Vers une stratégie de rétablissement des stocks de Morue du Golfe du Saint-Laurent - Stratégie de l'équipe de reconstruction de la morue Canada-Québec
4T4Vn (novembre-avril) et 3Pn 4RS
Comité Canada/Québec sur le rétablissement de la morue
Septembre 2005
Tables des matières
- 1. Introduction
- 2. Les grands enjeux des pêcheries québécoises
- 3. Cadre institutionnel
- 4. Situation des stocks
- 5. Situation par rapport à la Loi sur les espèces en péril
- 6. Contraintes au rétablissement des stocks
- 7. Conditions de base pour le rétablissement des stocks
- 8. Vers une stratégie pour le rétablissement des stocks
- 9. Des voies d'action
- 10. Gérance partagée
- 11. Recherche scientifique
- 12. Conclusion
- Annexes
- Consolidé des recommandations
1. Introduction
1.1. Perspective
La pêche à la morue a été une des raisons principales de la colonisation de l'est du Canada par les européens à partir du xvie siècle et a été à l'origine de l'implantation et de la survie de nombreuses communautés côtières. Jusqu'à la fin des années 1940, lorsque l'interdiction des chaluts à panneaux a été levée, la pêche à la morue s'effectuait surtout avec des engins fixes. Depuis le milieu du xixe jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, les captures de l'ensemble de l'Atlantique canadien ont oscillé entre 300 et 600 000 tonnes, pour des flottes essentiellement françaises, anglaises et espagnoles. Avec l'arrivée de nombreuses flottes étrangères à la fin des années 1950 et l'utilisation croissante des chaluts, les débarquements de morue se sont accrus considérablement, dépassant 1,4 million de tonnes en 1968. Le stock de morue du Nord (2J3KL) montrait l'accroissement le plus spectaculaire en tonnage total, mais tous les autres stocks montraient d'impressionnantes augmentations des débarquements. Un premier effondrement des stocks de morue est survenu au début des années 1970, mais la combinaison de la diminution de l'effort de pêche, par l'exclusion des flottes étrangères, et la production de fortes classes d'âges grâce à des conditions environnementales favorables a permis une reconstruction spectaculaire des stocks de morue. Cette reconstruction plus rapide que prévue a eu deux conséquences importantes : on a cru que la capacité de reconstruction observée durant les années 1970 était caractéristique des stocks de morue et on a surestimé l'effet positif de réduction de l'effort de pêche. On a cru que le système de gestion mis en place lors de l'extension de la juridiction des pêches à 200 milles marins en 1977 était la cause de la reconstruction rapide et on a pensé qu'il était possible de faire varier la taille des stocks à volonté. On a aussi cru qu'il était impossible pour une flotte de petits navires canadiens d'exercer une mortalité par pêche aussi élevée que celle exercée par les flottes étrangères de gros chalutiers alimentant des navires-usines. La réalité s'est avérée tout autre : le renouvellement de la flotte canadienne par des unités hautement efficaces (qui a, de fait, remplacé l'effort de pêche étranger), combiné à une demande quasi illimitée causée par l'accroissement du nombre d'usines de transformation, a entraîné une augmentation de la mortalité par pêche au-delà de celle générée par les flottes étrangères au début des années 1970. La conjoncture de mortalité par pêche élevée, de conditions environnementales défavorables et une possible augmentation de la prédation, ont entraîné un deuxième effondrement en moins de 20 ans qui s'est avéré, pour beaucoup de stocks, beaucoup plus sévères et persistants que le premier.
La crise a entraîné l'imposition de moratoires qui n'ont pas été accompagnés de plans d'action spécifiques. On n'a pas su, ou pu, tirer avantage de cette période pour reconsidérer l'ensemble de la situation des pêcheries et de la gestion. De fait, ces moratoires n'ont pas répondu aux attentes de l'industrie et du MPO. Il est ainsi souhaitable que cette stratégie entraîne le rétablissement de la pêche à la morue contribuant ainsi à l'économie des collectivités côtières.
1.2. Le Comité Canada/Québec
C'est dans ce contexte qu'en septembre 2003, le Comité Canada/Québec sur le rétablissement de la morue a été mis sur pied avec le mandat de développer et de mettre en oeuvre une stratégie de rétablissement de la morue dont le but serait d'aider au rétablissement des stocks de 3Pn4RS et 4T-4Vn et à la gestion durable des pêches qui les exploitent.
Des comités bilatéraux visant des objectifs similaires ont également été formés avec d'autres provinces de l'Atlantique concernées par ces mêmes pêches. Un Comité Canada / Terre-Neuve et Labrador effectue déjà du travail en ce sens pour divers stocks de morue dont celui du nord du Golfe (3Pn4RS) et un Comité Canada/Maritimes regroupant les provinces du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse ont aussi entrepris des travaux visant plus spécifiquement le stock du sud du Golfe (4T - 4Vn (novembre – avril)).
Le Comité Canada/Québec vise à définir une position des intervenants du Québec pour la reconstruction des stocks de morue du golfe du Saint-Laurent. Cette position sera développée en harmonie avec les travaux des autres Comités et les rapports des trois comités seront intégrés dans une vision stratégique globale pour tout le Canada atlantique.
Dans la mesure où le mandat du Comité est de tracer une orientation stratégique, ses travaux ne visent pas à définir un plan de gestion à court terme et des règles précises de détermination des TAC. Il cherche davantage à intégrer les éléments intéressants qui ressortent des travaux conjoints industrie-MPO et qui viendraient en appui avec une stratégie à long terme. De même, le Comité travaille de façon indépendante des activités du COSEPAC, sans toutefois négliger les informations qui s'avéreraient utiles pour la rédaction d'un plan de rétablissement pour les deux stocks de morue.
L'objectif principal du Comité Canada / Québec pour le rétablissement de la morue est de préparer une stratégie qui permettra de favoriser la reconstruction des stocks de morue du golfe du Saint-Laurent lorsque les conditions biologiques et environnementales le permettront et d'établir les mécanismes qui permettront une gestion durable de la pêche aux poissons de fond dans le Golfe.
Le Comité a cherché à atteindre les sous-objectifs suivants :
- Tracer un état de la situation des stocks de morue dans les régions OPANO 4T - 4Vn (novembre à avril), dans le sud du Golfe, et 3Pn4RS, dans le nord du Golfe;
- Évaluer cette situation par rapport à la Loi sur les espèces en péril;
- Préciser les menaces qui pèsent sur les stocks;
- Proposer des objectifs souhaitables et réalistes pour un rétablissement des stocks dans le cadre d'une approche de précaution;
- Suggérer des mesures d'atténuation des menaces ainsi que l'orientation vers une gérance partagée.
Le Comité s'est adjoint un comité aviseur composé de représentants de l'industrie de la pêche québécoise. Le rapport présenté ici a été rédigé en plusieurs étapes :
- Un premier document d'orientation stratégique a été préparé et soumis au comité aviseur;
- Ce document d'orientation stratégique a été ajusté en fonction des commentaires reçus et un document de consultation a ensuite été également préparé;
- Les deux documents ont été distribués aux autres comités sur le rétablissement de la morue (Canada/Terre-Neuve et Labrador, Canada/Maritimes) et à la plupart des regroupements et associations de l'industrie de la pêche et une série de rencontres de consultation a eu lieu au mois de juin 2005 dans tout l'est du Québec.
Le présent rapport est le résultat de ce processus. Il regroupe des données issues du travail des biologistes, des informations fournies par le secteur de la gestion du ministère des Pêches et Océans, par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec et les commentaires et avis recueillis lors des séances de consultation.
Il s'agit encore, à ce stade, d'un document de travail qui a été mis à jour en septembre avec les commentaires reçus de l'industrie suite à la consultation de juin et après validation du Comité aviseur.
2. Les grands enjeux des pêcheries québécoises
La crise de l'effondrement des stocks de poissons de fond sur la côte atlantique canadienne touche les communautés côtières de façon plus ou moins sévère selon leur diversification et leur dépendance envers le poisson de fond. Cette crise révèle de nombreux enjeux auxquels les collectivités, l'industrie de la pêche et le système de gestion doivent faire face.
2.1. Des enjeux liés à la ressource
Comparé à l'effondrement précédent du début des années 1970, celui des années 1990 touche un plus grand nombre d'espèces et les stocks de morue n'ont pas été uniformément affectés. Le stock de morue du Nord (2J3KL), celui du nord du Golfe (3Pn4RS), et celui de l'est du plateau néo-écossais ont subi des effondrements plus sévères que celui des années 1970. L'effondrement du stock du sud du Golfe (4T – 4Vn (novembre – avril), de celui du banc Saint-Pierre (3Ps), et du sud de la Nouvelle-Écosse (4X) a été semblable à celui du début des années 1970. De tous les stocks de morue de la côte est canadienne, seul celui de 3Ps semblait avoir récupéré récemment de façon significative d'après les évaluations scientifiques de 2004. Aucun accroissement substantiel n'est prévu à très court terme pour les autres stocks. Les changements observés dans l'écosystème au cours de la dernière décennie (température de l'eau, baisse des concentrations en oxygène, modifications des relations prédateurs-proies, etc.) contribuent au sombre pronostic à court et moyen termes. Le fait que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ( COSEPAC) recommande de placer plusieurs stocks de morue de l'Atlantique sur la liste des espèces en péril, soit comme espèce en voie de disparition, soit menacée ou préoccupante, ajoute à l'incertitude sur l'avenir de ces pêcheries, sinon des stocks eux-mêmes.
2.2. Des enjeux sociaux et économiques
Géographiquement, la région du Québec est la seule province dont les communautés côtières sont adjacentes aux deux stocks de morue du golfe du Saint-Laurent. Cette situation rend un grand nombre d'entre elles sensibles au sort de la morue et des poissons de fond qui constituent historiquement l'élément moteur de leur développement. Elle est d'autant plus critique que plusieurs segments du secteur des pêches québécoises n'ont pas d'autres ressources/alternatives que les poissons de fond.
Comme beaucoup de régions maritimes de l'Atlantique canadien, la pêche à la morue a constitué l'épine dorsale des pêcheries québécoises aussi bien en Gaspésie qu'aux Îles-de-la-Madeleine et sur la Côte-Nord. Les communautés avaient ainsi développé une forte dépendance envers ces ressources. Les moratoires et la diminution des TAC les ont sévèrement affectées. En 1985, il y avait au Québec près de 1 700 permis de pêche aux poissons de fond. On comptait alors plus de 3 300 pêcheurs et aides-pêcheurs actifs à la pêche à la morue. À cette époque, on enregistrait des valeurs au débarquement de morue de l'ordre de 18 M$. En 2002, on comptait moins de 1 000 permis pour le poisson de fond. Globalement, pour l'ensemble du Québec, on estimait le nombre de pêcheurs et d'aides-pêcheurs actifs à la pêche à la morue à 1 150 en 2002 pour des débarquements qui représentaient une valeur totale de 3 M$. Près de la moitié de ces pêcheurs se retrouve en Gaspésie tandis qu'un peu plus du tiers provient de la Côte-Nord, principalement en Basse-Côte-Nord.
La viabilité de nombreuses collectivités côtières, qui dépendent de la pêche, est actuellement menacée. L'existence de pêches lucratives, mais pour un nombre limité de participants, engendre des tensions aussi bien à l'intérieur des communautés qu'entre les communautés et les organismes de gestion des pêches. Les allocations temporaires de crabe et de crevette accordées à des pêcheurs en difficulté permettent de compenser une certaine partie des revenus perdus de la pêche à la morue, mais demeurent toujours incertaines d'une année à l'autre.
La situation est particulièrement préoccupante sur la Basse-Côte-Nord où la pêche au crabe de la zone 13 est fermée et où celle à la morue est sévèrement limitée. L'économie de cette région est très peu diversifiée et la pêche demeure le principal moteur d'activité économique. La dépendance économique de ces communautés au secteur des pêches est très importante. En effet, plus de 80 % de la population de 15 ans et plus travaille dans le secteur primaire des pêches. Si l'on ajoute le secteur secondaire, cette proportion atteint 88 %. En dehors de ce secteur, force est de constater que cette région n'offre quasiment pas d'emplois de rechange.
D'autres régions en Gaspésie, comme Gaspé-Est et Gaspé-Sud, où l'on débarque une bonne part de la morue (60 % en 2002), sont également dépendantes de cette pêche. La transformation de la morue « Gaspé cured » (morue salée séchée) est depuis longtemps une activité très importante pour ces régions. Les premiers moratoires ont d'ailleurs porté un coup dur à cette industrie. Plus de 67 % de la population de 15 ans et plus travaille dans le secteur primaire des pêches dans Gaspé-Sud; avec le secteur secondaire, cette proportion atteint 70 %. Dans ces régions, les emplois en dehors de l'industrie de la pêche sont limités, à l'heure actuelle, puisque le secteur minier et le secteur forestier éprouvent des difficultés certaines.
Bien que le homard occupe une part très importante des débarquements de produits marins aux Îles-de-la-Madeleine, l'effondrement de la morue, associé à celui du sébaste, a affecté de nombreux pêcheurs et employés d'usines.
Ce constat montre que l'effondrement de la pêche à la morue implique des enjeux sociaux et économiques considérables pour ces régions maritimes. En effet, les communautés de ces régions, pour des raisons historiques et géographiques, sont extrêmement dépendantes de la pêche alors que les possibilités d'emploi dans d'autres domaines sont quasiment inexistantes.
Une stratégie de rétablissement de la morue (et plus généralement des stocks de poissons de fond, d'ailleurs) impliquera des décisions sur la réorganisation de l'industrie de la pêche qui pourront être difficiles.
2.3. Des enjeux institutionnels
Il est de notoriété publique que la perception de l'état des stocks de morue de certains pêcheurs diffère de celle des biologistes, même si certaines associations ont relativisé cette perception lors des consultations du Comité. Parfois, ces différences peuvent être plus artificielles que réelles : lors des présentations des résultats de leurs évaluations de stocks, les biologistes décrivent l'état du stock de l'année précédente, c.-à-d. il y a habituellement six mois ou plus, et sur l'ensemble de sa répartition, alors que les pêcheurs parlent de leur présent, dans leur environnement accessible. Les relations entre les scientifiques et le secteur des pêches s'étaient améliorées au début des années 1990 après l'abolition du Comité scientifique consultatif sur les pêches canadiennes dans l'Atlantique (CSCPCA), mieux connu sous son sigle anglais de CAFSAC. La création du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (<abbr title="Conseil pour la conservation des ressources halieutiques">CCRH</abbr>) et la mise en œuvre de processus régionaux ouverts au public pour la revue par les pairs des évaluations scientifiques ont aussi contribué à cette amélioration. Depuis, la perception de l'état des stocks de morue s'est modifiée et les relations semblent s'être éloignées. Malgré leur participation active dans les processus de révision par les pairs et dans la cueillette de données, les pêcheurs ont l'impression qu'ils ont peu de prise sur les conseils scientifiques qui sont produits et sur les décisions qui en découlent. Ils ont aussi l'impression de ne pas être écoutés et que leurs avis sont négligés. Les consultations apparaissent parfois, sinon biaisées, du moins peu productives. Certaines décisions apparaissent comme illogiques ou contradictoires et le système de contrôle et surveillance est perçu comme minimal.
Le principe de « gérance partagée », défini dans le « Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte de l'Atlantique » vise à changer cette perception même s'il se heurte encore à beaucoup de scepticisme. Les comités conjoints sur les « Règles de décision pour l'établissement des TAC annuels » représentent une démarche dans cette direction, mais le sentiment est qu'ils ont eu peu d'effet sur les décisions effectivement prises.
