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Revue de la littérature scientifique concernant les effets environnementaux potentiels de l'aquaculture sur les écosystèmes aquatiques - Volume 4

Les études ont été publiées dans le document suivant :

Fisheries and Oceans Canada 2006. A Scientific Review of the Potential Environmental Effects of Aquaculture in Aquatic Ecosystems. Volume IV. The Role of Genotype and Environment in Phenotypic Differentiation Among Wild and Cultured Salmonids (Wendy E. Tymchuk, Robert H. Devlin and Ruth E. Withler); Cultured and Wild Fish Disease Interactions in the Canadian Marine Environment (A.H. McVicar, G. Olivier, G.S. Traxler, S. Jones, D. Kieser and A.-M. MacKinnon); Trophic Interactions Between Finfish Aquaculture and Wild Marine Fish (Mark R.S. Johannes). Can. Tech. Rep. Fish. Aquat. Sci. 2450: x + 139 p.

Avant-Propos

Contexte

Le gouvernement du Canada est déterminé à assurer le développement responsable et durable de l'industrie aquacole au Canada. Le Programme d'aquaculture durable (PAD) de 75 millions de dollars annoncé par le ministre des Pêches et des Océans en août 2000 traduit clairement cet engagement. Ce programme vise à soutenir le développement durable du secteur aquacole, surtout en améliorant la confiance du public envers l'industrie et la compétitivité globale de celle-ci. Veiller à ce que l'industrie fonctionne dans des conditions durables sur le plan environnemental constitue une responsabilité essentielle du gouvernement fédéral. À titre d'organisme fédéral responsable de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada (MPO) est déterminé à prendre des décisions éclairées qui reposent sur des données scientifiques éprouvées en ce qui concerne l'industrie aquacole. Le MPO mène un programme de recherches scientifiques pour améliorer ses connaissances sur les effets de l'aquaculture sur l'environnement. Le Ministère collabore également avec des intervenants, les provinces et l'industrie à la coordination des recherches et à l'établissement de partenariats. Le MPO contribue au Programme de l'aquaculture durable du gouvernement fédéral en passant en revue la littérature scientifique qui aborde les effets possibles de l'aquaculture sur les écosystèmes marins et d'eau douce.

Objectif et portée

Désignée projet sur l'état des connaissances, cette revue de la littérature définit l'état actuel des connaissances scientifiques sur les effets de l'élevage de poissons et de mollusques en mer et de la pisciculture en eau douce et fait des recommandations de recherches futures. La revue, qui se concentre surtout sur les connaissances scientifiques applicables au Canada, les aborde sous trois thèmes principaux : les impacts des déchets (éléments nutritifs et matière organique), les produits chimiques utilisés par l'industrie (pesticides, médicaments et agents antisalissures) et les interactions entre les poisons d'élevage et les espèces sauvages (transfert de maladies et interactions génétiques et écologiques).

Cette revue présente les effets environnementaux possibles de l'aquaculture documentés dans la littérature scientifique. Les effets environnementaux des activités aquacoles dépendent du site, des conditions environnementales et des caractéristiques de production de chaque établissement aquacole. L'examen résume les connaissances scientifiques disponibles mais ne constitue pas une évaluation des activités aquacoles spécifique au site. L'examen ne porte pas non plus sur les effets de l'environnement sur la production aquacole.

Les articles sont destinés à un auditoire de scientifiques et de personnes bien informées, notamment des personnes et des organisations participant à la gestion de la recherche sur les interactions environnementales de l'aquaculture. Les articles visent à soutenir la prise de décision sur les priorités de recherche, la mise en commun de l'information et les interactions entre diverses organisations concernant les priorités de recherche et les partenariats de recherche possibles.

Rédigées par des scientifiques du MPO ou sous leur supervision, les articles ont été contrôlés par des pairs, ce qui assure qu'ils sont à jour au moment de leur publication. Après la publication de toute la série d'articles sur l'état des connaissances, des recommandations de recherches ciblées et rentables seront faites.

Série sur l'état des connaissances

Dans le cadre du projet de l'état des connaissances, le MPO prévoit publier douze articles de synthèse portant chacun sur un aspect des effets environnementaux de l'aquaculture. Le présent volume contient les trois articles suivants : Le rôle du génotype et de l'environnement dans la différenciation phénotypique chez les salmonidés sauvages et d'élevage ; interactions pathologiques entre les poissons saubages et d'élevage dans le milieu marin au Canada ; et interactions trophiques entre les poissons marins sauvages et d'élevage. 

Renseignements supplémentaires

Pour de plus amples renseignements sur un article, veuillez communiquer avec son auteur principal. Pour de plus amples renseignements sur le projet de l'état des connaissances, veuillez communiquer avec :

Sciences de l'environnement et de la biodiversité
Sciences des écosystèmes
Secteur des Sciences
Pêches et Océans Canada
200, rue Kent Ottawa (Ontario)
K1A 0E6
Canada

Sciences de l'aquaculture
Sciences des écosystèmes
Secteur des Sciences
Pêches et Océans Canada
200, rue Kent Ottawa (Ontario)
K1A 0E6
Canada

Le rôle du génotype et de l'environnement dans la Différenciation phénotypique chez les salmonidés sauvages et d'élevage

Wendy E. Tymchuk
Centre pour l’aquaculture et la recherche de la science, Pêches et Océans Canada, 4160, Promenade Marine, West Vancouver, Colombie-Britannique V7V 1N6
Département de Zoologie, l’université du Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique V6T 1Z4

Robert H. Devlin
Centre pour l’aquaculture et la recherche de la science, Pêches et Océans Canada, 4160, Promenade Marine, West Vancouver, Colombie-Britannique V7V 1N6
Département de Zoologie, l’université du Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique V6T 1Z4

Ruth E. Withler
Pêches et Océans Canada, 4160, chemin Hammond Bay, Nanaimo, Colombie-Britannique, V9T 6N7

Sommaire

L’objectif du présent document est d’examiner les ouvrages qui traitent des influences génétiques sur les interactions entre les salmonidés d’élevage et sauvages et sur les conséquences de ces interactions. Sont mis en évidence dans ce document les principaux changements phénotypiques qui sont survenus dans les souches domestiques (p. ex. sur le plan de la morphologie, de la physiologie et du comportement). Ce document comprend également un examen visant à déterminer si ces changements ont des effets sur la valeur adaptative en laboratoire et en milieu naturel. Les effets à long terme des interactions entre les souches d’élevage et sauvages découlent principalement d’effets génétiques, tandis que le phénotype des souches domestiques, par rapport à celui des souches sauvages, découle de conditions génétiques et environnementales. La distinction de ces composants qui déterminent le phénotype est nécessaire pour comprendre les effets possibles d’introgressions, mais elle demeure difficile à faire. Les études menées sur le terrain sont essentielles afin de bien déterminer la valeur adaptative des souches domestiques et sauvages, ce qui permet d’examiner les conséquences à long terme possibles des interactions entre ces souches.

