Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent
Table des matières
- Texte Complet
- 1. Renseignements généraux et contexte
- 2. Objectifs du présent examen
- 3. Sources des renseignements
- 4. Méthodes d'évaluation de l'efficacité des activités de rétablissement
- 5. Examen des mesures de rétablissement
- 6. Efficacité des mesures de rétablissement et modifications ou ajouts recommandés
- 6.1 Évaluation générale de l'efficacité des mesures de rétablissement
- 6.2 Efficacité des mesures de rétablissement fondées sur les menaces et améliorations recommandées
- 6.2.1 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 1. Réduire les contaminants dans le béluga, ses proies et son habitat
- 6.2.2 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 2. Réduire le dérangement d'origine anthropique
- 6.2.3 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 3. Veiller à ce que l'approvisionnement en nourriture soit adéquat et accessible
- 6.2.4 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 4. Atténuer les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population
- 6.2.5 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 5. Protéger l'habitat du béluga dans toute son aire de répartition
- 6.2.6 Objectif de rétablissement 6. Assurer une surveillance régulière de la population de béluga de l'estuaire du Saint-Laurent
- 7. Conclusions
- 8. Remerciements
- 9. Ouvrages cités
- Annexe 1
1. Renseignements généraux et contexte
En novembre 2016, le premier ministre a fait l'annonce du Plan de protection des océans (PPO) du Canada, qui comporte plusieurs nouvelles initiatives visant à réduire les menaces qui pèsent sur les mammifères marins dans les eaux canadiennes, y compris les principales menaces que représentent les contaminants, la disponibilité des proies et le bruit sous-marin. Dans le cadre du PPO, le gouvernement du Canada adoptera également des mesures pour réduire les effets cumulatifs de la circulation maritime sur les mammifères marins et travaillera avec divers partenaires à la mise en œuvre d'un système de détection des baleines en temps réel pour avertir les navigateurs de la présence de baleines. Dans le cadre du PPO, Pêches et Océans Canada (MPO) a été chargé de lancer un examen scientifique de l'efficacité des mesures de gestion et de rétablissement actuelles concernant trois populations de baleines menacées au Canada : l'épaulard résident du sud (Orcinus orca), la baleine noire de l'Atlantique Nord (Eubalaena glacialis) et le béluga de l'estuaire du Saint-Laurent (Delphinapterus leucas). L'examen vise à déterminer les aspects des efforts de rétablissement à améliorer immédiatement et les mesures nouvelles ou renforcées prioritaires. Pour effectuer cet examen, le MPO a adopté une démarche progressive. Le présent document représente la première phase du processus et concerne la population du béluga de l'estuaire du Saint-Laurent (ESL).
Jusqu'à récemment, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) considérait le béluga de l'estuaire du Saint-Laurent comme une population menacée (COSEPAC 2004)., et cette espèce est actuellement inscrite comme telle en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP). À la date de publication du programme de rétablissement en 2012 (MPO 2012), on estimait la taille de la population à environ 1 100 individus. Toutefois, le nombre anormalement élevé de bélugas nouveau-nés (baleineaux) signalés morts en 2012 a déclenché un examen complet de l'état de la population, y compris les menaces (MPO 2014). Cet examen a montré que la population était stable ou avait augmenté à un faible taux (0,13 % par année) jusqu'au début des années 2000, mais avait par la suite décliné à un taux approximatif de 1 % par an, jusqu'à une estimation de 900 individus en 2012 (Mosnier et al. 2015). Sur la base des renseignements tirés de l'examen récent (MPO 2014) de la taille et des tendances de la population, de la dynamique des populations et des menaces, le COSEPAC a fait passer le béluga au statut d'espèce en voie de disparition en 2014 (COSEPAC 2014), un statut qui est en voie d'être reflété dans son inscription en vertu de la LEP.
2. Objectifs du présent examen
Le présent document décrit les mesures de rétablissement établies dans le cadre du programme de rétablissement de la population de béluga (Delphinapterus leucas) de l'estuaire du Saint-Laurent au Canada (ci-après appelé « programme de rétablissement ») [MPO 2012], indique les mesures qui ont été mises en œuvre (ou qui ne l'ont pas encore été) à l'appui de la conservation et de la protection de la population dans toute son aire de répartition et évalue avec quelle efficacité elles ont permis à la population de se rétablir. Il s'agit d'un examen effectué du point de vue scientifique seulement, qui étudie l'efficacité des mesures de rétablissement sur le plan de leur capacité à réduire les menaces recensées et associées au statut d'espèce en voie de disparition de la population. Le présent examen vise également à déterminer comment mieux atteindre les objectifs de rétablissement en accélérant la mise en œuvre des mesures de rétablissement déjà définies, mais pas encore entreprises, en définissant de nouvelles mesures potentielles et en donnant des indications sur la priorité relative à donner à chacune de ces mesures pour favoriser le rétablissement.
3. Sources des renseignements
Le programme de rétablissement du béluga de l'ESL a été publié en 2012 (MPO 2012). Il décrit le but de rétablissement provisoire de l'espèce, les objectifs de rétablissement, les stratégies générales et les mesures de rétablissement à mettre en œuvre pour assurer le rétablissement, ainsi que les indicateurs de rendement nécessaires pour définir et mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs en matière de population et de répartition. Outre ce document de la LEP portant sur le rétablissement, un plan d'action en cours d'élaboration visant à régler le problème du bruit dans l'estuaire du Saint-Laurent, qui devrait être publié en 2017, a également été consulté dans le cadre de cet examen. Les autres sources de renseignements comprennent principalement les ouvrages scientifiques de première main et les rapports du MPO et d'autres ministères ou organismes du gouvernement du Canada.
4. Méthodes d'évaluation de l'efficacité des activités de rétablissement
Dans l'idéal, il faudrait évaluer l'efficacité des mesures de rétablissement de manière relative, en comparant le degré de réduction des menaces avec le degré de rétablissement de la population. En l'absence de renseignements précis de cette nature au sujet du béluga de l'ESL et des causes de l'absence de rétablissement, il faut comprendre l'évaluation de l'efficacité des mesures de rétablissement dans le contexte du présent examen comme l'étude du degré auquel les mesures en cours, ainsi que celles qui sont proposées dans le document sur le rétablissement existant, ont contribué ou contribueront à la réduction des menaces qui pèsent sur le béluga de l'ESL. Plus précisément, le programme de rétablissement cite 11 menaces pour le rétablissement du béluga de l'ESL, dont 10 sont encore d'actualité (tableau 1). Aux fins du présent examen, on juge que de telles réductions des menaces contribuent à l'atteinte des objectifs de rétablissement de cette population.
Les réalisations associées aux mesures de rétablissement ont été réunies dans le tableau 2, en utilisant un point de référence correspondant à l'année de l'inscription du béluga de l'ESL en vertu de la LEP (c.-à-d. 2005). Toutefois, dans certains cas, les tendances relatives au niveau des menaces ont fait l'objet d'un examen sur de plus longues périodes, étant donné que la mise en œuvre des mesures visant à réduire les menaces remonte bien avant 2005, soit en raison des recommandations découlant du premier plan de rétablissement du béluga de l'ESL publié en 1995 (Bailey et Zinger 1995), soit en raison de préoccupations liées à la santé humaine. La mise en œuvre de règlements pour limiter ou réduire les déversements de composés chimiques hautement toxiques est un exemple de mesure qui concerne une menace pour le béluga de l'ESL (contaminants), mais qui est entreprise à la suite de préoccupations liées à la santé humaine.
Il est important de réaliser que les objectifs de rétablissement inclus dans le document sur le rétablissement ont été établis à une époque où l'interprétation de la Loi différait de l'interprétation actuelle. Par conséquent, le document sur le rétablissement ne tenait pas compte de la Politique sur la survie et le rétablissement formulée par trois ministères en 2016, publiée dans sa version proposée dans le Registre public des espèces en péril; par conséquent, cet examen n'en tient pas non plus compte.
5. Examen des mesures de rétablissement
5.1 Objectifs de rétablissement
À l'époque de l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP, on jugeait que le rétablissement de la population de béluga de l'ESL était réalisable (Hammill et al. 2007; MPO 2012). À l'heure actuelle, le but ultime du rétablissement est le suivant :
Faire passer la taille de la population à 7 070 individus, soit 70 % de la taille de la population historique, afin de maintenir un taux de croissance de la population minimal de 2 % et d'atteindre une répartition correspondant à 70 % de l'étendue historique.
Au-delà de 1 000 individus matures, on considérerait que la population a atteint une taille suffisante pour maintenir sa diversité génétique. À un taux de croissance de 4 % (considéré comme une valeur par défaut pour les cétacés), on projette d'atteindre l'objectif démographique à long terme d'ici aux années 2050. Toutefois, au moment de la publication du programme de rétablissement en 2012, on pensait que la population n'augmentait qu'à un taux maximal de 1 %, ce qui repoussait la réalisation projetée de l'objectif démographique à long terme à 2100.
Le programme de rétablissement du béluga de l'ESL contient six objectifs de rétablissement visant à atteindre les objectifs en matière de population et de répartition, dont quatre traitent directement des menaces qui pèsent sur la population. Deux autres objectifs contiennent des démarches qui pourraient contribuer à l'atteinte des quatre premiers objectifs ou à effectuer le suivi de l'état de la population, des menaces et de l'efficacité des mesures de rétablissement. Voici les objectifs indiqués dans le programme de rétablissement :
- réduire les contaminants chez le béluga, ses proies et dans son habitat;
- réduire le dérangement d'origine anthropique;
- Assurer des ressources alimentaires accessibles et adéquates au béluga;
- atténuer les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population;
- protéger l'habitat du béluga dans toute son aire de répartition;
- assurer un suivi régulier de la population de béluga de l'estuaire du Saint-Laurent.
5.2 Menaces
Selon le dernier rapport de situation du COSEPAC (2014) et le programme de rétablissement (2012), la population de béluga de l'ESL a été décimée par la chasse, interdite en 1979; les menaces qui pèsent actuellement sur cette population sont les suivantes :
- industrialisation et pollution, qui peuvent être responsables des taux élevés de maladies chroniques comme le cancer observés chez les animaux échoués;
- perte d'habitat et perturbation, tout particulièrement le bruit anthropique causé par la navigation maritime et les activités d'observation des baleines;
- rivalité avec les pêcheurs commerciaux pour les ressources alimentaires et augmentation des populations de certains mammifères marins, y compris certaines espèces de phoques;
- faible diversité génétique (consanguinité) due à la petite taille de la population, qui peut nuire au taux de reproduction.
Parmi les menaces cernées dans le programme de rétablissement, les menaces suivantes étaient les plus préoccupantes pour le rétablissement de la population : la contamination élevée du béluga, de ses proies et de son habitat; le bruit et le dérangement associés aux projets d'aménagement marin, à la circulation maritime et aux activités d'observation des baleines; la réduction de l'abondance, de la qualité et de la disponibilité des proies; et les autres dégradations de l'habitat (p. ex. découlant de la construction de quais, de marinas et de barrages hydroélectriques, de l'expansion de l'industrie touristique, des opérations de dragage, de l'introduction d'espèces exotiques). Les sections ci-après détaillent ces menaces et en évaluent les changements par rapport aux valeurs de référence de 2005 afin d'obtenir une indication de l'efficacité collective des mesures de rétablissement visant à les réduire.
Le présent rapport ne s'étend pas plus longuement sur la menace due à la faible diversité génétique (consanguinité), qui découle de la petite taille de la population.
Tableau 1. Menaces pesant sur le rétablissement du béluga de l’ESL indiquées dans le programme de rétablissement de 2012. C’est l’équipe de rétablissement qui a attribué le niveau de préoccupation; toutefois, la définition correspondant à chaque niveau de préoccupation ne figure pas dans le programme de rétablissement.
Menace | Source de la menace (liste non exhaustive) | Niveau de préoccupation |
---|---|---|
Contaminants | Industrie, municipalités, agriculture | Élevé |
Dérangement d'origine anthropique | Observation des baleines, circulation maritime, activités récréatives | Élevé |
Autre dégradation de l'habitat | Activités de construction, barrages hydroélectriques, introduction d'espèces exotiques, dragage | Élevé |
Réduction de l'abondance, de la qualité et de la disponibilité des proies | Variabilité du climat, pêches | Élevé |
Proliférations d'algues nuisibles | Industrie, municipalités, agriculture par l'apport en azote | Moyen |
Empêtrement dans des engins de pêche | Pêches | Moyen |
Collisions avec les navires | Petites embarcations (et embarcations rapides) | Moyen |
Déversements de produits toxiques | Navires, ports et marinas, industrie | Moyen |
Maladies épizootiques | Espèces exotiques, autres espèces (marines ou terrestres) dans les écosystèmes | Moyen |
Activités scientifiques | Navires et aéronefs de recherche | Faible |
Le programme de rétablissement ne considérait pas le réchauffement de la planète comme une menace en soi pour le béluga de l'ESL, même si l'on prévoit qu'il fera augmenter la température moyenne de l'eau et réduira l'étendue et la durée des glaces de mer dans l'habitat du béluga de l'ESL. Les glaces de mer pourraient avoir une incidence sur la biomasse des proies et la période de frai (p. ex. Buren et al. 2014). Chez les espèces arctiques comme le béluga, on pourrait s'attendre à ce que la réduction de l'étendue et de la durée des glaces de mer et l'augmentation de la température de l'eau aient des effets négatifs (Williams et al. sous presse).
5.3 Examen des mesures de rétablissement
Pour faire face à ces menaces, on a proposé dans le cadre du programme de rétablissement une série de stratégies générales, que l'on a chacune associée à un ensemble de mesures de rétablissement et dont on a établi l'ordre de priorité. Le tableau 2 ci-dessous est basé sur ces mesures.
