Lignes directrices pour le prélèvement et l’étude scientifique sur place de paires d’espèces d’épinoches (Gasterosteus sp.)
Le 3 mai 2008
Équipe de rétablissement des espèces de poissons d’eau douce non pêchées de la Colombie-Britannique :
- Jordan Rosenfeld, ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique (coprésident)
- Dan Sneep, Pêches et Océans Canada (coprésident)
- Todd Hatfield, Solander Ecological Research Ltd. (coordonnateur)
- Don McPhail, Département de zoologie, Université de la Colombie-Britannique
- John Richardson, Département des sciences forestières, Université de la Colombie-Britannique
- Dolph Schluter, Département de zoologie, Université de la Colombie-Britannique
- Eric Taylor, Département de zoologie, Université de la Colombie-Britannique
- Paul Wood, Faculté de foresterie, Université de la Colombie-Britannique.
Les lignes directrices ci-après représentent des avis formulés par l’Équipe de rétablissement des espèces de poissons d’eau douce non pêchées de la Colombie-Britannique à propos du prélèvement et de l’étude scientifique sur place de paires d’espèces d’épinoches. À l’exception d’une paire d’espèces que l’on a récemment découverte sur l’île Nelson, en Colombie-Britannique, les paires d’espèces d’épinoches figurent sur la liste de la Loi sur les espèces en péril (LEP) en tant qu’espèces en voie de disparition. Le but des lignes directrices est d’informer les organismes de réglementation qui délivrent des permis de prélèvement et d’étude en vertu de la LEP et de la Wildlife Act de la Colombie-Britannique. Elles concernent les paires d’espèces d’épinoches sympatriques, mais la justification présentée pourrait s’appliquer à d’autres espèces de poissons figurant dans la liste de la LEP de la province. L’Équipe de rétablissement se réserve le droit de mettre à jour les lignes directrices en fonction de données ou d’interprétations nouvelles.
Renseignements de base
Les poissons, appelés collectivement « paires d’espèces sympatriques d’épinoches », sont de petits poissons d’eau douce qui descendent de l’épinoche marine à trois épines (Gasterosteus aculeatus). Dans chaque cas, l’une des espèces (limnétique) exploite principalement le plancton et affiche des traits morphologiques qui sont considérés comme des adaptations à un mode de vie caractérisé par la consommation de plancton. L’autre espèce (benthique) se nourrit principalement d’invertébrés benthiques qui se trouvent dans la zone littorale et affiche des traits qui sont considérés comme un avantage sur le plan alimentaire en milieu benthique. Les profils de divergence morphologique et écologique sont similaires dans chacun des lacs, de sorte que toutes les espèces limnétiques se ressemblent, et il en va de même pour les espèces benthiques. Malgré leur apparence semblable, les phylogénies, telles que déterminées d’après la génétique moléculaire, démontrent de façon très claire que les paires dérivent de lignées indépendantes.
On trouve les paires d’espèces d’épinoches dans deux bassins hydrographiques, l’un sur l’île Texada, l’autre à proximité de l’île Nelson. Une paire, qui vivait dans le lac Hadley, sur l’île Lasqueti, a été désignée comme étant disparue, probablement à la suite de l’introduction de la barbotte (Ameiurus nebulosus). Une autre paire, dans le lac Enos, sur l’île de Vancouver, a vu ses populations s’effondrer pour donner naissance à un seul essaim d’hybrides et ne pourra probablement pas se rétablir. L’aire de répartition mondiale actuelle est donc limitée à deux bassins hydrographiques sur la partie nord de l’île Texada – à savoir les bassins hydrographiques du lac Paxton et du ruisseau Vananda (comprenant trois lacs, Balkwill, Priest et Emily) – et au lac Little Quarry, sur l’île Nelson.
Les paires d’espèces d’épinoches ont fait l’objet d’études scientifiques approfondies depuis les années 1980, et l’on enregistre une demande croissante de stocks sauvages aux fins d’études de laboratoire et de délivrance de permis pour des études scientifiques menées dans la nature. L’Équipe de rétablissement a signalé que les activités de prélèvement sont probablement une source de mortalité significative chez les poissons adultes et représentent une menace pour les paires d’espèces qui doivent, par conséquent, être gérées avec soin.
