.
- En vertu du Règlement sur les activités d’aquaculture, avant d’utiliser un médicament ou un pesticide, le propriétaire ou l’exploitant d’un site doit d’abord envisager des solutions de rechange. Ce domaine fait activement l’objet de recherches et donne lieu à un certain nombre de technologies nouvelles et émergentes. Certaines en sont à l’étape de la recherche et du développement et d’autres, largement exploitées à des fins commerciales, donnent lieu à une optimisation et à des améliorations continues. Des lacunes persistent sur le plan des connaissances, notamment en ce qui concerne l’efficacité, les interactions avec l’environnement et le bien-être des poissons.
- Les vétérinaires brevetés suivent des processus longs et complexes quand ils envisagent d’utiliser des médicaments autorisés ou des pesticides homologués pour gérer la santé de poissons. Ils tiennent compte notamment de renseignements propres au site au sujet de l’infection, des poissons, de l’environnement et de l’élevage ainsi que des commentaires des gestionnaires du site et de facteurs logistiques. En ce qui a trait à l’administration de médicaments ajoutés à la nourriture, les vétérinaires mettent à profit ces renseignements pour prescrire des traitements optimisés, lesquels peuvent inclure un usage non indiqué et des ingrédients actifs autres que ceux indiqués sur l’étiquette. Ils effectuent des analyses semblables lorsqu’ils envisagent d’utiliser des pesticides. Cependant, il faut utiliser ces produits conformément aux usages indiqués et aux exigences réglementaires provinciales.
- En vertu du Règlement sur les activités d’aquaculture, l’industrie canadienne de la pisciculture marine a déclaré avoir utilisé entre 2016 et 2018 dix médicaments autorisés par la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada et deux pesticides homologués par l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire de Santé Canada à des fins de contrôle ou de prise en charge de la santé des poissons qui comprenaient les ingrédients actifs suivants :
- antibiotiques ajoutés à la nourriture (oxytétracycline, florfénicol, érythromycine, ormétoprime et sulfadimétoxine, triméthoprime et poudre de sulfadiazine);
- médicaments antiparasitaires ajoutés à la nourriture (benzoate d’émamectine, ivermectine, praziquantel et lufénurone, sélamectine);
- pesticides utilisés lors de traitements sous forme de bain (azaméthiphos et peroxyde d’hydrogène).
- Avant de concevoir et de mettre en œuvre un programme de surveillance robuste et fondé sur les risques, il faut établir des objectifs clairs en matière de protection de l’environnement et de prévention de la pollution pour quantifier les résidus de médicaments et de pesticides en milieu marin après leur utilisation par l’industrie d’aquaculture. Il faut aussi établir des objectifs clairs et explicites pour le programme de surveillance après rejet dans les sites d’aquaculture; c’est pourquoi le présent avis scientifique est de nature générale.
- La conception d’un programme de surveillance procède d’un processus constitué de plusieurs étapes qui tient compte d’abord des risques (c.-à-d. la toxicité) et de l’exposition de l’environnement (c.-à-d. le devenir et le schéma d’utilisation) occasionnés par les médicaments et les pesticides utilisés. Ces renseignements aident à définir et à évaluer ce qu’il convient de mesurer en fonction des objectifs du programme (groupe des récepteurs), de la définition des seuils de changement et du niveau de confiance requis pour déterminer si les taux de changement établis au préalable ont été dépassés. Dans l’évaluation du concept général, la sécurité des travailleurs et la faisabilité technique doivent aussi être prises en compte. Le programme de surveillance peut s’améliorer à mesure que des renseignements supplémentaires deviennent accessibles.
- À l’heure actuelle, les médicaments ajoutés à la nourriture qui sont utilisés par les sites de pisciculture marine pénètrent dans l’environnement par les matières fécales, les excrétions et la nourriture non consommée. On s’attend à ce qu’ils soient surtout présents dans les sédiments et, dans une moindre mesure, dans l’eau ou dans l’interface eau-sédiments et dans le biote. Des médicaments et leurs métabolites ont été détectés dans les sédiments à la suite de périodes de traitement. Leur persistance varie cependant (en mois ou en années) et dépend de divers facteurs comme leurs propriétés chimiques, la température de l’eau et le type de sédiment.