Tableau 2. Mesures de rétablissement figurant actuellement dans le programme de rétablissement pour le béluga de l’ESL (MPO 2012) et réalisations accomplies depuis l’inscription de l’espèce en vertu de la LEP en 2005. Par priorité, on entend l’ordre de priorité actuellement attribué aux mesures de rétablissement contenues dans le programme de rétablissement. L’état de la mesure de rétablissement est qualifié soit de « menée à bien », ce qui signifie que la mesure de rétablissement, telle qu’elle est actuellement rédigée et dans son intégralité, décrit une activité ou une tâche qui a été réalisée à un moment donné dans le passé, soit de « menée à bien, mais en cours », ce qui signifie que la mesure de rétablissement décrit une activité ou une tâche qui doit se reproduire à un intervalle régulier ou qui se déroule sur un continuum, et qui n’a probablement jamais de date de fin, soit de « partiellement menée à bien », ce qui signifie que la mesure de rétablissement, telle qu’elle est actuellement rédigée et dans son intégralité, contient plusieurs éléments, dont certains ont été achevés et d’autres pas, soit de « pas encore commencée », ce qui décrit une situation dans laquelle, à notre connaissance, aucune mesure n’a été entreprise, soit d’« état inconnu », ce qui décrit une situation dans laquelle des efforts ont été déployés pour trouver des renseignements sur l’état de la mesure de rétablissement, mais aucun renseignement n’a été découvert dans le délai imparti pour le présent examen.
Objectif 1. Réduire, chez le béluga, ses proies et son habitat, les contaminants susceptibles de nuire au rétablissement
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) |
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Étudier les effets des contaminants sur le béluga, ses principales espèces proie et les espèces sentinelles | Étudier les effets des contaminants sur la survie, la santé, la reproduction et la croissance | Crucial | MPO, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Évaluer les risques des répercussions de différents groupes de contaminants sur le béluga et les facteurs qui influent sur ces risques | Crucial | État inconnu |
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Élaborer de nouveaux règlements ou appliquer pleinement les règlements existants afin de contrôler le rejet de polluants toxiques dans l'environnement, en particulier les nouveaux contaminants. | Améliorer les règlements canadiens et québécois en vue de réduire les rejets de substances chimiques toxiques dans le bassin Grands Lacs-Saint-Laurent, notamment en examinant ou en établissant des seuils de toxicité pour les polluants. | Crucial | ECCC | Partiellement menée à bien |
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Mettre au point des mécanismes pour surveiller les répercussions des règlements | Crucial | MPO, milieu universitaire, ECCC, Santé Canada (SC) | Partiellement menée à bien |
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Réduire le nombre et l'envergure des rejets accidentels et illégaux de polluants | Crucial | ECCC | Partiellement menée à bien |
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Réduire les émissions et les rejets de tous les types de polluants à la source | Réduire les rejets de polluants provenant des installations de stockage de déchets, des décharges, des installations de traitement des eaux d'égout (eaux usées), des industries, etc. | Crucial | ECCC Provinces Municipalités |
Partiellement menée à bien |
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Surveiller les sources et les concentrations de contaminants dans les tissus du béluga et de ses principales espèces proie | Déterminer les principales sources de contamination et la manière dont les contaminations se propagent dans la population de béluga et dans son environnement, ainsi que la manière dont le béluga et ses proies sont exposés aux différents groupes de contaminants. | Nécessaire | MPO | Partiellement menée à bien |
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Étudier le déplacement et la propagation des contaminants dans les tissus du béluga, ceux de ses principales espèces proie et ceux de ses espèces sentinelles, en particulier les nouveaux contaminants, et publier les résultats. | Nécessaire | État inconnu |
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Poursuivre l'assainissement des sites terrestres et aquatiques contaminés dans le bassin Grands Lacs-Saint-Laurent | Désigner les sites contaminés prioritaires et utiliser des techniques de décontamination respectueuses de l'environnement pour les assainir. | Nécessaire | ECCC, MPO | Partiellement menée à bien |
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Poursuivre la coordination des efforts de réduction de la pollution, en collaboration avec la Commission mixte internationale | Mettre en place des mesures de concert avec le Québec, l'Ontario et les États-Unis pour coordonner les efforts de réduction de la pollution dans les Grands Lacs et dans tout le bassin du fleuve Saint-Laurent. | Nécessaire | ECCC | Menée à bien, mais en cours |
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Objectif 2. Réduire le dérangement anthropique
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) |
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Déterminer les effets à court et à long terme des formes de dérangement chronique et aiguë | Effectuer des études d'impact du dérangement créé par le trafic maritime, les activités d'observation des baleines, les aéronefs et les projets d'aménagement sur le rivage et au large du rivage dans les secteurs utilisés par le béluga. | Crucial | MPO, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Déterminer les mesures de gestion à prendre découlant des études d'impact, visant à réduire le dérangement anthropique. | Crucial | Parcs Canada (PC), MPO | Partiellement menée à bien |
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Étudier les répercussions de la pollution sonore sur le béluga | Repérer les principales sources de bruit aux diverses fréquences, surveiller l'exposition du béluga et étudier les répercussions du bruit sur la santé et le comportement du béluga. | Crucial | MPO, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Déterminer les mesures de gestion à prendre pour réduire la pollution sonore en fonction des études d'impact du bruit | Crucial | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Réduire le dérangement d'origine anthropique dans les zones de fréquentation intensive | Réduire le bruit anthropique dans l'estuaire du Saint-Laurent (construction, navigation, exploration gazière, etc.). | Crucial | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Mettre en œuvre des mesures de protection dans les corridors de trafic maritime problématiques. | Crucial | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Réduire le nombre d'incidents (p. ex., approches directes, harcèlement). | Crucial | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Élaborer des lignes directrices sur les pratiques exemplaires à suivre en cas de rencontre inattendue avec le béluga. | Crucial | MPO, APC | Menée à bien |
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Protéger le béluga contre le dérangement d'origine anthropique dans toute son aire de répartition | Examiner, adopter et faire appliquer le Règlement sur les mammifères marins et le Règlement sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay – Saint-Laurent afin de mieux protéger le béluga contre les perturbations, en particulier en faisant respecter une zone de 400 m « interdite aux bateaux » autour du béluga dans toute la zone. | Nécessaire | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Améliorer les patrouilles de surveillance de l'observation des baleines pendant la saison touristique dans le PMSSL et ailleurs dans l'estuaire. | Nécessaire | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Mettre en œuvre la stratégie d'éducation sur les espèces en péril élaborée par le PMSSL et l'élargir à toute l'aire de répartition du béluga | Déterminer les groupes cibles des campagnes de sensibilisation, et élaborer et mettre en œuvre une stratégie de communication. | Nécessaire | MPO, APC | Menée à bien, mais en cours |
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Améliorer la formation des capitaines, des guides de kayak et des guides-naturalistes afin de réduire le dérangement, et rendre la formation obligatoire. | Nécessaire | MPO, APC | Menée à bien, mais en cours |
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Annoncer les mesures de conservation et offrir des activités éducatives aux résidents locaux. | Nécessaire | MPO, APC | Menée à bien, mais en cours |
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Établir un programme de reconnaissance à l'intention des entreprises d'excursion en mer qui adoptent des pratiques exemplaires. | Nécessaire | APC, MPO | Menée à bien, mais en cours |
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Définir des lignes directrices précises sur les pratiques exemplaires pour chaque type d'utilisateur qui navigue dans l'estuaire du Saint-Laurent. | Nécessaire | MPO, APC | Menée à bien |
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Améliorer le processus décisionnel concernant l'octroi de permis de recherche et de permis concernant les autres activités nécessitant une approche à moins de 400 m | Établir les règles et constituer un comité de prise de décisions, et mettre en place un système à guichet unique, en collaboration avec toutes les autorités responsables, afin d'évaluer la pertinence, les méthodes et la délivrance de permis pour les projets qui touchent au béluga ou à son habitat essentiel. | Nécessaire | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Objectif 3. Assurer des ressources alimentaires accessibles et adéquates au béluga
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) |
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Protéger les sites de fraie, d'alevinage et les voies migratoires des proies clés du béluga | Renforcer les mesures de protection des sites importants pour les espèces proie. | Crucial | MPO, gouvernement provincial | Partiellement menée à bien |
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Interdire la pêche aux engins mobiles dans l'estuaire moyen du Saint-Laurent et la rivière Saguenay. | Crucial | MPO, APC, gouvernement provincial | Partiellement menée à bien |
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Maintenir le moratoire sur les espèces fourragères. | Crucial | MPO | Pas menée à bien |
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Poursuivre les recherches sur l'alimentation et les habitudes alimentaires du béluga | Étudier les habitudes alimentaires et les stratégies d'alimentation. | Nécessaire | MPO, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Étudier la disponibilité des proies et les facteurs qui influent sur leur quantité et leur qualité. | Nécessaire | MPO, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Déterminer des mesures de gestion pour protéger les ressources alimentaires du béluga sur la base des études portant sur la disponibilité des proies. | Nécessaire | MPO, APC, gouvernement provincial | Partiellement menée à bien |
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Prévenir les nouvelles pêches susceptibles d'avoir des répercussions importantes sur le béluga et ses proies | Tenir compte des besoins alimentaires du béluga dans l'évaluation des nouvelles pêches. | Avantageux | MPO | Pas encore commencée |
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Objectif 4 Atténuer les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) | |
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Élaborer et mettre en œuvre des mesures de protection adéquates pour tous les projets côtiers et extracôtiers qui pourraient avoir des répercussions dans l'aire de répartition du béluga | Inclure des mesures de protection dans les projets côtiers et extracôtiers. | Crucial | MPO, gouvernement provincial | Menée à bien, mais en cours |
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Mener une étude d'impact sur l'environnement pour tous les projets d'exploration pétrolière et gazière et d'aménagement dans le golfe du Saint-Laurent. | Crucial | Office national de l'énergie (ONE), MPO, CNLOBP ECCC |
Menée à bien, mais en cours |
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Poursuivre et améliorer le programme de surveillance des carcasses, en mettant l'accent sur la détermination des causes de la mort | Améliorer la fiabilité et l'accessibilité de la base de données du programme de surveillance des carcasses (depuis 1983) et améliorer les méthodes de traitement et d'intégration des données. | Crucial | MPO, RQUMM, milieu universitaire | Partiellement menée à bien |
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Publier périodiquement les résultats. | Crucial | MPO, milieu universitaire | Menée à bien, mais en cours |
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Déterminer les mesures de gestion à prendre pour réduire les sources de mortalité sur la base des études portant sur les causes de la mortalité. | Crucial | MPO, ECCC, APC | Partiellement menée à bien |
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Préparer des plans d'urgence pour le béluga en cas de déversements, de proliférations d'algues nuisibles et de maladies épizootiques | Préparer ou mettre à jour des plans d'urgence pour l'estuaire du Saint-Laurent. | En cours | MPO, ECCC | Partiellement menée à bien |
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Réduire l'impact des collisions avec les navires et de l'empêtrement dans les engins de pêche | Mettre au point des outils qui permettent de détecter et de prévenir les collisions et les empêtrements | Nécessaire | MPO, APC | Partiellement menée à bien |
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Assurer la poursuite du fonctionnement du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins. | Nécessaire | MPO, RQUMM | Menée à bien, mais en cours |
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Veiller à la surveillance des incidents touchant le béluga (collisions, blessures, prises accessoires, harcèlement). | Nécessaire | MPO, APC | Menée à bien, mais en cours |
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Informer les navigateurs (de tous les types de bateaux) du règlement et des répercussions des rejets de polluants et les sensibiliser | Mener une campagne de sensibilisation et d'éducation sur le règlement relatif aux rejets de polluants. | Avantageux | État inconnu |
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Surveiller le nombre d'incidents (déversements de produits toxiques). | Avantageux | État inconnu |
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Détecter et prévenir les déversements, les proliférations d'algues et les maladies épizootiques | Mettre au point des outils qui permettent de détecter et de prévenir les déversements, les proliférations d'algues et les maladies épizootiques. | Avantageux | ECCC, MPO | Partiellement menée à bien |
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Réduire les collisions avec les navires, en particulier les bateaux de tourisme et les embarcations de plaisance | Mener des campagnes de sensibilisation qui ciblent les capitaines des bateaux de tourisme et des embarcations de plaisance. | Avantageux | MPO, APC | Menée à bien, mais en cours |
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Examiner les autres obstacles potentiels au rétablissement | Si l'on relève de nouvelles menaces, lancer des recherches supplémentaires et mettre en place des stratégies de gestion pour en réduire les répercussions. | Avantageux | Menée à bien et en cours |
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Objectif 5. Protéger l'habitat du béluga dans toute son aire de répartition
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) |
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Mieux comprendre la répartition saisonnière et les habitats potentiels du béluga | Déterminer les zones d'utilisation intensive par le béluga selon les saisons, y compris les caractéristiques qui les rendent propices au béluga et les fonctions vitales qu'elles soutiennent, et désigner de nouveaux habitats potentiels, si l'aire de répartition s'élargit et si des menaces pèsent sur ces habitats. | Crucial | MPO, milieu universitaire, ONGE | Partiellement menée à bien |
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Protéger l'habitat du béluga au moyen de divers outils législatifs | Créer des aires marines protégées sur le territoire ccupé par le béluga, comme le projet de zone de protection marine de l'ESL et la réserve aquatique de Manicouagan. | Crucial | MPO, gouvernement provincial | Partiellement menée à bien |
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Promulguer un règlement de zonage dans le PMSSL afin de protéger les zones d'utilisation intensive. | Crucial | APC | Partiellement menée à bien |
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Étudier la faisabilité de l'élargissement des limites du PMSSL, conformément au plan de gestion du parc marin (APC et MDDEP 2010), afin d'inclure une partie plus importante de la zone d'estivage du béluga. | Crucial | APC | Partiellement menée à bien |
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6. Assurer un suivi régulier de la population de béluga de l'estuaire du Saint-Laurent
Stratégie générale | Mesures de rétablissement | Priorité | Collaborateurs à la réalisation | État de la mesure de rétablissement | Réalisations depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (2005) |
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Suivre la population de béluga du Saint-Laurent | Continuer à mener des relevés de la population au moins tous les trois ans. | Crucial | MPO | Menée à bien, mais en cours |
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Surveiller les taux de recrutement des juvéniles et les causes de mortalité des juvéniles. | Crucial | MPO, milieu universitaire | Menée à bien, mais en cours |
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Poursuivre le programme de surveillance de la population (répartition, taille, dynamique, organisation sociale et génétique). | Crucial | MPO, milieu universitaire, ONGE | Menée à bien, mais en cours |
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6. Efficacité des mesures de rétablissement et modifications ou ajouts recommandés
Les sections ci-après décrivent en termes généraux les mesures de rétablissement qui ont été mises en œuvre pour réduire chacune des menaces relevées, ainsi que tous les renseignements disponibles sur les paramètres démographiques ou la santé de la population qui illustrent l'efficacité de ces mesures. Comme il est difficile d'évaluer l'efficacité des différentes mesures de rétablissement et leurs répercussions sur la population, on examine collectivement toutes les mesures de rétablissement visant à atténuer une menace donnée afin de déterminer si elles sont parvenues à réduire la menace.