Il est donc trop tôt pour évaluer l'effet concret de ce cadre stratégique sur la gestion des pêcheries.
Ces questions institutionnelles affectent l'environnement dans lequel une éventuelle reconstruction des stocks de poissons de fond, et de la morue en particulier, pourra ou non se faire. Elles constituent une contrainte importante au rétablissement des stocks qu'il sera impératif de considérer.
3. Cadre institutionnel
Plusieurs textes de loi encadrent les pêches au Canada. Trois d'entre elles concernent plus directement une stratégie sur le rétablissement de la morue. Des documents stratégiques découlent de ces lois et donnent des directives importantes pour la définition de cette stratégie. De plus, en vertu de divers jugements de la Cour suprême (Sparrow, Marshall, Taku Haida), l'obligation de consulter les communautés autochtones devient impérative afin de s'assurer de respecter les droits reconnus ou qui peuvent être potentiellement reconnus.
3.1. La Loi sur les pêches
La Loi sur les pêches est le document juridique qui détermine l'activité de capture en tant que telle. Elle définit, entre autres, l'attribution des droits de pêche, des mécanismes de contrôle de l'activité et des règlements sur la protection des habitats.
3.2. La Loi sur les océans
La Loi sur les océans affirme la promotion de la connaissance des écosystèmes marins, leur conservation et l'application de l'approche de précaution.
3.3. Les lois sur les espèces vulnérables, menacées ou en péril
3.3.1. La Loi sur les espèces en péril
La Loi sur les espèces en péril (LEP) vise à empêcher la disparition d'espèces sauvages. La Loi protège les espèces en péril et leurs habitats essentiels. La LEP contient également des dispositions pour aider à gérer des espèces « préoccupantes » pour empêcher qu'elles deviennent « menacées », « en voie de disparition » ou qu'elles disparaissent. Le COSEPAC recommande la désignation d'espèces en péril. Le cabinet fédéral décide ensuite si ces espèces méritent une protection en vertu de la Loi sur les espèces en péril. Cette décision est prise après que les intervenants et les autres groupes concernés aient été consultés.
Une fois qu'une espèce est considérée comme disparue du pays, en voie de disparition ou menacée et qu'elle obtient une protection en vertu de la Loi sur les espèces en péril, il devient illégal de la tuer, la harceler, la capturer ou la blesser. Les habitats essentiels sont également protégés contre toute destruction. La Loi prévoit notamment qu'on mette en place, pour toutes les espèces inscrites sur la liste des espèces en péril, des stratégies de rétablissement, des plans d'action spécifiques et des plans de gestion minimisant les menaces dues à la pêche. Ces divers plans seront gérés en fonction d'un calendrier strict déjà prévu dans la Loi sur les espèces en péril.
3.3.2. La Loi sur les espèces menacées ou vulnérables du Québec
En matière d'espèces menacées, le gouvernement du Québec possède sa propre législation avec la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables qui assure la protection des espèces en difficulté sur son territoire.
En outre, les projets pouvant affecter les habitats aquatiques sur le territoire québécois sont assujettis aux dispositions de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur la qualité de l'environnement.
Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada travaillent à l'élaboration d'une entente de collaboration en vue d'éviter les dédoublements législatifs et d'établir clairement un cadre stratégique d'intervention en matière de conservation des ressources halieutiques sur le territoire québécois dans le respect des champs de compétence des gouvernements respectifs.
3.4. La Stratégie sur les océans du Canada
Cette stratégie découle de la Loi sur les océans. Il s'agit de l'exposé de principes du gouvernement du Canada sur la gestion de ses océans. Elle réaffirme son engagement à gérer ses océans de concert avec les autres ordres de gouvernement, les associations autochtones, les collectivités, les entreprises, les organismes non gouvernementaux, le monde universitaire et la population en général.
3.5. Le développement durable
3.5.1. La stratégie fédérale sur le développement durable
Elle oriente les actions du Ministère selon quatre thèmes :
- Nouvelles formes de gouvernance et de gérance partagée;
- Connaissances et technologie pour un développement durable;
- Activités durables;
- Gestion visant le progrès et le rendement.
3.5.2. Le développement durable et le secteur bioalimentaire
Le Québec, par le biais de son ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, s'est donné comme mission d'influencer et de soutenir l'essor de l'industrie bioalimentaire québécoise dans une perspective de développement durable. Dans le cadre de son plan stratégique, on y lit que la visée économique du ministère suggère une intervention équilibrée qui concilie le développement économique avec les valeurs de société telles que la protection des ressources et de l'environnement, le développement régional ou encore la qualité et la sécurité des aliments.
Ainsi, en matière de transformation des produits marins, le Québec possède une politique de délivrance et de renouvellement des permis de transformation des produits marins qui s'inscrit dans le cadre cette mission. Elle vise tout particulièrement l'utilisation optimale de la ressource halieutique disponible dans une perspective de développement durable et de développement régional.
Il y est précisé que par développement durable, on entend :
- La pérennité de la ressource;
- La viabilité et la rentabilité à long terme des entreprises;
- La durabilité et la stabilité des emplois.
En outre, dans le contexte de l'industrie et de la pêche, il y est également mentionné que le développement régional recherche le bénéfice premier des communautés côtières des régions maritimes sur le territoire québécois.
3.6. Le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte de l'Atlantique
Le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte de l'Atlantique, présenté en mars 2004, présente quatre objectifs interreliés :
- La conservation des ressources et des habitats marins, ainsi que le rétablissement des ressources et de l'habitat au besoin. Dans les limites des connaissances disponibles, toutes les activités de pêche seront menées de façon à assurer l'utilisation durable des ressources;
- Des pêches autosuffisantes;
- Un accès aux ressources halieutiques et leur répartition plus stable et prévisible;
- Une gérance partagée. Les participants prendront une part active à la prise de décision de gestion des pêches aux niveaux appropriés; ils apporteront des connaissances spécialisées et leur expérience et partageront la responsabilité des résultats. Le Cadre vise une approche plus inclusive à la planification stratégique, en permettant aux utilisateurs des ressources de jouer un plus grand rôle dans les décisions opérationnelles, en facilitant la participation des Autochtones à la planification stratégique et à la prise de décisions et en appuyant l'établissement de la capacité des utilisateurs des ressources d'assumer de nouvelles responsabilités.
3.7. L'approche de précaution
3.7.1. Considérations générales
La Loi sur les océans réaffirme que le Canada encourage l'application du principe de la prévention relativement à la conservation, à la gestion et à l'exploitation des ressources marines afin de protéger ces ressources et de préserver l'environnement marin. Cette Loi inclut aussi le principe d'une gestion fondée sur la durabilité des écosystèmes.
Selon le Cadre d'application de la précaution dans un processus décisionnel scientifique en gestion du risque, préparé par le gouvernement du Canada, « la "précaution", le "principe de précaution", ou "l'approche de précaution", exprime l'idée qu'il ne faut pas invoquer l'absence de certitude scientifique complète pour différer les décisions comportant un risque de préjudice grave ou irréversible. L'application de la précaution est intrinsèque à la prise de décisions scientifiques pour gérer le risque et se caractérise par trois éléments fondamentaux : la nécessité de prendre une décision, l'existence d'un risque de préjudice grave ou irréversible, et l'absence de certitude scientifique absolue ».
Une gestion qui suit les principes de l'approche de précaution doit anticiper de façon prudente pour éviter des situations inacceptables ou indésirables. Elle doit considérer que les changements dans les systèmes halieutiques sont lentement réversibles, difficiles à contrôler, pas très bien compris et sujets à évoluer en fonction de l'environnement et des valeurs humaines.
L'approche de précaution nécessite de prendre en compte explicitement les résultats indésirables et potentiellement inacceptables et définit des plans pour éviter ou atténuer ces résultats. Les résultats inacceptables incluent la surexploitation de la ressource, le développement exagéré de la capacité de capture, la perte de biodiversité, des perturbations importantes sur les habitats sensibles et des désorganisations sociales ou économiques.
L'approche de précaution implique :
- Identifier des objectifs à long terme, aussi bien biologiques que socio-économiques, comme préalable à une telle approche;
- Élaborer un processus de décision, incluant des points de références (limites et cibles), déduit d'une procédure scientifique acceptée;
- Prendre en compte l'incertitude concernant l'état des stocks, l'impact des activités de pêche et les conditions environnementales, sociales et économiques;
Développer des programmes de recherche et d'acquisition de données.
3.7.2. Considérations pratiques
De façon concrète, l'approche de précaution nécessite les éléments suivants :
- Définir un (ou des) Point de Référence Limite qui est la frontière au-delà de laquelle un dommage sévère au stock considéré est hautement probable;
- Définir des cibles de gestion qui sont les objectifs que l'on cherche à atteindre au moyen de règles de décision; ces règles déclenchent les actions permettant d'éviter que le stock soit conduit dans la zone de dommages sérieux et, le cas échéant, de s'en sortir;
- Établir des règles de décision et d'action, acceptées à l'avance, qui se déclenchent lorsqu'on se dirige vers des seuils ou lorsqu'ils sont atteints; ces règles doivent être déterminées à l'avance.
Pour pouvoir appliquer l'approche de précaution à un stock donné, l'état biologique de ce stock devrait être évalué selon trois « zones » : zone de santé, zone de prudence, zone critique. Ces trois zones représentent des régions où les considérations biologiques et écosystémiques d'une part, et sociales et économiques d'autre part, changent de priorité relative. De ce fait, les actions devront être différentes dans chacune des zones :
- Zone de santé – c'est la situation désirée pour le stock; les décisions prennent en compte à la fois les buts socio-économiques et biologiques; on peut se permettre un taux d'exploitation légèrement plus élevé afin de répondre à des besoins sociaux ou économiques;
- Zone de prudence – si l'évaluation et le suivi indiquent des changements importants dans les indicateurs choisis (par ex., une baisse de biomasse), la priorité va à la rectification des tendances négatives par une diminution du taux d'exploitation si nécessaire; la vigilance s'accroît pour éviter que le stock n'atteigne une situation critique « non acceptable »;
- Zone critique – c'est la zone où le stock se situe dans une « situation non acceptable »; les nécessités de conservation biologiques deviennent prioritaires; dans cette zone, la mortalité causée par une pêche dirigée doit être interdite et doit être maintenue la plus basse possible pour les prises accessoires causées par d'autres pêches et si ces prises accidentelles ne contribuent pas à aggraver l'état du stock dans la zone critique.
Le point de référence limite correspond à la frontière entre la zone de prudence et la zone critique. Il est déterminé sur la base de la meilleure information possible. Typiquement, cette limite est exprimée en termes d'indicateurs biologiques : biomasse génitrice, taux de mortalité, abondance ou d'autres critères de productivité (recrutement, taux de croissance, indice de condition, distribution géographique, structure en âges, etc.). La définition de la limite doit aller de pair avec des règles correctrices et de reconstruction préétablie.
Dans le cadre de l'approche de précaution, les risques potentiels négatifs doivent être clairement identifiés et une démarche doit être précisée pour éviter ces risques. Il est aussi nécessaire d'établir a priori un ensemble d'objectifs clairs que la stratégie de rétablissement doit atteindre avec un échéancier permettant d'évaluer le succès de la stratégie.
Les outils techniques permettant d'atteindre les objectifs sont les outils classiques de la gestion :
- Définition des totaux admissibles de capture (TAC) et contrôle des captures;
- Contrôle de l'effort de pêche (en valeur absolue, dans le temps et dans l'espace);
- Contrôle de la capacité de capture;
- Instauration de saisons de pêche et de fermetures de secteurs géographiques.
Dans le cadre d'une approche de précaution, on tente d'accroître la compréhension et la définition des habitats essentiels ou critiques (par ex. reproduction, nourriture, migration, etc.).
La description ci-dessus est principalement axée sur la protection de la capacité de production des espèces exploitées. Pourtant, l'approche de précaution a d'abord été proposée dans le contexte du développement durable et les théoriciens, autant que les praticiens du développement durable, s'entendent pour dire que le concept comprend au moins quatre composantes : une composante bioécologique, une composante économique, une composante sociale et une composante institutionnelle. On admet aussi que, pour augmenter les probabilités d'atteindre un développement durable, il doit y avoir un équilibre raisonnable dans l'importance que l'on accorde à chacune des composantes. Dans cette optique, le Comité Canada/Québec a consacré une partie de ses travaux à réfléchir sur les améliorations possibles du point de vue institutionnel (mécanisme de prise de décision, cueillette et interprétation des données, contrôle et surveillance) plutôt que de se limiter à l'aspect bioécologique.
4. Situation des stocks
4.1. Stock 4T-4Vn (novembre à avril)
4.1.1. Aperçu historique
La morue est exploitée commercialement dans le sud du Golfe depuis au moins le XVIe siècle. Les débarquements, compilés depuis 1917, ont oscillé entre 20 000 et 40 000 t de 1917 au milieu des années 1940. L'introduction du chalut à panneau, mais surtout une spectaculaire augmentation de la croissance de la morue attribuée à la disponibilité de hareng alors victime d'une épizootie, a propulsé les débarquements au-delà de 100 000 t en 1958. Les débarquements ont ensuite fluctué sans tendance entre 40 000 et 70 000 t, sauf au milieu des années 1970 lorsqu'ils ont chuté à près de 20 000 t. L'effondrement du milieu des années 1970 a été très bref et le stock s'est rétabli beaucoup plus rapidement que prévu, ce qui a causé des frictions entre les pêcheurs et les scientifiques des pêches à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Durant les années 1980, la part des débarquements par les engins fixes s'est progressivement érodée au profit de la flotte aux engins mobiles. Au début des années 1990, la très grande majorité des captures étaient effectuées par les engins mobiles. La pêche a été fermée en septembre 1993, une pêche indicatrice de 3 000 t a été autorisée en 1998 et un TAC de 6 000 a été établi en 1999. La pêche dirigée a été fermée en 2003, et a été de nouveau ouverte en 2004 avec un TAC de 3000 t. En 2005, le TAC a été établi à 4000 t.
4.1.2. État de la ressource – Point de vue des biologistes
Selon le rapport sur l'état des stocks 2005/007, aucun des indices de la taille du stock n'indique de changement majeur dans l'état du stock. L'analyse séquentielle des populations (ASP) montre une légère diminution de la biomasse reproductrice, mais les premières estimations préliminaires de la classe d'âge de 2002 suggèrent qu'elle pourrait être plus forte que la moyenne. Les estimations de biomasse reproductrice remontent à 1950. Selon l'évaluation, la biomasse reproductrice aurait presque doublé d'environ 250 000 t en 1950 à plus de 400 000 t en 1956 avant d'amorcer un déclin irrégulier sur une période de vingt ans pour atteindre 75 000 t au milieu des années 1970. La biomasse reproductrice se serait ensuite accrue, d'abord très rapidement et ensuite de façon plus progressive, atteignant un pic de plus de 350 000 t en 1986. La biomasse reproductrice aurait ensuite décru de façon tout aussi rapide pour se stabiliser autour de 80 000 t depuis 1992. L'absence de rétablissement du stock depuis le début des années 1990 serait due à un recrutement moyen ou inférieur à la moyenne et à une mortalité naturelle accrue comparée aux années 1970 et au début des années 1980. Le taux d'exploitation depuis le premier moratoire en 1993 a généralement été égal ou inférieur à 10 %, et plus souvent inférieur à 5 %.