- L’azaméthiphos et le peroxyde d’hydrogène, des pesticides, pénètrent dans le milieu marin après avoir été rejetés par des bâches ou des bateaux-viviers. Le traitement d’un site entier peut nécessiter un traitement séquentiel des parcs qui dure des jours. En se fondant uniquement sur les propriétés chimiques de leurs ingrédients actifs, on s’attend à ce que ces pesticides demeurent dans la colonne d’eau après leur rejet et se dispersent, ce qui complique l’échantillonnage. Ces pesticides ont été jugés non persistants.
- Les seuils réglementaires peuvent être établis par divers moyens, notamment en concordance avec les organismes de réglementation, qui sont cohérents avec l’élaboration de repères et de normes de qualité de l’environnement.
- Conformément aux recommandations canadiennes pour la qualité de l’environnement (1999; 2007) du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME), aux recommandations européennes en présence de données lacunaires (TGD 2018) et à l’approche considérant le poids global de la preuve, on doit envisager explicitement la quantité et la qualité des études pertinentes ainsi que les incertitudes relatives à la biologie, à l’environnement et aux données lors de l’élaboration de normes de qualité de l’environnement.
- Selon l’objectif de protection de l’environnement et le récepteur (eau, sédiment, biote), les normes de qualité de l’environnement peuvent être établies pour les expositions à court ou long terme. De telles normes applicables à l’eau peuvent se diviser en deux grandes catégories : l’une liée à l’exposition aiguë maximale aux produits chimiques et l’autre, à l’exposition chronique. Aucune norme de qualité de l’environnement à court terme ne s’applique aux sédiments étant donné que l’exposition des organismes benthiques est constante. Pour rendre compte des incertitudes sur les plans de la science et de la qualité ou de la quantité des données, un facteur de correction ou d’évaluation est appliqué.
- Pour prévoir les concentrations dans l’eau et les sédiments des médicaments ajoutés à la nourriture et des pesticides utilisés lors de traitements sous forme de bain, les modèles peuvent inclure divers éléments comme le rejet, le transport, la dispersion ainsi que le devenir et le comportement des produits chimiques. Les prévisions des modèles peuvent aider à déterminer les lieux et les périodes d’échantillonnage ainsi que la forme et l’emplacement des zones d’exposition et d’influence.
- Il existe divers modèles de transport, de dispersion et de sédimentation. Le choix de l’approche de modélisation doit donc tenir compte de l’objectif associé aux extrants du modèle. Les modèles qui intègrent quelques composantes simplifiées peuvent servir à estimer les concentrations dans des zones généralisées en fonction d’échelles de temps généralisées. Les modèles qui intègrent des composantes plus détaillées ou supplémentaires peuvent en revanche servir à forger des estimations à plus haute résolution.
- Peu importe le type de modèle, les améliorations apportées grâce aux données empiriques supplémentaires et les aspects propres au site peuvent contribuer à atteindre une plus grande exactitude. Les incertitudes sous-jacentes associées aux intrants et aux paramètres du modèle influent sur l’exactitude des prévisions.
- Les extrants issus de la modélisation devraient être validés par des données empiriques.
- L’échantillonnage probabiliste structuré (c.-à-d. fondé sur la sélection aléatoire des emplacements et des périodes d’échantillonnage possibles) fournit des estimations quantitatives en fonction de paramètres sélectionnés et des incertitudes qui leur sont associées. L’échantillonnage sur la base du jugement (fondé sur les connaissances existantes de la zone à échantillonner) ne permet pas de déduction statistique. Il peut être utile en vue de déterminer ce qu’il convient d’échantillonner (récepteur ou paramètre d’analyse) ou pour concevoir un programme d’échantillonnage aléatoire stratifié. L’échantillonnage en grille est indiqué pour capter l’empreinte tandis que l’échantillonnage aléatoire est plus approprié pour déduire des changements à l’échelle d’une population. L’échantillonnage probabiliste ou sur la base du jugement est approprié et est fonction des objectifs de gestion et d’autres facteurs, y compris les incertitudes.