Le génotype, en plus du milieu, détermine les caractéristiques phénotypiques adaptatives (c.-à-d. capacités de reproduction et de survie) des salmonidés, et, de ce fait, il est probable que la perturbation de cette structure génétique ait des effets à court et long termes sur la valeur adaptative des individus ainsi que sur la résilience des populations face aux contraintes d’origine naturelle et anthropogénique. Thorpe (2004) a montré que la domestication a un effet considérable sur des caractéristiques du cycle vital des salmonidés. La domestication comprend une sélection parmi de nombreux caractères, notamment un meilleur taux de croissance, une maturité et une capacité de reproduction en plus bas âge, un meilleur taux de survie, une plus grande tolérance aux températures élevées et une plus grande résistance aux maladies (Hynes et al., 1981). Les différences entre les poissons d’élevage et sauvages constituent une série phénotypique homogène et s’étendent des différences entre souches naturelles aux différences entre les poissons sauvages et les poissons d’élevage ayant fait l’objet d’une sélection poussée, en passant par les différences entre les poissons sauvages et les poissons élevés en mer (figure 1). Les modifications de caractères liés à la valeur adaptative chez les poissons d’élevage 5 devraient être typiques des différences attendues chez le saumon d’élevage, bien que ce dernier puisse présenter des changements plus importants en raison de la période plus longue au cours de laquelle il fait l’objet d’une sélection intentionnelle ou indirecte, celle-ci étant habituellement menée dans un milieu sans ressource génétique sauvage. Il existe maintenant un ensemble de preuves à l’appui de l’hypothèse voulant que certains caractères liés à la valeur adaptative et touchés par la domestication, notamment la croissance, la capacité compétitive et le comportement d’évitement des prédateurs, soient en partie déterminés par des facteurs génétiques. Les poissons transgéniques, qui peuvent être perçus comme une forme extrême d’animaux domestiques, ne sont pas pris en considération dans la présente discussion sauf quand ils sont examinés en tant que système modèle pour l’évaluation des relations entre le génotype et le phénotype (Devlin et al., 2001).

Différences phénotypiques entre les poissons d’élevage et les poissons sauvages

La morphologie des poissons peut varier en fonction du milieu où ils ont été élevés (artificiel ou naturel). L’ampleur des différences varie selon l’espèce concernée, la période de temps passée en milieu artificiel et l’intensité de l’élevage (comme l’entassement, l’approvisionnement en nourriture, etc.). La conservation de multiples générations de souches dans un milieu de culture peut donner lieu à des différences morphologiques d’origine génétique dues à la sélection de caractères améliorant la valeur adaptative en milieu d’élevage.

Il a également été démontré que la domestication entraîne des modifications de la physiologie des poissons. Le milieu a évidemment un effet sur la croissance des poissons en raison de facteurs comme la disponibilité des ressources alimentaires et la température. Cependant, des différences génétiques peuvent également entraîner de grandes différences sur le plan de la croissance entre les souches d’élevage et les souches sauvages. L’importance de ces différences de croissance dues au génotype dépend de la fonction de la souche d’élevage et de son historique. L’écart entre le phénotype de croissance des souches d’élevage et celui de leur souche d’origine est beaucoup plus important dans le cas des souches d’élevage qui ont fait l’objet d’une sélection intensive aux fins d’amélioration de la croissance que dans le cas des souches qui n’ont pas fait l’objet d’une sélection dirigée. Il est important de souligner qu’il est souvent difficile de déterminer si des différences physiologiques entre deux souches sont une cause ou une conséquence d’autres différences phénotypiques entre celles-ci (comme dans le cas des différences de croissance ou de comportement). Il est par conséquent difficile d’établir si les différences physiologiques ont un fondement génétique en soi ou si elles sont un produit du milieu.

Des différences de comportement surviennent généralement lors de la domestication. Les poissons d’élevage diffèrent des poissons sauvages quant au degré d’agressivité à l’égard de leurs congénères, mais aucune tendance constante n’a été observée jusqu’à maintenant quant à savoir si l’agressivité augmente ou diminue chez les poissons d’élevage. Une assertion couramment formulée veut que l’agressivité diminue en milieu d’élevage quand l’entassement est élevé et que les poissons n’ont pas à lutter pour les ressources alimentaires. Une réponse réduite aux prédateurs déterminée par le génotype semble être une constante chez les souches domestiques de plusieurs espèces. En comparaison, peu de recherches ont été menées afin de déterminer l’influence du 6 génotype sur la stratégie d’alimentation, le choix de l’habitat et la dispersion. Une modification d’origine génétique de la stratégie d’alimentation pourrait découler de l’expression phénotypique d’autres caractères influencés par des facteurs génétiques, comme la croissance ou la morphologie, qui détermineraient les caractéristiques du comportement d’alimentation.

L’expression de phénotypes comportementaux et physiologiques constitue en bout de ligne un facteur déterminant de la survie. La survie dépend de la plupart des autres caractères phénotypiques ainsi que du milieu dans lequel ceux-ci sont exprimés. Les poissons d’élevage, par le biais de leur plasticité ou d’une réponse adaptative à des pressions sélectives modifiées, ont tendance à exprimer les caractères phénotypiques les mieux adaptés au milieu d’élevage. Par conséquent, leur taux de survie en milieu naturel a tendance à être inférieur à celui des poissons sauvages. Peu d’études ont cependant été menées afin de déterminer si les poissons d’élevage qui vivent dans un milieu naturel toute leur vie ont également un taux de survie inférieur à celui des poissons sauvages. De plus, nous ne connaissons pas l’importance du fondement génétique de la survie ni si les poissons d’élevage ont encore la capacité d’adapter leur phénotype au milieu afin de maximiser leur capacité de survie.