4.1.3. État de la ressource – Point de vue de l'industrie
Lors de ses consultations, le Comité a constaté qu'il existait un certain consensus sur le faible potentiel actuel de cette population de morue. Certains intervenants de l'industrie de la pêche considèrent toutefois que la vision des biologistes est trop pessimiste et que le stock pourrait supporter des captures plus élevées. D'autres jugent que la vision des biologistes est réaliste et que le TAC alloué pour 2005 pourrait être trop élevé.
Les sondages téléphoniques effectués après la saison de pêche indiquent une amélioration progressive des taux de capture depuis les dernières années.
4.1.4. Incertitudes scientifiques
L'évaluation du stock de la morue du sud du Golfe est une des plus fiables dans l'Atlantique Nord, en partie à cause d'un relevé scientifique fiable. Malheureusement, en 2003, des problèmes logistiques ont empêché de compléter le relevé au chalut de fond et en 2004, le relevé a été réalisé sur un navire différent et non calibré, ce qui accroît les incertitudes quant à la taille actuelle du stock et les perspectives de recrutement.
On ne pense pas qu'il y ait eu de fausses déclarations à grande échelle avant le moratoire de 1993, mais, comme pour la majorité des stocks de morue du Golfe, de Terre-Neuve et de l'est du cap Breton, on craint que les rejets en mer ont pu être substantiels entre 1988 et le moratoire de 1993 (les taux de croissance dans les zones 4X et 5Z de l'OPANO sont plus élevés et la morue y atteint rapidement la taille commerciale, minimisant ainsi les possibilités de rejets en mer). Le faible taux de croissance de la morue (sauf à la fin des années 1950) dans le sud du Golfe, combiné à la taille des mailles utilisées dans les chaluts a fait que les rejets en mer ont presque toujours constitué un problème. La méthode d'évaluation utilisée dépend étroitement de la fiabilité des données de prises. Si ces dernières sont erronées, les résultats de l'évaluation le seront également.
Des relevés sentinelles à la palangre ont débuté en 1995 alors qu'au chalut, des relevés sentinelles synoptiques et fiables n'ont débuté qu'en 2003.
La morue du sud du Golfe fournit un bon exemple de l'interaction entre la migration du stock et le comportement de la flotte : de 1960, lorsque l'unité de gestion a été définie, jusqu'au milieu des années 1980, l'attribution des captures de morue dans 4Vn durant les mois de janvier à avril au stock du sud du Golfe a semblé approprié. Toutefois, à partir du milieu des années 1980, des migrations plus étendues et des changements dans le comportement des flottes font que les captures effectuées en novembre et décembre dans 4Vn ont été attribuées au stock du sud du Golfe. Certaines années, des captures dans le nord de 4Vs ont aussi été attribuées à ce stock. Comme la pêche dans 4Vs est demeurée fermée depuis le début des années 1990, les interactions entre les stocks adjacents du sud du chenal Laurentien n'ont pas les mêmes implications que celles observées au nord du chenal Laurentien entre 3Ps et 3Pn4RS.
On ne connaît pas avec certitude la structure du stock de morue du sud du Golfe, mais les données disponibles laissent supposer l'existence de quelques unités reproductrices possiblement distinctes dans la vallée de Shédiac et autour des Îles-de-la-Madeleine.
Les morues montrent un taux de mortalité élevé après l'âge de 3 ans, depuis le milieu des années 1980. On pense que les facteurs en cause seraient des conditions environnementales défavorables (faible température, baisse des concentrations en oxygène, par exemple), de mauvaises pratiques de pêche et un accroissement de la prédation par les phoques. Cependant, l'analyse de l'alimentation des phoques montre que ceux-ci consomment surtout des juvéniles. L'étude des contenus stomacaux pourrait toutefois sous-estimer la consommation réelle, car les phoques s'alimentent aussi sur les parties « molles » des poissons (estomac, foie, etc.), qui n'apparaissent pas dans le bol alimentaire.
Contrairement au nord du Golfe où le capelan tient une place importante dans l'alimentation de la morue, dans le sud du Golfe, le régime alimentaire est plus diversifié, composé de krill, de crevettes, de petits poissons, surtout du hareng, de la plie canadienne et aussi du capelan.
4.2. Stock 3Pn4RS
4.2.1. Aperçu historique
Pendant la période de 1964 à 1985, les débarquements se situaient en moyenne à 82 200 t. Au cours de cette période, aucun débarquement annuel enregistré n'a été inférieur à 65 000 t. Les prises ont même atteint un sommet de plus de 100 000 t en 1970 et au début des années 1980. Ces derniers sommets ont été suivis par une baisse rapide qui a conduit à un moratoire de trois ans, de 1994 à 1996.
La pêche commerciale dirigée a été rouverte en 1997, avec un TAC modeste de 6 000 t. Le TAC a été haussé et maintenu à 7 000 t en 2000, 2001 et 2002, pour des débarquements respectivement de 6 834, 7 150 et 6 338 t. Un second moratoire d'une année a été instauré en 2003. La pêche commerciale a été rouverte en 2004 avec un TAC de 3 500 t. En 2005, le TAC a été établi à 5 000 t.
Le profil de l'activité de capture a considérablement changé depuis 1994. Avant cette date, les flottilles à engins mobiles effectuaient une pêche d'hiver et étaient responsables de plus de 60 % des débarquements. Depuis 1997, la pêcherie est composée exclusivement d'engins fixes (filets maillants, palangres et lignes à main). La pêche se déroule essentiellement en été et en automne avec des allocations mensuelles qui distribuent les captures le long de la côte. Ces mêmes flottilles bénéficient depuis 2005 d'un outil de gestion additionnel soit les parts régionales. Cette mesure de gestion permet à l'industrie une adaptation additionnelle à son plan de récolte et responsabilise davantage les utilisateurs envers le respect desdites allocations.
4.2.2. État de la ressource – Point de vue des biologistes
Selon les données produites par les biologistes lors de l'évaluation de 2005 (rapport sur l'état des stocks 2005/003), la biomasse totale moyenne pour la période de 1974 à 1985 était de l'ordre de 467 000 t, alors qu'elle n'était plus que de 50 000 t pour la période de 1995 à 2005. Ceci correspondrait à une baisse moyenne de 89 %. Pour les mêmes périodes, la biomasse reproductrice moyenne aurait baissé de 258 000 tonnes à 38 000 t, soit une baisse moyenne de 85 %. La biomasse reproductrice projetée pour le début de 2005 était de 38 500 t, relativement stable par rapport à 2004 (38 378 t), mais en augmentation par rapport à 2003 (24 900 t).
L'estimation de recrutement à l'âge 3 projeté pour 2005 est la plus faible de la série historique. Il ne représente que 4 % de la valeur moyenne du recrutement pour la période 1974-1985.
Un atelier sur le recrutement, qui s'est déroulé en 2000, a estimé que le taux de recrutement (rapport entre le nombre de recrues et la biomasse qui les a produites) avait augmenté depuis le début des années 1990 et qu'il pouvait alors être considéré comme bon. Il a toutefois diminué depuis 2000.
La condition des poissons était considérée comme mauvaise entre les années 1989 et 1994. Elle s'est améliorée par la suite et elle est actuellement au niveau observé au début des années 1980.
La mortalité naturelle était anormalement élevée à la fin des années 1980, se situant autour de 34 % par année (par rapport à la valeur historique de 18 %). Elle semble être revenue à des valeurs normales depuis le début des années 2000.
La mortalité par pêche a été très élevée avant le moratoire de 1994, bien au-dessus de la valeur cible de 18 % (54 % et 53 % pour 1992 et 1993). Après la réouverture de 1997, il a oscillé autour de 20 %; il était voisin de 10 % en 2004 (il est à noter qu'il s'agit d'un taux d'exploitation calculé sur les âges pleinement recrutés et que ce n'est pas le pourcentage enlevé annuellement de la biomasse).
La distribution géographique s'est modifiée depuis la fin des années 1980 et au cours des années 1990. La morue du stock 3Pn4RS migre maintenant « plus tôt et plus loin ». Elle était traditionnellement pêchée dans l'ensemble du nord du Golfe, jusque dans le secteur ouest de l'île d'Anticosti. En 1985, il s'est débarqué 2 748 t de morue dans le secteur Sept-îles/Pointe-Parent; ces débarquements ont chuté par la suite (437 t en 1990, 92 t en 1993, pour être marginaux (moins de 20 t) après 1997. Actuellement, les pêcheries sentinelles et les relevés scientifiques montrent que la morue est essentiellement concentrée sur la côte ouest de Terre-Neuve et qu'elle est virtuellement absente au niveau d'Anticosti. Des interprétations récentes de données de marquage confirment cette tendance. Les biologistes estiment que des composantes reproductrices de la population auraient disparu. Les échanges entre les secteurs 3Pn et 3Ps semblent s'être intensifiés, ce qui a justifié la fermeture à la pêche de la partie hauturière du banc de Burgeo durant la période hivernale.
4.2.3. État de la ressource – Point de vue de l'industrie
Même si le Comité a pu constater que personne ne conteste que la situation du stock n'est pas bonne, plusieurs intervenants de l'industrie de la pêche considèrent que la vision des biologistes est beaucoup trop pessimiste. Ils pensent, au contraire, que le stock est en voie de reconstruction. Les arguments invoqués à l'appui de cette perception sont :
- Les prises par unité d'efforts (rendements de la pêche) ont été particulièrement élevées sur toute la côte ouest de Terre-Neuve et ont même dépassé les niveaux historiques;
- La présence de fortes concentrations de morue le long de la côte durant toute la saison estivale (associée à des captures très importantes dans les trappes à capelan);
- Les sondages téléphoniques effectués après la saison de pêche indiquent une amélioration progressive de l'état du stock depuis la fin des années 1990.
- Les intervenants pensent aussi que l'évaluation par les modèles analytiques sous-estime la biomasse présente dans la mesure où elle est largement dépendante des relevés scientifiques qui prennent mal en compte la partie côtière de la distribution où se concentrerait actuellement une grande partie de cette biomasse. La validité du relevé scientifique est aussi remise en question.
4.2.4. Incertitudes scientifiques
Les statistiques officielles de débarquement ne correspondent peut-être pas aux prélèvements réels. Plusieurs facteurs peuvent avoir sous-estimé les captures dans la période qui a précédé le moratoire de 1994 : bonification des prises, rejets sélectifs, fausses déclarations, sous-déclarations, prises accidentelles très élevées dans la pêcherie de crevette avant que la grille séparatrice (grille « Nordmore ») soit introduite (30 % en nombre comparativement aux prélèvements officiels de la pêche commerciale) qui pourraient s'être traduites par des niveaux élevés de mortalité post-sélection.
L'évaluation scientifique est encore fortement dépendante du relevé scientifique estival. Ce relevé ne peut estimer la biomasse présente dans les eaux côtières ce qui peut introduire un biais dans les calculs. Il y a eu un changement de navire de recherche au début des années 1990, ce qui peut provoquer un biais supplémentaire dans les évaluations. La question de la capturabilité du navire de recherche est régulièrement évoquée. Un nouveau changement de navire prévu dans un avenir proche pourrait aggraver cette situation. Par contre, le poids de plus en plus important des relevés des pêches sentinelles dans le processus d'évaluation pourrait réduire progressivement certaines de ces incertitudes.
Les migrations hivernales de la morue du nord du Golfe dans la division administrative 3Ps sont toujours un facteur qui complique l'évaluation à la fois du stock 3Pn4RS et du stock 3Ps. Un atelier qui s'est déroulé en 2000 avait conclu que la majeure partie des morues capturées en hiver dans certaines régions de 3Ps (banc de Burgeo, notamment) provenait en fait de 3Pn4RS. Des mesures de gestion récentes (comme la fermeture hivernale de la pêche dans la partie ouest de 3Ps) ont réduit la proportion de morue du Golfe capturée dans cette zone. On ne sait toujours pas exactement la mortalité par pêche infligée au stock en dehors de 3Pn. L'intensité et l'extension des mouvements entre les deux zones devraient être mieux comprises (projets de recherche en cours par télémétrie électronique).
Il n'existe aucune donnée précise sur la structure de la population de morue du nord du Golfe. Des concentrations de reproduction ont régulièrement été observées par les biologistes au large de la péninsule de Port-au-Port, mais des informations provenant des pêcheurs indiquent que le frai peut se dérouler tout le long de la côte ouest de Terre-Neuve. On pense que la répartition spatiale actuelle pourrait correspondre à des pertes de composantes reproductrices, mais il pourrait aussi s'agir d'une contraction de la distribution en raison des faibles niveaux de biomasse observés.
Les morues ont montré un taux de mortalité élevé après l'âge de 3 ans, du milieu des années 1980 au milieu des années 1990. On pense que les facteurs en cause seraient des conditions environnementales défavorables (faible température, baisse des concentrations en oxygène, par exemple), de mauvaises pratiques de pêche et un accroissement de la prédation par les phoques. Cependant, l'analyse de l'alimentation des phoques montre que ceux-ci consomment surtout des juvéniles. L'étude des contenus stomacaux pourrait toutefois sous-estimer la consommation réelle, car les phoques s'alimentent aussi sur les parties « molles » des poissons (estomac, foie, etc.), qui n'apparaissent pas dans le bol alimentaire.
Le taux de mortalité naturelle a été diminué au niveau historique dans les modèles analytiques utilisés lors de l'évaluation de mars 2005. Même si cette diminution est appuyée par différentes observations scientifiques, il n'est pas certain que le taux considéré dans l'évaluation soit conforme à la réalité, considérant notamment la pression de prédation par les phoques mentionnée à la fois par les biologistes et par les pêcheurs.
Le capelan est une espèce fourrage très importante pour la morue. On ne dispose toutefois pas de données précises sur la biologie, l'écologie et l'état du stock dans le golfe du Saint-Laurent. On ne dispose d'aucune indication sur l'impact potentiel de l'augmentation actuelle de la pêche au capelan ni sur le stock lui-même ni sur les stocks qui en dépendent, comme la morue. De fait, l'ensemble des relations prédateurs-proies est très important et reste mal compris dans le golfe du Saint-Laurent.
5. Situation par rapport à la Loi sur les espèces en péril
En mai 2003, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada ( COSEPAC) a révisé la situation des populations canadiennes de morue.
Le stock 4T-4Vn (novembre à avril) a été regroupé, entre autres, avec le stock de 4VsW et de 4X dans une « population des Maritimes » dont le statut est jugé « préoccupant ».
Le stock 3Pn4RS a été regroupé avec le stock 3Ps dans une « population nord laurentienne ». Il a recommandé de placer ce groupe sur la liste des espèces « menacées » à partir de la diminution d'abondance que le COSEPAC évalue à environ 80 % au cours des trente dernières années. Les menaces identifiées à la persistance du stock sont : la pêche, la prédation par les poissons et les phoques, les changements environnementaux naturels ou induits par la pêche.
Le regroupement des stocks utilisé par COSEPAC ne correspond pas à des unités biologiques; les unités utilisées pour la gestion des pêches sont probablement plus pertinentes à la protection de l'espèce que les divisions arbitraires utilisées par COSEPAC.
Les définitions de stocks présentement utilisées pour la morue dans l'est du Canada ont principalement été établies à la fin des années 1950 et au début des années 1960 par la Commission internationale des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest ( CIPANO), le prédécesseur de l'Organisation des pêches de l'Atlantique du Nord-Ouest (OPANO). La CIPANO a pris en compte un grand nombre de facteurs méristiques et morphométriques, mais les résultats de campagnes de marquage à grande échelle ont joué un rôle déterminant. Le COSEPAC avait la possibilité d'utiliser ces définitions, de traiter toute la morue de la côte est de l'Amérique du Nord comme une seule et même population ou de se créer ses propres définitions arbitraires. C'est cette dernière option que le COSEPAC a choisie.
