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Document de recherche 2014/026

Examen des effets potentiels dans le milieu environnant et à distance de la composante d'extraction des éléments organiques de l'aquaculture multitrophique intégrée dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, avec accent sur la moule bleue (Mytilus edulis)

Par Shawn M.C. Robinson et Gregor K. Reid

Résumé

La recherche et le développement de l'aquaculture multitrophique intégrée (AMTI) sont en cours dans la baie de Fundy depuis les dix dernières années. L'expansion industrielle de ce concept a soulevé certaines questions portant sur les répercussions et les avantages de l'aquaculture multitrophique intégrée, notamment :

  1. Quels sont les facteurs qui influent sur les effets de l'aquaculture multitrophique intégrée?
  2. L'aquaculture multitrophique intégrée aide-t-elle à réduire la charge organique benthique d'un site aquacole?
  3. L'ampleur actuelle de l'aquaculture multitrophique intégrée dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick apporte-t-elle certains avantages? Si ce n'est pas le cas, quelle échelle d'exploitation (c.-à-d. échelle spatiale), quel mélange d'espèces et quels attributs biophysiques pourraient se traduire par un avantage net pour l'environnement (p. ex. une réduction du taux de dépôt de carbone)?
  4. À quelle échelle l'aquaculture multitrophique intégrée aurait-elle des impacts mesurables sur d'autres aspects de l'écosystème, tels que sur le phytoplancton et sur les plages de myes existantes?
De nombreux facteurs déterminent l'efficacité de l'aquaculture multitrophique intégrée en eau libre, y compris les facteurs biologiques, comme la sélection des espèces, l'efficacité potentielle de l'organisme, la physiologie de l'espèce, la disponibilité de la nourriture et l'efficience avec laquelle les liens trophiques sont établis. L'efficacité de ces liens dépend grandement des facteurs physiques au site d'élevage, comme la profondeur de l'eau, les courants et la température. De plus, un certain nombre d'interactions intentionnelles et non intentionnelles au sein de l'écosystème entrent en ligne de compte. Ces interactions peuvent prendre la forme de maladies et de parasites à petite échelle ou d'événements de prédation à grande échelle. Une compréhension de l'échelle et des mécanismes de ces interactions écologiques permettra d'optimiser les résultats et contribuera à l'élaboration de nouvelles politiques de gestion pour l'aquaculture multitrophique intégrée en eau libre. Plus le système d'aquaculture multitrophique intégrée est efficace, moins les nutriments (énergie) seront disponibles aux fins de transfert dans l'environnement extérieur.

Les estimations découlant de cette étude indiquent que dans le cadre des régimes alimentaires de niveau trophique extractif (dans ce cas, il s'agit du niveau trophique extractif des moules bleues), l'alimentation doit aussi compter une consommation de 10 % à 20 % du niveau trophique nourri (c.-à-d. des déchets solides de la salmoniculture) avant que l'on dénote une diminution de la charge organique nette dans un site d'aquaculture multitrophique intégrée. La capacité d'un niveau trophique extractif à fournir un régime de cette envergure dépend de la taille de la nourriture disponible et de la capacité du niveau trophique extractif à en faire l'exploitation. De nombreuses études ont démontré que certaines espèces d'extraction en eau libre peuvent utiliser les nutriments émanant des déchets provenant d'exploitations aquacoles à un niveau d'environ 30 % de leur régime alimentaire. À ce jour, les données empiriques sur le terrain liées à la moule bleue laissent entendre que ces animaux sont capables d'assimiler des quantités semblables de nutriments émanant de poissons dans leur alimentation, tant qu'ils sont en contact avec les aliments d'origine agricole. Le contenu organique des déchets produits par le niveau trophique extractif sera beaucoup plus faible comparativement à celui de la source originale, ce qui représente une grande différence pour la charge du carbone organique au fond. Les selles de moules se fixent beaucoup plus lentement et contiennent beaucoup moins de carbone que les selles de saumon. De plus, elles déposent moins de carbone par unité de surface et, par conséquent, leur incidence benthique relative est plus faible. Cependant, il est très improbable que l'aquaculture multitrophique intégrée, qui utilise seulement des organismes se nourrissant de particules fines (moules) dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick, ait permis de réduire de façon significative la charge de matières particulaires totales des benthiques aux sites.

L'adoption de l'aquaculture multitrophique intégrée peut entraîner certains coûts et avantages. Les configurations actuelles de l'aquaculture multitrophique intégrée sont toujours en cours d'élaboration, et, même si les configurations actuelles n'ont pas vraiment diminué la charge benthique dans les exploitations salmonicoles, les moules ont été utilisées pour éliminer les particules fines générées par le saumon et le varech a permis d'extraire une fraction des nutriments inorganiques solubles découlant des processus métaboliques et respiratoires du saumon. Les oursins et d'autres espèces sont susceptibles d'être plus efficaces pour réduire le dépôt organique benthique sous les fermes d'élevage de saumons. À l'avenir, la conception des sites d'aquaculture multitrophique intégrée devra évoluer sur le point de vue de la structure et de la complexité, puisque les nouveaux sites devront s'adapter à d'autres espèces, garantir que le débit d'eau est suffisant pour le saumon et relier de façon efficace les différents niveaux trophiques. Les calculs de la zone disponible pour les sites aquacoles existants suggèrent que l'espace suffisant est disponible pour la plupart des baux en vigueur pour installer de nouveaux modules d'aquaculture multitrophique intégrée. Des prévisions sur la production potentielle laissent entendre que des quantités importantes d'organismes pourraient être implantées et que ces derniers sont capables d'assimiler, en théorie, une grande partie des déchets émanant de poissons (en supposant que les taux de contact sont appropriés). Ce niveau de production nécessitera la production d’écloserie de juvéniles, en raison de la quantité requise.

Il est possible que les opérations d'aquaculture multitrophique intégrée accroissent les agents de stress de l'écosystème en raison de l'ajout de nutriments émanant des déchets et, dans certains scénarios, de l'ajout localisé d'espèces. Cependant, la détection des petits changements découlant de l'aquaculture multitrophique intégrée au-delà de ceux de la salmoniculture sera difficile. Certains niveaux trophiques de l'aquaculture multitrophique intégrée (p. ex. mollusques) qui assimilent des particules naturelles en plus des déchets d’élevage pourraient se traduire par une hausse des taux de nutriments dans certaines circonstances. Toutefois, il n'existe aucune preuve dans le sud-ouest du Nouveau-Brunswick d'une limite ou d'une eutrophisation liée aux nutriments en raison de nutriments dissous, à l'exception des niveaux éphémères très locaux en raison du niveau élevé de renouvellement de l'eau par les marées. L'aquaculture multitrophique intégrée ne devrait pas entraîner beaucoup de changements sur les phytoplanctons à grande échelle, mais il pourrait y avoir un épuisement à l'échelle locale autour des sites aquacoles en raison des organismes filtreurs. Les effets de la productivité secondaire découlant d'interactions avec des espèces intertidales sont moins évidents. Selon les conditions hydrographiques de la zone intertidale, il pourrait y avoir des interactions entre les nutriments accrus et les algues épiphytoniques, qui ont des conséquences négatives sur les organismes intertidaux. Une recherche plus poussée sur les effets sur les écosystèmes plus grands est justifiée.

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