Les mesures de rétablissement énumérées dans le cadre de l'objectif 6 du programme de rétablissement ne réduisent pas directement les menaces qui pèsent sur le béluga de l'ESL. Toutefois, les programmes de surveillance qui relèvent de cet objectif sont importants pour orienter les mesures d'atténuation fondées sur les menaces. L'efficacité des mesures de rétablissement mises en œuvre pour réduire plus directement ou pour atténuer les menaces repose souvent sur les renseignements obtenus dans le cadre de ces mesures non fondées sur les menaces. En outre, les connaissances acquises grâce aux mesures prévues dans le cadre de l'objectif 6 peuvent servir à éclairer l'élaboration de nouvelles mesures de rétablissement visant à réduire les répercussions des menaces. Comme cet objectif n'est pas fondé sur les menaces et qu'il n'est pas directement lié au rétablissement, il est impossible d'en mesurer l'efficacité; toutefois, les sections ci-après traitent de son importance pour l'évaluation du rétablissement et de l'efficacité des autres mesures de rétablissement.
6.1 Évaluation générale de l'efficacité des mesures de rétablissement
Le déclin (1 % par année) de la taille de la population de béluga de l'ESL documenté au cours des quinze dernières années après une période de stabilité relative (Mosnier et al. 2015), ainsi que l'absence apparente d'expansion de la répartition du béluga (Mosnier et al. 2010; Gosselin et al. sous presse), indiquent que les objectifs de rétablissement sur le plan de la taille de la population et de l'aire de répartition n'ont pas été atteints. Ces deux facteurs montrent également que, même si les mesures de rétablissement menées à bien ont permis de stabiliser la population avant 2000, elles ne lui ont pas permis de croître au taux de croissance ciblé de 2 % et n'ont pas suffi pour enrayer son déclin.
On a récemment effectué une analyse de viabilité de la population (AVP) du béluga de l'ESL, qui suppose un climat chaud et divers niveaux de ce que l'on considère désormais comme les trois principales menaces pour la population (c.-à-d. bruit/dérangement, contaminants organochlorés persistants et disponibilité des proies réduite) [Williams et al. sous presse]. L'analyse conclut que la population de béluga de l'ESL n'atteindra probablement pas le but de rétablissement de 7 070 individus d'ici à 2100, même dans les scénarios de gestion de ces menaces les plus optimistes. Même si l'on ne sait pas exactement dans quelle mesure relative les trois menaces examinées dans le modèle empêchent le rétablissement de la population, les fortes anomalies négatives observées depuis 2010 sur le plan de l'étendue et de la durée des glaces de mer et des températures de l'eau, si elles persistent, ressortent comme des facteurs qui pourraient réduire la capacité du béluga de l'ESL (ou sa résilience) à composer avec les trois autres menaces (Williams et al. sous presse).
Étant donné les renseignements ci-dessus, il est évident que, collectivement, les mesures de rétablissement énoncées dans le programme de rétablissement menées à bien jusqu'à présent n'ont pas permis d'atteindre les objectifs de rétablissement, et que la tendance actuelle de la population ne montre pas non plus de progrès vers le rétablissement. La section suivante évalue les progrès accomplis dans la réduction des menaces qui empêchent le rétablissement du béluga.
6.2 Efficacité des mesures de rétablissement fondées sur les menaces et améliorations recommandées
6.2.1 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 1. Réduire les contaminants dans le béluga, ses proies et son habitat
Les mesures de rétablissement qui relèvent du premier objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par les contaminants. Le béluga de l'ESL est exposé à divers composés chimiques toxiques, principalement par l'intermédiaire de son alimentation, mais également dans l'environnement (sédiments, eau, air). Certains polluants existent depuis longtemps dans l'environnement du béluga et ont été réglementés bien avant l'apparition de préoccupations concernant leur incidence potentielle sur la santé du béluga (p. ex., BPC, DDT, HAP). D'autres composés chimiques toxiques ont été introduits dans l'environnement plus récemment (p. ex., le dichloroéthane polybromé ou les EDP) et ont été réglementés après 2005 (c.-à-d. après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP), mais pas nécessairement à la suite des mesures de rétablissement énoncées dans le programme de rétablissement du béluga. D'autres (p. ex., autres produits ignifuges) sont nouveaux et ne sont pas réglementés.
La surveillance des concentrations de composés organochlorés persistants (p. ex., DDT, BPC, mirex, dioxines, furanes) et de certains métaux (p. ex., le mercure) dans le béluga de l'ESL et les études sur leurs effets potentiels ont commencé au début des années 1980, c'est-à-dire avant l'inscription de la population en vertu de la LEP (p. ex., Martineau et al. 1987; Muir et al. 1996a; 1996b; MPO 2012 pour examen). Ces études ont établi que le béluga de l'ESL compte parmi les populations marines les plus contaminées de la planète, ce qui a soulevé des préoccupations au sujet de sa santé. On s'inquiétait également de la présence d'une certaine classe de contaminants (les hydrocarbures polyaromatiques, ou HAP) provenant des alumineries dans le béluga de l'ESL; on pensait que les HAP étaient responsables des taux élevés de cancer documentés dans la population (Martineau et al. 2002).
On a proposé plusieurs mesures de rétablissement qui visaient principalement à renforcer les efforts de réduction des concentrations de contaminants dans le béluga, ses proies et son habitat et à en comprendre les séquences des effets (tableau 2). Les recherches concernant les effets physiologiques des contaminants sur le béluga de l'ESL sont limitées depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP. Les études qui permettent de mieux comprendre les effets des contaminants sur la santé portent principalement sur d'autres populations de bélugas de l'Arctique et d'autres espèces de mammifères marins.
Après 2005, on a mis en place des mesures réglementaires pour réduire les rejets de plusieurs composés chimiques toxiques, même si un certain nombre de composés chimiques étaient déjà réglementés avant cela (tableau 2). Le repérage et le classement par ordre de priorité des sites aquatiques et terrestres contaminés ont eu lieu bien avant l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (en 1998), et divers sites sont depuis lors le théâtre d'initiatives de décontamination dans la région des Grands Lacs (voir le tableau 2).
6.2.1.1 Efficacité des mesures
Comme le béluga est exposé à divers polluants dont la date d'introduction, l'abondance et la persistance dans l'environnement sont historiquement différentes et qu'ils n'ont pas tous fait l'objet des mêmes mesures réglementaires, il est difficile d'évaluer si la menace des contaminants, dans son ensemble, a diminué pour le béluga.
Le béluga vit longtemps, et plusieurs contaminants sont persistants et volatils. Par conséquent, on s'attendait à ce qu'il faille plusieurs années pour que les changements des concentrations de contaminants dans les proies du béluga ou dans l'environnement se traduisent par des changements significatifs dans la charge de contaminants et la santé du béluga. Dans l'ensemble, certains signes indiquent que les mesures entreprises au cours des dernières décennies ont amélioré la qualité de l'habitat et des proies du béluga de l'ESL en ce qui concerne quelques contaminants. Ces améliorations ont eu des effets en cascade pour le béluga. Les concentrations de plusieurs composés organochlorés persistants désormais réglementés, comme le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les biphényles polychlorés (BPC) ou le mirex, restent élevées dans le béluga de l'ESL, mais ont cessé d'augmenter. Certains de ces composés ont commencé à afficher des tendances à la baisse, en particulier chez les femelles reproductrices, qui peuvent se décharger d'une partie de leur charge de contaminants sur leur baleineau nouveau-né (Gouteux et al. 2003; Lebeuf et al. 2007; 2012; 2014).
En revanche, les produits ignifuges hautement toxiques, comme l'éther diphénylique polybromé (EDP), pour lesquels la mise en œuvre de la réglementation est récente, ont augmenté exponentiellement dans les tissus du béluga au cours des années 1990. Depuis, les concentrations se sont stabilisées ou ont continué à augmenter, mais à un taux plus lent (Lebeuf et al. 2014; Simond et al. sous presse). D'autres contaminants nouveaux et actuellement non réglementés restent non quantifiés dans les tissus du béluga, étant donné les efforts de recherche actuellement limités portant sur les contaminants et le béluga de l'ESL (mais voir Simond et al. sous presse).
Quelques indications semblent laisser entendre que, pour certaines classes de contaminants, les mesures de rétablissement menées à bien jusqu'à ce jour ont eu des effets positifs sur l'habitat du béluga et des effets en cascade sur la santé du béluga. La diminution apparente de l'incidence du cancer chez les bélugas nés après le brusque déclin des concentrations d'HAP dans les sédiments de surface de leur zone d'estivage en est un exemple notable (Lair et al. 2016). Il est également possible que la diminution du cancer soit liée aux réductions des BPC, qui agissent indirectement sur les concentrations d'HAP en modifiant leur dégradation en métabolites cancérogènes (Lair et al. 2016). Il est impossible de déterminer la contribution précise des diverses mesures de gestion entreprises (p. ex., réglementation de certains contaminants par rapport à l'assainissement des sites contaminés) dans l'amélioration générale de la santé et de la contamination du béluga.
Ces résultats sont encourageants et indiquent que les mesures entreprises dans les Grands Lacs ou d'autres secteurs en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga de l'ESL sont parvenues dans une certaine mesure à réduire l'apport global de contaminants dans l'environnement du béluga de l'ESL sur une période de quelques décennies. Toutefois, les concentrations des contaminants réglementés restent élevées dans le béluga, même si certaines se sont stabilisées ou ont décliné dans ses tissus. D'autres contaminants, comme les EDP, continuent à augmenter, ce qui indique que les mesures actuelles ne suffisent pas à réduire cette menace.
6.2.1.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires
Les EDP et les autres produits ignifuges hautement toxiques sont actuellement une grande source d'inquiétude, car on les soupçonne de jouer un rôle dans le manque de rétablissement du béluga et dans l'aggravation de sa situation. Depuis 2008, on trouve un nombre anormalement élevé de baleineaux nouveau-nés morts dans l'ESL (Lesage et al. 2014b), une tendance qui s'accompagne depuis 2010 d'un nouveau phénomène de signalements réguliers de complications périnatales chez les femelles adultes mortes (Lair et al. 2016). L'interférence des EDP avec l'activité normale de la thyroïde a le potentiel de provoquer de tels effets ou de rendre les nouveau-nés moins aptes à la survie (Lair et al. 2016).
À la lumière des réalisations obtenues grâce aux mesures de rétablissement menées à bien et de ces récentes constatations, les mesures de rétablissement visant à réduire la menace des contaminants devraient avoir pour principal objectif de réduire les rejets et le transport de composés chimiques toxiques dans l'habitat du béluga. Les mesures doivent comprendre des règlements supplémentaires, une application pleine et entière ou un élargissement des règlements existants (voir le tableau 2 pour consulter les différents règlements en question), une mise en application adéquate, ainsi que la décontamination des sites aquatiques et terrestres (tableau 3). Les EDP et les produits ignifuges nouveaux doivent faire l'objet d'une attention particulière, étant donné leur haute toxicité et le rôle qu'ils pourraient jouer dans l'augmentation actuelle de la mortalité des femelles adultes et des baleineaux. Il est important de noter que les améliorations découlant de la mise en œuvre de toute mesure visant à réduire la menace des contaminants ne deviendront évidentes qu'à long terme (c.-à-d. > 10 ans), en raison de la nature de la menace.
6.2.1.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées
Étant donné la diversité importante et changeante des composés chimiques toxiques dans l'environnement, il faut examiner les renseignements disponibles sur les charges de contaminants chez le béluga, les seuils de toxicité et les effets attendus sur la santé afin d'axer les mesures réglementaires sur les composés chimiques toxiques prioritaires.
Il existe une série chronologique sur l'incidence du cancer, les problèmes périnatals et les concentrations de plusieurs composés organochlorés toxiques chez le béluga; il se peut qu'il existe une série chronologique pour les espèces sentinelles et l'habitat, mais il n'a pas été possible de le déterminer dans le délai imparti pour l'achèvement du présent examen. Les séries chronologiques existantes se sont révélées des indicateurs utiles de l'efficacité des mesures prises pour réduire l'exposition du béluga aux composés chimiques toxiques. De ce fait, il faut poursuivre la surveillance de ces aspects. Il faudrait également prévoir une série chronologique pour surveiller les concentrations et les tendances des produits ignifuges nouveaux et des autres composés chimiques toxiques chez le béluga et dans son habitat, ce qui contribuera à évaluer l'efficacité des mesures de rétablissement recommandées concernant ces contaminants (p. ex., les règlements). Une telle série chronologique peut au besoin orienter l'adaptation ou recadrer les mesures de gestion au fil du temps.
