Fiches techniques du Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture (PCRDA)
Fiche 7 - 2010 mai
Résumé
Les conchyliculteurs de la Colombie-Britannique aimeraient vendre leurs produits sur les marchés internationaux, ce qui augmenterait la demande pour leurs produits et permettrait à l'industrie de croître. Toutefois, par le passé, les concentrations de cadmium (Cd), un métal toxique, dans les huîtres creuses du Pacifique (Crassostrea gigas) de cette province (qui dépassaient parfois les normes du pays importateur) ont nuit à cette possibilité. La limite permise de Cd dans les mollusques bivalves destinés à l'exportation varie de 1,0 à 3,7 μg g-1 poids humide selon le pays importateur. La présence de Cd pose un grand défi aux exportateurs de mollusques de la province, car certaines activités humaines et caractéristiques côtières naturelles influent sur les teneurs en Cd dans l'environnement, et, à terme, dans les mollusques. La présente étude visait à déterminer les variables qui touchent l'accumulation de Cd dans les huîtres d'élevage de la Colombie-Britannique. Les résultats aideront les ostréiculteurs à comprendre et peut-être à atténuer les fortes concentrations de Cd dans les mollusques et contribuer ainsi à la viabilité de l'ostréiculture en Colombie-Britannique.
Introduction
Le cadmium (Cd) est un élément naturel relativement abondant. Parmi les sources possibles de Cd dans l'environnement figurent l'érosion graduelle des roches et des sols et diverses activités humaines (exploitation minière, utilisation d'engrais, exploitation forestière, élimination inadéquate de déchets industriels et résidentiels, etc.). Il n'existe toutefois pas de corrélation nette entre l'emplacement de ces diverses sources et les fortes concentrations de Cd dans les huîtres.
Pour obtenir un permis d'exportation vers certains marchés internationaux, les conchyliculteurs de la Colombie- Britannique doivent prouver que les concentrations de Cd dans leurs produits sont inférieures aux limites permises (soit entre 1,0 et 3,7 μg g-1 poids humide, selon le marché). Toutefois, d'après les analyses périodiques effectuées, les teneurs sont très variables et imprévisibles, et des lots d'huîtres creuses du Pacifique (Crassostrea gigas) affichent des concentrations supérieures aux limites permises par certains marchés internationaux.
Les huîtres peuvent bioaccumuler des métaux présents dans l'eau de mer en raison de leur grande capacité de filtration. Le Cd est probablement absorbé soit sous forme particulaire (minéraux et particules organiques en suspension ou phytoplancton), soit sous forme dissoute (ions métalliques hydratés simples). Les niveaux de bioaccumulation de Cd dans les huîtres peuvent dépendre des conditions environnementales (p.ex., la salinité et la température), des propriétés chimiques et physiques du métal, et de la croissance et de la physiologie des huîtres.
La nourriture (soit le phytoplancton et d'autres particules organiques) est réputée être l'une des sources les plus probables de Cd dans les huîtres.
On a mené un projet de recherche afin :
- de déterminer la variabilité saisonnière naturelle des quantités de Cd dans les huîtres;
- d'étudier le rôle des formes dissoute et particulaire du Cd dans l'accumulation de ce métal dans les huîtres sur un cycle annuel.
Méthodes
Le projet a été réalisé en 2004 et 2005. Deux sites d'étude ont été sélectionnés en fonction de la variabilité anticipée des conditions environnementales : la baie Deep (chenal Baynes, côte est de l'île de Vancouver) et l'inlet Lemmens (baie Clayoquot, côte ouest de l'île de Vancouver) (figure 1).
Des échantillons d'eau de mer ont été prélevés à une profondeur de 5 m, tandis que des huîtres (Crassostrea gigas) (figure2) ont été recueillies à des profondeurs de 2 à 5 m dans les deux sites d'échantillonnage, et ce, à divers moments sur une période de un an : toutes les deux semaines au cours de l'été et une fois par mois au cours de l'hiver. La température de l'eau et la salinité ont été consignées à chaque intervalle d'échantillonnage. Des analyses des échantillons d'eau de mer ont été réalisées en vue de déterminer les teneurs en Cd particulaire et dissous. Après leur récolte, les huîtres ont été mesurées (longueur et poids) et écaillées, puis on a déterminé la concentration de Cd dans leurs tissus. à trois temps d'échantillonnage au cours de l'année, les tissus d'huîtres échantillonnées ont été séparés selon qu'ils font partie du tube digestif ou non, puis la répartition du Cd a été établie dans les tissus mous.
Results
Variabilité des quantités de Cd dans les huîtres en fonction du site et de la saison
Les huîtres de la baie Deep contenaient des teneurs plus élevées en Cd (moyennes de 1,17 à 3,57 μg g-1 poids humide) que celles de l'inlet Lemmens (moyennes de 1,40 à 2,47 μg g-1 poids humide). Selon les données, il y a une tendance saisonnière statistiquement significative, les concentrations de Cd les plus fortes dans l'ensemble des tissus étant observées à la fin de l'hiver et au début du printemps, soit lorsque les températures de l'eau sont au plus bas (figure 3). Des concentrations plus faibles ont été notées l'été et l'automne, alors que les températures de l'eau étaient plus élevées. Cette corrélation inverse (ou négative) entre la température et la teneur en Cd dans les huîtres était statistiquement significative dans les deux sites (tableau 1) et dépendait sans doute de plusieurs facteurs. La remontée d'hiver peut apporter, à la surface, des eaux profondes, qui sont plus froides et riches en Cd dissous. En outre, pendant les saisons froides, le phytoplancton est beaucoup moins abondant, et, par conséquent, l'absorption de Cd dissous par ces algues est minime, ce qui explique les concentrations élevées de Cd dissous dans l'eau et l'accumulation plus importante de cette forme du Cd dans les huîtres. Des températures élevées peuvent aussi faire augmenter les taux de croissance des huîtres et stabiliser ou diminuer les concentrations de Cd dans les tissus d'huîtres.