Recommandations
Sites de prélèvement
L’Équipe de rétablissement recommande que l’on établisse, dans chaque lac, des zones ferméesà la capture où la reproduction et les autres processus écologiques pourraient suivre leur cours sans être perturbés. À l’heure actuelle, on considère comme raisonnable de réserver près de la moitié de chaque lac à ces fins. On propose que le piégeage, la pêche à la senne et d’autres techniques de capture soient interdits dans les zones fermées à la capture. Cela s’applique à la fois à l’échantillonnage létal et à la capture suivie d’une remise à l’eau. Nous reconnaissons que des captures occasionnelles peuvent être justifiées dans le cadre de certains programmes de recherche, mais les demandes présentées à cette fin doivent être examinées au cas par cas et approuvées en fonction des avantages escomptés et du risque encouru.
- Lac Paxton – Le prélèvement ne peut être effectué que dans la partie sud du bassin hydrographique. La zone fermée à la capture englobe la partie nord de ce même bassin, à partir du point médian situé dans le passage entre les deux principaux bassins. Les coordonnées UTMFootnote 1 approximatives vont de 10 U 390009 5507563 à 10 U 390065 5507550.
- Lac Priest – Le lac ne comprend pas de bassins hydrographiques distincts, et l’on a délimité une frontière qui le divise en deux parties à peu près égales. Les coordonnées UTM approximatives vont de 10 U 387105 5511354 à 10 U 387422 5511533. Le prélèvement ne peut être effectué que dans la moitié sud-est du lac. La zone fermée à la capture en couvre la moitié nord-ouest.
- Lac Balkwill – Ce lac est également communément appelé le lac Spectacle et, comme son nom le sous-entend, il se divise en deux bassins hydrographiques. Toutefois, l’un des bassins est beaucoup plus petit que l’autre, de sorte que nous avons défini une frontière qui divise l’ensemble du lac en deux parties à peu près égales. Les coordonnées UTM approximatives vont de 10 U 385675 5511863 à 10 U 385725 5511970. Le prélèvement ne peut être effectué que dans la moitié est du lac. La zone fermée à la capture englobe tous les secteurs situés à l’ouest de la frontière.
- Lac Emily – Ce lac est de faible taille et à peu près circulaire. Nous avons défini une frontière qui divise l’ensemble du lac en deux parties à peu près égales. Les coordonnées UTM approximatives vont de 10 U 388655 5511709 à 10 U 388666 5511405. Le prélèvement ne peut être effectué que dans la moitié est du lac. La zone fermée à la capture englobe tous les secteurs situés à l’ouest de la frontière.
- Lac Little Quarry – Le lac n’affiche pas de bassins hydrographiques distincts, de sorte que nous avons défini un frontière qui le divise en deux parties approximativement égales. Les coordonnées UTM approximatives sont 10 U 419904 5501814 à 10 U 420101 5501615. Le prélèvement ne peut être effectué que dans la moitié nord-est du lac. La zone fermée à la capture englobe tous les secteurs situés au sud-est de la frontière.
Quantités échantillonnées et méthodes d’échantillonnage
Les prélèvements à des fins scientifiques doivent toucher moins de 10 % de la population des poissons matures, telle que mesurée au printemps et à l’été. Au cours d’une étude de marquage-recaptureFootnote 2, on a évalué l’abondance des épinoches dans le lac Paxton, qui s’établissait à environ 3 300 mâles benthiques matures et 25 800 mâles limnétiques matures. L’intervalle de confiance associé à l’estimation de l’abondance des poissons benthiques était beaucoup plus élevé que celui calculé pour les poissons limnétiques. Les estimations de l’abondance extrapolées à d’autres lacs fréquentés par des paires d’espèces, établies en fonction du périmètre de ces lacs, sont résumées dans le tableau 1.