Tableau 3. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de réduire les concentrations des contaminants chez le béluga et ses proies et dans son habitat, et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Le rang de mise en œuvre de la mesure dépend de l’ampleur de la portée de la mesure ou des avantages pour la population du point de vue de la réduction de la menace, ainsi que de l’incidence directe ou indirecte de la mesure sur la réduction de la menace. Le moment de la mise en œuvre peut être « immédiat » (dans l’année qui vient), « à court terme » (dans 1 à 5 ans), « à moyen terme » (dans 5 à 10 ans) ou « à long terme » (10 ans ou plus) et représente l’horizon d’acquisition des renseignements scientifiques nécessaires pour mettre la mesure en œuvre et pour que les effets de la mise en œuvre deviennent évidents, sous la forme soit d’une réduction du niveau de la menace, soit des avantages pour la population. On donne un rang de 1 aux mesures qui réduisent directement la plupart des effets d’une menace et un rang de 2 aux mesures dont la portée est large, mais qui ont des effets indirects sur la menace. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.
Mesures de rétablissement | Efficacité prévue | Moment prévu | Rang | ||
---|---|---|---|---|---|
Portée | Impact | Lancement de la mise en œuvre | Améliorations | ||
Mesures fondées sur la gestion | |||||
Continuer à réduire les rejets de composés chimiques toxiques à la source grâce à de nouveaux règlements ou à l'élargissement des règlements existants | Grande | Direct | Court terme | Long terme | 1 |
Poursuivre les efforts de réduction de la pollution dans le système des Grands Lacs et dans d'autres zones situées en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga, grâce à des initiatives interprovinciales, nationales et internationales (en particulier avec les gouvernements des États-Unis et de l'Ontario) | Grande | Direct | Court terme | Long terme | 1 |
Veiller à l'application adéquate des règlements existants concernant les rejets de composés chimiques toxiques au Canada (voir le tableau 2, qui contient la liste des règlements pertinents) | Grande | Direct | Immédiat | Long terme | 1 |
Réduire le nombre et l'ampleur des rejets accidentels et illégaux de polluants | Grande | Indirect | Court terme | Long terme | 2 |
Déterminer les zones extérieures à l'habitat du béluga où le dépôt, le rejet ou l'immersion de substances chimiques peuvent finir par détériorer la qualité de l'habitat du béluga, et interdire le dépôt, le rejet ou l'immersion de substances chimiques dans ces zones | Petite | Direct | Court terme | Long terme | 2 |
Poursuivre l'assainissement des sites aquatiques et terrestres contaminés prioritaires désignés pour le béluga | Petite | Direct | Court terme | Long terme | 2 |
Informer les intervenants (municipalités, comité ZIP, etc.) des préoccupations liées aux apports de polluants provenant des activités agricoles et autres, du traitement des eaux usées, des installations de stockage de déchets, des décharges, etc. | Grande | Indirect | Court terme | Long terme | 2 |
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | |||||
Selon un examen scientifique des charges de contamination du béluga, des seuils de toxicité (lorsqu'ils sont connus) et des effets physiologiques attendus pour chaque groupe de composés chimiques, déterminer ceux qui sont les plus susceptibles d'entraîner des effets sur la santé du béluga afin d'orienter les mesures réglementaires et d'en établir l'ordre de priorité | Immédiat | ||||
Surveiller les indicateurs de réduction des contaminants à haut risque chez le béluga (incidence du cancer, charges) en maintenant le programme de surveillance et d'échantillonnage des carcasses | Immédiat | ||||
Surveiller le nombre et la taille des rejets accidentels et illégaux dans le système du Saint-Laurent | Court terme | ||||
Établir des indicateurs de rendement pour la réduction des contaminants à haut risque dans l'habitat du béluga, et assurer une surveillance à l'échelle et à la fréquence appropriées (à définir) | Immédiat | ||||
Mieux comprendre les seuils de toxicité, les séquences des effets et les impacts des principaux contaminants sur le béluga et les autres espèces sentinelles. Ces renseignements permettront de déterminer à quelle concentration les différentes classes de contaminants représentent une menace ou ne sont plus une menace pour le béluga, et pourraient orienter la gestion adaptative et les règlements | Long terme |
6.2.2 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 2. Réduire le dérangement d'origine anthropique
Les mesures de rétablissement qui relèvent du deuxième objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par le dérangement d'origine anthropique. Diverses activités d'origine anthropique peuvent perturber les activités normales du béluga de l'ESL, soit en masquant d'importants signaux acoustiques, soit en provoquant des réactions comportementales ou des réponses au stress (Clark 2009). Ces activités comprennent essentiellement la circulation maritime, l'exploitation des traversiers, l'observation des baleines, la navigation de plaisance (motorisée ou non), les activités de recherche et les projets d'aménagement marin. La circulation maritime a lieu dans l'ESL depuis plus d'un siècle, mais l'observation des baleines et d'autres activités sont plus récentes. De même, les séries chronologiques qui évaluent les tendances de ces activités sont limitées à une ou deux décennies seulement, et celles qui en étudient les répercussions à quelques années (p. ex., niveaux de bruit) [voir l'annexe 1].
L'atténuation des effets de la perturbation et du bruit est un phénomène relativement nouveau; les premières études, menées dans l'Arctique, datent des années 1970. Par conséquent, très peu de mesures ont été entreprises pour atténuer cette menace avant la publication du premier plan de rétablissement du béluga de l'ESL en 1995, et plusieurs autres mesures ont été mises en œuvre après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005. Certaines de ces mesures visaient à mieux définir les niveaux auxquels des effets significatifs peuvent se produire, alors que d'autres avaient pour objet de réduire les perturbations physiques du béluga ou les niveaux de bruit dans son habitat (tableau 2).
6.2.2.1 Efficacité des mesures
Les recherches menées sous l'égide du programme de rétablissement ont permis de mieux comprendre les caractéristiques et la composition de la flotte de navires et les navires les plus susceptibles de perturber le comportement normal du béluga de l'ESL. L'existence de ce potentiel de perturbation découle soit des émissions sonores des navires (p. ex., porte-conteneurs), du nombre de passages qu'ils représentent (p. ex., les traversiers), de leur emplacement (chevauchement avec d'importants habitats des femelles et des baleineaux), soit de leur chevauchement acoustique avec l'écholocalisation ou les bandes de fréquences des communications du béluga (p. ex., navires d'observation des baleines) [McQuinn et al. 2011; Gervaise et al. 2012; Simard et al. 2014; 2016]. Les études d'impact indiquent que la circulation des navires marchands expose une proportion importante de la population de béluga de l'ESL à des niveaux de bruit susceptibles de provoquer des réactions négatives de nombreuses fois par jour, la vaste majorité des animaux exposés étant des femelles accompagnées de baleineaux ou de juvéniles (Lesage et al. 2014b). Les études indiquent également que les traversiers et les autres grands navires peuvent réduire l'habitat acoustique du béluga à une fraction de l'habitat qu'il devrait occuper dans des conditions naturelles (Gervaise et al. 2012), et que les zones les plus bruyantes se situent le long de la rive nord et à l'embouchure de la rivière Saguenay, tandis que les zones les plus silencieuses se trouvent le long de la rive sud et dans le moyen estuaire (McQuinn et al. 2011; Lesage et al. 2014a; Roy et Simard 2016).
Plusieurs des mesures de rétablissement mises en œuvre ont probablement accru la sensibilisation à l'état de conservation du béluga de l'ESL ou ont contribué à limiter les perturbations ou les émissions sonores dans l'habitat du béluga. Toutefois, on ne dispose d'aucun indicateur pour évaluer les changements des niveaux de bruit sous-marin, la conformité aux règlements ou la mesure dans laquelle les projets d'aménagement qui devaient mettre en œuvre des mesures d'atténuation du bruit se sont conformés à cette exigence depuis l'inscription de l'espèce. Par conséquent, il est impossible d'évaluer en termes quantitatifs l'efficacité des mesures de rétablissement visant à réduire les aspects sonores de la menace posée par les perturbations.
Un examen de l'évolution du trafic maritime et des interactions avec le béluga de l'ESL indique qu'il est possible de faire davantage pour réduire l'exposition du béluga aux activités d'observation des baleines, qui contribuent aux aspects sonores et physiques de la menace posée par les perturbations. Les bélugas sont ciblés par un petit pourcentage des activités d'observation des baleines dans le bas estuaire du Saint-Laurent, mais il est possible que ce pourcentage ait légèrement augmenté ces dernières années. Dans le moyen estuaire, une zone presque exclusivement utilisée par les femelles accompagnées de baleineaux et de juvéniles, les activités d'observation des baleines sont limitées, mais principalement ou exclusivement axées sur le béluga (Ménard et al. 2014; Martins 2016).
Dans l'ensemble, rien n'indique actuellement que les interactions du béluga avec les navires ou le volume de la circulation (navires marchands, bateaux de plaisance, bateaux d'observation des baleines) dans son habitat, un indicateur approximatif des niveaux de bruit sous-marin et du niveau de perturbation, aient diminué depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005. Par conséquent, nous considérons que les mesures de rétablissement mises en œuvre jusqu'à ce jour ne sont collectivement pas parvenues à réduire la menace du bruit sous-marin et le dérangement physique.
6.2.2.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires
On a signalé un nombre anormalement élevé de jeunes bélugas morts en 2010 et en 2012 (Lesage et al. 2014b). Ces anomalies coïncidaient avec les périodes de pointe des activités de navigation de plaisance à la marina de Tadoussac, à des cooccurrences plus élevées que d'habitude entre les bélugas et les bateaux dans le fjord du Saguenay et à de bonnes conditions météorologiques en juillet et en août dans l'habitat essentiel du béluga de l'ESL (Ménard et al. 2014). Ces résultats ont soulevé des préoccupations au sujet d'un lien possible entre le dérangement d'origine anthropique pendant la période de vêlage et l'augmentation de la mortalité périnatale des baleineaux et des femelles signalée au cours de ces années.
En vertu de la nouvelle Stratégie maritime du Québec et d'autres initiatives récentes ou proposées de développement économique à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitat du béluga de l'ESL, le nombre de passages de navires marchands dans l'habitat du béluga devrait augmenter. Ces nouvelles activités pourraient accroître la circulation dans des zones situées en dehors de la voie de navigation principale, qui sont à l'heure actuelle relativement silencieuses et exposées à un léger trafic maritime seulement. Cette augmentation de l'activité est préoccupante, car elle pourrait entraîner une diminution générale de l'étendue de l'habitat silencieux à la disposition du béluga.
On pourrait entreprendre assez rapidement plusieurs mesures de rétablissement qui entraîneraient des réductions immédiates de l'exposition du béluga au bruit et aux interactions avec les navires et qui contribueraient à atténuer les répercussions des futurs développements. La détermination et la protection des zones de l'ESL qui sont actuellement à la fois relativement silencieuses et importantes pour le béluga de l'ESL pourraient entraîner la création de refuges acoustiques ou de « sites d'opportunité », permettant de réaliser à l'avenir d'importants gains en matière de conservation (Williams et al. 2015). Dans les limites du PMSSL, un examen du plan de zonage visant à mettre en œuvre des zones d'exclusion pourrait renforcer la protection des habitats importants contre le bruit et les perturbations physiques. À court terme, on peut également examiner l'emplacement des routes de navigation par rapport à l'habitat important du béluga, ce qui pourrait révéler les zones où des ajustements mineurs permettraient d'obtenir des gains considérables sur le plan de la qualité acoustique de l'habitat ou de la réduction de l'exposition du béluga au bruit. Le remplacement des traversiers bruyants à utilisation intensive, comme celui de la baie Sainte-Catherine/Tadoussac, par une infrastructure routière ou par des traversiers plus silencieux réduirait considérablement les niveaux de bruit dans une partie importante de l'habitat du béluga.
Il faut également prendre des mesures pour sensibiliser les utilisateurs aux mesures réglementaires et volontaires et augmenter leur conformité à cet égard. Des mesures fondées sur les recherches menant à une meilleure caractérisation de la flotte (navires marchands et bateaux d'observation des baleines) contribueraient à cibler les efforts sur les navires les plus problématiques.
À l'heure actuelle, les répercussions des nouveaux projets d'aménagement, y compris la circulation des navires qui y est associée, sont évaluées au cas par cas, sans tenir compte des impacts qu'ils pourraient produire au-delà de la proximité immédiate de l'emplacement du projet ou des impacts d'autres projets ou activités autorisés dans la même région. Un examen stratégique (ou programmatique) de toutes les activités et de tous les projets d'aménagement qui contribuent au bruit et à la circulation des navires dans l'ESL s'impose, car il fournira le cadre dans lequel établir les objectifs de gestion (p. ex., sur le plan des niveaux de bruit ou du volume de la circulation à ne pas dépasser), améliorera la planification spatiale et évaluera et gérera les effets cumulatifs ou regroupés des activités économiques sur le béluga et son habitat (Wright et Kyhn 2014).
6.2.2.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées
Il n'existe pas d'indicateur d'efficacité pour les anciennes mesures de rétablissement ayant trait à cette menace. Il faudrait établir en priorité des indicateurs pour évaluer l'évolution des niveaux de bruit et de la circulation dans les principaux habitats du béluga, ainsi que le degré des interactions entre les utilisateurs de l'ESL et le béluga. Les recherches qui permettent de mieux comprendre comment les sources de bruit chroniques nuisent à la santé et au comportement du béluga pourraient contribuer à mieux cibler les mesures de rétablissement et à orienter les objectifs de gestion relatifs aux niveaux de bruit et de circulation.
Tableau 4. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de réduire le bruit et le dérangement d’origine anthropique et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.
