Anatomie externes
Les élasmobranches sont dotés de nombreux sens aigus leur servant surtout à cibler leurs proies. Les sens les plus importants varient selon les espèces, principalement en fonction du milieu dans lequel elles évoluent. Par exemple, les yeux de la raie électrique Typhlonarke aysoni, qui vit à de grandes profondeurs (200-900 m), sont pratiquement inutiles; cette espèce se sert donc plutôt de ses électrorécepteurs pour « voir ». En règle générale, les requins et les raies se servent des sens suivants pour localiser et capturer leurs proies :
- odorat (ou chémoréception)
- vision (ou perception visuelle)
- ouïe (ou perception auditive)
- mécanoréception
- électroréception
Les perturbations mécaniques détectées par les cellules sensorielles du système de la ligne latérale peuvent être attribuables au mouvement de l'eau, à des sons, à des vibrations ou à des changements de pression. Les ampoules de Lorenzini détectent les impulsions électriques dans l'eau et aident peut-être les requins et les raies à naviguer.
Ampoules de Lorenzini
Ampoules de Lorenzini
Contrairement aux poissons téléostéens (ou osseux), qui naviguent principalement en se servant de leur vue, les raies sont dotées d'un certain nombre de systèmes sensoriels très bien développés qui leur permettent de localiser leurs proies et de naviguer très efficacement dans des milieux variés. L'une des adaptations sensorielles les plus intéressantes que possèdent tous les élasmobranches est un ensemble de petites vésicules sous-cutanées situées près de la tête et communément appelées « ampoules de Lorenzini ».
Chaque ampoule est visible à la surface de la peau, tel un petit pore, et chacune d'entre elles est reliée à un long canal rempli d'une sorte de gelée dans laquelle se trouve toute une série de cellules sensorielles innervées de fibres nerveuses. Les ampoules de Lorenzini permettent aux requins et aux raies de détecter les faibles champs électromagnétiques émis par les poissons en détresse. Elles peuvent aussi réagir à des stimuli mécaniques. De plus, ces structures permettent aux espèces qui s'alimentent sur le fond, comme les raies, de trouver leurs proies enfouies dans le sable, même si elles ne sont pas visibles ou n'émettent pas d'odeurs. Enfin, les ampoules peuvent également jouer un rôle important dans la communication intraspécifique, surtout entre les raies, en captant les faibles signaux électriques émis par les organes électriques de certaines espèces, dont la fonction est autrement inconnue.
Les courants océaniques se déplaçant dans le champ magnétique de la Terre produisent des champs électriques du même ordre de grandeur que les champs électriques que les requins et les raies sont capables de détecter. On suppose donc que les requins et les raies utilisent leurs ampoules de Lorenzini pour s'orienter parmi les champs électriques des courants océaniques. De plus, les requins et les raies eux-mêmes – comme toutes les créatures vivantes – produisent un champ électrique par contraction musculaire; par conséquent, le champ électrique qu'ils créent en nageant dans le champ magnétique de la Terre leur permet peut-être de « ressentir » le cap magnétique.
Organes électriques
Organes Électriques
Parmi les poissons cartilagineux, seules certaines espèces de raies électriques sont dotées d'organes électriques. La paire d'organes électriques des raies électriques (ordre des Myliobatiformes) prend beaucoup de place sur la nageoire pectorale. Ces organes sont très forts et peuvent être utilisés à des fins offensives pour capturer des proies ou à des fins défensives pour dissuader certains prédateurs. Les raies de l'ordre des Rajiformes sont aussi dotées d'une paire d'organes électriques, mais ceux-ci font partie de la musculature latérale de la queue, de chaque côté de la colonne vertébrale. Ils déchargent de longs signaux électriques que l'on pense être trop faibles pour servir à des fins de prédation ou de défense. On estime que ces signaux jouent plutôt un rôle important dans la communication, par exemple durant la reproduction ou la défense du territoire. Cette théorie est étayée par les observations d'une variation saisonnière de la décharge des organes électriques chez certaines espèces, comme la raie bouclée (Raja clavata). De plus, une étude sur la décharge de l'organe électrique de la raie tachetée (Leucoraja oceallata) et de la raie hérisson (Leucoraja erinacea) révèle que les décharges des organes électriques se produisent le plus souvent durant les rencontres entre une ou plusieurs raies. Cependant, le rôle fonctionnel exact des organes électriques des raies de l'ordre des Rajiformes demeure incertain, contrairement à ceux des raies de l'ordre des Myliobatiformes.
