Avis scientifique 2016/051

Réseau HydroNet du CRSNG : consolidation de cinq années de recherche destinées à développer les connaissances et les outils concernant les effets des installations hydroélectriques sur les écosystèmes aquatiques

Sommaire

• Le présent avis scientifique fournit des conseils aux responsables des politiques et de la gestion découlant de cinq années de recherches sur les outils d’estimation et de prédiction des divers paramètres de productivité des pêches sur les systèmes aquatiques touchés par la production hydroélectrique, en support à la mise en œuvre des dispositions relatives à la protection des pêches de la Loi sur les pêches. Les documents de recherche examinés lors de la réunion regroupaient des recherches s'inscrivant sous quatre thèmes, et les avis scientifiques ont été organisés en conséquence :
  1. Principaux facteurs physiques et chimiques de la productivité des pêches dans diverses régions canadiennes (Lapointe et al. 2015). Ce thème comprenait la présentation d'un outil de télédétection utile pour quantifier l'habitat du poisson qui figurera dans les comptes rendus de l'atelier, de plus amples détails étant disponibles dans Hugue et al. 2015.
  2. Modélisation des effets des facteurs chimiques et physiques sur les paramètres de productivité des pêches dans des rivières ayant des régimes hydrologiques différents (Boisclair et al. 2015a).
  3. Modélisation méso-échelle des paramètres de productivité des pêches dans les réservoirs (Boisclair et al. 2016b).
  4. Passage en amont et entraînement des poissons aux barrages hydroélectriques (Gutowsky et al. 2015).
• Le réseau HydroNet a développé une série de modèles empiriques établissant des liens entre les paramètres de productivité des pêches et les conditions environnementales. Comme avec tout modèle empirique, ces modèles s'appliquent surtout à des systèmes dont les conditions environnementales ou biologiques sont similaires à celles trouvées dans les systèmes du réseau HydroNet. Cependant, l'application des relations générales observées pourrait être plus répandue.

Facteurs physiques et chimiques

• La modification des régimes d'écoulement a été évaluée à l'aide d'une étude documentaire basée sur des ensembles de données hydrométriques facilement accessibles. Cette information peut servir d'analyse complémentaire aux indicateurs de modification du régime hydrologique (ou elle peut les remplacer lorsque les données historiques disponibles sont insuffisantes). Le régime d'écoulement des cours d'eau régulés peut être placé dans un contexte régional en quantifiant le degré d'anomalie de divers aspects des débits, défini en comparant le régime de systèmes non régulés (c'est-à-dire des systèmes non régulés par un barrage, se reporter au glossaire dans l'annexe) et à celui desystèmes régulés qui se trouvent dans la même région et dont les caractéristiques des bassins versants sont similaires.
• Le degré d'anomalie d'écoulement par rapport aux systèmes non régulés et à d'autres systèmes régulés pourrait service d’indice pour évaluer le degré d'étude requis ou à hiérarchiser les systèmes de l'étude qui doivent être régulés.
• Une analyse comparative des données thermiques des cours d'eau régulés et non régulés a révélé des différences importantes dans les régimes thermiques des systèmes de barrages réservoirs et de barrages de pointe (systèmes avec réservoirs) par rapport aux systèmes non régulés.
• Divers outils statistiques pour décrire le régime thermique des cours d'eau ont été développés et comparés, et des avis sont fournis concernant la sélection de modèles thermiques et leur utilisation dans les décisions de gestion. Étant donné que la collecte des données sur la température est relativement peu coûteuse et simple, et compte tenu de l'importance biologique de la température, la collecte de données sur la température devrait être envisagée aux fins d'intégration dans des programmes de surveillance.
• Une revue de la littérature (portant principalement sur des écosystèmes nord-américains) a révélée de fortesrelations entre le phosphore total et la biomasse des poissons à l'échelle régionale. Cependant, lorsque la richesse des espèces était prise en compte, les différences régionales n'existaient plus. L'inclusion de la profondeur moyenne contribuait à améliorer les modèles, et il n'existait pas de différence significative entre les lacs et les réservoirs.
• Le modèle biomasse de poissons-nutriments pour les rivières et cours d’eau, basé sur une revue de la littérature, présentait une pente différente par rapport à celui des systèmes lacustres, mais aucune différence a été observéeentre les cours d'eau régulés et non régulés. Cependant, une analyse appariée des cours d'eau régulés et non régulés n'a pas été menée, et cette question doit être étudiée plus en détail.
• Une méthode qui associe l'imagerie satellitaire de résolution submétrique à des transects de profondeur in situ pour créer, à faible coût, des cartes indiquant la profondeur de l'eau (et la vitesse si l'écoulement est connu) de tronçons de rivière très longs (plusieurs dizaines de kilomètres) a été mise au point. L'application de cette méthode de télédétection et les limitations sur son utilisation sont brièvement décrites ci-dessous, dans la section Analyse.

