La panope (Panopea generosa) : Anatomie, histologie, développement, pathologie, parasites et symbiontes
Surface tannée de couleur foncée chez les panopes
Apparence macroscopique
Certaines panopes, provenant de toutes les zones échantillonnées en Colombie-Britannique, exhibaient un tégument (périostracum) épaissi, foncé, tirant sur le brun ou le noir (Figures 1 à 4), sur le siphon et/ou le manteau.
Figures 1 à 4. Images de panopes fraîches exhibant un tégument épaissi, foncé, sur le siphon et/ou la partie exposée du manteau musculaire.
Une coloration rouille a été observée sur le manteau (Figure 5) de quelques panopes provenant de chacun des sites échantillonnés.
Histopathologie
Dans tous les cas, l’examen histologique a établi que le tégument avait été affecté d’une manière quelconque mais que l’épithélium et la musculature sous-jacents étaient toujours intacts et sains d’apparence. Une infection fongique était parfois associée aux colorations superficielles anormales (noires/brunes à l’aspect épaissi ou de couleur rouille) du siphon et/ou du manteau chez les panopes des côtes est et ouest de l’Île de Vancouver (Secteur de gestion des pêches 14, 17, 23 et 24), mais elle était absente chez les panopes récoltées de deux secteurs de la côte centrale de la Colombie-Britannique. Le champignon envahissait les deux couches acellulaires formant le tégument du siphon et du manteau mais ne pénétrait ni dans l’épithélium ni dans la musculature (Figures 6 et 7). Les hyphes fongiques étaient septés et ramifiés et produisaient des fructifications sphériques à paroi épaisse dans le périostracum (Figures 8 et 9).
Figures 6 à 9. Coupes histologiques (coloration à l’hématoxyline-éosine ou coloration PAS) et préparation d’un montage humide (non coloré) du champignon infectant le périostracum des panopes.
Quelques panopes avec un tégument épaissi mais non infecté par le champignon (par ex., Figure 1 et Figure 2) possédaient de nombreuses couches de périostracum (couches acellulaires éosinophiles et légèrement basophiles) (Figure 10). Chez d’autres panopes exhibant des zones de tégument tanné de couleur foncée, la couche acellulaire externe du périostracum était colonisée par des organismes inconnus (Figures 11 et 12). À quelques reprises, le périostracum était criblé de nombreux trous, dont certains étaient occupés par des protozoaires (Figures 13 et 14). En d’autres cas, des protozoaires et le champignon étaient tous deux présents (Figure 15).
Figures 10 à 15. Différent traits et organismes associés à la coloration superficielle anormale du cou et du manteau chez les panopes. Coloration à l’hématoxyline-éosine.
Chez d’autres panopes exhibant soit un tégument épaissi, brun ou noir, soit une coloration anormale rouille sur le manteau mais sans les champignons, les divers protozoaires et les multiples couches de périostracum associés, le périostracum était recouvert d’un matériel acellulaire d’apparence cireuse tirant sur le jaune, le noir et le pourpre après coloration à l’hématoxyline-éosine (Figures 16 à 19). L’origine de ce revêtement jaune, noir et pourpre est inconnue; il se peut qu’il résulte de conditions environnementales locales, qu’il constitue une réaction ou un développement du périostracum ou qu’il soit sécrété par la panope. Du matériel similaire à ce revêtement a été observé dans le rein des panopes affectées (Figure 19). Ceci pourrait indiquer que le rein de la panope produit et sécrète le matériel ou qu’il est en train d’excréter du matériel qui avait été ingéré.
Figures 16 à 19. Aspect histologique du matériel acellulaire jaune, noir et pourpre recouvrant le périostracum d’apparence normale et présent dans les reins des panopes qui exhibent une coloration anormale sur le siphon et le manteau. Coloration à l’hématoxyline-éosine.