La domestication a souvent une incidence sur la capacité de reproduction des poissons. Les poissons d’élevage sont souvent physiologiquement aptes à se reproduire, mais toute modification de leur comportement de fraie limite leur succès. Même si le succès de reproduction des poissons d’élevage est faible, le potentiel d’un flux de gènes important existe toujours puisque l’effectif des populations de poissons d’élevage dépasse souvent l’effectif des populations de poissons sauvages résidents (c’est le cas au moins pour le saumon atlantique), parfois selon un rapport de 3 pour 1 (Lund et al., 1994; Lura et Økland, 1994). Nous ne possédons aucune donnée sur la capacité du saumon du Pacifique sauvage et d’élevage de se reproduire dans la nature, mais des comparaisons entre les saumons cohos d’élevage et sauvages et des études sur les souches sauvages cultivées indiquent que les tendances observées chez le saumon atlantique pourraient être typiques des changements phénotypiques attendus lors de la domestication.

Les effets génétiques des poissons d’élevage sur les populations sauvages dépendent en partie du comportement de reproduction des poissons d’élevage en milieu naturel. Des études suggèrent que les poissons d’élevage ont la capacité de se reproduire avec succès dans la nature, mais d’autres études montrent plutôt le contraire. Il y a habituellement des différences importantes entre le potentiel de reproduction des poissons d’élevage et celui des poissons sauvages (Fleming et Gross, 1992; Fleming et Gross, 1993; Fleming et al., 1996; Berejikian et al., 1997; Bessey et al., 2004), bien que les résultats de certaines études montrent que le succès de reproduction des deux types de poissons est semblable en milieu naturel (Dannewitz et al., 2004; Palm et al., 2003). Les caractères morphologiques et les caractéristiques du cycle vital liés au comportement de reproduction évoluent en fonction des changements de régime de sélection dans le milieu d’élevage (Fleming, 1994; Fleming et Gross, 1989). L’effet génétique des saumons d’élevage sur les populations sauvages dépend non seulement de la taille des populations sauvages, mais également des différences sur le plan du succès de reproduction (Fleming et Petersson, 2001).

Cause des différences phénotypiques entre les souches d’élevage et les souches sauvages

Les différences phénotypiques entre les salmonidés d’élevage et sauvages peuvent découler d’une combinaison d’effets environnementaux et génétiques, mais leur origine est le plus souvent mal définie. Les différences phénotypiques dues au milieu ne sont pas transmises à la progéniture puisqu’elles n’ont pas de fondement génétique. Il convient par conséquent de s’attendre à ce qu’elles aient des effets qui touchent une génération seulement et qui découlent directement de poissons évadés. En comparaison, les différences génétiques ont le potentiel d’avoir des effets à plus long terme sur les populations sauvages d’une espèce. Il est par conséquent crucial de distinguer les effets génétiques des effets environnementaux.

Les effets génétiques peuvent être évalués dans le cadre d’expériences d’élevage de poissons d’origine différente dans un même milieu (c.-à-d. expériences dans des conditions semblables en laboratoire), ce qui permet de déterminer si le génotype des poissons d’élevage peut être modifié par le biais de pressions sélectives en milieu artificiel. Les effets environnementaux (c.-à-d. plasticité phénotypique) peuvent être analysés en élevant des poissons d’un même patrimoine génétique dans des milieux différents (Hutchings, 2004).

À l’heure actuelle, les connaissances sur l’incidence du milieu sur les différences génétiques inhérentes entre souches sont limitées (c.-à-d. est-ce que l’incidence des conditions environnementales varie en fonction des génotypes en raison d’interactions génotype et environnement). Par exemple, l’avantage compétitif au chapitre de la croissance des poissons domestiques à croissance rapide, par rapport aux poissons sauvages, peut être plus grand en milieu artificiel qu’en milieu naturel. Les interactions génotype et environnement demeure un des facteurs les plus importants qui ont une incidence sur le phénotype et la valeur adaptative. Par conséquent, il est nécessaire de mener des recherches dans ce domaine afin d’améliorer les prévisions des effets génétiques qui découlent des interactions entre les poissons d’élevage et les poissons sauvages.

Mécanisme d’interaction génétique

Les effets génétiques des poissons domestiques peuvent être directs ou indirects. Les effets directs comprennent les modifications du génome sauvage (introgressions) dues au croisement de poissons d’élevage et de poissons sauvages, ou la production d’hybrides stériles. Les effets indirects comprennent l’effet d’une baisse de la taille effective d’une population ou d’une modification d’une pression sélective qui découle de la concurrence ou de l’introduction d’agents pathogènes (Krueger et May, 1991; Skaala et al., 1990; Waples, 1991). Les effets génétiques du croisement de saumons sauvages et de saumons d’élevage sont un peu imprévisibles et peuvent varier entre les populations, mais la plupart des interactions se révèlent généralement être désavantageuses quand les effets génétiques modifient les caractères liés à la valeur adaptative (Hindar et al., 1991). La plupart des études ont porté sur la valeur adaptative de la génération F1 lors de l’examen des effets de croisements de souches domestiques et sauvages. Les hybrides ainsi produits peuvent avoir une valeur adaptative accrue en raison de l’hétérosis, mais les effets négatifs de la dépression due à des croisements distants n’apparaissent qu’à partir de la 8 deuxième génération. Les études simples sur les hybrides de première génération ont donc une valeur prédictive limitée.