La queue des raies de l'ordre des Rajiformes demeure généralement droite et raide en tout temps, y compris durant la nage, ce qui indique qu'elle ne s'en sert pratiquement pas pour se déplacer. Il semblerait plutôt qu'une queue rigide facilite la transmission des impulsions électriques qui, à leur tour, servent à communiquer avec des congénères lors d'activités importantes, comme l'accouplement.
Yeux
Yeux
Comparés aux yeux des autres vertébrés, ceux des élasmobranches sont compressés latéralement. Ils sont en outre dotés d'un tapis choroïdien. Ce tapis est situé derrière la rétine et forme une couche réfléchissante semblable à un miroir et constituée de cellules plates et parallèles remplies de cristaux. Ces derniers rendent les yeux des élasmobranches extrêmement efficaces en cas de faible luminosité en reflétant ensemble la lumière qui est déjà passée à travers la rétine, et en stimulant la rétine une seconde fois. En fait, les yeux des élasmobranches sont deux fois plus efficaces que ceux d'un chat, et l'on pense qu'ils figurent parmi les yeux les plus efficaces de tout le règne animal.
Toutefois, les yeux de toutes les raies électriques (ordre des Myliobatiformes) sont plus petits, et nombre d'entre elles sont aveugles. Il semblerait que ces espèces naviguent plutôt à l'aide de l'électricité qu'elles produisent au moyen des organes électriques situés de part et d'autre de la tête.
Nageoires
Ailettes
Les requins et les raies sont dotés d'un certain nombre de nageoires qui les aident à se stabiliser, à se diriger et à se propulser. Tous les requins possèdent une ou deux nageoires le long de la ligne médiodorsale appelées « première » et « seconde nageoire dorsale », qui les aident à se stabiliser. Chez les raies de l'ordre des Rajiformes, les nageoires dorsales sont proéminentes bien que petites, et elles sont situées près de l'extrémité de la queue. Chez les raies de l'ordre des Myliobatiformes, les nageoires dorsales sont soit absentes, soit toutes petites. Les requins ont aussi une paire de grandes nageoires pectorales qui commencent derrière la tête et se prolongent vers l'arrière à partir du tronc. Elles lui servent de gouvernail. Chez les raies, ces nageoires sont plus grosses et ont la forme d'une aile. Elles sont d'ordinaire rattachées aux côtés de la tête et leur permettent de se propulser. Enfin, les requins et les raies sont dotés de petites nageoires pelviennes de chaque côté du cloaque qui les aident à demeurer stables. Chez les mâles, les nageoires pelviennes postérieures sont modifiées en organes copulateurs en forme de gros tubes appelés ptérygopodes.
Contrairement à la majorité des autres élasmobranches qui se propulsent dans la colonne d'eau à l'aide de leur queue puissante, la plupart des batoïdes (raies des deux ordres) ont une queue longue et fine, et doivent donc nager en agitant leurs grandes nageoires pectorales. Plus précisément, on observe deux types de propulsion chez les batoïdes : la propulsion ondulatoire et la propulsion oscillatoire. Les batoïdes qui se propulsent de façon ondulatoire nagent en formant des vagues de l'avant vers l'arrière sur leurs nageoires pectorales, tandis que ceux qui se propulsent de façon oscillatoire agitent leurs nageoires pectorales de haut en bas, comme les ailes d'un oiseau. La majorité des batoïdes nagent de façon ondulatoire, notamment toutes les raies de l'ordre des Rajiformes. Les aigles de mer et les mantes, par exemple, font partie des espèces se propulsant de manière oscillatoire. Les seuls batoïdes qui se propulsent en utilisant leur queue sont les raies électriques, qui se déplacent en ondulant leur queue relativement épaisse.
Aigle de mer Aetobatus narinari. Contrairement à tous les autres batoïdes, les aigles de mer et les mantes se propulsent de façon oscillatoire.