- L’échantillonnage doit tenir compte de l’intervalle de confiance imposé à l’évaluation des échantillons par rapport au seuil établi, des limites liées au prélèvement et à la manipulation des échantillons, de l’analyse des échantillons, etc. Toutes les estimations de concentration après rejet dépendent de la concentration initiale, laquelle peut varier. Par conséquent, lorsqu’on conçoit un modèle de surveillance après rejet, il convient d’envisager un échantillonnage de l’eau de bain avant le rejet ou de la nourriture médicamentée pour confirmer les concentrations liées au traitement et l’interprétation des résultats. Pour informer l’échantillonnage, il est recommandé de tenir compte des caractéristiques biologiques, physiques et chimiques du milieu benthique du site.
- En ce qui concerne l’analyse en laboratoire pour la quantification des médicaments et des pesticides, il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs et établir des exigences de rendement. Il s’agit notamment d’imposer des méthodes rigoureuses de collecte, d’entreposage et d’expédition des échantillons ainsi que des paramètres d’analyse prédéterminés (p. ex. analytes, matrices et niveaux de concentration à obtenir précisés par le client).
- Le laboratoire doit obligatoirement utiliser des méthodes validées. Son accréditation est souhaitable et peut servir à démontrer sa compétence. Une fois les seuils de surveillance établis, il faut s’assurer que les méthodes d’analyse sont adaptées à l’usage prévu. À l’heure actuelle, au Canada, la capacité d’effectuer ces analyses à l’aide de méthodes validées est limitée.
- La résistance aux antimicrobiens survient naturellement chez les bactéries. L’utilisation d’antibiotiques dans les sites d’aquaculture peut modifier l’abondance relative des gènes de résistance aux antibiotiques dans l’environnement. Les premières données empiriques montrent que les communautés bactériennes du milieu benthique changent en fonction de la distance par rapport au site de pisciculture marine, tout comme la fréquence relative des gènes de résistance aux antibiotiques.
- Une méthode d’évaluation à grande échelle de la résistance aux antimicrobiens consiste à mesurer les gènes de résistance aux antibiotiques dans les bactéries du milieu benthique détectées autour des sites de pisciculture marine. L’échantillonnage doit tenir compte d’autres facteurs dont les données sur l’utilisation d’antibiotiques, les niveaux naturels observés dans l’environnement et la persistance. On manque encore de connaissances sur les voies possibles, les organismes non visés, les interactions écologiques spatiales et temporelles des communautés bactériennes et la fréquence des gènes de résistance aux antibiotiques autour des sites de pisciculture marine. Si des gènes de résistance aux antibiotiques étaient trouvés, des essais secondaires pourraient être mis en œuvre, comme ceux basés sur des techniques fondées sur la culture, pour évaluer la résistance aux antimicrobiens.
- Le programme de surveillance après rejet produira des données supplémentaires qui, conjuguées à de nouvelles données scientifiques (dont des résultats sur la biologie), serviront à peaufiner le programme au fil du temps. La communication normalisée des données, la transparence des exigences et des normes de qualité ainsi que la gestion des données constituent des facteurs importants à prendre en compte pour assurer la robustesse du programme.
Considérations relatives au programme de surveillance
Menaces et exposition de l’environnement
Méthodes d’établissement des seuils relatifs aux résidus de médicaments et de pesticides dans l’environnement
Modélisation de l’exposition
Échantillonnage et analyse
Le présent avis scientifique découle de l’examen national par les pairs du 2 au 6 mars 2020 sur l’Avis pour informer l’élaboration d’un programme de surveillance de la pisciculture marine après le rejet des médicaments et des pesticides à l’appui du Règlement sur les activités d’aquaculture. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada.
Avis d’accessibilité
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