Les effets génétiques des poissons d’élevage évadés sur les populations sauvages dépendent également des aspects démographiques de ces populations, de l’ampleur et de la fréquence des évasions, et de l’ampleur des introgressions de gènes de souches d’élevage chez les populations sauvages (Hutchings, 1991). Le phénotype d’un hybride d’un poisson d’élevage et d’un poisson sauvage peut varier en fonction de l’origine et de la structure génétique de la population du poisson sauvage (voir par exemple Einum et Fleming, 1997). Les populations de salmonidés anadromes peuvent être quelque peu résistantes à l’introgression en raison de particularités de leur cycle biologique complexe, comme les classes d’âge qui se chevauchent sur le plan de la maturation et l’errance d’individus entre populations distinctes (Utter et Epifanio, 2002). La distance génétique entre deux populations ne semble pas constituée un indice fiable des effets potentiels d’une introgression (Utter et Epifanio, 2002).

Lacunes Dans Les Connaissances Et Recommandations

Définir de façon plus approfondie le fondement génétique des caractères des poissons domestiques et les mécanismes grâce auxquels ces caractères modifient le phénotype.

Il est évident que les différences phénotypiques (en particulier sur le plan de la croissance) entre les poissons d’élevage et sauvages sont au moins en partie dues à des différences génétiques. Les changements génétiques particuliers qui sont responsables de ces différences phénotypiques demeurent toutefois inconnus. Par exemple, les caractères qui sont déterminés par un grand nombre d’allèles aux effets peu importants, par rapport aux caractères qui découlent d’un petit nombre d’allèles aux effets importants, présentent des risques différents pour les populations sauvages et rendent nécessaires des stratégies de gestion différentes. Une meilleure compréhension des changements génétiques qui sous-tendent les caractères désirés contribuera également à l’élaboration de souches d’élevage sur mesure grâce à une sélection à l’aide de marqueurs. De telles informations génétiques peuvent être obtenues dans le cadre d’études de reproduction approfondies (p. ex. évaluation de l’héritabilité des caractères essentiels chez les populations d’élevage et sauvages dans des conditions naturelles ou artificielles et évaluation de l’importance de la dépression due à des croisements distants ou de l’hétérosis au sein des populations), d’expériences de cartographie et d’identification des gènes et allèles responsables de certains phénotypes et d’études sur l’expression génique visant à relever les gènes nécessaires aux processus liés à la valeur adaptative.

Déterminer si les voies physiologiques et génétiques conservées sont utilisées chez les souches domestiques pour modifier un caractère particulier.

En continuité avec le point précédent, il est crucial d’évaluer si les changements génétiques qui découlent du processus de domestication constituent un processus prudent. Les souches et les espèces de poissons d’élevage ont fait l’objet de peu de comparaisons afin de déterminer si les changements génétiques qui entraînent des différences phénotypiques se produisent de façon prévisible ou si chaque souche est le résultat d’un 9 ensemble unique d’allèles. Ces renseignements permettront de déterminer si une stratégie de gestion du risque peut être généralisée ou si des plans doivent être élaborés au cas par cas.

Une recherche approfondie est nécessaire pour déterminer quelles variables environnementales ont une incidence importante sur l’ampleur des différences phénotypiques chez les souches sauvages et domestiques et entre celles-ci (c.-à-d. améliorer nos connaissances sur la plasticité phénotypique et les interactions génotype et environnement).

Puisqu’il est difficile de procéder à des observations en milieu naturel, peu d’études visent à déterminer si les différences entre souches observées en milieu artificiel constituent un moyen de prévoir avec exactitude les caractères exprimés en milieu naturel. Des évaluations plus rigoureuses de la plasticité des souches d’élevage et sauvages sont donc nécessaires afin de déterminer si la réponse des génotypes domestiques aux conditions environnementales diffère de celle des génotypes sauvages de façons non parallèles (c.-à-d. interactions génotype et environnement). Ce domaine de recherche est crucial.

Entreprendre des études visant à évaluer la contribution des différences phénotypiques entre souches sauvages et domestiques à la survie et au succès de reproduction.

La modification de l’expression d’un caractère phénotypique peut avoir des répercussions sur la valeur adaptative d’un individu, cette valeur étant déterminée par différents caractères phénotypiques aux interactions complexes. Il existe de nombreux ouvrages sur les différences phénotypiques distinctes entre les souches sauvages et d’élevage, mais des analyses plus approfondies sont nécessaires afin de déterminer les interactions entre ces différences au cours du cycle de vie des poissons ainsi que l’incidence de ces différences sur les capacités de survie et de reproduction.

Des évaluations de la valeur adaptative doivent être menées en milieu naturel afin d’obtenir des données permettant de prévoir de façon fiable la valeur adaptive nette et les conséquences de l’introgression de gènes de souches domestiques chez des populations sauvages. Les expériences en laboratoire peuvent révéler des facteurs à l’origine des différences phénotypiques et des différences sur le plan de la valeur adaptative, mais il est impossible de déterminer avec certitude la véritable importance de ces facteurs sans donnée obtenue en milieu naturel.

Des études plus poussées en laboratoire et l’évaluation des différences génétiques identifiées sont essentielles pour que les effets de ces différences sur la valeur adaptative puissent être déterminés. Il est également important d’examiner la capacité des populations à revenir à un génotype et à un phénotype sélectionnés naturellement à la suite d’une introgression et de déterminer le taux auquel les populations peuvent y parvenir.

Compte tenu de l’incertitude actuelle quant à notre capacité de prévision a priori des conséquences d’une introgression, les recherches axées sur la surveillance des interactions et sur la réduction au minimum de celles-ci devraient être appuyées.

Le résultat des interactions génétiques entre populations sauvages et d’élevage est difficile à prévoir puisque notre compréhension de la dynamique génétique est peu approfondie en ce qui a trait aux populations structurées selon l’âge et caractérisées par des générations chevauchantes, comme les populations de salmonidés. Par conséquent, des approches prudentes ont été recommandées aux fins d’évaluation des risques d’effets génétiques (Ryman, 1997; Waples, 1991). Il est évident que la réduction au minimum des évasions de poissons d’élevage constitue une première étape importante (Altukhov et Salmenkhova, 1990; Krueger et May, 1991). Des travaux devraient également porter sur l’élaboration de techniques moléculaires visant à faciliter l’identification et la surveillance des introgressions de gènes de souches d’élevage chez des populations sauvages, particulièrement en ce qui a trait aux poissons matures et aux premiers stades de leur progéniture. L’utilisation de poissons triploïdes ou d’autres techniques de confinement en aquaculture peut permettre d’éliminer les effets génétiques et de réduire les conséquences écologiques des évasions de poissons d’élevage pour les stocks sauvages (Cotter et al., 2000; Devlin et Donaldson, 1992).