Facteurs biologiques

• Dans les cours d'eau situés en aval de barrages au fil de l'eau, les paramètres de productivité des pêches (densité, biomasse et richesse des espèces) ont tendance à être similaires à ceux des cours d'eau non régulés. Dans les cours d'eau situés en aval de barrages réservoirs, la biomasse de poisson était de 33 % supérieure, mais la richesse des espèces était de 1,7 % inférieure, par rapport aux prévisions pour un cours d'eau non régulé. Dans les cours d'eau situés en aval de barrages de pointe, on a constaté que la densité des poissons, la biomasse et la richesse des espèces étaient inférieures respectivement de 39 %, de 48 % et de 13 %, par rapport aux prédictions pour les cours d'eau non régulés.
• Un certain nombre de paramètres de régimes d'écoulement aux barrages de pointe analysés montraient des anomalies importantes comparées aux cours d'eau non régulés étudiés par HydroNet. Ainsi, un barrage de pointe qui présente moins d'anomalies importantes par rapport aux cours d'eau non régulés pourrait ne pas avoir les mêmes effets négatifs sur les paramètres de productivité des pêches. La comparaison d'un indice multidimensionnel d'anomalie d'écoulement entre les cours d'eau (tirée de 105 paramètres de débit) laisse présager qu'il pourrait exister un seuil au-delà duquel il y a un effet négatif significatif sur le biote. Des recherches approfondies doivent être menées pour confirmer si un tel seuil existe.
• Les résultats de projets visant à établir des liens entre le poisson et l'environnement pour divers paramètres de productivité des pêches, à différentes échelles d'organismes (communauté totale de poissons, guilde d'espèces, espèces, combinaison des espèces et catégories de taille), à différentes échelles spatiales (site, type d'habitat, tronçon de cours d'eau) et à l'aide de plusieurs techniques de modélisation (régression multiple, réseaux neuronaux artificiels, modélisation de l'habitat phylogénétique) ont été présentés.
• Les modèles élaborés ont déterminé des facteurs environnementaux clés dans les cours d'eau. Dans de bonnes conditions, ces modèles pourraient servir à prédire l'état futur des paramètres de productivité des pêches (différentes échelles d'organismes) dans les cours d'eau (différentes échelles spatiales). Ces outils pourraient être utilisés pour prédire les effets, déterminer les mesures d'atténuation et évaluer les effets résiduels de l'hydroélectricité sur les paramètres de productivité des pêches dans les cours d'eau.