Le tableau 1 décrit l'abondance estimée de chacune des paires d'espèces d'épinoches benthiques matures dans le lac Paxton, le lac Priest, le lac Balkwill, le lac Emily et le lac Little Quary. La première colonne contient les noms des lacs où résident les paires d'espèces d'épinoches. La deuxième colonne donne le périmètre (en mètres) des lacs Paxton, Priest, Balkwill, Emily et Little Quary. La troisième colonne indique le nombre calculé de paires d'espèces d'épinoches benthiques matures dans le lac Paxton, le lac Priest, le lac Balkwill, le lac Emily et le lac Little Quary. Les quatrième et cinquième colonnes fournissent l'intervalle de confiance inférieur et supérieur du nombre calculé de paires d'espèces d'épinoches benthiques matures dans le lac Paxton, le lac Priest, le lac Balkwill, le lac Emily et le lac Little Quary.
Lac | Périmètre (mètres) | Poissons benthiques matures | Limite inférieure de l’IC | Limite supérieure de l’IC |
---|---|---|---|---|
Paxton | 2277 | 6 663 | 4 486 | 10 610 |
Priest | 3868 | 11 319 | 7 620 | 18 024 |
Balkwill | 2268 | 6 637 | 4 468 | 10 568 |
Emily | 1091 | 3 193 | 2 149 | 5 084 |
Little Quarry | 2700 | 7 900 | 5 319 | 12 581 |
Échantillonnage létal
L’Équipe de rétablissement recommande les limites maximales suivantes pour l’échantillonnage létal. Il convient de noter que ces limites font actuellement l’objet d’un réexamen et seront vraisemblablement mises à jour sur la base de nouvelles données. Par exemple, des discussions ont lieu concernant la mise en œuvre d’une limite de taille pour l’échantillonnage létal des animaux benthiques, et ce, pour protéger les grands individus.
- Lac Paxton – La limite recommandée pour l’échantillonnage létal dans le lac Paxton s’établità 200 poissons matures de chaque espèce et de chaque sexe (c.-à-d. 200 mâles benthiques matures, 200 femelles benthiques matures, 200 mâles limnétiques matures et 200 femelles limnétiques matures). On propose d’utiliser le double de ces limites pour les poissons juvéniles.
- Lac Priest - La limite recommandée pour l’échantillonnage létal dans le lac Priest s’établità 340 poissons matures de chaque espèce et de chaque sexe (c.-à-d. 340 mâles benthiques matures, 340 femelles benthiques matures, 340 mâles limnétiques matures et 340 femelles limnétiques matures). On propose d’utiliser le double de ces limites pour les poissons juvéniles.
- Lac Balkwill – La limite recommandée pour l’échantillonnage létal dans le lac Balkwill s’établità 200 poissons matures de chaque espèce et de chaque sexe (c.-à-d. 200 mâles benthiques matures, 200 femelles benthiques matures, 200 mâles limnétiques matures et 200 femelles limnétiques matures). On propose d’utiliser le double de ces limites pour les poissons juvéniles.
- Lac Emily – La limite recommandée pour l’échantillonnage létal dans le lac Emily s’établità 95 poissons matures de chaque espèce et de chaque sexe (c.-à-d. 95 mâles benthiques matures, 95 femelles benthiques matures, 95 mâles limnétiques matures et 95 femelles limnétiques matures). On propose d’utiliser le double de ces limites pour les poissons juvéniles.
- Lac Little Quarry – La limite recommandée pour l’échantillonnage létal s’établit à 235 poissons matures de chaque espèce et de chaque sexe (c.-à-d. 235 mâles benthiques matures, 235 femelles benthiques matures, 235 mâles limnétiques matures et 235 femelles limnétiques matures). On propose d’utiliser le double de ces limites pour les poissons juvéniles.
Capture et remise à l’eau
Selon notre expérience, un certain taux de mortalité est associé aux activités d’échantillonnage reposant sur la capture et la remise à l’eau d’individus, et ce, même si l’on prend beaucoup de précautions. Cette méthode d’échantillonnage est, bien sûr, supérieure à l’échantillonnage létal pour ce qui est des effets directs sur la population, mais une certaine prudence est de mise. Il est probablement raisonnable de supposer un taux de mortalité de 5 % au cours de l’échantillonnage non létal, et ce taux doit être pondéré en fonction des niveaux généraux recommandés. Pour éviter de causer un stress indu chez les animaux, les pièges doivent être déployés pendant moins de 24 heures, et l’on doit pouvoir rendre compte de tous ces pièges en tout temps.