Mesures de rétablissement | Efficacité prévue | Moment prévu | Rang | ||
---|---|---|---|---|---|
Portée | Impact | Lancement de la mise en œuvre | Améliorations | ||
Mesures fondées sur la gestion | |||||
Identifierr des zones de refuge acoustique possibles et prendre des mesures pour les créer | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Augmenter la distance entre les voies de navigation et les zones importantes pour le béluga de l'ESL (p. ex., déplacer la voie de navigation, station pilote) | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Augmenter la distance entre les embarcations de plaisance et les navires d'observation des baleines en révisant le plan de zonage du PMSSL et en mettant en œuvre des zones d'exclusion | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Réduire l'empreinte acoustique des navires qui génèrent un grand volume de circulation dans l'habitat du béluga (p. ex., traversiers, navires marchands canadiens), ce que l'on pourrait accomplir en remplaçant une partie de la circulation des traversiers par une infrastructure routière ou en utilisant des technologies d'insonorisation dans les navires qui contribuent le plus à la circulation. | Grande | Direct | Moyen terme | Immédiat | 1 |
Renforcer l'application du Règlement sur le PMSSL et du Règlement sur les mammifères marins à l'extérieur du PMSSL, en particulier dans les habitats importants du moyen estuaire | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Élargir la zone d'interdiction de navigation de 400 m pour l'observation du béluga dans le PMSSL aux zones situées au-delà du PMSSL | Grande | Direct | Immédiat | Immédiat | 1 |
Élaborer et promouvoir des mesures incitatives visant à réduire les émissions sonores des navires et éliminer les navires les plus bruyants | Grande | Direct | Moyen terme | Immédiat | 1 |
Rendre l'atténuation du bruit et la surveillance des effets de l'atténuation obligatoires pour les projets d'aménagement marin susceptibles de toucher l'habitat du béluga | Petite | Direct | Immédiat | Immédiat | 2 |
Effectuer un examen stratégique de toutes les activités et de tous les projets d'aménagement qui ont contribué ou pourraient contribuer au bruit et à la circulation des navires dans l'habitat du béluga, afin d'établir des objectifs de gestion et de pouvoir rendre compte des effets cumulatifs et des initiatives d'aménagement en cours et nouvelles qui se déroulent à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitat du béluga de l'ESL | Grande | Indirect | Court terme | Moyen terme | 2 |
Expliquer aux capitaines des navires marchands comment un changement de leur comportement peut entraîner des modifications de la qualité acoustique de l'habitat du béluga, en vue de les inciter à se conformer davantage à des mesures volontaires | Grande | Indirect | Court terme | Immédiat | 2 |
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | |||||
Élaborer des indicateurs de l'efficacité des mesures de rétablissement (existantes ou nouvelles) [p. ex., degré d'application, conformité aux mesures réglementaires ou volontaires, niveaux de bruit dans les principales zones, espace sonore du béluga) et les surveiller sur une échelle de temps appropriée (propre à la mesure de rétablissement) | Court terme | ||||
Terminer la caractérisation de la flotte afin de repérer les navires qui contribuent le plus à l'empreinte sonore, soit sur le plan du nombre de passages, soit sur celui du niveau sonore | Court terme | ||||
Examiner les innovations et les solutions techniques qui existent dans le monde entier et qui pourraient s'appliquer aux navires marchands ou aux bateaux d'observation des baleines afin de réduire les émissions sonores, et évaluer leur faisabilité dans l'ESL | Immédiat | ||||
Mettre au point un cadre d'évaluation et de surveillance des effets cumulatifs du dérangement et du bruit associés à l'observation des baleines, à la navigation et à d'autres initiatives d'aménagement | Court terme | ||||
Mener des études afin de déterminer les effets à court et à long termes des formes chroniques de dérangement sur la santé et l'état du béluga | Court terme |
6.2.3 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 3. Veiller à ce que l'approvisionnement en nourriture soit adéquat et accessible
Les mesures de rétablissement qui relèvent du troisième objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par l'approvisionnement en nourriture inadéquat et inaccessible. L'efficacité des mesures de rétablissement ciblant cette menace dépend en fin de compte de la capacité à identifier les principales espèces proie du béluga de l'ESL. Même si l'on a mené une étude poussée sur l'alimentation dans les années 1930 (Vladykov 1946), l'utilité de ces renseignements reste limitée pour évaluer l'alimentation actuelle, puisqu'ils ont été obtenus sur un site que le béluga de l'ESL n'utilise plus. Les renseignements contemporains sur l'alimentation sont limités, car l'intestin des bélugas que l'on trouve morts de maladie est souvent vide. Toutefois, on a obtenu quelques perspectives sur l'alimentation de printemps et d'été du béluga à partir des efforts suivis d'échantillonnage d'intestins de béluga, ainsi que grâce à des méthodes indirectes qui font appel à divers traceurs chimiques, comme les isotopes stables, les acides gras et les contaminants (Nozères 2006; Lesage 2014; Lesage et al. 2017). Même si les données indiquent une alimentation diversifiée, elles laissent également entendre que la majeure partie de l'alimentation du béluga est composée d'une poignée seulement d'espèces proie, et que l'espère ciblée varie d'un mois, d'un endroit et d'une saison à l'autre. Les poissons de fond comme les espèces de morue, de sébaste, de merluche blanche et plusieurs espèces fourragères comme le capelan, le hareng et le lançon, ainsi que le poulamon et l'éperlan arc-en-ciel, sont probablement importants pour le béluga de l'ESL. Par conséquent, les mesures qui protègent ou augmentent directement ou indirectement l'abondance de ces espèces devraient profiter au béluga de l'ESL.
Des études récentes ont également mis en évidence un lien entre le déclin de la couverture de glace de mer et la température de l'eau et la diminution de la survie des jeunes bélugas (Williams et al. sous presse). Ces conditions de réchauffement ont pu toucher le béluga directement, mais plus probablement indirectement en ayant une incidence sur la répartition des proies et leur biomasse, et donc leur disponibilité pour les femelles adultes (p. ex., Buren et al. 2014).
C'est le MPO qui assure la gestion et la surveillance des populations de poissons et d'invertébrés qui pourraient être des proies du béluga; leur mise en œuvre, dont la date varie selon l'espèce, remonte bien avant la publication du plan de rétablissement (1995) ou du programme de rétablissement (2005). À l'heure actuelle, peu d'efforts visent à surveiller spécifiquement les stocks de poissons marins et d'invertébrés dans l'ESL, ce qui s'explique simplement par les faibles niveaux de pêche. Il existe des exceptions pour certaines espèces anadromes et diadromes, comme l'anguille d'Amérique, le poulamon et l'éperlan arc-en-ciel.
Les mesures de rétablissement proposées dans le programme de rétablissement avaient pour intention de renforcer la protection des sites de frai et d'élevage des proies et de limiter les prélèvements par les pêches ou d'autres activités susceptibles de nuire aux proies ou à leur habitat (tableau 2).
6.2.3.1 Efficacité des mesures
Les études scientifiques indiquent que certaines des proies à disposition du béluga sont produites localement, alors que d'autres sont importées du golfe du Saint-Laurent. Par conséquent, pour être efficaces, les mesures de rétablissement doivent cibler les proies dans les deux régions. Les mesures de rétablissement mises en place pour limiter les pêches commerciales ou protéger les poissons ou leur habitat dans l'ESL ont probablement été avantageuses pour le béluga, même s'il n'existe aucun indicateur quantitatif direct de l'efficacité de ces mesures sur le plan de l'amélioration de la disponibilité des proies pour le béluga. Dans le golfe du Saint-Laurent, le moratoire sur certaines espèces fourragères a contribué à atténuer dans une certaine mesure la menace liée à l'approvisionnement inadéquat en nourriture, puisqu'il a empêché la pêche de certaines espèces fourragères sur lesquelles le béluga exerce une prédation (p. ex., le lançon) ou desquelles les proies du béluga dépendent (p. ex., le krill et les copépodes). En 2009, une nouvelle politique intitulée « Politique sur la pêche des espèces fourragères » a été instaurée. Elle permet la pêche des poissons fourrages lorsque tous les objectifs de conservation prescrits par la directive sont atteints. Toutefois, on n'a proposé ou entrepris aucune nouvelle pêche de ce type depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ou depuis la mise en œuvre de la directive de 2009.
Les stocks de poisson de fond dans le golfe du Saint-Laurent se sont effondrés au début des années 1990, et certaines de ces espèces sont des proies du béluga (p. ex., la morue, le sébaste). Ces ressources jadis abondantes n'ont jamais été remplacées par des poissons pélagiques ou d'autres espèces, laissant l'écosystème en déficit général de biomasse (Plourde et al. 2014). Un moratoire sur la pêche de la morue franche est en vigueur depuis 2009 dans l'ESL et dans le sud du golfe du Saint-Laurent afin de permettre à la population de se rétablir; il est encore en place de nos jours. Toutefois, la taille du stock se trouve encore à une petite fraction des niveaux qui régnaient dans les années 1970 ou 1980. À l'échelle mondiale, plusieurs stocks de poisson de fond et plusieurs espèces fourragères qui pourraient être particulièrement importants pour le béluga (p. ex., le hareng de printemps de la division 4T) demeurent à des niveaux faibles. Nous en concluons donc que les mesures de rétablissement mises en œuvre depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ne sont pas parvenues à augmenter l'accès du béluga à des biomasses de proie adéquates. En fait, on a fait bien peu pour atténuer cette menace qui, jusqu'à récemment, était considérée comme une menace potentielle seulement.
6.2.3.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires
Le déclin de la population de béluga à la fin des années 1990 et la modification de la dynamique de la population ont coïncidé avec des changements intervenus dans plusieurs conditions environnementales, notamment une baisse de l'abondance des poissons démersaux et de certaines proies pélagiques (Plourde et al. 2014), ce qui laisse entendre que l'approvisionnement en nourriture est peut-être devenu limité et pourrait encore jouer un rôle dans le déclin actuel. Une analyse de viabilité de la population a indiqué que les mesures de gestion menant à une amélioration de la disponibilité des poissons démersaux et du hareng de printemps de la division 4T auraient des effets bénéfiques sur le taux de croissance de la population de béluga de l'ESL (Williams et al. sous presse). Par conséquent, les mesures de rétablissement qui agissent sur les niveaux des pêches actuelles et des nouvelles pêches ou qui protègent l'habitat des proies du béluga, y compris leur approvisionnement en nourriture (poissons fourrages et invertébrés), pourraient augmenter la disponibilité des proies pour le béluga (tableau 5). Par exemple, il existe actuellement une pêche du hareng de printemps de la division 4T, une proie qui pourrait être particulièrement importante pour le béluga de l'ESL au printemps et dont le stock s'est effondré aux alentours de l'an 2000 (Plourde et al. 2014). Ce stock se trouve actuellement dans la zone critique de l'approche de précaution du MPO; même si une réduction des captures commerciales est appliquée depuis 2000, un mauvais recrutement a limité le rétablissement de ce stock. D'autres réductions des niveaux de prises du hareng (ciblant principalement le hareng de printemps) pourraient contribuer au rétablissement de cette espèce fourragère clé à un état de bonne santé, ce qui serait avantageux pour le béluga.
6.2.3.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées
Il nous reste encore beaucoup à apprendre sur l'alimentation du béluga. Il faut achever les études en cours et utiliser des traceurs chimiques et le contenu de l'intestin pour que les mesures de rétablissement ciblent les espèces proie les plus importantes. On pourrait compléter ces études par des études sur le terrain portant sur la stratégie d'alimentation du béluga et l'utilisation de son habitat afin de mieux comprendre son alimentation au moyen des fonctions et des caractéristiques de l'habitat. Des méthodes fondées sur des modèles bioénergétiques pourraient estimer les besoins en énergie du béluga et l'approvisionnement en nourriture nécessaire pour soutenir la population et lui permettre de se rétablir.
Parallèlement, il faut élaborer des indicateurs de tendance propres aux espèces fourragères et aux autres proies du béluga. Étant donné le rôle potentiel du recul de la couverture de glace de mer et du réchauffement de la température dans l'explication des changements intervenus dans la répartition, la biomasse ou la qualité des proies, il faut maintenir des programmes de surveillance ciblant ces aspects physiques de l'environnement du béluga pour obtenir le contexte d'interprétation des changements de la dynamique de la population de béluga de l'ESL ou d'autres composantes biologiques de son écosystème.
Tableau 5. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin d’assurer un approvisionnement en nourriture adéquat et accessible pour le béluga et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.
Mesures de rétablissement | Efficacité prévue | Moment prévu | Rang | ||
---|---|---|---|---|---|
Portée | Impact | Lancement de la mise en œuvre | Améliorations | ||
Mesures fondées sur la gestion | |||||
Examiner les allocations de pêches et les modifier au besoin pour protéger et augmenter les stocks actuels des principales espèces proie et leur disponibilité pour le béluga | Grande | Direct | Court terme | Court terme | 1 |
Mettre en œuvre des mesures plus strictes ou une interdiction concernant certaines pêches ciblant les espèces fourragères (p. ex., le capelan, le hareng, le lançon) ou la nourriture dont dépendent les espèces fourragères (p. ex., le krill et les copépodes) dans le golfe du Saint-Laurent ou dans l'ESL, afin que toutes les espèces associées aux besoins en nourriture du béluga restent en bonne santé | Grande | Direct | Court terme | Court terme | 1 |
Reconnaître que l'origine des proies ne se limite peut-être pas à l'ESL; mettre systématiquement en œuvre des mesures pour protéger le béluga et son habitat lorsqu'on évalue les impacts environnementaux des projets côtiers et extracôtiers | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Renforcer la protection des sites de frai et d'élevage et des corridors de migration des principales espèces proie du béluga | Grande | Direct | Court terme | Court terme | 1 |
Tenir explicitement compte des besoins en nourriture du béluga lorsqu'on évalue de nouvelles pêches ou des pêches existantes dans le golfe du Saint-Laurent et l'ESL | Grande | Direct | Moyen terme | Immédiat | 1 |
Officialiser l'interdiction des chaluts de fond dans le moyen estuaire du Saint-Laurent afin de protéger l'habitat des proies du béluga | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | |||||
Achever les études sur l'alimentation et entreprendre des études sur les stratégies d'alimentation et les fonctions de l'habitat | Court terme | ||||
Élaborer des indicateurs de disponibilité des proies dans l'ESL et les surveiller périodiquement (à définir) | Court terme | ||||
Maintenir les programmes de surveillance de la couverture de glace de mer et de la température de l'eau de mer dans l'ESL et le golfe du Saint-Laurent | Immédiat |
6.2.4 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 4. Atténuer les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population
Les mesures de rétablissement qui relèvent du quatrième objectif de rétablissement visent à réduire les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population. Parmi ces autres menaces, les collisions avec les petits bateaux (autres que les navires marchands) et l'empêtrement dans les engins de pêche ont été responsables d'un petit nombre de morts. Sur un échantillon de 222 morts de bélugas documentées, on a attribué respectivement 8 (4 %) et 2 (1 %) morts aux collisions et à l'empêtrement (Lair et al. 2016). Le risque de collision augmente avec la vitesse et la manœuvrabilité; par conséquent, le risque est relativement plus élevé avec les petits bateaux qu'avec les grands navires. Le risque d'empêtrement est probablement associé aux filets maillants dans l'ESL, bien que le type d'engin en cause dans les morts documentées n'ait pas été confirmé (Lair et al. 2016). Les pêches dans l'ESL sont actuellement pratiquées à de très faibles niveaux; par conséquent, les incidents liés à des prises accessoires ou à des empêtrements de bélugas sont rares depuis quelque temps.