Modélisation à moyenne échelle dans les réservoirs

• Le travail lié aux réservoirs consistait principalement en une étude méthodologique visant à mettre à l'essai diverses méthodes pour déterminer celles qui conviennent le mieux à l'échantillonnage dans les réservoirs dans le cadre des programmes de surveillance.
• Les méthodes hydroacoustiques ont été évaluées comme étant une méthode d’échantillonnage viable pour la zone pélagique (> 3 mètres de profondeur) dans les réservoirs. Les résultats concernant les catégories de taille des poissons ont correspondu aux attentes théoriques et ont été jugés uniformes et reproductibles.
• Plusieurs méthodes différentes (pêche électrique à bord d'un bateau, pêche à la senne et pêche au filet maillant) ont été examinées comme des méthodes d’échantillonnage viables pour la zone littorale (< 3 mètres de profondeur). Chacune de ces méthodes a des avantages et des limites, et le document de recherche contient de nombreuses recommandations quant à ce qui doit faire l'objet d'un échantillonnage et sur le moment et la manière dont l'échantillonnage doit être effectué dans la zone littorale d'un réservoir.
• Les liens entre le poisson et l'environnement ont été obtenus lorsque cela était possible. Cependant, il existait de grandes différences en matière de liens d'une année à l'autre, ce qui semble indiquer que la modélisation et la validation de tels liens exigent plusieurs années d'échantillonnage.
• Une combinaison de variables de l'habitat locales (p. ex., couverture de macrophytes) et contextuelles (p. ex., distance par rapport aux affluents majeurs) semblait utile pour expliquer la variation des paramètres de productivité des pêches dans la zone littorale des réservoirs.

Passage du poisson

• Toute nouvelle passe à poissons doit faire l'objet d'une évaluation afin d'en déterminer l'efficacité en matière d'attraction et de passage du poisson (voir le glossaire pour connaître les définitions). D'un point de vue écologique, prévoir un passage pour le poisson réduit les répercussions aux endroits où le barrage modifie le passage du poisson. Cependant, la nécessité d'un passage pour le poisson doit être évaluée au cas par cas, en tenant compte de la communauté ichthyenne en place et en prenant en considération la disponibilité de l'habitat après la réalisation du projet.
• L'évaluation des passes à poissons doit comprendre la collecte de données biologiques (p. ex., attraction, passage complet) et hydrauliques (p. ex., vitesse, turbulence) et la modélisation connexe, le tout effectué par une équipe multidisciplinaire.
• L'évaluation du succès du passage du poisson dans une passe à poissons doit reposer sur des objectifs propres au site, a priori, fondés sur des critères biologiques liés à des objectifs de gestion des pêches ou de conservation. Surveiller simplement le passage complet du poisson dans la passe à poissons (p. ex., capture dans un siphon se trouvant dans la partie supérieure) ne suffit pas pour évaluer le succès du passage, étant donné qu'il est nécessaire de connaître le nombre de poissons ayant cherché un passage et tenté de le franchir pour mesurer un taux de réussite. Dans l'idéal, de tels renseignements sont examinés dans le contexte de la biologie des populations pour des espèces ou des populations ciblées.
• Les évaluations de risque d'entraînement utilisant des méthodes théoriques représentent une première étape vers l'évaluation du besoin d'études plus détaillées ainsi que leur niveau de priorité.
• La modélisation de l'environnement physique du bief amont (y compris les dynamiques du champ de courant et la température de l'eau) est essentielle pour comprendre les facteurs participant à l'entraînement. Par conséquent, la meilleure évaluation de l'entraînement est effectuée par une équipe multidisciplinaire composée d'ingénieurs et de biologistes.
• L'entraînement doit être examiné en fonction des espèces et des stades biologiques, pour les diverses échelles spatiales (représentativité brute ou à petite échelle) et temporelles (p. ex., journalières, saisonnières).

Le présent avis scientifique découle de la réunion nationale d'examen par les pairs qui s'est tenue du 15 au 17 septembre 2015 sur le Réseau HydroNet du CRSNG : consolidation de cinq années de recherche destinées à développer les connaissances et les outils concernant les effets des installations hydroélectriques sur les écosystèmes aquatiques. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu'elle sera disponible, dans le calendrier des avis scientifiques du secteur des Sciences de Pêches et Océans Canada (MPO).

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Avis d’accessibilité

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