Concentrations de Cd dans divers tissus d'huîtres
Des différences statistiquement significatives entre les concentrations de Cd dans les tissus du tube digestif et les autres tissus ont été observées dans les deux sites. Ainsi, le Cd était fortement concentré dans le tube digestif (moyennes de 6,10 à 9,69 μg g-1 poids humide dans les deux sites), alors qu'il se trouvait en plus faibles quantités dans les autres tissus (moyennes de 0,94 à 1,97 μg g-1 poids humide dans les deux sites) (figure 4).
Tableau 1.
Baie Deep | Inlet Lemmens | l'ensemble de données combinées | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Cd dans les huîtres | Cd dissous | Cd dans les huîtres | Cd dissous | Cd dans les huîtres | Cd dissous | |
Cd dissous | Positif Significatif | / | Non Significatif | / | Positif Significatif | / |
Cd particulaire | Non Significatif | Négatif Significatif | Négatif Significatif | Non Significatif | Négatif Significatif | Négatif Significatif |
Masse tissulaire d'huître | Non Significatif | Non Significatif | Négatif Significatif | Non Significatif | Négatif Significatif | Négatif Significatif |
Température de l'eau | Négatif Significatif | Négatif Significatif | Négatif Significatif | Positif Significatif | Négatif Significatif | Non Significatif |
Rôle du Cd particulaire et du Cd dissous
Bien que des quantités de Cd significativement plus élevées aient été trouvées dans le tube digestif par rapport à tous les autres tissus d'huîtres, on n'a pas établi de corrélation positive entre le Cd particulaire et les concentrations de Cd dans les huîtres, ce qui donne à penser que le Cd particulaire s'accumule dans les huîtres sous une forme facilement mobilisée et rapidement éliminée par les huîtres. On a en fait constaté que les concentrations de Cd particulaire étaient négativement corrélées avec les concentrations de Cd dans les huîtres de l'inlet Lemmens (et celles de l'ensemble de données combinées) (tableau 1), ce qui signifie que, à mesure que la teneur en Cd particulaire s'accroît dans la colonne d'eau, la quantité de Cd dans les tissus d'huîtres diminue. Cette relation s'explique peut-être par la présence de phytoplancton, qui peut : 1) absorber du Cd dissous et le rendre ainsi moins disponible aux huîtres; 2) faire augmenter le taux de croissance des huîtres, ce qui fait augmenter la masse tissulaire et baisser les concentrations de Cd dans les tissus.
On a établi une corrélation positive entre les quantités de Cd dissous et les concentrations de Cd dans les huîtres dans la baie Deep (et celles de l'ensemble de données combinées), mais pas dans l'inlet Lemmens. Ce constat peut être dû aux quantités de Cd dissous significativement plus faibles dans l'inlet Lemmens (0,21 à 0,46 nM) que dans la baie Deep (0,45 à 0,81 nM) ainsi qu'à la variabilité globale plus faible des teneurs en Cd dans les huîtres de l'inlet Lemmens.
Conclusions
La présente étude a montré que le Cd dissous constituait la principale source de Cd dans les huîtres creuses du Pacifique et que, dans ces dernières, le Cd se concentrait principalement dans les tissus du tube digestif. Les particules ne sont pas une source importante de Cd dans les huîtres. Elles étaient en fait négativement corrélées (probablement en raison de l'absorption de Cd dissous par le phytoplancton et de l'effet du phytoplancton sur la croissance et donc sur la masse tissulaire des huîtres). Par ailleurs, on a établi une corrélation inverse entre les concentrations tissulaires de Cd et la température.
L'étude visait à fournir aux conchyliculteurs des solutions de gestion des teneurs élevées apparentes de Cd dans les mollusques, mais la principale variable, soit le Cd dissous, n'est pas facilement contrôlée. Toutefois, s'il existe des marchés à créneaux pendant les périodes où les concentrations de Cd sont faibles, il doit exister des solutions pour choisir des sites où les teneurs en Cd sont relativement peu élevées et pour pratiquer la récolte durant les mois de printemps et d'été, moment où les concentrations dans les huîtres sont au plus bas.
Ce projet (P-04-04-002) du PCRDA a été le fruit d'un effort coopératif de Pêches et Océans Canada (Secteur des sciences), de l'Université de la Colombie-Britannique et de la British Columbia Shellfish Growers' Association. Il est possible de communiquer avec le scientifique principal de ce projet, M. Chris Pearce (Ph.D.), à Chris.Pearce@dfo-mpo.gc.ca.
Des informations complémentaires sur ce projet sont disponibles dans la publication suivante: Lekhi P, D Cassis, CM Pearce, N Ebell, MT Maldonado, KJ Orians (2008) Role of dissolved and particulate cadmium in the accumulation of cadmium in cultured oysters (Crassostrea gigas). Sci Total Environ 393: 309-325. Disponsible en anglais seulement.
Pour un complément d'information au sujet de ce projet ou d'autres projets du PCRDA, consultez :
/aquaculture/acrdp-pcrda/index-fra.htm.
Publié par:
Pêches et Océans Canada
Direction des sciences de l'aquaculture
Ottawa (Ontario) K1A 0E6
©Sa Majesté la Reine du chef du Canada 2010
ISSN 1919-6849 (version imprimée)
ISSN 1919-6857 (version en ligne)
MPO/2008-1493
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