6. Contraintes au rétablissement des stocks
6.1. Contraintes liées à la biologie et à l'environnement
6.1.1. Contraintes biologiques
Les stocks nordiques ou vivants en milieu froid sont nettement moins productifs que les autres stocks, localisés dans des environnements plus favorables. Les morues des stocks les moins productifs ont une croissance lente, recrutent à la pêche à un âge plus avancé, deviennent sexuellement matures à une longueur moindre et un âge plus avancé tout en produisant moins d'œufs. Leur condition énergétique est moins bonne et varie davantage que chez les morues des stocks les plus productifs. De tous les stocks de morue de l'Atlantique Nord, c'est la morue du sud du Golfe (sauf le stock disparu de 2GH) qui montre les taux de croissance les plus faibles.
Les conditions environnementales se sont détériorées progressivement vers la fin des années 1980 et n'ont pas été favorables à la morue pendant le moratoire dans le nord-ouest de l'Atlantique. Les stocks de cette région sont donc devenus encore moins productifs et moins aptes à résister ou à se remettre d'une perturbation qu'elle soit naturelle ou d'origine humaine. La mortalité totale est toujours très élevée. La mortalité par la pêche, toutes sources confondues (pêche commerciale, pêche dite « récréative », mortalité post-sélection, etc.), est peut-être minime comparée à la mortalité naturelle, mais selon les chercheurs, elle prélèverait néanmoins la plus grande partie du « surplus de production » nécessaire à l'accroissement de la biomasse. Il est évident que les stocks sont actuellement moins productifs qu'à la fin des années 1970 et qu'ils ne peuvent plus supporter des prélèvements comparables.
Le recrutement est resté très bas, en valeur absolue, depuis une dizaine d'années dans le golfe du Saint-Laurent. Cette observation peut être reliée à plusieurs facteurs :
- La biomasse reproductrice est faible, en valeur absolue, ce qui limite le potentiel de produire de nouveaux individus;
- La biomasse reproductrice ne comporte pas assez d'individus âgés, qui sont reconnus comme produisant plus d'œufs avec une meilleure probabilité de survie.
Un document publié par la FAO en 2001 fait un lien entre les cycles de 50 à 70 ans d'indicateurs du climat et des cycles dans les espèces marines. Ainsi, il y aurait des périodes durant lesquelles certaines espèces seraient favorisées par rapport à d'autres espèces. Selon ces études, la prochaine période favorable à la morue dans l'Atlantique Nord surviendrait aux environs de 2020. Ces hypothèses demeurent hautement spéculatives, mais on se doit d'envisager la possibilité que le rétablissement des stocks de morue pourrait devoir attendre que les conditions pour la morue redeviennent favorables, et cette attente pourrait être longue. Ces considérations préliminaires suggèrent que le rétablissement des stocks de morue est soumis à un grand nombre de facteurs et qu'il n'est pas possible de prévoir avec certitude la trajectoire que suivront les stocks dans le temps.
6.1.2. Contraintes environnementales et changements climatiques
La variation naturelle du climat a eu un impact, dans le passé, sur la répartition géographique, la migration et l'abondance des poissons du nord de l'Atlantique. La période de froid intense qui a marqué les eaux atlantiques durant les années 1990 a sans doute été un facteur important dans l'effondrement des stocks : des poissons en mauvaise condition et la faible survie des œufs et des larves ont vraisemblablement aggravé la situation de populations soumises à une exploitation intense. La logique dicte des réactions semblables dans le futur. Il est possible de préciser les réactions de certaines espèces à des dynamiques particulières de l'environnement, malgré le fait qu'on ne connaît toujours pas les dynamiques du nord de l'Atlantique. Toute considération du rétablissement des écosystèmes marins du golfe du Saint-Laurent doit tenir compte des effets de la variation naturelle du climat et du possible récent changement climatique anthropique, car ils peuvent influencer la structure, le fonctionnement, et la composition taxinomique des écosystèmes qui sont à la base du rétablissement. Malgré le fait qu'il soit possible de préciser les réactions de certaines espèces (p. ex. : capelan) aux changements environnementaux, il est impossible de le faire pour la plupart des espèces et pour leurs interactions, et il est difficile de préciser le scénario climatique sur lequel se baser. En général, les plans de rétablissement ne dépendront pas beaucoup des prédictions de l'influence des changements climatiques sur l'écosystème, mais ces plans pourront devoir être modifiés selon les incertitudes inhérentes du climat, ce qui est particulièrement vrai dans cette époque de changements rapides.
6.1.3. Cas du stock 4T4Vn
Tel qu'indiqué précédemment, la morue du sud du Golfe a connu un rétablissement spectaculaire durant la deuxième moitié des années 1970. Le stock voisin dans 4VsW a suivi une évolution très similaire durant ces mêmes années. Dans les deux cas, l'augmentation rapide de la biomasse semble avoir été due à une augmentation marquée du taux de survie des œufs et des larves, possiblement reliée à l'absence de prédation par le hareng et le maquereau dont les stocks étaient effondrés à l'époque. Présentement, ces deux espèces, mais surtout le maquereau, sont très abondantes.
La mortalité naturelle est plus élevée que durant les années 1970 et la première moitié des années 1980. Les raisons de cette mortalité ne sont pas totalement comprises. Les analyses écosystémiques récentes indiquent que le phoque a remplacé la morue, comme plus grand consommateur de poisson au sommet de la chaîne alimentaire. La prédation élevée induite surtout par les populations de phoques gris, mais aussi des phoques du Groenland, varierait entre 19 000 et 39 000 t par année, soit plusieurs fois supérieure aux débarquements de la pêche.
6.1.4. Cas du stock 3Pn4RS
La perte vraisemblable de composantes reproductrices de la population, en raison de la contraction de la distribution géographique observée, peut limiter le potentiel de génération du stock. La mortalité totale était très élevée jusqu'au moratoire de 1994, à cause d'une mortalité naturelle forte et d'un niveau de capture très élevé. La mortalité naturelle est actuellement revenue au niveau considéré comme « normal ». La mortalité par pêche est restée relativement forte après la levée du moratoire et bien qu'elle semble avoir diminué récemment, demeure relativement forte par rapport à la capacité de production du stock.
Les questions de mélange avec le stock de morue de 3Ps, dans la zone du banc Burgeo essentiellement, mais peut-être aussi plus loin, et la détermination de la structure du stock à des fins d'évaluation sont des éléments qui restent préoccupants.
6.2. Contraintes liées à l'activité humaine et à son contrôle
6.2.1. Capacité de capture
Il est généralement admis que certaines flottilles, et particulièrement celles dirigées vers les poissons de fond, sont encore trop importantes, compte tenu des ressources disponibles. Il leur faut parvenir à mettre au point des mécanismes d'adaptation de leur capacité d'exploitation globale afin d'assurer à long terme des niveaux de ressources durables. Avec le temps, cette flexibilité aidera à assurer la viabilité économique des flottilles.
Aujourd'hui, il est généralement reconnu qu'il n'y a tout simplement pas assez de ressources pour répondre aux besoins toujours croissants en matière d'emplois, de revenus et d'allocation de ressources. Plusieurs flottilles traditionnelles sont tout simplement trop grandes pour les ressources disponibles.
Lors des consultations effectuées au Québec par le Comité, au mois de juin 2005, cette surcapacité de capture a été reconnue. Les intervenants ont mentionné le paradoxe que la capacité (ex : permis inactifs) s'est accrue depuis le moratoire dans la mesure où de nombreux pêcheurs ont commencé alors à pêcher la morue pour conserver des « parts historiques ».
6.2.2. Effort et engins de pêche
La question des engins de pêche reste toujours présente. Au-delà des controverses, le Comité considère que tout engin de pêche peut être dommageable aux stocks et à l'environnement s'il est mal utilisé, et s'il est utilisé au mauvais endroit ou à la mauvaise période.
Certains intervenants remettent en question la nature compétitive de la pêche côtière qui favorise une course à la ressource difficilement contrôlable. Cette course à la ressource constitue désormais un élément déstabilisateur et démotivant pour les utilisateurs et les communautés qui veulent s'impliquer dans une démarche de gérance partagée du MPO.
6.2.3. Contrôle et surveillance
Une bonne majorité de l'industrie de la capture considère le contrôle des activités de pêche coûteux et peu efficace.
6.2.4. Motivation et adhésion aux actions de rétablissement
Les intervenants rencontrés par le Comité affichaient une lassitude certaine, sinon de la frustration, par rapport aux différentes consultations. Le sentiment est fort que l'avis des pêcheurs n'est pas écouté et que des décisions apparaissent plus politiques que rationnelles. On a cité comme exemple la « boîte noire » imposée, alors que certaines associations avaient plutôt proposé le journal de bord (« log-book ») électronique, ou les TAC décidés pour 2005, qui ne semblent pas tenir compte des consensus établis dans la stratégie de détermination des TAC, ou encore l'octroi des allocations temporaires dans d'autres pêcheries (crevette, crabe). La rigidité des principes de gestion ne permet pas la flexibilité nécessaire à la survie des flottilles.
De leur avis, les pêcheurs subissent de plus en plus de contraintes, et particulièrement des coûts de contrôle croissants. Ils ne voient pas où est leur intérêt, surtout dans la mesure où ils n'ont aucune garantie sur la survie de leur entreprise à court et moyen termes.
Il y a donc une diminution généralisée de la confiance envers le processus décisionnel. Toute action en vue du rétablissement des stocks devra restaurer le niveau de confiance et assurer, autant que possible, la stabilité aux entreprises de pêche. Les premières démarches soulignées par l'industrie passent par une réduction des interventions ministérielles. Le ministre devrait prendre certaines décisions essentielles au succès du plan de rétablissement de la morue, dont celle des parts régionales et les décisions concernant les TAC, mais limiter ses interventions à ces décisions.
6.3. Autres contraintes potentielles
Pêches et Océans Canada, en collaboration avec Environnement Canada, évalue actuellement les facteurs et les conséquences associées à l'inscription potentielle de la morue à la liste des espèces en péril et à l'exigence subséquente de l'élaboration d'une stratégie et d'un plan d'action pour le rétablissement de l'espèce sous la Loi sur les espèces en péril.
Il est probable que le processus en vertu de la Loi sur les espèces en péril soit fait sur une plus longue période que le travail du Comité Canada/Québec sur le rétablissement de la morue. La stratégie de rétablissement du Comité représentera cependant une importante contribution aux plans de rétablissement exigés par la Loi sur les espèces en péril. C'est pourquoi les stratégies de rétablissement de la morue devraient (le plus possible) être compatibles avec les exigences de la Loi sur les espèces en péril.
À titre d'exemple, le Plan national de rétablissement du loup à tête large et du loup tacheté dans les eaux de l'est du Canada (2003) récemment publié, consiste en un effort continu de l'équipe chargée du rétablissement du loup afin d'aider au rétablissement de deux espèces de loup menacées. Le plan présente certaines menaces au rétablissement du loup comme : les changements climatiques; les exploitations de pétrole, de gaz et les activités minières en mer; les séismes; les rejets en mer; les activités militaires; les câbles et les pipelines; et la pollution marine d'origine tellurique. On ne connaît pas les impacts de ces activités sur les organismes marins des eaux de l'est du Canada.
Voici un résumé des autres menaces au rétablissement de la morue (semblables à celles mentionnées dans le Plan national de rétablissement du loup à tête large et du loup tacheté) afin de rendre l'initiative de rétablissement compatible avec les exigences de la Loi sur les espèces en péril.
6.3.1. Exploration pétrolière et prospection de gaz
L'augmentation de l'exploration et de la production de ressources pétrolières dans les eaux de l'est du Canada pourrait accroître le risque de déversement de pétrole, d'éruption de forage en mer, de déversement du contenu de pétroliers et d'autres désastres potentiels. Lorsqu'ils se présentent, ces accidents peuvent libérer des produits pétrochimiques, des métaux dissous (ingestion de métaux toxiques) et d'autres solides dans l'écosystème. L'exposition à ces polluants et à d'autres polluants potentiels peut aussi entraîner directement la mort ou la déficience non mortelle de certaines espèces, leurs proies et leur écosystème (p. ex. : ralentissement de la croissance, moindre résistance à la maladie, etc.).
Toutefois, le rejet fonctionnel entraîne des effets biologiques sur des périodes relativement courtes et à proximité du point de rejet. L'étouffement d'organismes benthiques par des dépôts de boue et de déblais se répand sur un rayon de 0,5 km autour de l'installation de forage. L'utilisation de boue de forage à base d'eau à un taux de toxicité réduit diminue le taux de mortalité directe des organismes, tout comme l'usage d'huile pour la lubrification et de fluide pour spotting à faible taux de toxicité. La zone d'impact située autour de l'installation de forage varierait selon le temps, l'emplacement et la quantité rejetée. Les impacts cesseraient rapidement une fois l'arrêt du forage. On estime que la boue, les déblais et les hydrocarbures associés et dispersés entraîneraient des effets localisés et non mortels pour certains organismes de grandes profondeurs. On croit qu'il serait très difficile de déterminer le résultat net de tout impact au niveau de la population en raison de la grande variabilité spatiale et temporelle des populations naturelles et des limites des méthodes d'échantillonnage actuelles. Tout effet potentiel doit être localisé.
6.3.2. Activités sismiques
Les eaux de l'est du Canada sont sujettes à une intense prospection pétrolière. L'industrie pétrolière et gazière utilise des techniques de recherche sismique permettant d'évaluer la géologie sous l'océan pour identifier les ressources possibles en pétrole et en gaz naturel. Cela implique l'utilisation de canons à air comprimé – des cylindres remplis d'air comprimé contenant un faible volume à une pression d'environ 2000 psi. La série, qui comprend habituellement quelques dizaines de cylindres semblables, est déchargée à répétition afin de produire une pulsation par pression. Si le potentiel de tuer ou de blesser plusieurs poissons à différentes étapes de vie est possible, l'effet le mieux démontré est la dislocation des bancs et la dispersion des individus, ce qui peut avoir des impacts négatifs sur les migrations et les processus de reproduction.
L'impact sur les poissons et leur habitat de l'activité sismique et d'autres méthodes d'exploration utilisées pour chercher des ressources pétrolières en mer doit être quantifié. On ignore l'effet que ces activités ont sur toutes les étapes de vie de la morue; il y a une incertitude scientifique en rapport aux impacts potentiels de l'activité sismique sur les organismes marins en général.
L'incertitude scientifique doit être comblée et à cette fin, l'industrie pétrolière et gazière pourrait être mise à contribution afin d'être considérée comme un partenaire au rétablissement des stocks de morue plutôt que soupçonnée d'être un des éternels perturbateurs.
Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a déposé en août 2004 un rapport portant sur les enjeux liés aux levées sismiques dans l'estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Ce rapport fait notamment état des lacunes dans les connaissances concernant les effets des levées sismiques sur les organismes marins.
6.3.3. Rejets en mer
On ignore les effets des boues d'épuration, des déchets de poisson et du dragage sur la morue, mais ils sont probablement minimes puisque la plupart de ces effets sont localisés et que la zone touchée est très confinée.
