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Réponse des Sciences 2024/035

Risques pour les poissons liés aux installations de turbines à très faible hauteur de chute

Contexte

Les blessures et la mortalité des poissons qui traversent les turbines lors du passage intentionnel ou non en aval (Algera et al. 2020) sont parmi les préoccupations les plus importantes liées à la production d’énergie hydroélectrique. Il existe plusieurs mécanismes par lesquels les poissons peuvent être blessés ou tués à la suite de leur passage (ou de leur entraînement) dans les turbines, comme le résume Čada (2001), notamment les changements de pression rapides et extrêmes, la cavitation, la contrainte de cisaillement, les collisions, les turbulences et le broyage. C’est pourquoi les concepteurs travaillent depuis des décennies à la création de turbines « respectueuses des poissons » qui intègrent des caractéristiques les rendant moins dangereuses pour les poissons entraînés à l’intérieur (Fraser et al. 2007, Foust et al. 2011, Romero-Gomez et al. 2022, Watson et al. 2022). Pour déterminer si une turbine est effectivement « respectueuse des poissons », il faut non seulement quantifier le taux de mortalité, mais aussi prendre en compte les effets sublétaux (Ferguson et al. 2006). De nombreux plans actuels de surveillance de la mortalité due à l’entraînement par l’eau consistent à marcher périodiquement en aval de la turbine pour observer et consigner les poissons morts. Ce niveau de surveillance ne fournit probablement pas de renseignements fiables sur le risque encouru par les poissons. De plus en plus, d’autres méthodes de surveillance de la mortalité due à l’entraînement sont utilisées – notamment des essais de chasse des poissons et la modélisation pour estimer la mort des poissons due à l’entraînement –, mais à ce jour, il n’existe pas de méthodes standard ou uniformes considérées comme des « meilleures pratiques ».

Plusieurs nouvelles technologies de turbine (Quaranta et al. 2022) sont proposées pour les infrastructures nouvelles et existantes (déversoirs, barrages non hydroélectriques), qui doivent encore être évaluées pour qu’on détermine leur « innocuité pour les poissons » (Cooke et al. 2011) et la possibilité de les utiliser au Canada (RNCan 2018). Les barrages à faible hauteur (moins de 15 m) sont considérés comme des options hydroélectriques viables qui pourraient ajouter de 5 à 10 GW d’énergie (Tung et al. 2007, soit environ 10 % des 82,3 GW de la puissance installée du Canada, IHA 2022) à la capacité totale de production d’énergie du Canada. La turbine à très faible hauteur de chute (TTFHC), conçue par MJ2 Technologies, fait partie d’une catégorie unique et rentable de turbines conçues pour une hauteur de chute de 1,4 à 4,5 m, un débit de 10 à 30 m3/s et une capacité allant jusqu’à 500 kW (Fraser et al. 2007, Sweeney et al. 2022). La configuration standard se compose de huit aubes mobiles réglables de type Kaplan et de 18 veines de guidage fixes, avec un diamètre de 0,6-5,6 m. La conception de la TTFHC incorpore plusieurs caractéristiques destinées à réduire le plus possible les répercussions sur les poissons :

Une TTFHC installée en 2015 à Wasdell Falls sur la rivière Severn, en Ontario, a fourni un site unique pour la première étude de cette nouvelle technologie au Canada. L’installation de TTFHC sur la rivière Severn a été soutenue par RNCan afin d’en faire un site de démonstration pour représenter une source d’électricité propre et fiable à faible impact. La technologie à très faible hauteur de chute permet de réaliser d’importantes économies en matière de travaux de génie civil grâce à son concept de modularité, ce qui rend le développement des ressources hydroélectriques à très faible hauteur de chute économiquement réalisable. Il est toutefois important que des essais soient réalisés au Canada afin de déterminer si cette technologie peut effectivement être considérée comme « respectueuse des poissons » pour les taxons et systèmes canadiens.

Utilisant la télémétrie acoustique, le passage de poissons vivants et des capteurs conçus pour enregistrer les conditions rencontrées par les poissons lorsqu’ils passent à travers les turbines, cette recherche visait à fournir une quantification directe du risque d’entraînement, de blessures et de mortalité immédiate ou différée des poissons résultant de l’installation de TTFHC à Wasdell Falls. Étant donné que l’installation de Wasdell Falls s’est faite sur le site d’un barrage existant, cette recherche a été conçue pour quantifier particulièrement le risque accru pour les poissons dû à l’installation de la turbine sur une barrière existante, et non pour évaluer l’ensemble des effets de la présence du barrage lui-même. Le risque d’entraînement des poissons résidents en amont de la TTFHC a été estimé en mesurant le taux d’entraînement des poissons étiquetés par télémétrie acoustique. Des poissons vivants, représentatifs de la communauté piscicole locale, ont été introduits dans une TTFHC afin d’estimer les taux de blessure et de mortalité attendus pour les poissons résidents traversant les TTFHC. Combinés, la probabilité d’entraînement et le risque de blessures ou de mortalité lié au passage dans la turbine peuvent être utilisés pour fournir une estimation du risque global pour les poissons en amont de la TTFHC. En plus du passage des poissons vivants, des capteurs électroniques ont été envoyés dans la TTFHC pour fournir des informations quantitatives sur les conditions physiques rencontrées par les poissons pendant leur passage, dont certaines n’étaient pas évidentes pendant les essais sur les poissons vivants. Les résultats figurant dans le présent rapport de réponse des Sciences visent à quantifier directement le risque que représentent les TTFHC quant au Programme de protection des poissons et de leur habitat (PPPH) de Pêches et Océans Canada (MPO). Plus précisément, les objectifs sont les suivants :

  1. déterminer le risque global que représente l’installation de TTFHC à Wasdell Falls pour la communauté de poissons résidents;
  2. déterminer le niveau et le type de surveillance requis pour les futures installations;
  3. établir les incertitudes et les lacunes dans les connaissances et, le cas échéant, recommander des informations, recherches, surveillances et collectes de données supplémentaires, entre autres, qui sont nécessaires pour mieux évaluer les effets potentiels des installations de TTFHC sur les communautés de poissons du Canada.

La présente réponse des Sciences est le résultat de l’examen par les pairs régional du 5 au 6 décembre 2023 sur les risques pour les poissons liés aux installations de turbines à très faible hauteur de chute (TTFHC).

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