En plus de la propulsion ondulatoire, certaines espèces de raies, comme la raie hérisson (Leucoraja erinacea), qui veulent se déplacer au fond de la mer, recourent à un autre moyen de locomotion novateur, la « poussée », qui rappelle beaucoup la façon dont marchent les tétrapodes. Chez ces espèces, les nageoires pelviennes sont partiellement séparées en un lobe antérieur et un lobe postérieur. Le lobe antérieur est considérablement modifié : c'est un appendice fonctionnel distinct en forme de patte (appelé crus) constitué de trois articulations flexibles qui permettent à la raie de se donner une poussée à partir du substrat. La raie « glisse » alors sur une courte distance au-dessus du fond, jusqu'à la prochaine poussée au moyen de ses crura. Un mouvement asynchrone des deux crura permet aussi à la raie d'effectuer un virage serré et rapide pour capturer une proie. Ce mouvement serait impossible à effectuer avec une nageoire pectorale normale. Enfin, en éliminant la stimulation mécanique des électrorécepteurs situés dans la région des nageoires pectorales, la poussée (ou locomotion au moyen de la nageoire pelvienne) peut présenter des avantages au moment de détecter des proies grâce à l'électrosensibilité. Ce moyen de locomotion novateur convient donc aux raies benthiques et constitue le moyen de locomotion le plus utilisé sur les fonds sablonneux et vaseux, quelle que soit la distance à parcourir.
Fentes branchiales
Fentes Branchiales
Les fentes branchiales d'un poisson sont les pores externes des branchies. Quand un poisson respire, l'eau entre par la bouche (ou les spiracles), passe dans le pharynx puis dans les filaments branchiaux, où se produit l'échange d'oxygène et de dioxyde de carbone nécessaire à la respiration, pour ensuite ressortir par les fentes branchiales. Tous les requins et les raies ont de cinq à sept paires de branchies sur le côté de la tête.
Narines
Narines
Comme chez les requins, les narines (ou naris externes) des raies sont situées sur la surface ventrale du museau et constituent une ouverture vers les organes olfactifs. Chez certaines espèces, les narines sont partiellement recouvertes d'un repli nasal.
Écailles
Echelles
Tous les poissons cartilagineux sont dotés d'écailles placoïdes sur leur corps. Le nombre et la forme de ces écailles varient grandement d'une espèce à l'autre. Chez les requins, de petites écailles placoïdes se chevauchant sont enchâssées dans la peau et recouvrent presque tout le corps de l'animal, lui donnant une texture semblable à celle du papier de verre. Chez les raies, les écailles placoïdes forment généralement une ou plusieurs rangées de denticules (ou épines) prédominants le long de la ligne médiane du dos. Toutefois, chez certaines espèces, les écailles placoïdes sont devenues des structures imposantes comme les aiguillons venimeux des pastenagues ou les épines défensives que possèdent de nombreuses espèces de raies. Les dents des requins et des raies sont également des écailles placoïdes modifiées.
La raie épineuse (Amblyraja radiata), de même que d'autres membres du genre Amblyraja, se sert de ses épines en adoptant une posture défensive novatrice qui rappelle celle d'un hérisson. À l'instar de nombreuses raies, la raie épineuse possède une rangée médiane de boucliers (plus gros denticules cutanés) qui commence dans la zone scapulaire et se termine près du bout de la queue. Lorsqu'elle est effrayée, la raie replie ses nageoires pectorales et sa queue sur son ventre et forme une boule, n'exposant donc aux prédateurs potentiels que son dos recouvert d'épines et sa queue protégée par des boucliers. Cette position protège vraisemblablement la fine peau du ventre tout en empêchant les prédateurs de s'emparer des bords du disque pectoral. Le fait de présenter les gros denticules cutanés acérés peut dissuader les prédateurs de mordre la raie.
En plus des épines défensives, les raies mâles matures sont dotées d'un certain nombre de groupes d'épines distinctes qui leur servent à s'accrocher à la femelle durant la copulation. Sur le côté des yeux et des spiracles se trouvent plusieurs épines dorsales proéminentes et dirigées vers l'arrière, dont la taille et le nombre augmentent proportionnellement à la maturité. De plus, des rangées d'épines alaires acérées se forment sur les bords extérieurs des nageoires pectorales et permettent aussi au mâle de s'accrocher fermement au corps et à la nageoire pelvienne de la femelle.