6.3.4. 9; 9; Activités militaires
Il y a, depuis plusieurs années, des activités militaires dans les eaux de l'est du Canada. On connaît peu les impacts de ces activités et leurs effets sur les poissons et leurs habitats.
6.3.5. Câbles et pipelines
L'emplacement de structures sur ou dans le lit/colonne d'eau peut affecter l'habitat de la morue bien qu'elles prennent un espace restreint et que la morue a une grande répartition géographique.
6.3.6. Pollution marine d'origine tellurique
Il faut identifier toute activité humaine ayant le potentiel d'endommager l'habitat de la morue, si petit soit-il, nettoyer lorsque nécessaire et appliquer les mesures de prévention. Les formes de pollution tellurique, y compris l'écoulement de surface qui peut contenir un surplus de nutriments, de sédiments, de pathogènes, de toxines persistantes et d'huile, peuvent entraîner des changements à l'écosystème. L'ampleur des changements et leur forme dépendent de plusieurs facteurs, y compris les types de particules dissoutes ou en suspension, comme les produits chimiques organiques non biodégradables. Ces polluants peuvent avoir un effet adverse sur les capacités de reproduction de la morue, de ses proies et de la végétation avoisinante; ils peuvent aussi affecter leur santé générale.
7. Conditions de base pour le rétablissement des stocks
La discussion présentée plus bas dans cette section n'envisage pas la possibilité que la capacité de production du milieu varie dans le temps. Elle suppose que la capacité de production du milieu est relativement stable et que si l'on prend et applique les bonnes mesures de gestion, le stock se reconstruira.
Si toutefois on envisage la possibilité que la capacité de production de l'environnement puisse varier en fonction du temps pour une espèce donnée, il devient difficile de fixer des cibles pour le stock, car durant des périodes de faible production, il pourrait être impossible de reconstruire la biomasse aux cibles correspondantes aux périodes de production moyenne ou élevée. Durant des périodes de faible productivité, on pourrait décider d'exploiter le stock à une mortalité par pêche semblable (ou non) à celle des périodes de productivité moyenne ou élevée, avec, bien entendu, des captures très inférieures. La difficulté est d'identifier les périodes de productivité, si elles existent. Il est à noter que cette notion de productivité des stocks a été considérée dans la proposition conjointe sur les règles de décision du TAC et que des indicateurs spécifiques ont été identifiés et suggérés.
Intuitivement, un stock sera considéré comme rétabli quand il présentera les caractéristiques rencontrées normalement dans un stock en bonne santé. Il s'agit principalement de la capacité de se reproduire, de se régénérer et de se maintenir tout en permettant une capture annuelle optimale. Plusieurs éléments déterminent la perception et le taux de progression vers le rétablissement. Un certain nombre de conditions de base sont au centre de toute initiative de rétablissement, en même temps que l'adoption de cibles ou d'objectifs de reconstruction. Ainsi, les conditions de base peuvent se regrouper selon trois grands ensembles :
- Des conditions d'abondance;
- Des conditions de productivité du stock;
- Des conditions liées à l'activité humaine et à son contrôle (pratiques de pêche, gestion).
7.1. Conditions d'abondance du stock
7.1.1. Biomasse totale et croissance de la population
Pour que le stock se rétablisse, il est nécessaire qu'il existe un surplus de production permettant l'accroissement de la biomasse. Un stock de poisson doit montrer une croissance continue de sa biomasse totale pour pouvoir être considéré comme en voie de reconstruction. Si la biomasse du stock est faible et que le TAC l'est également, il faudra que des changements significatifs dans la biomasse totale se produisent avec une forte probabilité avant d'envisager une augmentation des TAC. Pour que le processus de reconstruction persiste, un taux d'accroissement significatif de la biomasse doit se maintenir durant une certaine période de temps. Cela nécessite l'adoption de cibles de taux de croissance de biomasse dans le temps, de valeurs seuils de biomasse minimale ou d'un pourcentage d'accroissement avant qu'une pêcherie redémarre. Il doit aussi y avoir une forte probabilité de croissance soutenue.
7.1.2. Biomasse reproductrice
Un stock en voie de rétablissement, ou rétabli, doit avoir une capacité soutenue à se reproduire. La biomasse reproductrice doit atteindre ou dépasser une taille critique qui permettra, avec une forte probabilité, une amélioration continue à la fois de la biomasse totale et de la biomasse reproductrice.
7.1.3. Recrutement
Le recrutement annuel détermine la tendance de la taille du stock, croissance ou décroissance, en relation avec le taux de prélèvement annuel. On peut l'interpréter comme un potentiel de remplacement du stock. Un bon recrutement annuel (l'addition d'un nombre suffisant de jeunes individus et leur survie jusqu'à la maturité) est une condition nécessaire à la reconstruction du stock. Le recrutement dépend de la taille de la biomasse reproductive et de son potentiel de reproduction, mais aussi d'autres facteurs comme la survie des œufs et des larves (conditions environnementales, alimentation, prédation, etc.).
7.2. Conditions liées à la productivité du stock
7.2.1. Potentiel reproducteur
Il est maintenant reconnu que le seul volume de biomasse génitrice est insuffisant pour estimer le potentiel reproducteur d'un stock et donc son potentiel de rétablissement. D'autres éléments doivent être pris en compte :
- La santé de chacune des composantes reproductrices;
- Une proportion équilibrée des différents âges de poissons matures.
7.2.2. Distribution géographique et aire de reproduction
Il est préférable de ne pas exploiter une population réduite à une très basse densité sur une portion de sa répartition historique. De même, un stock ne devrait pas être considéré comme rétabli tant que la reproduction ne se déroule pas sur la majorité des lieux de ponte et sur une durée proche des valeurs historiques.
7.2.3. Condition du poisson et croissance individuelle
À la fois une bonne croissance et une bonne condition individuelles des poissons sont importantes pour avoir un stock en bonne santé. Le taux de croissance corporelle doit être suffisamment élevé et les pertes dues à la mortalité suffisamment basses pour favoriser une augmentation observable de la biomasse. De plus, un poisson en bonne condition est susceptible de produire plus d'œufs et de meilleure qualité. Un stock constitué de poissons en bonne condition aura de meilleures chances de récupérer; dans ce sens, la condition des poissons peut être une mesure des possibilités de rétablissement.
7.2.4. Habitat
Tout en sachant que le poisson, au début de son existence, est particulièrement exposé à une perte d'habitat, les poissons de toutes les classes d'âge ont besoin d'un habitat de qualité. Par conséquent, il faut protéger l'intégrité des habitats les plus essentiels pour les poissons de toutes les catégories d'âge, et notamment celle des aires de frai et de nourricerie. Il faut donc protéger l'habitat, tant sur le plan de la quantité que de la qualité. Il faut établir des processus de participation en vue de s'entendre sur le besoin de le protéger, en tenant compte des connaissances traditionnelles et des données scientifiques et il faut mettre en oeuvre des processus efficaces pour assurer le respect des mesures de protection de l'habitat.
Pour les populations de morue du Golfe, il n'existe pas de données précises permettant de caractériser leurs habitats critiques. Il est toutefois reconnu que les zones côtières, étant les plus productives, sont des régions favorables aux jeunes individus. Dans une optique d'une approche écosystémique, une démarche de précaution imposerait la protection de ces zones comme une condition à la reconstitution des populations.
7.3. Conditions liées aux activités humaines
7.3.1. Contrôle de la mortalité par pêche
Le taux de prélèvement, toutes activités confondues, doit être compatible avec le taux de renouvellement de la ressource. Dans le cadre d'une stratégie de rétablissement, la mortalité par pêche devrait également favoriser une croissance soutenue du stock jusqu'à ce que les valeurs cibles soient atteintes à l'intérieur d'une période prédéfinie.
7.3.2. Minimiser le risque
Puisque l'on sait peu de choses des conditions préalables, des déclencheurs ou des mécanismes qui sont à l'origine du rétablissement des stocks, le processus décisionnel doit chercher à minimiser le risque dans l'élaboration des actions de gestion et dans leur mise en place afin de maximiser les chances de ce rétablissement.
7.3.3. Cadre de précaution et règles préétablies
On doit mettre en place un cadre de gestion prudente qui cherche à éviter des dommages irréversibles aux populations de poisson ou à éviter de perpétuer de faibles niveaux de stock. On doit s'entendre au préalable sur des règles de décision et de récolte, incluant les mesures techniques qui en découlent. Cette procédure devrait garantir un engagement continu vers le rétablissement et prévenir le recommencement des discussions annuellement.
7.3.4. Recherche et monitorage
Une recherche continue orientée vers le rétablissement et un protocole de monitorage doivent être mis en place afin d'élargir la base de connaissance nécessaire aux objectifs poursuivis. Il est important de définir les indicateurs les plus appropriés pour assurer ce suivi.
7.3.5. Mise en force et contrôle
Toutes les mesures nécessaires de contrôle et surveillance doivent être en place pour garantir de bonnes pratiques de pêche qui éviteront d'anéantir la capacité de rétablissement de la ressource.
Les décisions de gestion doivent prendre en compte leurs impacts potentiels sur le déploiement de l'effort de pêche et sur les possibilités de contrôle.
À cet égard, tous les intervenants rencontrés par le Comité se sont inquiétés du fait que l'ouverture de la pêche pour de courtes périodes de temps (quelques jours) entraîne une « course à la ressource » démesurée, difficile à contrôler, particulièrement dans le cadre d'une pêche compétitive. Cette course à la ressource constitue désormais un élément déstabilisateur et démotivant pour les utilisateurs et les communautés qui veulent s'impliquer dans une démarche de gérance partagée avec le MPO.
7.3.6. Un ajustement de la capacité de capture
Une réduction de la capacité de capture pour l'ajuster au potentiel de production des stocks et une restructuration du secteur de la pêche ont été identifiées, par la majorité des intervenants, comme des éléments importants pour l'avenir de l'industrie. Ces ajustements apparaissent comme faisant partie intégrante des conditions de base au rétablissement des stocks de morue.
L'industrie doit parvenir à élaborer des mécanismes d'adaptation de sa capacité d'exploitation globale afin d'assurer à long terme des niveaux de ressources durables. Avec le temps, une flexibilité dans l'activité des flottilles aidera à assurer leur viabilité économique.
7.3.7. Restaurer la confiance
Dans la philosophie de gérance partagée, les pêcheurs et les organisations qui les représentent devraient participer activement à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de la stratégie de rétablissement des stocks.
Ils doivent être partie prenante dans les processus de définition des règles de l'approche de précaution incluant la détermination des points de référence (limites et cibles), dans la définition des règles d'action et dans l'évaluation de la situation du stock à l'intérieur des différentes « zones » précisées dans l'approche de précaution.
Les associations de pêcheurs devraient jouer un rôle majeur pour la mise en oeuvre d'une pêche axée sur la conservation, comme :
La promotion et la sensibilisation de leurs membres, notamment pour la pratique d'une pêche responsable;
- L'élaboration d'un code pour la pêche responsable (voir par ex : les crevettiers du Golfe, Groupe B), en vue d'inclure les incidences éventuelles de la pêche sur l'habitat et sur d'autres espèces non visées;
- L'élaboration de mesures de conformité à ce code pour les pêcheurs;
- Une meilleure sensibilisation à la conservation par une participation active à des programmes d'éducation et de formation.
L'un des grands rôles des associations de pêcheurs consiste maintenant à élaborer des plans de pêche axés sur la conservation. Ces plans devraient comprendre des règles régissant l'utilisation des engins, la protection de la ressource et son renouvellement et la collecte de données et les systèmes de déclaration.
Toutefois, pour que cette participation puisse être effective, il est impératif que les pêcheurs et leurs associations aient confiance dans le processus et y trouvent leur intérêt. Ils doivent être véritablement partie prenante et doivent voir que leurs avis sont effectivement pris en compte.
Plusieurs conditions sont nécessaires :
- Les décisions ou avis des divers comités doivent être effectivement opérationnels;
- Il doit exister une équité : équité dans le poids des mesures de conservation (un seul groupe ou une seule région ne doit pas porter le fardeau du rétablissement des stocks); équité dans le partage de la ressource;
- La gestion doit assurer une certaine stabilité dans la pêche afin que les pêcheurs aient un minimum de garantie sur la pérennité de leurs activités sachant qu'il y aura peu d'intérêt à adhérer aux principes de conservation (s'il n'y a aucune assurance sur l'avenir).
7.4. Un niveau de connaissances suffisant
Certains intervenants rencontrés par le Comité se sont inquiétés de la diminution des budgets de recherche alloués aux biologistes du MPO alors que l'on connaît toujours mal les conditions biologiques et environnementales du golfe du Saint-Laurent.
Ils estiment que les pêcheurs ne sont pas des scientifiques et que la recherche doit être poursuivie.
Il est important de maintenir et de renforcer les activités de recherche qui peuvent répondre aux préoccupations de l'industrie.
Il faut mettre en place des mécanismes permettant d'assurer une participation plus active et concrète de l'industrie de la pêche à :
- L'acquisition des connaissances;
- À la définition des priorités de recherche.
8. Vers une stratégie pour le rétablissement des stocks
Les sections précédentes ont fait la revue des difficultés auxquelles font face les stocks de morue du golfe du Saint-Laurent. Quelles que soient les critiques que l'on puisse adresser à l'évaluation scientifique, il existe une entente générale sur les points suivants :
- Les biomasses totales et les biomasses reproductrices sont parmi les plus basses des séries historiques (depuis les années 1950 pour le stock du sud du Golfe, depuis 1974 pour le stock du nord) ;
- Les stocks semblent maintenant être beaucoup moins productifs qu'ils l'étaient de 1975 à 1985;
- Le recrutement est moyen ou inférieur à la moyenne;
- Une distribution géographique restreinte dans le cas du stock 3Pn4RS.
Il apparaît ici logique que la démarche vers le rétablissement de ces populations soit d'adopter des mesures qui offrent une possibilité d'accroître la taille des stocks, de réduire la mortalité, d'améliorer la capacité de reproduction et de restaurer la distribution géographique en autant que les conditions actuelles de production le permettent. Il existe de nombreuses incertitudes scientifiques et environnementales. De sérieuses questions sociales et économiques se posent aussi puisque l'instauration de limites et de cibles aura des conséquences notables pour le secteur de la pêche. La participation des intervenants de l'industrie dans la rédaction et l'acceptation d'objectifs appropriés et atteignables est d'une importance cruciale pour le succès du processus de rétablissement des stocks.
8.1. Les indicateurs
8.1.1. Principes généraux
La situation d'un stock et sa progression vers le rétablissement sont évaluées à partir d'indicateurs ou paramètres (biomasse reproductrice – BSR - biomasse totale, structure en âges, recrutement, distribution géographique, etc.).
Selon un principe de base, les indicateurs devraient être simples, pertinents et fiables. Plusieurs indicateurs devraient être utilisés, dans la mesure du possible pour obtenir une vue générale de la situation. On doit tenir compte de toutes les sources d'information et leur fiabilité.
La valeur de chacun des paramètres à laquelle correspondrait un rétablissement doit être considérée individuellement. On devra décider de la cible à atteindre et la période souhaitable pour atteindre cette cible.
Il est à noter que pour pouvoir considérer un stock comme rétabli, il faudra qu'un ensemble d'indicateurs qu'on aura choisi à l'avance aient atteint leurs propres valeurs cibles.