Élaborer des modèles qui utilisent les nouvelles connaissances sur la relation entre le génotype, le phénotype et la valeur adaptative pour prévoir les conséquences d’introgressions chez des souches sauvages et domestiques.

Des recherches récentes ont révélé que nombre de caractères phénotypiques qui diffèrent entre les souches sauvages et domestiques sont déterminés par des variations génétiques additives (Tymchuk et al., 2005; McGinnity et al., 1997 et 2003; Fleming et al., 2000). Ces observations font en sorte qu’il est maintenant possible d’estimer les effets d’une introgression de gènes chez des populations sauvages si l’on suppose que la valeur adaptative demeure la même. De plus, les essais de modélisation rendent possible des analyses de sensibilité afin d’estimer le risque lié à différents génotypes dans divers scénarios d’introgression, et, lorsque combinés à des études sur la valeur adaptative naturelle de génotypes, ces essais pourront être utilisés pour prévoir les conséquences en milieu naturel.

Références

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Interactions pathologiques entre les poissons sauvages et d'élevage dans le milieu marin au Canada

A.H. McVicar
Garien Ltd., Conseiller de l'aquaculture et la santé des poissons, 47 Linton, Sauchen, Inverurie, Aberdeenshire, Écosse AB51 7LG

G. Olivier
Pêches et Océans Canada, Centre des pêches de Gulfe 343, avenue de l'université, CP 5030, Moncton, Nouveau-Brunswick, E1C 9B6

G.S Traxler
Pêches et Océans Canada, Sciences, Région du Pacifique, Station biologique du Pacifique, Nanaimo, Colombie-Britannique V9T 6N7

S. Jones
Pêches et Océans Canada, Sciences, Région du Pacifique, Station biologique du Pacifique, Nanaimo, Colombie-Britannique V9T 6N7

D. Kieser
Pêches et Océans Canada, Sciences, Région du Pacifique, Station biologique du Pacifique, Nanaimo, Colombie-Britannique V9T 6N7

A-M MacKinnon
Pêches et Océans Canada, Centre des pêches de Gulfe 343, avenue de l'université, CP 5030, Moncton, Nouveau-Brunswick, E1C 9B6

Résumé

La pisciculture marine intensive est une industrie nouvelle au Canada en comparaison de l'élevage d'animaux terrestres. La jeunesse même de l'industrie soulève une gamme unique de questions et de problèmes potentiels. Chaque fois que les ressources naturelles d'une région sont utilisées à de nouvelles fins, il faut se résigner au fait que la partie du milieu naturel utilisée sera inévitablement modifiée. Dans le cas de l'élevage de poissons en cages mouillées en mer, cela est particulièrement évident au niveau du panorama et des droits d'accès des autres utilisateurs. Mais d'autres changements moins apparents peuvent également se produire, notamment la manifestation de maladies chez les animaux aquatiques sauvages. Dans ce contexte, une question se pose fréquemment, pour de justes raisons, à savoir si l'occurrence de maladies infectieuses dans les installations aquacoles posent un risque important ou acceptable d'effets adverses sur l'environnement et, en particulier, sur les populations de poissons sauvages.

Au cours des 20 dernières années, de nombreux chercheurs ont effectué des études exhaustives de la documentation scientifique sur le potentiel de transmission de maladies entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages (Hastein et Lindstad, 1991; Brackett, 1991; McVicar et al., 1993; McVicar, 1997a, b; Hedrick, 1998; Reno, 1998; Amos et al., 2000; Amos et Thomas, 2002; Olivier, 2002). Il est remarquable qu'aucun de ces chercheurs n'ait trouvé de preuves irréfutables que la pisciculture a contribué à des effets adverses décelables chez des populations de poissons sauvages. Malgré cela, ce point demeure l'un des aspects de l'aquaculture les plus controversés dans les médias et le monde scientifique. La présente étude documentaire porte sur les principales sources de risque potentielles. Elle est axée sur les conclusions de chercheurs qui ont passé en revue la documentation pertinente et les résultats de conférences et d'ateliers de travail sur le sujet.

Les maladies des poissons sauvages sont très peu documentées. Il est donc difficile de démontrer si des changements se sont produits dans la structure de la morbidité chez ces populations. Comme chez n'importe quel animal sauvage, un grand nombre d'agents pathogènes potentiels peuvent se manifester chez les poissons. Lorsqu'une épizootie se produit, des spécimens malades porteurs de niveaux élevés d'agents pathogènes sont habituellement faciles à trouver, comme dans le cas de la mortalité massive de sardine du Pacifique en Colombie-Britannique (Traxler et al., 1999). Cependant, en comparaison des stocks de poissons d'élevage, relativement peu d'épizooties ont été documentées chez des poissons sauvages. Mais il ne faut pas interpréter cela comme une preuve de leur absence ou d'un faible risque d'occurrence. En premier lieu, les agents pathogènes hautement contagieux qui tuent rapidement les poissons sauvages sont typiquement présents à des niveaux faibles lorsque se produit une flambée de cas; en deuxième lieu, les poissons sauvages infectés qui ne montrent aucun signe clinique de maladie sont difficiles à déceler à cause de l'étendue et de l'inaccessibilité du milieu sauvage; et en troisième lieu, les poissons sauvages malades sont rapidement victimes des prédateurs (McVicar, 1987b).