Spiracles
Spiracles
Les raies respirent essentiellement à l'aide de leurs spiracles, qui sont de petites ouvertures rondes situées sur le dessus et le côté de la tête, immédiatement derrière les yeux et devant les principaux pores branchiaux. Ces structures peuvent être utilisées à la place de la bouche pour faire passer l'eau dans la chambre branchiale. Les raies semblent préférer ce mode de respiration, car elle leur permet de respirer tout en demeurant immobiles au fond pour surprendre et capturer leurs proies, ou en étant enfouies dans le substrat au fond de l'eau pour éviter les prédateurs.
Queue
Queue
La nageoire caudale (ou la queue) des raies joue un rôle différent de celle de la majorité des autres élasmobranches. Les requins possèdent une nageoire caudale hétérocerque distincte qui constitue la principale source de propulsion du poisson. Un mouvement latéral de la queue dans un mouvement de godille permet au requin de se propulser vers l'avant. En comparaison, la queue des raies est généralement longue et fine et ne leur sert pas à se propulser, sauf chez les raies électriques. Chez les pastenagues et les aigles de mer, la queue comporte une écaille placoïde modifiée en épine et dotée d'une glande venimeuse à sa base. Pour se défendre contre les grands prédateurs comme les requins, la raie agite sa queue épineuse comme un fouet.
L'importance de la queue chez les raies adultes est moins évidente, car elle ne semble pas jouer un rôle dans le déplacement ou la défense active. La majorité du temps (y compris durant la nage), elle demeure rigide. Cependant, il se peut que la raideur de la large queue musclée des raies soit reliée, du moins en partie, à la présence de l'organe électrique, la rigidité de la queue favorisant la répartition du courant lors d'une décharge de l'organe électrique.
De plus, durant le développement des embryons chez les raies, la queue joue un rôle important en faisant circuler l'eau de mer dans la capsule d'œuf. Le bout effilé de la queue (visible sur la photo de droite), qui favorise grandement la circulation de l'eau de mer, tombe peu après l'éclosion.
Dents
Dents
Les dents des élasmobranches sont des dérivés des denticules cutanés (ou écailles placoïdes), ce qui explique que leur structure soit similaire. Chaque dent est constituée d'une racine fermement plantée dans le tissu conjonctif de la mâchoire et d'une couronne visible – souvent dotée de pointes appelées cuspides – qui dépasse de la mâchoire. Les élasmobranches sont, pour la plupart, des prédateurs spécialisés, ce qui signifie que leur dentition reflète leur régime alimentaire et la manière dont ils se nourrissent. D'ordinaire, les dents des élasmobranches sont conçues pour saisir ou découper les proies qui se déplacent rapidement. Les dents des raies, quant à elles, sont plates et en pavement. La couronne est basse et émoussée, ce qui est parfait pour écraser les dures coquilles de leurs proies invertébrées.
Tous les élasmobranches ont un point commun : ils fabriquent et perdent des milliers de dents au cours de leur vie. Un examen approfondi des mâchoires d'une raie (par exemple) révèle une première rangée de dents suivie d'autres rangées de dents prêtes à remplacer toute dent d'avant qui viendrait à s'user et à tomber.
Il est intéressant de noter que chez de nombreuses espèces d'élasmobranches, la forme des dents des mâles adultes est différente de celles des femelles et des mâles immatures. Ce phénomène s'appelle l'hétérodontie sexuelle ou le dimorphisme dentaire sexuel et ne touche généralement que les dents antérieures. Chez les requins, et particulièrement les batoïdes (comme Dasyatis sabina), le dimorphisme dentaire sexuel ne change rien à l'alimentation, mais permet plutôt aux mâles de s'agripper fermement aux femelles avec leur bouche lors de l'accouplement. De nombreuses espèces de raies de l'Atlantique Nord-Ouest présentent un dimorphisme dentaire sexuel, notamment la raie tachetée, la raie hérisson, la grande raie, la raie à queue de velours et la raie épineuse. Chez ces espèces, les dents des deux sexes sont émoussées ou arrondies, jusqu'à ce que les individus atteignent la maturité sexuelle. Juste avant la maturité, les dents des mâles développent des cuspides coniques acérées et la bouche revêt une forme plus sinueuse. Chez Dasyatis sabina, on observe même un changement périodique dans la dentition du mâle au cours de la saison de reproduction, les dents du mâle devenant plus protodontes et moins molariformes avant l'accouplement.
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