Le béluga fait également face à plusieurs menaces d'origine anthropique sporadiques, qui pourraient causer plusieurs morts en peu de temps, y compris les déversements de substances toxiques, les proliférations d'algues nuisibles et les maladies épizootiques (épidémie dans une population animale). Comme c'est le cas dans de nombreuses autres régions côtières tempérées, les proliférations de dinoflagellés nuisibles Alexandrium tamarense se produisent à intervalles réguliers dans l'ESL, trois marées rouges importantes ayant été documentées au cours des deux dernières décennies (Scarratt et al. 2014). On a associé cette algue à la mortalité du béluga de l'ESL et d'autres espèces marines en 2008 (Scarratt et al. 2014). L'eutrophisation (augmentation des nutriments qui favorisent la croissance des plantes qui absorbent de l'oxygène et entraînent la mort des poissons ou des mollusques), la variabilité du climat et les changements du régime de précipitations pourraient augmenter la fréquence et la gravité de ces événements (Van Dolah 2000; Anderson et al. 2012). Étant donné sa petite taille, la population de béluga de l'ESL pourrait être gravement touchée par un seul événement d'intoxication (Scarratt et al. 2014).
Très peu de déversements majeurs de produits toxiques se sont produits dans le Saint-Laurent et, jusqu'à ce jour, la plupart d'entre eux ont eu lieu dans un port (Villeneuve et Quilliam 1999). Toutefois, l'occurrence de fortes marées et de courants puissants, la couverture de glace saisonnière et le brouillard fréquent dans l'ESL et le golfe du Saint-Laurent augmentent le risque de déversement de produits toxiques. Le Saint-Laurent et le golfe du Saint-Laurent comptent parmi les zones désignées comme présentant la probabilité la plus élevée d'un déversement important (WSP Canada Inc. 2014). Comme la zone occupée par le béluga de l'ESL est limitée, un grand déversement de produits toxiques pourrait toucher simultanément un grand nombre d'individus et avoir des conséquences à long terme sur une grande proportion de l'aire de répartition (Peterson et al. 2003).
Les maladies épizootiques n'ont pas été documentées chez le béluga de l'ESL. Toutefois, on a signalé la présence chez le béluga de l'ESL de virus tels que le papillomavirus et le virus herpétique, qui sont les principales causes de ces événements épidémiques (De Guise et al. 1994; Lair et al. 2014). D'autres pathogènes, comme le virus de la maladie de Carré ou le morbillivirus des cétacés, posent un risque élevé pour le béluga de l'ESL, car la population n'a apparemment jamais été exposée à l'un ou à l'autre de ces pathogènes (Mikaelian et al. 1999; Nielsen et al. 2000). Le béluga pourrait être exposé par l'intermédiaire de l'expansion, suite aux changements climatiques, de l'aire de répartition des espèces de mammifères marins exotiques infectées à la ou par l'intermédiaire d'une contamination biologique provenant des eaux usées municipales, des eaux d'égout et de ballast et du ruissellement côtier rejeté dans l'écosystème du Saint-Laurent. La petite taille de la population de béluga, sa nature grégaire, un système immunitaire potentiellement affaibli par l'exposition chronique aux contaminants et une faible diversité génétique rendent la population de béluga de l'ESL vulnérable aux maladies épizootiques.
6.2.4.1 Efficacité des mesures
Il a fallu une série chronologique de près de trente ans pour qualifier le niveau de menace que représentent le risque de collision et l'empêtrement pour le béluga de l'ESL (Lair et al. 2016). Par conséquent, les mesures de rétablissement n'ont été mises en place que récemment pour réduire les risques de collision avec le béluga de l'ESL, qui représentent environ un individu tous les quatre ou cinq ans. Ces mesures visaient à réduire l'imprévisibilité du déplacement des navires pour le béluga, en réduisant leur vitesse et en évitant les brusques changements de cap. Même si ces mesures ont probablement été utiles, la série chronologique permettant de documenter les changements de ces risques est actuellement trop courte pour évaluer directement l'efficacité de cette mesure pour réduire le risque de collision.
On a entrepris très peu de mesures de rétablissement pour atténuer les menaces posées par la prolifération des algues toxiques, les maladies épizootiques, les déversements de produits toxiques et l'empêtrement dans les engins de pêche, ce qui s'explique peut-être par leur probabilité d'occurrence relativement plus faible que celle des autres menaces relevées pour la population. Toutefois, la prolifération d'algues nuisibles de 2008 montre que, lorsqu'ils se produisent, ces événements peuvent supprimer plusieurs individus dans une population.
Le MPO a mis en œuvre des examens systématiques des projets d'aménagement marin au cas par cas depuis la désignation de l'habitat essentiel afin d'évaluer leurs impacts sur le béluga et son habitat et d'intégrer des mesures d'atténuation, au besoin. Cet examen plus minutieux des projets individuels a probablement contribué à limiter la dégradation de l'habitat. Il convient de noter que cette mesure ne visait pas à améliorer l'habitat du béluga, mais à limiter toute poursuite de la dégradation; toutefois, ici encore, il n'existe aucun indicateur quantitatif de l'efficacité de cette mesure.
À l'heure actuelle, les données sont trop clairsemées pour que l'on puisse évaluer les tendances des proliférations d'algues nuisibles, des déversements de produits toxiques, des empêtrements ou des collisions depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP. Par conséquent, l'efficacité des mesures de rétablissement mises en œuvre pour atténuer ces menaces reste difficile à évaluer.
6.2.4.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires
Le nombre de pétroliers qui transitent par le Saint-Laurent en transportant des produits pétroliers et d'autres substances toxiques a commencé à augmenter en 2014, en raison du pétrole de l'Alberta déchargé du système ferroviaire au moyen des installations existantes à Sorel, au Québec; ce nombre devrait continuer à augmenter dans l'immédiat et à moyen terme (COSEPAC 2014). Par conséquent, il est probable que le risque de déversement accidentel ait également augmenté. Un plan d'urgence est en place pour l'ESL en cas de déversement accidentel de produits toxiques, mais aucune ligne directrice ne traite spécifiquement du béluga (gouvernement du Canada 2015) [tableau 6].
On a mis en place des limitations de vitesse et des codes de pratique à respecter en présence du béluga, mais il faut mieux les faire connaître. La promotion de ces mesures auprès des exploitants de bateaux d'excursion ou des propriétaires d'embarcations de plaisance grâce à l'application des règlements et à des campagnes de sensibilisation contribuerait à réduire le risque de collision, en plus de limiter les perturbations et le stress.
Il n'y a pas grand-chose à faire pour prévenir les épidémies de maladies épizootiques une fois qu'elles se sont déclarées. La réintroduction en milieu sauvage de mammifères marins réhabilités qui ont pu entrer en contact avec des pathogènes peut déclencher de tels événements. Il faut formaliser une directive sur la manière de traiter les mammifères marins malades et leur réhabilitation et réintroduction afin de s'assurer que la population de bélugas de l'ESL compte autant d'individus que possible tout en réduisant le risque de maladies épizootiques.
Les mesures visant à diminuer les apports anthropiques d'azote dans le milieu marin peuvent contribuer à réduire la probabilité des proliférations d'algues nuisibles.
6.2.4.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées
Le programme de surveillance des carcasses et les nécropsies systématiques du béluga de l'ESL ont permis de faire le suivi des incidents (p. ex., collisions, empêtrement, intoxication) et d'évaluer l'impact relatif de ces menaces sur le béluga de l'ESL. Le programme donne également l'occasion de détecter les éclosions de maladies épizootiques. Ces exemples illustrent l'utilité de la poursuite du programme de surveillance des carcasses; cependant, il est encore nécessaire d'établir des indicateurs afin d'assurer un suivi direct des tendances du niveau des menaces au fil du temps. Depuis 2012, le Système d'identification automatique (SIA), obligatoire pour les navires d'un certain tonnage, pourrait servir à établir une série chronologique des menaces posées par les grands navires; cependant, il n'existe aucune technologie similaire pour surveiller systématiquement la circulation des petits bateaux, y compris les petits bateaux d'observation des baleines et les bateaux d'excursion qui naviguent dans l'ESL. Il existe un programme de surveillance des proliférations d'algues nuisibles dans le bas estuaire du Saint-Laurent, même si la situation actuelle ne permet plus d'analyser en temps opportun les échantillons prélevés. Il faut rétablir pleinement le programme de surveillance des proliférations d'algues nuisibles dans l'ESL et inclure l'urée parmi les nutriments surveillés dans le bas estuaire du Saint-Laurent, ainsi qu'élargir ces deux programmes de surveillance au moyen estuaire. Ces programmes, en supposant qu'ils s'accompagnent d'un soutien permettant d'analyser en temps opportun les échantillons prélevés, permettraient d'évaluer les tendances de l'eutrophisation et la détection précoce des proliférations d'algues nuisibles, en tenant compte du fait qu'il peut être extrêmement difficile d'en éviter les effets sur le béluga. Ces programmes sont tout particulièrement nécessaires pour évaluer l'importance relative des menaces à l'avenir, étant donné le potentiel d'augmentation de la fréquence de ces événements due au changement climatique, et sont utiles pour comprendre les conditions environnementales favorables à de tels événements et, peut-être, les prédire.
On sait que les techniques qui permettent actuellement de récupérer le pétrole dans l'eau froide et dans les eaux couvertes de glaces sont inefficientes. Étant donné la prévalence de telles conditions environnementales dans le Saint-Laurent pendant plus de six mois, il est urgent de réaliser de nouvelles recherches visant à découvrir comment gérer les déversements accidentels de pétrole dans ces conditions environnementales.
Des indicateurs de conformité aux règlements dans le PMSSL ou à des mesures volontaires visant à réduire les risques de collision sont également nécessaires.
Tableau 6. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin d’atténuer les effets d’autres menaces sur le rétablissement de la population et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.
Mesures de rétablissement | Efficacité prévue | Moment prévu | Rang | ||
---|---|---|---|---|---|
Portée | Impact | Lancement de la mise en œuvre | Améliorations | ||
Mesures fondées sur la gestion | |||||
Réduire l'eutrophisation en mettant des règlements en œuvre pour diminuer les apports industriels, agricoles et atmosphériques d'azote, en particulier l'urée, un nutriment qui favorise les proliférations d'algues nuisibles dans le milieu marin | Grande | Indirect | Court terme | Moyen terme | 2 |
Réduire la probabilité des déversements de produits toxiques (p. ex., en réduisant la circulation des pétroliers, en améliorant la résistance de la coque des navires, les méthodes de manutention, etc.) | Grande | Direct | Moyen terme | Immédiat | 1 |
Intégrer des renseignements sur les risques de collision dans les campagnes de sensibilisation destinées aux capitaines de bateaux de tourisme et d'embarcations de plaisance, avec l'intention principale de réduire les perturbations (voir le tableau 4) | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Maintenir une capacité d'intervention en cas d'événements tels que les empêtrements, les déversements de produits toxiques, les maladies et les collisions en poursuivant l'exploitation du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins afin d'augmenter les chances de sauver les bélugas en détresse | Grande | Direct | Immédiat | Immédiat | 1 |
Élaborer et appliquer une directive officielle sur la réhabilitation des mammifères marins malades et leur réintroduction dans le milieu sauvage en tenant compte des risques de maladies épidémiques chez le béluga de l'ESL | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Mettre à jour le plan d'urgence environnementale pour l'ESL et y inclure des mesures spécifiques pour le béluga de l'ESL, et préciser les rôles et les responsabilités en cas de déversement accidentel de pétrole ou d'une autre substance toxique | Grande | Indirect | Court terme | Immédiat | 2 |
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | |||||
Poursuivre l'exploitation du programme de surveillance des carcasses afin de détecter les collisions et les empêtrements au fil du temps et fournir les échantillons nécessaires pour documenter les éventuelles maladies épidémiques, les proliférations d'algues toxiques et l'impact de ces divers agents de stress sur la population de béluga de l'ESL | Moyen terme | ||||
Élaborer des indicateurs visant à évaluer les tendances de la circulation des pétroliers, ainsi que la fréquence et l'étendue des incidents de déversement de produits toxiques | Court terme | ||||
Effectuer de nouvelles recherches pour augmenter l'efficience de la récupération du pétrole dans l'eau froide et dans les eaux couvertes de glaces | Moyen terme | ||||
Rétablir le programme de surveillance des algues toxiques dans l'ESL afin de maintenir la capacité de détection des proliférations d'algues nuisibles, et officialiser et soutenir le programme de surveillance des toxines chez le béluga de l'ESL | Immédiat | ||||
Inclure l'urée dans les nutriments surveillés dans le bas estuaire du Saint-Laurent, et établir un programme de surveillance des nutriments et des proliférations d'algues dans le moyen estuaire afin d'évaluer les tendances de l'eutrophisation et la probabilité des proliférations d'algues nuisibles | Immédiat | ||||
Élaborer des indicateurs de la conformité aux règlements dans le PMSSL afin de réduire les risques de collision | Immédiat |
6.2.5 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 5. Protéger l'habitat du béluga dans toute son aire de répartition
Les mesures de rétablissement qui relèvent du cinquième objectif de rétablissement ne visent pas à réduire une menace bien particulière, mais plutôt à combler des lacunes dans les données concernant la répartition du béluga et les zones d'utilisation intensive, y compris les fonctions qu'elles jouent, et à énumérer les mesures de protection générales du béluga de l'ESL dans tout son habitat.