Les interactions entre l'hôte, l'agent pathogène et le milieu d'élevage de poissons sont mieux connues que dans le cas des populations de poissons sauvages parce qu'il est plus facile d'observer les poissons d'élevage. La dépendance sur des données peu fiables sur la relation entre les maladies chez les poissons sauvages et les poissons d'élevage a souvent mené à des interprétations contradictoires des mêmes données, ce qui a fortement alimenté la forte controverse que le sujet soulève. Il a clairement été établi au Canada et à l'étranger que la transmission d'une infection d'un poisson d'élevage à un poisson sauvage ou inversement n'est pas unidirectionnelle; la transmission d'une infection entre milieux de vie est chose normale. Les parties intéressées à l'aquaculture et les parties intéressées aux poissons sauvages ont tendance à mettre l'accent sur la transmission unidirectionnelle. L'absence générale de données adéquates sur l'état de santé des stocks de poissons sauvages avant l'établissement de l'aquaculture empêche de tirer des conclusions robustes au sujet des changements qu'ils ont subis à cause des maladies et leurs effets potentiels. L'incapacité de comparer les patrons de maladie chez les poissons avant et après l'établissement de la pisciculture est un problème non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger. De l'information sur l'ampleur de la variation des maladies naturelles est requise pour évaluer leurs effets potentiels lorsqu'ils viennent s'ajouter aux infections chez des poissons d'élevage. Il est en outre difficile de prouver que les infections chez les poissons d'élevage ont un effet néfaste sur les populations de poissons sauvages car ces dernières connaissent des fluctuations naturelles, dont les causes sont multifactorielles et complexes. Malheureusement, les données de base sur les fluctuations naturelles des populations de poissons sauvages trouvées dans des eaux où l'aquaculture est pratiquée sont rares. Une vue générale des niveaux naturels d'infection qui se produisent dans les secteurs libres de fermes aquacoles peut être établie à partir des données qui y ont été recueillies, mais, en l'absence de données séquentielles sur les variations spatiales et temporelles, il faut faire preuve de prudence.

Une gamme d'agents pathogènes sont présents chez de nombreuses espèces de poissons marins, qui peuvent ensuite servir de réservoirs d'agents pathogènes pour les poissons d'élevage (Kent et al., 1998). La découverte du virus de la nécrose hématopoïétique infectieuse (NHI) chez des saumons rouges lors de leur migration en mer soulève la possibilité de l'existence d'une source ou d'un réservoir du virus en mer (Traxler et al., 1997), bien qu'une mortalité de salmonidés sauvages en mer imputable à des virus n'ait jamais été signalée (Bakke et Harris, 1998). Il est peu probable que les maladies aient une incidence néfaste sur les populations de salmonidés sauvages en raison de leur faible densité dans le milieu marin. Avant de pouvoir tirer des conclusions sur l'ampleur du risque que pose l'occurrence d'une maladie dans une ferme aquacole pour les populations locales de poissons sauvages, il faut comprendre la dynamique de l'infection et la persistance de la maladie. Diverses espèces hôtes peuvent montrer une vulnérabilité naturelle à la même maladie. Même un hôte soumis à un stress élevé (p. ex. température de l'eau élevée, reproduction) peut être davantage vulnérable à l'infection (Bernoth et al., 1997). La complexité de l'interaction entre l'occurrence d'une infection chez un poisson et le développement d'une maladie, ainsi que l'insuffisance de recherches de base, ont contribué dans une grande mesure aux incertitudes qui entourent l'évaluation du niveau d'impact des maladies qui se manifestent dans les fermes piscicoles sur les populations de poissons sauvages. Dans ce contexte, le rôle que joue le pou du poisson dans les fermes piscicoles a été longtemps débattu dans tous les coins du monde, mais aucune conclusion n'a été tirée (McVicar, 2004). De même, l'impact du virus de la NHI sur les stocks de poissons sauvages est un problème mal compris. D'autres recherches sont requises. Le développement de nouvelles espèces aux fins d'élevage au Canada constituera une opportunité d'étudier les interactions des poissons sauvages avec les poissons d'élevage sur le plan des maladies.

L'introduction d'un nouvel agent pathogène dans une région auparavant exempte de la maladie en question pourrait mener à de graves flambées de cas (Olivier, 2002; Kent, 1994; Noakes et al., 2000). Cela peut être imputable à l'absence de résistance acquise chez les populations de poissons indigènes, qui peuvent agir comme hôtes vulnérables. Toutefois, étant donné qu'il y a très peu de mesures à prendre pour prévenir ou limiter la propagation naturelle de maladies résultant des déplacements normaux des populations de poissons entre régions ou de l'agrandissement de leur aire de répartition, par exemple, à cause du changement climatique. L'accent doit donc être mis sur nos activités, comme le transfert d'oeufs et de poissons vivants entre sites aquacoles et les activités présentant des risques de transfert d'une infection qui pourrait nuire aux poissons, comme le commerce.

Lorsque des poissons sauvages sont exposés à des agents pathogènes issus de poissons d'élevage, il est impossible d'éviter que les poissons sauvages ne soient pas victimes d'une infection ou d'une maladie. Les facteurs suivants sont critiques : l'occurrence et la persistance de l'infection dans la population source; la présence de nouveaux hôtes potentiels vulnérables; la viabilité et la concentration de l'organisme infectieux dans le milieu; et la capacité d'un poisson malade d'infecter une population sauvage (Olivier, 2002). La complexité de l'interaction entre l'occurrence de l'infection chez les poissons et le développement d'une maladie, ainsi que l'insuffisance de recherches de base, ont contribué dans une grande mesure aux incertitudes qui entourent l'évaluation du niveau d'impact des maladies qui se manifestent dans les fermes piscicoles sur les populations de poissons sauvages.

Le niveau de risque initial d'infection de poissons sauvages associé à l'évasion de poissons d'élevage infectés dépend du temps de survie des évadés, de leur comportement après l'évasion et de l'opportunité moindre de transmission de la maladie aux poissons sauvages, plus éparpillés dans le milieu naturel que ne le sont les poissons d'élevage. Les poissons d'élevage sont généralement reconnus comme étant mal adaptés à la vie dans le milieu sauvage (Fleming et al., 2000). Un poisson d'élevage malade qui s'évade a encore moins de chance d'y survivre. Il est donc probable que le niveau de risque associé à l'évasion de poissons d'élevage malades diminue rapidement jusqu'à un niveau équivalent à celui des poissons sauvages.