8.1.2. Choix des indicateurs
Lors des consultations du Comité Canada/Québec, plusieurs représentants rencontrés ont exprimé l'avis que beaucoup de travail a été fait pour définir des « règles de décision pour la détermination des TAC annuels de morue ». Les indicateurs qui ont été mis au point sont le résultat d'un consensus entre les différents intervenants (ministère et pêcheurs) et qu'il n'y a pas lieu, à cette étape, d'en chercher d'autres. Le Comité pense donc que ces indicateurs devraient être utilisés comme base de départ dans le cadre de la stratégie de rétablissement. Il demeure toutefois que du travail reste à accomplir pour mettre sur pied une véritable approche de précaution répondant aux objectifs de rétablissement de la morue.
8.2. Objectifs biologiques de rétablissement
Les objectifs à l'égard de la reconstruction des stocks consistent à reconstruire la biomasse du stock reproducteur et la structure par âge, restaurer les composantes du stock et la répartition géographique ainsi que protéger leurs habitats.
Les stratégies sur la détermination des TAC donnent aussi des indications d'objectifs.
Lors des consultations du Comité, les intervenants ont jugé peu réaliste de cibler les niveaux historiques élevés. Il semble plus raisonnable de viser des niveaux intermédiaires (la valeur de 50 % des captures moyennes historiques est donnée à titre d'exemple).
Les tableaux de données en annexe présentent un résumé des données scientifiques sur l'état des stocks et quelques orientations concernant des objectifs de reconstruction. Les objectifs à long terme demandent à être finalisés; cette partie est sensible pour l'industrie car elle soulève la question des objectifs socio-économiques acceptables dans le cadre d'une stratégie de rétablissement plus ou moins rapide (« agressive »).
8.2.1. Stock 4T4Vn (novembre-avril)
Biomasse
À l'atelier national de 2002 sur les points de référence concernant les gadidés, presque toutes les méthodes utilisées pour la morue du sud du Golfe convergeaient vers 80 000 t comme point de référence limite pour la biomasse reproductrice.
La stratégie sur la détermination des TAC propose que la biomasse totale soit supérieure à 185 000 t pour que le stock soit considéré comme en bonne santé.
Distribution géographique
La morue du sud du Golfe a changé l'étendue de ses migrations et elle est moins présente le long des côtes gaspésiennes durant l'été.
Un objectif serait de restaurer la distribution géographique à un certain pourcentage de la valeur historique (par ex., 80 %).
Structure par âge
Un des objectifs serait de favoriser la survie d'un certain pourcentage des individus âgés pour donner une place prépondérante à ces reproducteurs en période de faible abondance des stocks. Il est connu que la qualité des œufs et leur taux de survie augmentent sensiblement avec la taille des poissons. La protection de ces classes d'individus devrait être l'objet d'une attention particulière dans le plan de rétablissement.
Le plan de conservation de ce stock de morue produit par le <abbr title="Conseil pour la conservation des ressources halieutiques">CCRH</abbr> propose que l'existence de quatre (4) classes d'âge d'abondance moyenne, ou mieux, au sein de la population puisse constituer l'objectif pour rétablir une structure par âge convenable et servirait d'indicateur de la reconstruction du stock. Bien que le stock de morue du sud du Golfe ne satisfasse pas présentement à ce critère, il convient de noter que la structure d'âge ne présente pas de déséquilibre majeur.
8.2.2. Stock 3Pn4RS
Biomasse du stock reproducteur
Les biologistes du MPO ont identifié un objectif à court terme de l'ordre de grandeur de 85 000 à 110 000 t pour la biomasse de ce stock. Lors de l'atelier de 2002 sur les points de référence concernant les gadidés, aucune estimation précise n'a été possible car il existe peu de données sur les niveaux espérés du recrutement lorsque la BSR se situe entre 100 000 et 200 000 t, notamment parce que le stock est passé rapidement par cette phase. Ainsi, il a été conclu que tant que le stock ne se sera pas bien engagé dans la fourchette de 100 000 à 200 000 t, il sera difficile de donner une estimation plus précise de la biomasse frontière de la zone critique.
La BSR moyenne de 1974 à 1985 était d'environ 258 000 t tandis que la BSR actuelle converge à 38 000 t.
Compte tenu des incertitudes entourant la limite de conservation pour la morue 4RS3Pn, un objectif raisonnable à court terme pour la BSR se situerait au-dessus de 100 000 t.
Une cible intermédiaire entre le niveau actuel et le niveau historique, suggérée par les intervenants, rejoint celle de 100 000 t proposée.
Distribution géographique
Les pêcheurs de poissons des divisions 4RS3Pn croient que la distribution géographique de ce stock s'est étendue dans la zone côtière, dans les dernières années et que la distribution est plus grande que dans les années 1980 (les pêcheurs rapportent des concentrations inhabituelles de morue au sud de l'île d'Anticosti, par exemple). Cependant, les récents rapports sur l'état du stock indiquent que les morues se concentrent de plus en plus dans la zone côtière de la division 4R et sont alors plus susceptibles d'être pêchées par les engins fixes.
L'objectif est donc de restaurer la distribution entière du stock.
Structure par âge
Un des objectifs serait de favoriser la survie d'un certain pourcentage des individus âgés pour donner une place prépondérante à ces reproducteurs en période de faible abondance des stocks. Il est connu que la qualité des œufs et leur taux de survie augmentent sensiblement avec la taille des poissons. La protection de ces classes d'individus devrait être l'objet d'une attention particulière dans le plan de rétablissement.
Tout comme pour le stock du nord du Golfe, l'existence de quatre (4) classes d'âge d'abondance moyenne, ou mieux, au sein de la population constitue l'objectif pour rétablir une structure par âge convenable pour ce stock et servirait d'indicateur de la reconstruction du stock.
L'évaluation effectuée en 2005 rapporte une forte abondance d'individus âgés. Cette donnée encourageante est toutefois tempérée par le faible niveau de recrutement. Cette structure pourrait ne pas se maintenir à moyen terme.
8.3. Objectifs sociaux et économiques
L'objectif de base est celui donné dans la Stratégie des pêches canadiennes de l'Atlantique : avoir une pêcherie économiquement viable.
Il y a entente pour considérer que la richesse des stocks est bien inférieure à ce qu'elle a été dans le passé. Cela implique de décider ce que sera la pêcherie dans une perspective à long terme. On a, par exemple, deux positions extrêmes :
- Maintenir la capacité de pêche actuelle, avec la pression que cela suppose sur la ressource et accepter que le rétablissement sera lent avec des TAC faibles sur une longue période;
- Restructurer l'industrie de capture pour l'ajuster à la production des stocks avec les coûts sociaux et économiques qui y seraient associés.
Lors des consultations du Comité, les intervenants ont insisté sur la forte dépendance à la morue et plus généralement aux poissons de fond, de plusieurs secteurs de la flottille de pêche québécoise. Pour assurer un minimum d'activité économique, ils estiment qu'une pêche devrait être maintenue. Ils étaient donc unanimes pour considérer un rétablissement plus lent, associé à un niveau de capture modéré.
Le Ministère et l'industrie doivent mettre à profit cette période de lente progression afin de régler des problèmes qui peuvent contrecarrer les actions entreprises (par ex : les impacts d'une pêche dans la division 3Ps par rapport aux efforts de rétablissement de l'unité de 3Pn4RS).
Un objectif à long terme d'environ 50 % des débarquements historiques sur une longue période semble une cible acceptable pour une bonne partie de l'industrie du Québec.
9. Des voies d'action
Un plan de rétablissement des stocks de morue doit se concevoir comme un ensemble d'actions qui doivent être mises en place de façon simultanée : la faillite d'une de ces actions peut compromettre l'ensemble du plan. Les catégories d'action qui seront retenues devront favoriser, entre autres, l'accroissement des biomasses et la productivité des stocks.
Il est à souligner que des actions importantes pour favoriser un accroissement des biomasses sont déjà reconnues dont :
- L'imposition de la grille séparatrice « Nordmore » dans la pêche à la crevette; en limitant de façon importante les prises accidentelles de petits poissons, cette mesure favorise le recrutement en prévenant le rejet en mer des tailles sous-légales;
- Une réduction volontaire de l'effort de pêche en diminuant le nombre de filets par permis de pêche; cette mesure est susceptible de limiter les volumes de capture et donc de freiner la mortalité par la pêche;
- Un TAC très conservateur qui peut protéger une fraction importante de la biomasse génitrice;
- L'usage d'un engin sélectif en terme de taille des poissons; dans le cas du filet maillant et de la palangre, ces engins ne prélèvent qu'une catégorie d'individus et les individus qui ont dépassé la taille de sélection deviennent de moins en moins vulnérables à la capture; cet effet, couplé au TAC, favorise le maintien d'une bonne biomasse de gros géniteurs.
Une bonne partie de l'industrie est en accord avec ces mesures de conservation.
Dans le « Cadre pour la conservation du poisson de fond sur la côte atlantique du Canada » (<abbr title="Conseil pour la conservation des ressources halieutiques">CCRH</abbr>.97.R.3), le <abbr title="Conseil pour la conservation des ressources halieutiques">CCRH</abbr> a déjà défini une base pour la définition de lignes d'action.
9.1. Restaurer l'abondance du stock
Pour gérer la pêche avec succès, l'objectif clé est de limiter l'impact de la pêche sur la ressource. Il faut contrôler la pression directe de la pêche sur les stocks pour adapter le taux d'exploitation au taux de croissance naturelle des stocks et à sa capacité de se reproduire. Lors du choix de taux cibles d'exploitation, il faut tenir compte de la marge d'incertitude en ce qui concerne l'état de la ressource et ses tendances futures. L'adoption d'une approche prudente relativement aux stocks épuisés oblige à établir des taux d'exploitation qui leur permettent de se reconstituer. Par exemple, il est maintenant admis que la stratégie de F0,1 ne garantit pas que les stocks vont pouvoir se maintenir et certainement pas qu'ils vont se reconstituer lorsqu'ils ont été épuisés. Plus la base d'information est faible, plus grande est la marge d'incertitude et il faut adopter une approche d'autant plus prudente pour établir les TAC.
9.1.1. Total admissible de capture (TAC)
Le TAC doit être ajusté en fonction de la biomasse et des objectifs poursuivis. Dans le cas des deux stocks de morue considérés, en principe, aucune pêche dirigée ne devrait avoir lieu tant que la biomasse génitrice (BSR) est considérée comme étant dans la zone critique.
Selon les consultations tenues, la stratégie doit prévoir que les règles de décisions relatives au TAC constituent une base de départ.
9.1.2. Contrôle de l'effort de pêche
On vise ici non seulement à contrôler « combien » de poissons sont capturés mais aussi « comment » ils sont capturés.
Les mécanismes de base sont la limitation du nombre d'engins, leur taille et leurs caractéristiques. Seuls les engins présentant les caractéristiques préétablies favorisant la conservation, devraient être autorisés.
Dans le cadre d'un objectif de rétablissement des stocks de morue, le Comité a recueilli plusieurs commentaires à l'effet que l'utilisation des engins mobiles ,considérés comme potentiellement dommageables pour les habitats critiques, devrait être, au minimum, réservée à des secteurs et à des périodes où leur impact sera minimal.
On doit aussi envisager une amélioration du contrôle à quai et un élargissement des programmes d'observateurs dans les pêches où la prise accessoire de morue est problématique et dans les pêches dirigées de morue lorsque (et où) la prise de petits poissons est susceptible d'être élevée.
Les mesures récemment mises en place sur l'utilisation des filets maillants (ex. étiquetage et réduction de nombre de filets) sont perçues comme un facteur positif. Ces contrôles doivent être maintenus et renforcés. Par ailleurs, le nombre de filets par sortie devrait être maintenu au niveau le plus bas possible, de façon compatible avec la viabilité de l'exploitation (limite des prises accidentelles dans les autres pêcheries).
Il reste évident que le contrôle de l'effort de pêche ne pourra être véritablement efficace que si la capacité de capture est en adéquation avec le potentiel de la ressource. L'industrie devra poursuivre ses actions de restructuration afin de réduire la surcapacité de capture.
9.1.3. Limite des prises accidentelles dans les autres pêcheries
Des prises accidentelles de morue peuvent être élevées dans certaines pêcheries. L'usage du filet maillant dans diverses pêcheries peut conduire à des prises importantes de morue à certaines saisons. Les filets maillants perdus peuvent continuer de pêcher (« pêche fantôme »). Pour limiter ces mortalités « non comptabilisées », plusieurs mesures devraient être maintenues ou mises en place :
- L'application systématique de « pêches d'essai » pour évaluer le taux de prises accidentelles de morue avant d'ouvrir d'autres pêches dirigées comme celles des flétans, plies, etc.;
- L'application de mesures rigoureuses sur la prise accessoire de la morue comme des maximums de prises accessoires et la fermeture des pêches dirigées lorsque les maximums sont atteints;
- L'introduction de protocoles pour la protection des juvéniles et de limites de prises accessoires comme condition permettant de conserver le permis pour plusieurs pêches;
- L'utilisation obligatoire de grilles Nordmore pour toute pêche à la crevette afin de réduire/minimiser la prise accessoire de poissons de fond;
- L'utilisation de mécanismes de sélectivité reconnus, par les navires de pêche utilisant des chaluts à panneaux lors de récolte d'autres espèces de poissons;
- L'application d'un programme d'étiquetage et de signalement de filets maillants abandonnés.
Il faudra selon les intervenants que la question du mélange avec la zone 3Ps soit résolue.
9.1.4. Protéger les jeunes poissons
On accepte dans l'ensemble que les juvéniles soient protégés, étant donné qu'ils représentent la biomasse pour la future reproduction. Les engins de pêche doivent être conçus pour éviter dans la mesure du possible la capture des juvéniles.
Les mesures existantes pour protéger les jeunes poissons dans les plans de gestion intégrés de la pêche (PGIP), telles que le maillage minimal, la grosseur minimale des hameçons, la taille minimale du poisson et les protocoles de petits poissons, doivent continuer d'être appliquées. En plus, le MPO et l'industrie devraient périodiquement revoir la pertinence des limites minimales en ce qui concerne les hameçons et le maillage, de même que des lieux où sont utilisés les maillages minimaux afin de garantir l'intégrité des restrictions relatives aux engins par rapport aux objectifs du protocole des petits poissons. Là où il y a de fortes concentrations de juvéniles (petits poissons), les solutions comme l'utilisation accrue des observateurs en mer devraient être intensifiées en conséquence. Enfin, lorsque les concentrations de juvéniles sont connues, des mesures strictes comme les fermetures de zone et les périodes de fermeture devraient être envisagées. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer et d'appliquer des zones ou des périodes de fermeture, le MPO et l'industrie devraient envisager d'élaborer un protocole prévoyant la fermeture de zones définies (boîtes) dans la zone de gestion, pendant des périodes données au cours desquelles les jeunes poissons sont concentrés. Ces zones pourraient être rouvertes après une pêche expérimentale.
9.2. Favoriser la productivité des stocks
9.2.1. Favoriser le potentiel reproducteur
Le potentiel reproducteur est assuré, d'une part, par l'existence d'une biomasse reproductrice suffisante et d'autre part par une structure d'âge diversifiée. D'autres facteurs peuvent favoriser la reproduction comme la protection des concentrations de reproduction afin de ne pas perturber le processus de frai. Le principe de base de « laisser le poisson se reproduire au moins une fois » reste valide.
Selon la majorité des intervenants, l'instauration d'un TAC conservateur reste la mesure la plus importante.