6.2.5.1 Efficacité des mesures
Depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP, on a étendu les séries chronologiques des relevés photoaériens et des données de suivi des colonies de bélugas et on les a regroupées afin de désigner l'habitat important dans l'aire de répartition d'été du béluga de l'ESL (Lemieux-Lefebvre et al. 2012; Mosnier et al. 2016). Ces renseignements ont été intégrés dans une analyse documentaire et ont formé une grande partie de la base qui a servi à désigner l'habitat essentiel du béluga entre juin et octobre (MPO 2012). En dehors de cette période, les données restent relativement rares (voir Mosnier et al. 2010 aux fins d'examen), même si elles donnent à penser que certains bélugas passent l'automne et l'hiver dans le golfe du Saint-Laurent et que d'autres restent dans l'ESL.
Le gouvernement a annoncé qu'il a l'intention de protéger l'habitat essentiel du béluga dans la Partie I de la Gazette du Canada en mai 2016 (http://www.gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2016/2016-05-14/pdf/g1-15020.pdf). Une fois l'habitat essentiel protégé, toute activité ou entreprise susceptible d'en détruire une partie quelconque sera jugée illégale. Le MPO exerce actuellement ses activités dans l'esprit de cette future protection, en examinant systématiquement et minutieusement au cas par cas les projets d'aménagement marin ou les activités susceptibles de détruire l'habitat essentiel du béluga et en exigeant des mesures d'atténuation, lorsqu'il les juge appropriées. Cette procédure a amélioré la protection de l'habitat du béluga de l'ESL, même s'il n'existe aucun indicateur direct de son efficacité.
À l'heure actuelle, les fonctions et les principales caractéristiques des zones importantes de l'habitat dans l'habitat essentiel, ainsi que leur interconnectivité, restent généralement inconnues, ce qui limite notre compréhension de l'importance relative du rétablissement de la population. Ces connaissances sont essentielles pour évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement marin proposés dans diverses parties de l'habitat du béluga.
Les campagnes de sensibilisation et les conditions de permis d'exploitation de bateaux d'excursion qui limitent l'accès aux zones délicates (p. ex., accès limité des bateaux d'excursion à la baie Sainte-Marguerite) ont probablement aussi contribué à la protection de l'habitat du béluga; toutefois, ici encore, il n'existe aucun indicateur direct de l'efficacité de ces mesures.
Dans l'ensemble, les recherches scientifiques menées depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ont contribué à combler des lacunes dans les données et ont permis de désigner l'habitat essentiel pendant une partie de l'année. Cette désignation a déclenché un examen préalable et une atténuation accrus des projets d'aménagement et de leurs impacts, contribuant à rehausser la protection de l'habitat du béluga, ce qui a peut-être indirectement prévenu l'augmentation de certaines menaces, comme le bruit sous-marin et les perturbations physiques. D'autres mesures de protection, notamment la désignation de l'habitat essentiel pour la période de novembre à mai, sont en attente.
6.2.5.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires
La création d'une zone de protection marine (ZPM) dans l'ESL, où certaines restrictions semblables à celles qui ont été promulguées dans le PMSSL pourraient être en vigueur (p. ex., accès limité aux zones sensibles), contribuerait à élargir la protection de l'habitat du béluga aux zones situées le long de la rive sud, importantes pour les femelles et les baleineaux. La promulgation de règlements de zonage dans le PMSSL renforcerait encore la protection de l'habitat, tout en tenant compte du fait que ces règlements doivent être appliqués pour qu'ils soient efficaces (tableau 7).
À l'heure actuelle, l'habitat essentiel désigné ne couvre que les zones utilisées entre juin et octobre, puisque les données recueillies en dehors de la période estivale ne suffisent pas pour désigner les habitats importants. Il faudrait élargir la désignation de l'habitat essentiel selon les besoins afin d'inclure les habitats utilisés pendant d'autres périodes de l'année.
6.2.5.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées
Il faut désigner les zones d'utilisation intensive pendant le printemps, l'automne et l'hiver afin d'élargir l'habitat essentiel, selon les besoins, et de renforcer la protection accordée par la Loi sur les espèces en péril. Il faut également mieux comprendre la structure sociale de la population de béluga et l'interconnectivité entre les zones d'utilisation intensive, car ces lacunes dans nos connaissances entravent actuellement notre capacité à pleinement évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement. Il existe des données sur ces questions; il faudrait les analyser et publier les résultats.
Tableau 7. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de protéger l’habitat du béluga dans toute son aire de répartition et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.
Mesures de rétablissement | Efficacité prévue | Moment prévu | Rang | ||
---|---|---|---|---|---|
Portée | Impact | Lancement de la mise en œuvre | Améliorations | ||
Mesures fondées sur la gestion | |||||
Établir le projet de zone de protection marine de l'estuaire du Saint-Laurent et la réserve aquatique de Manicouagan et les utiliser comme cadre pour instaurer des mesures de protection supplémentaires visant le béluga de l'ESL, au besoin | Grande | Direct | Court terme | Court terme | 1 |
Promulguer un règlement de zonage dans le PMSSL afin de protéger les zones d'utilisation intensive et augmenter l'application | Grande | Direct | Court terme | Immédiat | 1 |
Publier l'arrêté en conseil visant la protection de l'habitat essentiel dans la Partie II de la Gazette du Canada pour officialiser la protection légale de l'habitat essentiel actuellement désigné pour le béluga de l'ESL | Grande | Indirect | Court terme | Court terme | 1 |
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | |||||
Élaborer des indicateurs de l'efficacité des mesures de protection de l'habitat | Court terme | ||||
Désigner et protéger l'habitat important utilisé par le béluga de l'ESL en dehors des mois d'été, y compris les caractéristiques qui rendent ces habitats propices au béluga, et les fonctions vitales qu'elles soutiennent | Court terme | ||||
Déterminer les proportions de la population de béluga de l'ESL qui utilisent les différentes parties de son aire de répartition afin de mieux évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement marin sur le rétablissement de la population | Court terme | ||||
Publier les données accumulées au cours des vingt-cinq dernières années au sujet de l'organisation sociale et de la structure spatiale des unités sociales dans l'estuaire du Saint-Laurent afin d'apporter un point de vue important aux évaluations d'impact et aux mesures de protection | Court terme |
6.2.6 Objectif de rétablissement 6. Assurer une surveillance régulière de la population de béluga de l'estuaire du Saint-Laurent
Depuis que le COSEPAC a évalué le béluga de l'ESL comme une espèce en voie de disparition en 1983, plusieurs programmes ont été mis en œuvre afin de surveiller différents aspects de la population. Ils comprennent un programme de surveillance des carcasses de béluga (lancé en 1982 et pleinement mis en œuvre à compter de 1983), qui prévoit la nécropsie complète des carcasses relativement bien préservées. Ce programme s'est poursuivi depuis 1983.
La surveillance de la taille et de la répartition de la population et du taux de recrutement à l'aide d'une méthode normalisée (levés photoaériens) s'est également poursuivie au fil du temps. Toutefois, ces relevés ont eu lieu à intervalles plus irréguliers après 2000, ce qui réduit notre capacité à détecter les tendances démographiques par la suite. On a lancé une autre série chronologique de surveillance (basée sur les relevés photoaériens) en 2001; elle offre une estimation indicielle parallèle, mais pas comparable, des tendances démographiques. Toutefois, les relevés visuels ne permettent pas de détecter les baleineaux et ne peuvent donc pas fournir un indice de recrutement.
Une étude par identification photographique menée par le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM) se poursuit depuis la fin des années 1980. Ce programme a le potentiel de contribuer à la documentation et à l'explication des fluctuations du taux de recrutement, de l'utilisation de l'habitat et d'autres questions écologiques.
6.2.6.1 Efficacité des mesures
Le programme de surveillance des carcasses a fourni des renseignements à long terme sur les paramètres démographiques (Lesage et al. 2014b) et les causes de mortalité (Lair et al. 2016), et le MPO a examiné l'utilité de ce programme pour évaluer la situation de la population de béluga (MPO 2007). Ce programme a également fourni des échantillons de tissus qui ont permis de surveiller différents types de composés chimiques toxiques (p. ex., Lebeuf et al. 2014; voir également MPO 2012 aux fins d'examen) et d'autres traceurs chimiques qui ont apporté une perspective sur les changements de l'écologie trophique et de l'alimentation (Nozères 2006; Lesage 2014; Lesage et al. 2017).
Les relevés photoaériens ont permis d'établir un modèle de la dynamique de la population structuré selon l'âge, qui permet d'examiner les tendances démographiques dans un cadre significatif sur le plan biologique (Mosnier et al. 2015). Le présent exercice fait appel aux estimations de la taille de la population et aux indices de recrutement tirés des relevés. Les relevés ont également fourni les renseignements nécessaires pour arriver à la conclusion que rien n'indique actuellement une expansion ou une contraction de la répartition de la population (Gosselin et al. 2014). Toutefois, les estimations de l'abondance sont hautement variables et présentent parfois une grande incertitude. Ce fait, combiné au petit nombre d'estimations obtenues en raison des grands intervalles de temps entre les relevés, réduit la capacité de détecter les changements de l'abondance de la population en temps opportun.
Le programme de photo-identification du GREMM a donné un indice de l'évolution du taux de recrutement sur vingt-cinq ans (Michaud 2014). Ces données ont contribué à la validation des extrants du modèle concernant la dynamique de la population et les tendances démographiques (Mosnier et al. 2015; MPO 2014).
6.2.6.2 Améliorations à apporter aux mesures de surveillance et mesures supplémentaires
Le résultat de l'examen récent par le MPO (MPO 2014) de la situation du béluga de l'ESL souligne l'importance de ces programmes de surveillance pour comprendre le sort de la population de béluga de l'ESL. Il faudrait donc maintenir ces programmes (p. ex., le programme de surveillance des carcasses, le programme de relevés de population). Toutefois, il existe à l'heure actuelle très peu d'outils pour documenter les changements de l'état de santé ou du taux de reproduction, et il faut donc mettre en place des activités de surveillance supplémentaires afin de documenter ces aspects, qui sont des indicateurs clés des effets sublétaux et des effets à l'échelle de la population des facteurs de stress anthropiques et naturels.
Tableau 8. Mesures de rétablissement visant à assurer la surveillance périodique de la population de béluga de l’ESL
Lacunes dans les données et besoins en surveillance | Moment prévu |
---|---|
Lancement de la mise en œuvre | |
Maintenir le programme de surveillance des carcasses et le programme de nécropsie afin de poursuivre la documentation des paramètres démographiques, des causes de mortalité et de l'incidence des diverses menaces au fil du temps | Immédiat |
Continuer d'effectuer des relevés photoaériens systématiques, au moins tous les trois ans, afin de documenter les changements de la répartition, de la taille de la population et de la proportion des baleineaux | Court terme |
Élaborer des méthodes pour évaluer la santé, l'état corporel et le taux de reproduction, et les surveiller chaque année | Court terme |
7. Conclusions
Lorsqu'on a mené l'examen visant à estimer le potentiel de rétablissement de la population de béluga de l'ESL après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005, on considérait que la population était stable ou augmentait à un taux maximal de 1 % par année (Hammill et al. 2007). L'examen effectué par la suite par le MPO en 2013 a révélé qu'au moment de l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP, cette population était en fait déjà en déclin et ce, depuis environ 2000 (MPO 2014). Les changements majeurs de la dynamique de la population et des tendances démographiques à l'époque ont coïncidé avec la dégradation de plusieurs paramètres environnementaux que l'on jugeait déjà défavorables pour le rétablissement du béluga; la situation a donc encore empiré. Ces paramètres comprenaient de nouveaux reculs de la disponibilité des proies par rapport aux moyennes à long terme dans le golfe du Saint-Laurent, un réchauffement du climat, une exposition chronique à la circulation maritime et les perturbations provenant de l'augmentation des activités d'observation des baleines dans les secteurs de l'habitat essentiel du béluga, les importantes concentrations d'un grand nombre de contaminants (p. ex., BPC, DDT, EDP) et les proliférations épisodiques d'algues nuisibles. La population est désormais considérée comme étant en voie de disparition et toujours en déclin. De là, nous concluons que, collectivement, les mesures de rétablissement mises en œuvre à la suite du premier plan de rétablissement (Bailey et Zinger 1995) et celles qui ont été mises en œuvre après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ne sont pas parvenues à suffisamment réduire les menaces pour permettre la croissance et le rétablissement de la population.
Les données publiées à l'occasion du récent examen du MPO (MPO 2014) n'ont pas relevé de menaces pour le rétablissement du béluga de l'ESL autres que celles qui figuraient déjà dans le programme de rétablissement. Elles ont toutefois modifié notre perception de l'importance relative des menaces précédemment cernées. La contamination élevée, les niveaux de bruit et le potentiel de dérangement importants ainsi que la pénurie des approvisionnements en nourriture sont toujours considérés comme les principales menaces qui pèsent sur le rétablissement du béluga de l'ESL. Toutefois, la pénurie des approvisionnements en nourriture, que l'on considérait comme une menace probablement imminente, mais non documentée au moment de la publication du programme de rétablissement en 2012, est désormais considérée comme l'un des principaux facteurs probablement en cause dans le déclin actuel de la population (Plourde et al. 2014; MPO 2014; Williams et al. sous presse). De même, on jugeait que les proliférations d'algues nuisibles étaient une menace potentielle moyennement préoccupante. Même si rien ne prouve que deux des trois proliférations d'algues nuisibles documentées au cours des deux dernières décennies (voir Scarratt et al. 2014) ont augmenté la mortalité du béluga de l'ESL, la mortalité massive de plusieurs bélugas et d'autres espèces marines en 2008, qui découlait probablement d'une prolifération d'algues nuisibles (Scarratt et al. 2014), a apporté une perspective très concrète des effets potentiels de tels événements sur la dynamique de la population et a relevé le niveau de préoccupation de cette menace.