L'introduction d'un nouvel agent infectieux dans une région auparavant exempte de cette maladie peut mener à de graves flambées de cas (Kent, 1994; Noakes et al., 2000; Olivier, 2002). Le transfert interrégional d'oeufs et de poissons vivants pose des risques de transfert de maladies, tout comme d'autres activités, comme la transformation du poisson, car des concentrations élevées d'agents pathogènes viables peuvent être présentes. Toutefois, les mesures réglementaires prises par le Canada permettent d'enrayer ce risque. L'efficacité de ces mesures se reflète dans le fait qu'aucun cas d'introduction de maladies exotiques préoccupantes du poisson n'a été signalé dans les fermes aquacoles et le milieu naturel du Canada.

L'eau, les aliments et le matériel sont les principales voies potentielles d'entrée dans une ferme piscicole de maladies présentes au niveau local. À l'exception des sources d'eau de mer souterraine ou traitée, les fermes piscicoles sont vulnérables aux maladies naturelles transmises par l'eau. Il est plus probable que le déclenchement d'une infection dans une ferme d'élevage de poissons en mer soit relié au niveau d'infection dans le milieu environnant, comme chez les poissons sauvages, et à la proximité de ceux-ci aux fermes. Les maladies peuvent être transmises par l'eau, en général sur de courtes distances, à la suite de l'évasion de poissons infectés ou du contact direct de l'eau avec des sources d'infection (animaux infectés ou matériel contaminé). Toutefois, comme le niveau de risque variera considérablement selon l'agent infectieux et en raison de la complexité des facteurs qui influent sur le déclenchement d'une infection et le développement subséquent de la maladie, cette vue simpliste à l'effet que le niveau de risque est directement lié au niveau d'exposition n'est tout simplement pas défendable.

Au début de l'élevage de salmonidés en mer en Europe, les flambées de cas de maladies dues à des bactéries (p. ex. Vibrio sp.) et des parasites (p. ex. Ichthyophonus) étaient directement attribuées à l'utilisation de poisson frais comme source principale de nourriture. Le processus de fabrication d'aliments industriels pour poissons, que l'industrie canadienne de la mariculture utilise exclusivement, détruit les agents pathogènes préoccupants connus. Les aliments ne constituent donc plus une source de maladie.

Bien que le matériel de ferme, comme les filets, les trieurs, l'équipement de récolte et même les bottes et les vêtements des employés, puisse être à l'origine du transfert d'infections bactériennes ou virales entre fermes, le niveau d'infection dans les fermes est généralement assez faible pour que le matériel de ferme soit considéré comme ne constituant qu'un risque relativement faible en comparaison du risque associé au transfert d'oeufs ou de poissons vivants. Il faut cependant faire preuve de grande prudence en cas d'épizootie. Dans de telles circonstances, de bonnes pratiques de gestion aquacole et des mesures de biosécurité peuvent se révéler efficaces pour réduire davantage le niveau de risque et prévenir d'autres épisodes de maladie.

Les conditions qui prévalent dans les fermes piscicoles, comme la densité élevée des poissons, sont telles que lorsqu'une infection s'y manifeste, elle risque de se propager et de causer une flambée de cas chez le stock mis en élevage. Sous cet aspect, la pisciculture ne diffère pas de l'agriculture intensive ou semi-intensive. Le développement de vaccins efficaces contre les maladies du poisson d'élevage a permis de réduire considérablement le nombre de cas de maladies graves (Youngson et al., 1998). Lorsque des vaccins ne sont pas disponibles, d'autres méthodes de lutte contre les maladies, comme le retrait de tous les poissons d'une installation piscicole afin de briser le cycle de maladie, la gestion de la région ou de la baie touchée, la mise en élevage d'une seule génération de poissons et l'administration ciblée d'agents chimiothérapeutiques au moment critique dans le cycle de développement d'une maladie ou d'un parasite (p. ex. pou du poisson) se sont révélées hautement fructueuses pour ce qui est de réduire l'occurrence de maladie dans les fermes piscicoles (McVicar, 2004).

Recherches recommendés

Références

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Interactions trophiques entre les poissons marins sauvages et d'élevage

M.R.S. Johannes
Pêches et Océans Canada, Sciences, Région du Pacifique, Station biologique du Pacifique, Nanaimo, Columbie-Britannique V9T 6N7

Sommaire

La présente revue de la littérature porte sur les interactions trophiques entre les poissons marins d'élevage et les populations de poissons sauvages afin de déterminer l'état des connaissances sur le sujet et de cerner les lacunes à combler en matière de recherche. Trois questions sont au cœur des discussions sur le sujet : Quel est l'effet de la prédation par les poissons en cage sur les poissons sauvages et les proies disponibles? Est ce que les sites d'élevage attirent les poissons sauvages et ont ils une incidence sur la productivité de ceux-ci? Quels sont les effets de la prédation et de la concurrence par les poissons d'élevage évadés sur les populations de poissons sauvages locales et régionales?

De récents examens de l'aquaculture ont mis en évidence les effets de cette activité sur les écosystèmes et ont traité de façon générale de l'attrait que les sites d'élevage exercent sur les poissons sauvages ainsi que des effets de la prédation et de la concurrence par les poissons en cage et ceux qui s'en évadent. Aucun examen détaillé n'a toutefois été réalisé sur le sujet. La majorité des études a porté sur les interactions génétiques et comportementales entre les évadés et les poissons sauvages, ou encore sur l'attrait qu'exercent les sites d'élevage sur les poissons sauvages. Peu de travaux empiriques ou expérimentaux directs ont été effectués afin d'aborder ces questions, et il existe une lacune dans les connaissances sur les écosystèmes marins tempérés du Nord, y compris ceux au Canada.

La littérature indique que les poissons d'élevage peuvent avoir des effets mesurables sur les poissons sauvages ou les proies sauvages disponibles par le biais de la prédation, de la concurrence et de l'attraction. Ces effets peuvent survenir à l'échelle locale (sites d'élevage et écosystèmes) et, potentiellement, à l'échelle régionale. Bien que ces effets varient en ce qui concerne les trois questions susmentionnées, ils sont généralement interreliés par le biais de la nature et de la productivité de l'écosystème environnant (c. à d. conditions chaudes et milieu oligotrophe à eutrophe; conditions fraîches et milieu oligotrophe à eutrophe), du nombre de poissons d'élevage, des espèces concernées, du nombre de sites d'élevage et de la distance de ceux-ci par rapport aux concentrations de poissons sauvages. Il n'existe qu'un nombre limité de documents disponibles sur ces sujets, et il est par conséquent difficile de quantifier la pertinence et le risque associés aux conséquences des interactions trophiques entre les poissons d'élevage et les populations de poissons sauvages.