La mise en place de méthodes de récolte sélectives doit être renforcée. Pour les engins fixes (filets maillants, hameçons), il faut envisager une taille minimale afin de protéger les plus petits individus, mais aussi une taille maximale, afin de permettre à de gros géniteurs de se maintenir dans la population. Cette taille maximale a pour effet d'éviter d'exploiter une cohorte durant sa vie et la « pourchassant » au fur et à mesure de sa croissance.
Les zones et les périodes fermées représentent le principal outil de gestion des pêches utilisé pour protéger les frayères, les bancs de reproducteurs et les sous-éléments du stock. La fermeture de zones, dans certains cas, peut être appliquée à tous les types d'engins et de pêches, alors qu'elle peut s'appliquer dans d'autres cas à un type d'engin, de pêche ou de pêcheur (p. ex. : non-résidant) en particulier. Par exemple, dans le nord du Golfe, la pêche de tout poisson de fond est fermée dans la zone de la baie Saint-George/baie de Port-au-Port dans la division 4R sur une base saisonnière.
La fermeture de zones ne constitue pas, dans la majorité des cas, une mesure de limite du taux d'exploitation, puisqu'elle est souvent compensée par une augmentation de l'effort en dehors de la zone fermée et en dehors de la période de fermeture. Elle limite toutefois la perturbation du processus de reproduction et peut éviter la destruction des habitats les plus sensibles.
9.2.2. Protéger la diversité génétique
La diversité génétique d'une population de poisson peut être révélée par l'existence de différents groupes de géniteurs ou de sous-stocks qui ont un comportement différent ou qui affichent des caractéristiques biologiques ou physiques différentes. Cette diversité permet à cette population de se prémunir contre des changements imprévus dans l'environnement. En d'autres mots, la diversité contribue à la durabilité. Chaque composante de géniteurs doit être conservée de façon aussi stricte que s'il s'agissait d'un stock distinct et il faut maintenir la répartition géographique de chaque stock, notamment pour ne pas surexploiter les sous-stocks locaux.
Plusieurs mesures peuvent atteindre cet objectif :
- L'instauration d'un TAC conservateur permettant la reconstruction de la biomasse devrait favoriser le maintien de la diversité ou la recolonisation de zones désertées;
- La limitation de l'effort de pêche sur les concentrations de reproduction;
- La fermeture saisonnière de zones et des quotas étalés dans le temps et l'espace.
9.2.3. Réduire la population de phoques
Il est généralement soutenu par l'industrie de la pêche, qu'à moins que le problème de la prédation de la morue par le phoque du Groenland et le phoque gris dans le Golfe ne soit réglé et d'ici à ce qu'il le soit, les chances de succès d'un plan de rétablissement des stocks de morue, aussi bien dans le sud que dans le nord du Golfe, sont à peu près nulles. Ainsi, l'industrie est prête à suivre un plan concernant la morue dans la mesure où il s'appuie sur un plan parallèle et vigoureux de réduction de la prédation de la morue par les troupeaux de phoques. De plus, les représentants de l'industrie sont unanimes à dire que le seul moyen d'arriver à cet objectif est de réduire la taille de la population de phoques résidant dans le golfe du Saint-Laurent.
On suppose souvent que la réduction du nombre de phoques entraînera une diminution de la consommation de morues et une augmentation de l'abondance de morues. Cette hypothèse semble logique, au moins à court terme. Une forte réduction de la prédation des phoques pour la morue de dimension commerciale augmenterait immédiatement la grosseur du stock reproducteur. Une réduction de la prédation sur les prérecrues pourrait, de plus, offrir un soulagement adéquat à court terme afin de permettre à beaucoup plus de recrues de contribuer au stock reproducteur. D'autres résultats sont cependant possibles, en particulier à long terme. Le nombre de morues consommées par les phoques, ou leur poids, dépend non seulement de l'abondance de morues et de phoques, mais aussi de la répartition géographique, de la concentration de la morue et de la disponibilité d'autres proies pour les phoques. La complexité du réseau trophique et le fait que l'homme a une compréhension rudimentaire de sa dynamique rendent difficile l'évaluation de tout avantage spécifique à la réduction de l'abondance des phoques dont pourrait profiter la morue. La réduction des troupeaux de phoques dans le sud du Golfe, par exemple, pourrait avoir un effet contraire à celui attendu si elle provoquait une augmentation du hareng et du maquereau qui sont des prédateurs reconnus des larves et juvéniles de morue.
Il est souhaitable que les populations de phoques, et particulièrement celle du phoque gris, fassent l'objet d'analyses plus approfondies quant à l'effet sur la morue.
Certaines des mesures potentielles qui ont été proposées afin de réduire l'impact de la prédation sur la morue incluent :
- L'augmentation du total admissible des captures (TAC) de phoques du Groenland au-delà du maximum de 350 000 animaux par année afin de réduire la population;
- L'application de mesures additionnelles afin de tenter de tenir les phoques à l'écart des zones où les morues sont regroupées;
- Le fait de permettre aux chasseurs de phoques de tuer tous les phoques près des concentrations de morues; tous les phoques situés dans les zones de concentration de morues traditionnelles seraient considérés comme « nuisibles ».
9.2.4. Protéger les populations de proies
La morue du sud du Golfe a un régime alimentaire assez diversifié et il n'est pas possible d'identifier un nombre limité de proies qu'il faudrait protéger pour favoriser le rétablissement de la morue.
Dans le nord du Golfe, les membres de l'industrie sont convaincus que, si la réduction des troupeaux de phoques est associée au succès du plan de rétablissement du stock de morue, il en est de même de la protection des proies de la morue. En particulier, les stocks de capelan du nord du Golfe sont considérés comme le facteur principal qui stimulera la reconstitution des stocks de morue. À ce titre, ce plan pour la morue dépend d'une politique d'information renouvelée sur la situation des stocks de capelan dans la région, le niveau de dépendance de la morue à l'égard du capelan durant son cycle biologique et le maintien d'un stock robuste de capelan dans le nord du Golfe du Saint-Laurent.
La pêche au capelan pourrait être limitée dans le golfe du Saint-Laurent.
9.2.5. Protéger les habitats
Les mesures suivantes correspondent aux mesures habituelles :
- Limiter les activités qui peuvent compromettre les habitats;
- Appliquer des techniques pour réduire l'impact négatif de la récolte sur les lieux de pêche et les habitats;
- Fermer les zones particulièrement sensibles à toutes les activités potentiellement dommageables.
Dans le cadre des consultations, certains représentants indiquent qu'il faudrait, de façon concrète, envisager la création d'un secteur côtier protégé. Une zone de 15 à 20 milles marins de large devrait être interdite aux activités potentiellement dommageables à l'environnement. De plus, ils indiquent que les activités de prospection et d'exploitation des hydrocarbures devraient être sévèrement limitées, sinon interdites, au moins jusqu'au rétablissement des stocks.
9.3 Réduire la capacité de capture
Il reste évident que le contrôle de l'effort de pêche ne pourra être véritablement efficace que si la capacité de capture est en adéquation avec le potentiel de la ressource. L'industrie devra poursuivre ses actions de restructuration afin de réduire la surcapacité de capture, tout en s'assurant que le résultat de cet exercice n'entraînera pas une réduction de la capacité concurrentielle du Québec dans les pêches de l'Atlantique.
Un programme de rationalisation volontaire devrait être instauré sur une base régionale. Il devrait être associé à des modifications fiscales (par ex., exemption des gains en capital) afin d'encourager les pêcheurs qui le désirent à se retirer. Les associations de pêcheurs devraient être associées à la définition d'un tel programme pour s'assurer qu'il réponde effectivement aux objectifs de réduction de la capacité de capture.
Dans cette même veine, il demeure souhaitable que l'industrie de la transformation adapte sa capacité au potentiel de la ressource tout comme à celui de la capture.
10. Gérance partagée
10.1. Approche générale
La gérance partagée signifie que les participants à la pêche doivent être impliqués activement dans les processus décisionnels de gestion des pêches aux niveaux appropriés et partager ultimement la responsabilité des résultats.
Les pêcheurs, les transformateurs et les autres intervenants ont joué, au cours des dix dernières années, un rôle de plus en plus important dans le processus de gestion des pêches. Les intervenants font partie intégrante de la gestion des pêches au quotidien par leur implication dans le plan intégré de gestion, des activités et des programmes comme l'élaboration de plans annuels de pêche axés sur la conservation, le programme d'observateurs en mer, le programme de vérification à quai, le programme de pêches sentinelles.
Également, en vertu des obligations fiduciaires à l'égard des peuples autochtones découlant des divers jugements de la Cour suprême et de la Constitution, les consultations sur la gérance partagée des mesures de gestion de la pêche devront inclure les communautés autochtones concernées. Celles-ci seront en mesure d'évaluer si la gérance partagée des mesures de gestion est conforme à leurs droits et elles pourront évaluer à quel degré elles s'impliquent.
Le Cadre stratégique de gestion des pêches sur la côte Atlantique du Canada reconnaît que le mouvement vers la gérance partagée évoluera, par nécessité, et que ce sera un processus qui évoluera à long terme. On croit que la participation des intervenants impliqués directement dans l'exploitation de stocks aura lieu au cours des procédés actuels de gestion des pêches. Le ministère délèguera cependant une plus grande autorité de décision dans certains domaines aux exploitants, alors que leur capacité à assumer des responsabilités de gestion additionnelles augmente et qu'ils démontrent leur engagement à la durabilité. On suggère aussi, dans le Cadre stratégique, l'adoption d'une approche englobante à l'élaboration de politiques dans lesquelles les personnes qui ne sont pas des exploitants auraient la possibilité de participer à l'élaboration d'une politique portant sur les pêches.
Un nombre d'initiatives de type « gérance partagée » a été entrepris dans le golfe du Saint-Laurent au cours des dernières années. Les programmes des pêches sentinelles dans la division 3Pn4RS et dans la division 4T impliquent activement les pêcheurs et leurs associations dans le processus scientifique et contribuent à une meilleure compréhension entre l'industrie et la recherche. Il existe aussi plusieurs ententes de « cogestion » dans les pêcheries de la crevette et du crabe des neiges. Pour le crabe des neiges, on en retrouve dans l'estuaire du Saint-Laurent (zone 17), au nord des Îles-de-la-Madeleine (zone F), et à l'ouest du Cap-Breton (zone 19). Dans tous les cas, ces ententes prévoient des règles de partage du TAC, la participation des pêcheurs au processus de recherche (pêches expérimentales), et la participation des pêcheurs à la décision en matière de TAC.
Dans le cas des stocks du golfe du Saint-Laurent, cette gérance partagée pourrait inclure la participation, par exemple :
- Aux règles de définition de l'état du stock;
- Aux règles de détermination du TAC;
- À l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets scientifiques axés sur la pêche du poisson de fond.
Différentes formules de gérance partagée sont envisageables, comme les Conseils de pêche côtière proposés pour l'ouest de Terre-Neuve et les approches coopératives de pêcheurs comme celle qui se développe sur la Basse-Côte-Nord. Ces conseils auraient un pouvoir décisionnel sur des opérations précises en rapport aux questions régionales de capture, de prises accessoires et d'application, et renforceraient (et non remplaceraient) la capacité du MPO à favoriser une pêche durable.
En dehors d'ententes formelles avec le ministère des Pêches et des Océans (comme les ententes de cogestion), l'intendance partagée implique aussi une certaine forme d'autorégulation de l'industrie, par exemple :
- Restriction volontaire de l'effort de pêche;
- Autocontrôle sur la qualité et la quantité des captures;
- Etc.
Lors des consultations du Comité, un intervenant a suggéré que les pêcheurs pourraient être plus impliqués dans le contrôle et la surveillance des activités, ce qui augmenterait l'efficacité et diminuerait les coûts.
Il faudra procéder à l'évaluation, à court terme, des façons dont les pêcheurs, les transformateurs et d'autres intervenants touchés pourront jouer leur rôle de gérance partagée lors du processus actuel de gestion des pêches. De même, il faudra consulter l'industrie et les autres intervenants touchés sur les avantages et les obstacles potentiels reliés à l'application (à long terme) d'un modèle de gérance partagée, comme les conseils de pêches côtières.
10.2. Favoriser la gérance partagée
Une série d'actions devraient être entreprises pour encourager la participation de l'industrie et favoriser le succès d'une démarche de gérance partagée :
- Poursuivre l'instauration des parts régionales au sein des pêches compétitives pour toutes les espèces de poisson de fond; ceci permettrait une « appropriation de la ressource » et favoriserait des initiatives régionales dans le sens de la conservation;
- Assurer une certaine stabilité aux entreprises de pêche. Les systèmes d'allocations temporaires devraient être revus dans ce sens. Considérant les faibles TAC de poissons de fond, on devrait s'orienter vers des pêcheries plus polyvalentes qu'actuellement. Des modes de gestion plus flexibles (par ex : permettant la pêche de quotas d'engins mobiles par des engins fixes) iraient dans ce sens;
- En collaboration avec les associations de pêcheurs, mettre sur pied un programme de rationalisation de la flotte permettant à ceux qui le souhaitent de se retirer de la pêche « décemment et dans la dignité ».
En conformité avec le Cadre stratégique de gestion des pêches de l'Atlantique, il faudra veiller à ce que les intervenants aient la capacité technique, humaine et financière de s'impliquer activement dans une démarche d'intendance partagée.
11. Recherche scientifique
La connaissance scientifique est nécessaire à la compréhension de l'évolution des populations. Elle devrait permettre d'appréhender les changements et de guider les prises de décision en matière de gestion.
Les intervenants rencontrés par le Comité ont insisté sur le besoin de biologistes dédiés aux pêcheries.
La recherche devrait donc bénéficier d'un financement garanti.
Les travaux en cours devraient être poursuivis. On insiste sur les éléments suivants :
- Structure des populations et mélanges entre les stocks;
- Potentiel reproducteur de la morue;
- Relations prédateurs-proies et définition d'indicateurs;
- Meilleure connaissance de l'environnement biophysique et de la relation entre cet environnement et les stocks de morue;
- Définition des habitats critiques;
- Définition de zones protégées et détermination de leur effet sur les populations de morue.
La relation entre le MPO et les divers intervenants doit être resserrée et des liens de confiance doivent être tissés (ou restaurés). Pour cela, la Gestion des pêches et les Sciences doivent mettre sur pied une stratégie de communication afin d'expliquer et de faire comprendre les actions entreprises. Cette stratégie répondrait au souci de transparence réclamée par le public en général. Dans ce sens, les scientifiques doivent poursuivre leurs démarches de vulgarisation de leurs travaux et de leurs résultats.
12. Conclusion
Dans le cadre d'une stratégie de rétablissement, les intervenants considèrent comme éléments particulièrement cruciaux :
- La mise sur pied d'un programme de rationalisation volontaire, défini sur une base régionale, associé à des mesures fiscales appropriées;
- L'instauration de parts régionales pour le poisson de fond.
Un plan de rétablissement des stocks de morue doit se concevoir comme un ensemble d'actions qui doivent être mises en place de façon simultanée : la faillite d'une de ces actions peut compromettre l'ensemble du plan.
Une catégorie d'actions cherche à favoriser l'accroissement des biomasses et la productivité des stocks. Les principaux outils à notre disposition demeurent les outils de gestion « classiques », soit :
- Contrôle de la production : TAC, quotas, allocations par entreprises;
- Contrôle des moyens de production : licences, permis, effort de pêche (navires, engins);
- Mesures techniques associées : sélectivité, fermeture de zones, saisons.
Il serait avantageux de considérer des outils additionnels dont l'instauration d'une « zone côtière protégée », en préservant ces milieux productifs d'activités nuisibles.