Méthodes d’échantillonnage
Pour prévenir la dissémination d’espèces envahissantes et d’organismes pathogènes, l’Équipe de rétablissement recommande que l’ensemble de l’équipement d’échantillonnage (pièges, sennes, bateaux, bottes, etc.) soit stérilisé au moyen de méthodes appropriées avant que le matériel ne soit déplacé d’un plan d’eau à un autre. Le traitement à l’aide d’un agent de blanchiment dilué à 2 % est la méthode la plus simple parmi celles qui sont connues à ce jour; toutefois, on incite les chercheurs à s’informer sur les menaces potentielles et sur les traitements appropriés.
Études scientifiques sur place – Utilisation d’hybrides
L’Équipe de rétablissement appuie l’interdiction complète de l’utilisation d’hybrides dans des études expérimentales, lorsque les hybrides ne proviennent pas directement de populations sauvages. Les hybrides sont souvent élevés en laboratoire, dans des étangs expérimentaux, et on les trouve également dans le lac Second, sur l’île Texada. L’utilisation d’hybrides provenant de ces sources est considérée comme étant inappropriée et présentant un haut niveau de risque, que ces individus soient conservés dans des enclos ou non, en raison de la possibilité d’échappée dans la nature. On reconnaît que de telles expériences ont été menées par le passé, mais l’Équipe de rétablissement signale que l’on estime dorénavant que ces expériences font planer un risque inacceptable sur les populations sauvages. La principale raison d’être de cette recommandation est le fait que l’effondrement des populations de paires d’espèces du lac Enos et la disparition des paires du lac Hadley ont mis en lumière la fragilité possible des paires d’espèces et qu’il pourrait y avoir un seuil d’abondance des hybrides au-delà duquel les paires d’espèces ne pourraient plus se maintenir par elles-mêmes et pourraient s’effondrer pour donner naissance à un essaim d’hybrides. Il convient de noter que cette recommandation n’empêche pas l’utilisation d’hybrides sauvages provenant d’un même lac ou, encore, l’utilisation d’hybrides en laboratoire ou dans des étangs expérimentaux.
Études scientifiques sur place – Transfert de poissons provenant d’autres lieux
L’Équipe de rétablissement appuie l’interdiction complète du transfert de poissons provenant d’autres lieux, que ce soit en milieu naturel ou en laboratoire. Les poissons sont souvent élevés en laboratoire et dans des étangs expérimentaux et représentent une source potentielle de spécimens pour des études expérimentales. Le transfert de poissons d’un lieu à un autre est considéré comme inapproprié et présentant un risque élevé, que ces individus soient conservés dans des enclos ou non, en raison de la possibilité d’échappée dans la nature et des risques de transfert de maladies. On reconnaît que de telles expériences ont été menées par le passé, mais l’Équipe de rétablissement signale que l’on estime maintenant que ces expériences font planer un risque inacceptable sur les populations sauvages.
Il convient de noter que le transfert de poissons d’un lieu à un autre exige un permis délivré par le ministère de l’Environnement de la Colombie-Britannique et que toutes les demandes seront examinées par le Comité fédéral-provincial sur l’implantation et le transfert d’espèces.
Études scientifiques sur place – Utilisation d’espèces d’origine étrangère
L’introduction d’espèces d’origine étrangère est reconnue comme la cause principale de l’extinction de la paire du lac Hadley et de l’effondrement des populations de la paire d’espèces du lac Enos. L’Équipe de rétablissement recommande l’interdiction complète de l’utilisation d’espèces végétales ou animales d’origine étrangère au cours d’études expérimentales menées dans la nature. Par « espèce d’origine étrangère », on entend toute espèce qui n’est pas observée à l’état naturel dans les bassins hydrographiques fréquentés par des paires d’épinoches.
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