Seules quelques études ont porté sur les effets de la prédation par les poissons en cage sur les poissons sauvages, et celles terminées à ce jour ont été effectuées dans des écosystèmes marins en Colombie Britannique. Les résultats de ces études indiquent que les saumons en cage consomment peu de poissons sauvages et de plancton et que cette interaction varie en fonction des espèces de saumon élevées, de la saison et du site d'élevage. Les poissons d'élevage consomment peu de poissons sauvages et de plancton, mais leur comportement et leur choix de proies sont semblables à ceux des poissons sauvages. Les études reposaient sur des observations et n'ont pas examiné en profondeur les effets de la prédation par les saumons en cage sur les proies sauvages. Les études qui seront menées ultérieurement au Canada devraient comprendre un modèle expérimental afin d'évaluer les effets de la prédation par les poissons en cage sur les poissons et les proies sauvages ainsi que de déterminer la variation des effets potentiels en fonction des espèces en cage, de la saison et de la distance entre les sites d'élevage et les populations de poissons sauvages.

Quelques études ont été menées dans des écosystèmes marins tempérés du Nord afin d'examiner l'attrait que les sites d'élevage exercent sur les poissons sauvages. Les résultats de ces études indiquent que les poissons sauvages utilisent les sites d'élevage comme récifs ou abris artificiels et que ces sites constituent un lieu d'alimentation de prédilection en raison de l'excédent de granules de nourriture, des déchets organiques des fermes et de l'abondante macrofaune présente sur place ou à proximité. Les résultats indiquent également que les densités de poissons sauvages sont de une à dix fois plus élevées près des sites d'élevage en milieu nordique tempéré et frais en raison de l'attraction à l'échelle locale, mais que la biodiversité globale des communautés de poissons sauvages varie peu à ces sites. Les hausses sur le plan de la densité, de la taille des populations, de la structure d'âge et de la biodiversité globale des communautés à proximité des sites d'élevage en milieux pauvres en éléments nutritifs et aux conditions plus chaudes indiquent qu'un nombre plus élevé de poissons sauvages sont attirés par ces sites. D'autres études sont nécessaires au Canada afin d'examiner l'attrait qu'exercent les sites d'élevage sur les populations et les communautés de poissons sauvages et de déterminer les degrés d'interaction. Ces études devraient comprendre l'utilisation d'espèces indicatrices appropriées pour déterminer les degrés d'interaction.

Il existe une quantité limitée de données sur le nombre, la répartition à l'échelle locale et le comportement d'alimentation des poissons d'élevage évadés ainsi que sur leurs interactions possibles avec les poissons sauvages. De nouvelles études sont nécessaires pour quantifier les interactions possibles entre les évadés et les populations de poissons sauvages ainsi que les effets potentiels des évadés sur celles ci. La littérature montre trois types d'interactions possibles. Les densités élevées d'évadés sont associées négativement à l'abondance et à la diversité des poissons sauvages, et les évadés sont d'abord des concurrents et ensuite des prédateurs. Les densités faibles d'évadés ont des effets non concluants sur les poissons sauvages, mais les évadés adoptent un comportement d'alimentation semblable à celui des poissons sauvages. Finalement, les espèces d'élevage exotiques, par opposition aux espèces d'élevage indigènes, montrent des différences sur le plan du comportement d'alimentation. Il existe une lacune dans les connaissances sur la relation entre la densité, la survie et l'alimentation des évadés et les populations de poissons sauvages à proximité des sites d'élevage.

Cet état des connaissances devrait être intégré à une évaluation globale des risques que présentent les poissons d'élevage pour les populations de poissons sauvages (résultats des examens antérieurs) afin d'établir les priorités en matière de recherche et d'élaborer de nouvelles approches de gestion.

Lacunes dans les connaissances

  1. De nouvelles études sont nécessaires afin de déterminer si les poissons marins en cage (saumon et autres espèces de poissons d'élevage, telles la morue charbonnière, la morue et le flétan) se nourrissent de poissons sauvages de populations locales et de plancton. Ces études devraient examiner l'échelle d'influence locale et régionale entre les poissons d'élevage et les populations de poissons sauvages afin de déterminer la pertinence de cette interaction.
  2. De nouvelles études sont nécessaires afin de déterminer le degré et le type d'attraction qu'exercent les sites d'élevage de poissons marins sur les poissons sauvages au Canada.
  3. Des études sur les évasions de poissons d'élevage sont nécessaires afin d'établir des relations entre les causes des évasions et leurs effets, à l'échelle locale et régionale, sur les poissons sauvages et leur écosystème.
  4. Une surveillance attentive et la préparation de rapports d'incident sont nécessaires pour établir clairement le moment des évasions, le nombre d'évadés, les espèces concernées et l'état des évadés.
  5. La plupart des études menées à ce jour ont été de nature empirique ou ont reposé sur des observations et n'ont comporté que peu d'expériences. Des approches expérimentales ou adaptatives devraient être prises en considération afin de soumettre des populations de poissons sauvages à une gamme de niveaux d'exposition au risque lié aux poissons d'élevage de manière à tenir compte de l'évolution des connaissances.
  6. Une nouvelle étude est nécessaire afin de comparer le régime alimentaire et les habitudes de consommation des saumons en cage, évadés et sauvages en fonction de la distribution des proies disponibles et des conditions dans le milieu marin.
  7. Le choix des priorités de recherche aux fins d'étude des interactions entre les poissons sauvages et les poissons d'élevage devrait être fondé sur le niveau de risque perçu pour les populations de poissons sauvages et les écosystèmes locaux. L'objectif de cette recherche devrait être d'évaluer et de quantifier le risque.
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