Tentative expérimentale de transmission du champignon associé à la coloration anormale du périostracum
Deux expériences préliminaires ont été menées en laboratoire pour déterminer si le champignon trouvé dans certains stocks sauvages de panopes était infectieux. Dans les deux expériences, des panopes cultivées juvéniles, non affectées et saines, (classe annuelle de 1996) ont été utilisées comme receveurs potentiels du champignon. Des panopes cultivées juvéniles ont été obtenues de sites d’engraissement sur la côte est de l’Île de Vancouver, maintenues en laboratoire dans un flot continu d’eau de mer ambiante et nourries avec environ 4 litres d’un mélange d’algues cultivées [deux flagellés (Isochrysis galbana et Pavlova lutheri) et une diatomée (Thalassiosira pseudonana)] cinq fois par semaine. Afin d’éviter l’introduction d’agents pathogènes infectieux potentiels de ces panopes dans l’environnement local, tous les effluents ont été désinfectés au chlore avant d’être rejetés dans le réseau d’égouts de la ville de Nanaimo.
Dans la première expérience, on a tenté de transmettre le champignon par contact avec du périostracum infecté. Le 7 mai 1998, cinq panopes juvéniles (obtenues après un an d’engraissement près de l’Île Texada) ont été placées à proximité étroite (dans un pot à appât Scotty de 900 ml avec un flot continu d’eau de mer ambiante) de bandes de périostracum disséquées du siphon d’une panope sauvage, adulte, récoltée sur la côte ouest de l’Île de Vancouver (Secteur de gestion des pêches 24) le 5 mai 1998. Le siphon de cette panope était noir et épaissi, et un montage humide du périostracum a révélé une infection fongique importante (Figure 9). Après 82 jours (le 28 juillet), une juvénile était morte et une autre avait une bande noire autour du siphon (Figure 20). Le champignon n’a été détecté dans aucune des préparations histologiques de ces panopes juvéniles.
Dans la seconde expérience, on a tenté de transmettre le champignon par contact prolongé avec des panopes infectées. Deux groupes de quatre panopes juvéniles (obtenues après un an d’engraissement près de l’Île Jelina) ont été immobilisées (avec du filet souple) contre les siphons de deux panopes sauvages, adultes, récoltées sur la côte ouest de l’Île de Vancouver (Secteur de gestion des pêches 24), qui étaient fortement infectées par le champignon. Après 85 jours de contact (du 2 juin au 26 août 1998), aucune des panopes juvéniles n’exhibait de signe macroscopique d’infection fongique, et le champignon n’a été détecté dans aucun des examens microscopiques des panopes juvéniles exposées.
Dans le but d’identifier le champignon du périostracum, une tentative a été entreprise pour isoler le champignon au moyen des méthodes de culture du champignon Ostracoblable implexa obtenu de coquilles d’huîtres, décrites par Alderman et Jones (1971). Le 23 juin 1998, des bandes de périostracum infecté par un champignon, disséquées d’une panope sauvage, adulte, récoltée sur la côte ouest de l’Île de Vancouver (Secteur de gestion des pêches 24) le 5 mai 1998, ont été placées dans de l’eau de mer filtrée, stérile, et conservées à 4 °C. L’eau de mer stérile a été changée quatre fois durant une période de deux jours. Le 25 juin, les fragments lavés ont été transférés aseptiquement dans des tubes stériles contenant de l’eau de mer stérile additionnée d’antibiotiques (0,05 g de pénicilline G et 0,5 g de sulfate de streptomycine). Un tube a été incubé à la température ambiante et un autre, à 4 °C. L’eau de mer stérile additionnée d’antibiotiques a été changée quotidiennement au cours des trois premiers jours d’incubation. Après deux semaines, du mycélium se développant à partir du bord du périostracum et des flagellés libres, possiblement des zoospores fongiques, ont été observés dans la culture incubée à la température ambiante. Pour isoler le champignon, des morceaux de périostracum infecté (d’environ 3 mm sur 4 mm) ont été prélevés aseptiquement, placés sur des plaques de gélose (0,1 g d’extrait de levure, 0,1 g de néopeptone [mycologique], 0,7 g d’agar pour 100 ml d’eau de mer) et incubés à la température ambiante, à 12,5 °C ou à 4 °C. Durant une période de 2 à 5 semaines, on a observé une croissance vigoureuse du champignon à la température ambiante et une croissance moindre à 12,5 °C. La morphologie des hyphes fongiques était similaire (par ex., septés et ramifiés), mais la morphologie des fructifications était très différente de celles observées chez les panopes. Les fructifications du champignon cultivé étaient composées de rameaux foncés alors que les fructifications du champignon observé dans le périostracum formaient des sphères à paroi épaisse. Ainsi, ces tentatives initiales n’ont pas réussi à isoler le champignon infectant le périostracum des panopes.