Les mesures de rétablissement mises en œuvre jusqu'à ce jour comprenaient des mesures fondées sur la science et la recherche et des mesures fondées sur la gestion. Même si l'on n'a rien fait depuis 2005 pour augmenter l'accès du béluga aux approvisionnements en nourriture ou pour atténuer avec efficacité le bruit et les perturbations, nous pouvons conclure que les mesures d'atténuation visant à réduire les organochlorés existants dans l'environnement du béluga sont parvenues à réduire la mortalité due au cancer chez le béluga. Toutefois, les augmentations exponentielles parallèles d'autres composés chimiques toxiques (p. ex., les EDP), qui pourraient de nos jours être au moins partiellement responsables de l'incidence élevée des problèmes périnatals chez les femelles et les baleineaux nouveau-nés, ont contrebalancé ces efforts.
Un modèle cumulatif intégrant les principales menaces, à l'exception des proliférations d'algues nuisibles (c.-à-d. la pénurie des approvisionnements en nourriture, la contamination élevée et le bruit et le dérangement découlant des activités maritimes) et leur effet sur la dynamique de la population n'est pas parvenu à déterminer laquelle de ces trois menaces doit être atténuée en priorité pour permettre à la population de croître (Williams et al. sous presse). La présente analyse indique plutôt qu'une atténuation simultanée et prononcée des trois menaces est nécessaire pour que la population maintienne la résilience requise pour faire face aux effets du réchauffement climatique. Le présent rapport propose des mesures de rétablissement visant à réduire les menaces. Toutefois, on ne dispose généralement pas de preuves scientifiques permettant de déterminer le niveau au-dessous duquel une menace n'est plus susceptible de provoquer des effets biologiquement significatifs sur le béluga de l'ESL. Par conséquent, notre capacité à qualifier même les avantages de certaines mesures de rétablissement précises pour la population est également limitée. Nonobstant ce qui précède, la réduction des trois principales menaces relève de notre contrôle, ne peut pas nuire à la population et donne la meilleure chance à la population de croître.
Pour réduire la menace posée par les contaminants, il faut prendre immédiatement des mesures pour réduire ou réduire davantage les niveaux d'EDP et des autres produits ignifuges et pour renforcer le contrôle du rejet des autres substances hautement toxiques (p. ex., HAP, mirex, BPC, DDT) dans les zones situées à l'amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga.
Comme le bruit s'atténue avec la distance et, en général, avec la proximité des navires, la manière la plus efficace de réduire les menaces posées par le bruit et le dérangement consiste à augmenter la distance qui sépare les navires, les traversiers et les petits bateaux du béluga ou de ses habitats importants. Le remplacement des traversiers par une infrastructure routière à l'embouchure du fjord du Saguenay entraînerait des gains élevés immédiats dans la réduction de l'une des principales menaces qui contribuent à prévenir le rétablissement, car il supprimerait des milliers de passages de navires chaque année dans un habitat important pour le béluga, où le niveau de bruit est le plus élevé et le plus chronique (McQuinn et al.. 2011). Il faudrait également revoir en priorité l'emplacement des voies de navigation et de la station de pilotage, car il est probable que l'on puisse apporter des ajustements qui procureraient des gains élevés et rapides sur le plan de l'insonorisation d'importants habitats du béluga. Parallèlement, il faut également limiter les interactions du béluga avec les embarcations de plaisance et les bateaux d'observation des baleines ou avec les activités découlant des projets d'aménagement marin. Une prolongation de la limite des approches du béluga (c.-à-d. la zone d'interdiction de navigation de 400 m) dans les secteurs situés à l'extérieur du PMSSL grâce à l'inclusion de cette mesure dans le Règlement sur les mammifères marins, ainsi que la création de zones d'exclusion (p. ex., des refuges acoustiques) à l'intérieur et à l'extérieur des limites du PMSSL, combinées à une application adéquate de la loi et à des campagnes de sensibilisation, seraient très efficaces pour réduire rapidement la menace posée par le bruit et les perturbations. Il est particulièrement important de mettre ces mesures prioritaires rapidement en œuvre, étant donné l'augmentation prévue du bruit et de la circulation maritime qui découlera des projets récemment mis en œuvre ou proposés de renforcer le transport de pétrole et de minéraux en provenance de ports situés en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga.
Il est difficile de prévenir à court terme les effets du réchauffement du climat sur la structure de l'écosystème et la disponibilité des proies pour le béluga. Toutefois, des mesures visant à augmenter les stocks actuels de proies potentiellement importantes pour le béluga, comme le hareng, l'éperlan arc-en-ciel, le poulamon, l'anguille d'Amérique et certaines espèces de poissons de fond, pourraient offrir au béluga un meilleur accès aux proies. Ces mesures comprennent la réduction des prélèvements par les pêches existantes, ou même des interdictions possibles de pêches d'espèces fourragères supplémentaires, ainsi qu'un renforcement de la protection des sites de frai. L'achèvement rapide de la recherche sur l'alimentation et l'utilisation de l'habitat pourrait contribuer à cerner les principales espèces proie et à cibler les mesures de gestion sur les espèces les plus importantes.
La prolifération d'algues nuisibles de 2008 a illustré de manière frappante l'incidence potentielle de ces événements sur la survie et la dynamique de la population. L'eutrophisation due à l'augmentation des concentrations d'azote et d'urée dans l'eau en particulier, ainsi que le changement climatique, que l'on a accessoirement inclus dans les causes des nouveaux épisodes de proliférations d'algues, pourraient augmenter la fréquence de ces événements (Anderson et al. 2012). Par conséquent, il faut mettre en œuvre des mesures réglementaires visant à réduire l'apport de certains nutriments, comme les composés enrichis d'urée (p. ex., dans les engrais agricoles, les effluents mal traités), dans l'habitat du béluga ou en amont, afin de contribuer à limiter l'occurrence de ces événements mortels.
Parallèlement à ces mesures, il faut instituer des indicateurs de rendement et les surveiller afin d'évaluer les tendances des menaces et leur incidence sur la santé du béluga au fil du temps en vue d'orienter la gestion adaptative; à l'heure actuelle, il existe très peu d'indicateurs de cette nature (voir l'annexe 1). Nous avons particulièrement besoin d'indicateurs permettant de surveiller l'exposition du béluga aux contaminants et aux bruits des navires, les interactions avec les navires et l'accès à des proies adéquates. Il existe des programmes de surveillance qui documentent la dynamique de la population et les tendances démographiques, la répartition, le niveau de certaines menaces (p. ex., collision, empêtrement) et les causes de mortalité. Il existait également un programme de surveillance des contaminants au MPO, mais il a été aboli en 2014 et n'a pas été transféré à d'autres institutions, ce qui pourrait entraver notre capacité à surveiller l'efficacité des mesures de rétablissement à l'avenir. L'examen mené en 2013 par le MPO a montré l'importance de ces programmes, car ils nous aident à comprendre les interactions complexes et combinées entre les agents de stress d'origine anthropique et naturelle.
Ces programmes de surveillance devraient s'accompagner de recherches scientifiques (voir les tableaux 3 à 8 pour consulter les lacunes précises dans les données) afin d'obtenir le contexte nécessaire à l'interprétation des tendances et de veiller à axer les mesures de rétablissement sur les composantes les plus susceptibles de contribuer à la réduction des menaces. L'élaboration de modèles et d'autres outils de prédiction serait particulièrement utile pour tester les effets de divers scénarios de gestion (p. ex., réacheminement de la circulation, réductions de vitesse) sur le niveau de certaines menaces ou sur la probabilité des effets biologiquement significatifs sur le béluga de l'ESL.
En vertu de son emplacement, en aval d'importants centres industriels, et de la diversité des activités socio-économiques à valeur ajoutée qu'il soutient, l'ESL et ses espèces marines sont exposés à une myriade d'agents de stress d'origine anthropique. À l'heure actuelle, il n'existe aucun mécanisme d'intégration de la planification spatiale des activités dans l'ESL ou d'objectifs de gestion propres aux agents de stress, car il n'existe aucun suivi centralisé des activités ou des projets autorisés, ou de leurs impacts cumulés sur des espèces précises. C'est particulièrement pertinent en ce qui concerne les activités ou les projets qui se déroulent en dehors de l'habitat du béluga de l'ESL, mais qui produisent des impacts sur l'habitat du béluga (p. ex., par l'augmentation de la circulation maritime). Il est urgent qu'un examen stratégique (ou programmatique) définisse les limites supérieures du niveau de certaines menaces que nous sommes disposés à accepter et de fournir un contexte aux activités en cours ou planifiées et aux projets d'aménagement qui aggravent ces menaces. Un tel examen est particulièrement nécessaire pour les activités et les projets qui produisent du bruit et du dérangement, car il fournirait un cadre pour l'établissement des objectifs de gestion du point de vue des niveaux de bruit ou du volume de circulation à ne pas dépasser, tout en améliorant la planification spatiale et temporale des activités économiques comme la navigation maritime et les projets d'aménagement marin, ainsi que l'évaluation et la gestion de leurs effets cumulatifs ou regroupés sur le béluga et son habitat.
8. Remerciements
Pêches et Océans Canada (MPO) souhaite remercier les autorités du Parc marin du Saguenay-Saint-Laurent, en particulier Nadia Ménard, ainsi que les experts d'Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), pour leurs contributions techniques au présent rapport, qui a été rédigé par Mme Véronique Lesage, Ph. D., chercheuse du MPO. Le MPO est également reconnaissant à ECCC pour son examen d'expert.
9. Ouvrages cités
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Annexe 1. Série chronologique disponible pour documenter l’évolution de la menace et les effets sur le béluga de l’ESL ou d’autres composantes de l’écosystème
Menace | Type de données | Date de début | Date de fin | Responsable |
---|---|---|---|---|
Contaminants | ||||
Concentrations de contaminants chez le béluga | 1983 | En cours | Milieu universitaire, MPO | |
Renseignements disponibles insuffisants au moment de la préparation de l'examen quant aux niveaux des contaminants dans les composantes biologiques ou physiques, autres que le béluga | ECCC,MPO | |||
Renseignements disponibles insuffisants au moment de la préparation de l'examen quant aux programmes de suivi sous l'égide de ECCC (e.g. qualité de l'eau, des sédiments) | ECCC | |||
Bruit/perturbations | ||||
Niveaux de bruit dans l'habitat du béluga (diverses stations) | 2003 | En cours | MPO | |
Volume de la circulation des navires marchands (SIA) | 2012 | En cours | TC, MPO, milieu universitaire | |
Volume de la circulation des navires marchands (autres sources de données, p. ex., nombre de voyages attribués aux pilotes) | 2003 | En cours | TC, MPO | |
Excursions d'observation des baleines dans le PMSSL | 1993 | En cours | APC | |
Excursions d'observation des baleines à l'extérieur du PMSSL | En cours | MPO | ||
Pourcentage d'excursions d'observation des baleines ciblant le béluga | 2003 | En cours | ||
Infractions au Règlement sur le PMSSL | 2003 | En cours | APC | |
Activités de navigation de plaisance dans le PMSSL et en dehors de ses limites | 2003 | En cours | APC, municipalités | |
Cooccurrence du béluga à l'embouchure du fjord du Saguenay et à la baie Sainte-Marguerite | 2003 | En cours | APC | |
Conformité aux mesures volontaires visant à réduire la vitesse des navires et à éviter certaines zones dans le PMSSL | 2012 | En cours | Milieu universitaire, APC, G2T3M | |
Béluga de l'ESL | ||||
Estimations de l'abondance (relevés photoaériens) | 1988 | En cours | MPO | |
Estimations de l'abondance (relevés aériens visuels) | 2001 | En cours | MPO | |
Étendue de la répartition estivale et utilisation de l'habitat | 1988 | En cours | MPO | |
Nombre de morts (et structure par âge, par sexe) | 1983 | En cours | MPO, RQUMM et diverses autres institutions (p. ex., milieu universitaire, aquariums et ministères et organismes fédéraux) | |
Causes de mortalité (intoxication, cancers, infections, etc.) | 1983 | En cours | MPO, FMV | |
Alimentation (tubes digestifs) | 1983 | En cours | MPO | |
Alimentation et rôle trophique (traceurs chimiques, acides gras, isotopes stables) | 1988 | En cours | MPO | |
Structure et fonctionnement de l'écosystème (isotopes dans les principaux invertébrés et espèces de poissons) | 1994 | En cours | MPO | |
Indice de recrutement (relevés photographiques) | 1988 | En cours | MPO | |
Indice de recrutement (suivis de colonies de bélugas) | 1989 | En cours | ONGE (GREMM) | |
Prolifération d'algues nuisibles | ||||
Proliférations d'algues nuisibles dans le bas estuaire du Saint-Laurent (4-5 stations, y compris Tadoussac) | 1995 | En cours | MPO | |
Risque de collision et empêtrements | ||||
par le programme des nécropsies | 1983 | En cours | APC, RQUMM | |
par des rapports à Parcs Canada | 1994 | En cours | APC | |
Données environnementales | ||||
Étendue et durée des glaces de mer | au moins 1971 | En cours | MPO | |
Paramètres d'océanographie physique | au moins 1971 | En cours | MPO | |
Débarquements d'espèces commerciales, indice d'abondance, répartition, état, mais principalement pour le golfe du Saint-Laurent, pas l'ESL | varie selon l'espèce | En cours | MPO |
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