Il demeure que l'on ne peut gérer la ressource ni l'écosystème. Ce que l'on gère, c'est une activité humaine de nature économique. La participation et l'adhésion des intervenants au plan de rétablissement sont une condition préalable à la réussite du plan. Cela signifie la restauration de la confiance :
- Entre le ministère et l'industrie;
- Entre les intervenants (secteurs de la pêche, provinces…).
Il est également nécessaire que les intervenants et particulièrement les pêcheurs trouvent leur intérêt dans les mesures de conservation et puissent juger eux-mêmes des progrès accomplis.
La poursuite de l'instauration de parts régionales pour le poisson de fond va dans ce sens. Elles devraient permettre une « appropriation » de la ressource et favoriser des modes de gestion participatifs et décentralisés.
Toutefois, les principes de gestion et de conservation doivent être harmonisés entre les différentes « régions » (cette notion restant à définir), afin d'assurer un minimum de cohérence dans les actions et d'éviter qu'un groupe, ou quelques groupes, subisse seul le poids de la conservation. Un comité « parapluie » devrait être chargé du suivi des plans d'action et serait imputable des résultats. Dans le cadre des consultations du Comité, certains intervenants ont proposé que le Comité consultatif sur le poisson de fond du Golfe joue ce rôle.
Au niveau régional, différents acteurs peuvent travailler à la définition et au suivi des plans d'action :
- Les pêcheurs par le biais de leur association, au premier chef;
- Les collectivités, et autres instances régionales, dont le rôle n'est pas à négliger, par exemple dans la protection de l'habitat; à cet égard, les initiatives prises dans le cadre des pêcheries autochtones pourraient servir de modèle de départ;
- Des groupements ou associations intéressés au domaine maritime, comme les Comités ZIP, par exemple; certains de ces groupements ont déjà été impliqués dans les pêches, comme intermédiaires dans la résolution de conflits, par exemple.
Le ministère des Pêches et des Océans devra aussi garder sa place dans le processus, notamment en mettant en place des modes de gestion qui facilitent ces nouvelles démarches et en fournissant le bagage de connaissances nécessaires, et comme « arbitre ultime » dans l'intérêt des Canadiens et Canadiennes.
De son côté, le gouvernement du Québec s'assure que les politiques actuelles et à venir du gouvernement fédéral respectent le partage des compétences, soient adaptées aux particularités du Québec et assurent un partage équitable de la ressource entre les provinces.
Le gouvernement du Québec s'assure également que ses propres politiques et programmes d'appui à l'industrie des pêches s'inscrivent dans le contexte dicté par l'état de la ressource tout au cours de son rétablissement.
En outre, du point de vue du Québec, son modèle d'intervention et ses institutions doivent être pris en considération par le gouvernement fédéral dans le cadre de ses propres politiques et défendus par ce dernier dans les forums internationaux tout comme lors de ses prises de position dans le contexte des négociations internationales commerciales.
Annexes
Critère | Indicateur | Maximum depuis 1971 | Moyenne 1971-1985 | Valeur actuelle | Commentaires | Indication globale |
---|---|---|---|---|---|---|
Abondance | Biomasse totale (tonnes) | 473622 (1986) | 248546 | 96458 | Les valeurs de biomasse sont dérivées des modèles analytiques (ASP) et sont encore sujettes de controverse. Selon ces modèles, il n'y a pas eu de changement significatif des biomasses depuis les quatre dernières années. Les biologistes indiquent une valeur de BSR entre 80 000 t comme valeur limite de conservation. La stratégie sur la détermination des TAC donne une valeur critique comprise entre 70 000 et 90 000 t. |
- |
Biomasse génitrice (BSR) (tonnes) | 353845 (1986) | 173986 | 66387 (2004) |
- | ||
Recrutement (1000 individus âge 3) | 322350 (1983) | 137214 | 64620 (2004) | Le niveau de recrutement reste très faible. Les classes 2001 et, surtout, 2002, sont plus importantes que les classes précédentes. | - | |
Productivité du stock | Poids à l'âge 6 (kg) Pêche commerciale |
1,79 (1977) | 1,36 | 0,93 (2004) | La condition du poisson reste plus faible que pour la période historique. Elle est considérée comme « moyenne ». | +/- |
Longueur âge 6 (cm) | 59,2 (1978) | 53,17 | 46,6 | +/- | ||
% maturité âge 5 | Pas d'information. | ? | ||||
Structure d'âge de la population (% âges 10-15) | 5,72 (2002) | 1,10 | 3,53 | Cette valeur élevée est un signe positif. Toutefois, ce pourcentage est biaisé par la faible abondance des jeunes individus : la structure d'âge reste déséquilibrée. Accumulation de vieux individus favorisée par les faibles taux d'exploitation | +/- | |
Période/site de reproduction | ? | |||||
Distribution géographique | Les relevés scientifiques indiquent que la morue est surtout présente dans la partie est du Golfe; elle est peu présente dans la baie des Chaleurs et en Gaspésie. | +/- | ||||
Prédateurs/proies | Prédation par les phoques reste très élevée. | ? | ||||
Habitats critiques | La vallée de Schédiac est reconnue pour être une zone d'abondance des morues juvéniles. | ? | ||||
Pêcherie / Gestion | Débarquements (tonnes) | 69317 (1972) | 53703 | 2281 (2004) |
Captures sévèrement limitées par le TAC depuis 1999. | |
Taux d'exploitation (âges 7+) | 53 (1992) |
34,77 | 4 (2004) |
La mortalité due à la pêche était très élevée avant le moratoire de 1993 et supérieure à la valeur cible habituelle (18 %). Elle est restée inférieure à 10 % depuis 1998. | + | |
Prise par unité d'effort | Les taux standardisés et les pêches sentinelles n'indiquent pas de tendance à l'augmentation depuis 1999; les sondages téléphoniques auprès des pêcheurs indiquent que les prises se sont améliorées. | +/- | ||||
Préoccupations de gestion | Le faible TAC et la courte période de pêche rendent les mécanismes de gestion complexes et peu efficaces. L'usage des engins mobiles est toujours un sujet de controverse. | - |
Critère | Indicateur | Maximum depuis 1974 | Moyenne 1974-1985 | Valeur actuelle | Commentaires | Indication globale |
---|---|---|---|---|---|---|
Abondance | Biomasse totale (tonnes) | 602 643 (1983) | 467 787 | 54 434 (2005) | Les valeurs de biomasse sont dérivées des modèles analytiques (ASP) et sont encore sujettes de controverse. Selon ces modèles, il n'y a pas eu de changement significatif des biomasses depuis 1997. Les biologistes indiquent une valeur de BSR entre 85 000 et 110 000 t comme valeur limite de conservation. Le <abbr title="Conseil pour la conservation des ressources halieutiques">CCRH</abbr> indiquait une valeur cible à court terme de 90 000 t (âge 5+). La biomasse génitrice devrait être supérieure à 200 000 t pour augmenter significativement la probabilité de bon recrutement. |
- |
Biomasse génitrice (BSR) (tonnes) | 378 045 (1983) | 257 869 | 38 501 (2005) | - | ||
Recrutement (1000 individus âge 3) | 206 003 (1980) | 116 647 | 9595 (2004) | Le niveau de recrutement reste très faible. Il n'y a pas de fortes classes d'âge depuis la classe de 1993. | - | |
Productivité du stock | Poids à l'âge 6 (kg) Pêche commerciale |
1,75 (1999) | 1,44 | 1,62 (2004) | Les valeurs indiquent que les poissons sont actuellement en bonne condition. | + |
Longueur âge 6 (cm) | 56,85 (1976) | 53,97 | 55,56 (2004) | + | ||
% maturité âge 5 | 91 (1998) | 49 | 40 (2004) | Le décalage de la maturité vers les individus plus jeunes dans les années 1990 est interprété comme un indice de stress. Les données récentes indiquent un retour vers les valeurs historiques. | + | |
Structure d'âge de la population (% âges 10-13) | 6 (2004) | 1,5 | 6 | Cette valeur élevée est un signe positif. Toutefois, ce pourcentage est biaisé par la faible abondance des jeunes individus : la structure d'âge reste déséquilibrée. | +/- | |
Période/site de reproduction | Concentrations connues au large de la baie Saint-Georges (4R). La morue semble se reproduire tout le long de la côte ouest de Terre-Neuve, sur une période plus longue qu'auparavant. | ? | ||||
Distribution géographique | Actuellement, les poissons sont essentiellement concentrés dans la région 4R. La migration hivernale vers 3Ps a vraisemblablement augmenté dans la dernière décennie. Il y a eu des changements de patron migratoire au cours des années 1990 (« migre plus tôt, plus loin »). Des composantes reproductrices ont peut-être disparu. Le stock ne sera pas considéré comme totalement rétabli tant qu'il n'y aura pas de présence significative de morue au nord-ouest de l'île d'Anticosti. |
- | ||||
Prédateurs/proies | Prédation par les phoques reste très élevée. Effet de la pêcherie de capelan est sujet à questionnement. | ? | ||||
Habitats critiques | Aucune information | ? | ||||
Pêcherie / Gestion | Débarquements (tonnes) | 106080 (1983) | 86412 | 3112 | Captures sévèrement limitées par le TAC depuis 1997. | |
Taux d'exploitation (âges 7 à 10) | 54 (1992) |
34 | 9 | La mortalité due à la pêche était très élevée avant le moratoire de 1994 et supérieure à la valeur cible habituelle (18 %). Elle est revenue proche de la valeur cible à partir de 1997 (autour de 20 % entre 1997 et 2002). | + | |
Prise par unité d'effort | Les taux de capture des pêches sentinelles aux engins fixes (filet maillant, palangre) ont été multipliés par plus de 2 depuis 1995. La répartition géographique des prises s'est aussi améliorée. | + | ||||
Préoccupations de gestion | L'usage des filets maillants reste un sujet de controverse. | ? |
Comité Canada-Québec pour le rétablissement de la morue
Stocks 4T4Vn et 3Pn4RS
Consolidé des recommandations
1 – Considérations
La stratégie de rétablissement des stocks de morue implique une approche intégrée de sorte que les intervenants concernés participent aux différentes étapes de la stratégie et du processus décisionnel.
La stratégie devrait se concevoir comme un ensemble d'actions mises en place de façon simultanée. La faillite d'une des actions peut compromettre l'ensemble du plan.
La stratégie de rétablissement devrait s'inscrire dans les principes de l'Approche de précaution.
Les critères définis pour les règles de détermination des TAC constituent une base de départ dans ce processus. De plus, considérant les incertitudes, aucune cible précise n'est proposée. Toutefois, les niveaux historiques semblent peu réalistes et des niveaux intermédiaires peuvent être considérés.
Les mesures à adopter devraient viser à :
- accroître la taille des stocks;
- réduire la mortalité;
- améliorer la capacité de reproduction;
- restaurer la distribution géographique.
L'amélioration des connaissances scientifiques constitue une assise importante contribuant au rétablissement des stocks.
2 – Vers un plan d'action
Le plan d'action est fondé sur une série de grands objectifs.
2.1 – Reconstruire l'abondance des stocks
- Définir des TAC qui favorisent une croissance continue des biomasses
- Contrôler l'effort de pêche pour le maintenir à un niveau compatible avec la productivité des stocks. Il importe d'assurer que la capacité de capture soit en adéquation avec le potentiel de la ressource. De plus, seuls les engins présentant les caractéristiques préétablies favorisant la conservation devraient être autorisés.
- Limiter les prises accidentelles dans les autres pêcheries (pêches d'essai, limites de prises accessoires et fermeture des pêches dirigées lorsque les limites sont atteintes, protocoles pour la protection des juvéniles et limites de prises accessoires, utilisation de mécanismes de sélectivité reconnus, programme d'étiquetage des filets maillants).
- Protéger les jeunes poissons (sélectivité des engins, surveillance accrue sur les concentrations, fermetures de zones).
2.2 – Favoriser la productivité des stocks
- Favoriser le potentiel reproducteur (sélectivité des engins, fermetures des frayères –dont la zone baie Saint-George/baie de Port-au-Port en division 4R).
- Protéger la diversité génétique (TAC saisonnier/géographiques, fermetures de zones).
- Restaurer la distribution géographique (avec une cible possible de 80 % de la distribution historique).
- Réduire les populations de phoques (accroissement du TAC, mesures pour tenir les phoques éloignés des concentrations de morue).
- Adopter une approche prudente dans le développement de la pêche au capelan dans le nord du Golfe.
2.3. – Protéger les habitats
- Limiter les activités qui peuvent compromettre la qualité des habitats.
- Appliquer des techniques pour réduire l'impact négatif de la récolte sur les lieux de pêche et les habitats.
- Fermer les zones particulièrement sensibles à toutes les activités potentiellement dommageables.
- Limiter, sinon interdire, les activités de prospection et d'exploitation des hydrocarbures, au moins jusqu'au rétablissement des stocks.
- Envisager la création d'une « zone côtière protégée » de 10 à 15 milles, interdite à toute activité potentiellement dommageable.
2.4 – Réduire la capacité de capture
- Poursuivre la rationalisation de l'industrie.
- Prévoir un plan de réduction volontaire de la capacité de capture associé à des adaptations fiscales.
3 - Gérance partagée
3.1 – Approche générale
- Une participation accrue des intervenants au processus décisionnel :
- Aux règles de définition de l'état du stock;
- Aux règles de détermination du TAC;
- À l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des projets scientifiques axés sur la pêche du poisson de fond.
- Développer de nouvelles formules d'intendance partagée, par ex. :
- Comités de pêches côtières;
- Mécanismes d'autorégulation et d'autocontrôle de l'industrie.
- Les intervenants suivants peuvent contribuer à la gérance partagée :
- Les pêcheurs par le biais de leur association, au premier chef;
- Les collectivités, et autres instances régionales;
3.2 – Favoriser l'intendance la gérance partagée
Le Comité croit fermement que le succès d'une stratégie de rétablissement doit passer par l'adhésion des pêcheurs au processus. Plusieurs points sont importants :
- Restaurer la confiance entre les intervenants et le MPO;
- Assurer une certaine stabilité aux entreprises de pêche;
- Adopter un programme volontaire et efficace de réduction de la capacité de capture;
- Instaurer des parts régionales lesquelles permettent une stabilisation de l'accès, une gestion décentralisée, une adhésion à la conservation et un accroissement de l'imputabilité;
- Donner plus de responsabilité locale;
- Avoir plus de flexibilité dans le régime de gestion;
- Veiller à ce que les intervenants aient les capacités techniques, humaines et financières de s'impliquer activement dans une démarche d'intendance partagée;
- Mettre sur pied un programme volontaire de rationalisation de la flotte.
4 – Améliorer la connaissance scientifique
- Il y a un besoin de biologistes dédiés aux pêcheries; la capacité de recherche du MPO devrait être améliorée.
- Les intervenants devraient être plus impliqués dans la démarche scientifique.
- La recherche devrait bénéficier d'un financement garanti.
- Les travaux en cours devraient être poursuivis
- Des questions importantes devraient être abordées, avec un financement adéquat
- Structure des populations et mélanges entre les stocks;
- Potentiel reproducteur de la morue;
- Relations prédateurs-proies et définition d'indicateurs;
- Meilleure connaissance de l'environnement biophysique et de la relation entre cet environnement et les stocks de morue;
- Définition des habitats critiques;
- Définition de zones protégées et détermination de leur effet sur les populations de morue.
- Le transfert des informations scientifiques vers un plus large public devrait être amélioré.
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