Résumé des résultats: Les tentatives de transmission du champignon par contact prolongé et cohabitation sont restées sans succès après une période d’au moins 82 jours. Des tentatives initiales pour isoler le champignon en milieu de culture aseptique ont aussi échoué. D’autres recherches sont requises afin de déterminer l’identité, la distribution et la pathogénicité du champignon associé à la coloration anormale du cou chez les panopes de la Colombie-Britannique méridionale.
Conclusion
Des 112 panopes anormales récoltées commercialement et soumises pour examen, 44 avaient un tégument foncé épaissi sur le siphon, 25 avaient un tégument foncé épaissi sur le manteau et/ou 58 avaient une coloration anormale de couleur rouille sur le manteau. L’apparente absence du champignon dans le périostracum de quelques panopes, dont le périostracum était noir ou brun, épaissi, et/ou exhibait une teinte rouille sur le manteau, peut être attribuée à la taille relativement faible des tissus examinés histologiquement. Des méthodes plus sensibles de détection du champignon et l’identification spécifique du champignon sont requises avant que son implication dans la condition épaissie, noire et brune, puisse être complètement évaluée. Néanmoins, l’association de divers organismes (incluant le champignon) aux anormalités du tégument suggère que les organismes pourraient être des envahisseurs secondaires profitant de l’altération du périostracum pour le coloniser. Si cette assomption est vraie, la question de ce qui provoque la détérioration du périostracum et sa transformation en milieu convenable pour la colonisation par divers organismes doit être abordée avant que le risque associé à ces colorations anormales qui affectent la valeur marchande mais non la santé des panopes puisse être complètement évalué.
Cáceres-Martínez et ses collaborateurs (2015) ont également signalé que le manteau et le siphon de certains individus de P. generosa provenant de la côte du Pacifique de la Basse-Californie, au Mexique, étaient plus foncés et plus épais. Dans leur étude, toutes les panopes du Pacifique dont le siphon était plus sombre présentaient des couches caverneuses à la surface du périostracum et de nombreux protozoaires étaient associés aux cavités. Les images des protozoaires présentées par Cáceres-Martínez et ses collaborateurs (2015) sont semblables à celles de la figure 13 ci-dessus. Toutefois, en Colombie-Britannique, les cavités d’aspect spongieux et les protozoaires qui y sont associés n’ont été observés que chez quelques-unes des panopes du Pacifique présentant des taches sombres sur le manteau ou le siphon. De plus, des hyphes fongiques ont été détectés par Cáceres-Martínez et ses collaborateurs (2015), ainsi qu’en Colombie-Britannique (voir les figures 8 et 9 ci-dessus). En Colombie-Britannique et au Mexique, d’autres recherches sont nécessaires pour identifier précisément les protozoaires et les champignons associés au périostracum de la panope du Pacifique.
Références
Alderman, D.J. and E.G.B. Jones. 1971. Shell disease of oysters. Fishery Investigation, London (Series 2) 26(8): 1-19.
Cáceres-Martínez, J., R. Vásquez-Yeomans et R. Cruz-Flores. 2015. First Description of symbionts, parasites, and diseases of the Pacific geoduck Panopea generosa from the Pacific coast of Baja California, Mexico. Journal of Shellfish Research 34: 751-756.
Secteurs de gestion des pêches - Région du Pacifique. L’emplacement des secteurs de gestion des pêches de la région du Pacifique, tel que mentionnés dans le texte ci-dessus, peut être visualisé sur la carte.
Information de citation
Bower, S.M. and Blackbourn, J. (2003): La panope (Panopea generosa) : Anatomie, histologie, développement, pathologie, parasites et symbiontes : Surface tannée de couleur foncée chez les panopes.
Dernière révision en date du : août 2020
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