R et D en aquaculture au Canada de 2007
Polyculture
Faisabilité de la coculture de l’huître creuse du Pacifique et de l’holothurie du Pacifique
La croissance et la production de l’holothurie du Pacifique (Parastichopus californicus) élevée en bac sous des cordes d’huître creuse du Pacifique (Crassostrea gigas) ont fait l’objet d’une étude de 12 mois à deux sites d’ostréiculture en suspension en eau profonde en Colombie-Britannique. Les taux de production de fèces et de pseudofèces par C. gigas et l’utilisation de ces matières particulaires par P. californicus comme source de nourriture ont également été établis.
Les taux de sédimentation ont atteint un pic de 93,6 g (poids sec) m-2 d-1 en avril et juillet 2004 à 8,5 m de profondeur. Aux deux sites d’étude, les flux moyens maximums du carbone organique total, qui se situaient à 3 123 et 4 150 mg C (poids sec) m-2 d-1 dans les trappes à sédiments mouillées à 8,5 m de profondeur, se sont produits en juillet 2004, alors que les flux moyens maximums de l’azote total, qui se chiffraient à 633 et 441 mg N (poids sec) m-2 d-1, se sont produits en juillet et novembre 2004 respectivement. Le rapport C/N moyen dans les échantillons de matières particulaires prélevés dans les trappes à sédiments aux deux sites variait entre 5,93 et 8,39; ces matières peuvent donc être considérées comme ayant une grande valeur nutritive.
Les holothuries élevées en bac aux deux sites ont utilisé les biodépôts provenant des huîtres cultivées; ils ont pris en moyenne 42,9 g au cours de l’expérience (taux de croissance moyen pour les deux sites allant de 0,061 à 0,158 g d-1). L’absence de viscères et l’interruption de l’alimentation lors de la période d’échantillonnage de novembre 2004 ont eu un effet sur le taux de croissance général. Les concentrations moyennes de matières organiques étaient significativement plus élevées dans l’intestin antérieur des holothuries (233,0 mg g-1 de sédiment sec) que dans les sédiments (64,3 mg g-1 de sédiment sec) ou dans l’intestin postérieur (142,8 mg g-1 de sédiment sec), ce qui indique une sélection active des matières organiques présentes dans les sédiments et la digestion et l’assimilation de ces matières dans l’intestin postérieur. P. californicus a assimilé les matières organiques présentes dans les bacs à un taux d’efficacité moyen de 48,4 %.
Si l’holothurie du Pacifique est capable d’utiliser les déchets particulaires produit par l’huître d’élevage, il sera peut-être possible de développer un système de coculture commerciale permettant de réduire le volume de biodépôts sous les installations ostréicoles et de produire une récolte marchande secondaire.
Recherche : Chris Pearce (MPO); Debbie Paltzat et Scott McKinley (UBC); et Penny Barnes (CSR). Information : Chris Pearce, à PearceC@pac.dfo-mpo.gc.ca. Rapport : PCRDA – MPO.
Avril 2004 – Juin 2005
L’aquaculture multitrophique intégrée erre en avant au Canada
L’aquaculture multitrophique intégrée (AMTI), qui prend son origine dans une ancienne pratique d’élevage pleine de bon sens, promet pour ce qui est d’accroître la durabilité de l’aquaculture. Les déchets produits par une espèce servent à en nourrir une autre : elle combine la pisciculture (apport de nourriture), l’algoculture (extraction de matières inorganiques) et la conchyliculture (extraction de matières organiques). Avec l’aide financière d’AquaNet de 2001 à 2006, et maintenant du Fonds d’innovation de l’Atlantique (de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique), une équipe interdisciplinaire composée de chercheurs de l’Université du Nouveau-Brunswick à Saint-Jean et du ministère des Pêches et des Océans à St. Andrews, ainsi que de partenaires provenant des secteurs industriel et gouvernemental (Cooke Aquaculture Inc., Les Algues acadiennes Limitée et l’Agence canadienne d’inspection des aliments), développe un tel système à une échelle industrielle pilote en élevant ensemble le saumon atlantique (Salmo salar), des laminaires (Laminaria saccharina et Alaria esculenta) et la moule bleue (Mytilus edulis) à plusieurs sites aquacoles dans la baie de Fundy.
Après cinq années de recherche, la protection de l’environnement (biorémédiation), la diversification économique (allant de filets de poisson à des composés bioactifs) et l’acceptabilité sociale (meilleures pratiques de gestion) valident l’établissement de systèmes d’AMTI. Nous avons développé et peaufiné, en laboratoire et sur le terrain, des méthodes de culture novatrices des laminaires. Les taux de croissance plus élevés des laminaires (46 %) et des moules (50 %) cultivées près des installations piscicoles, en comparaison des sites de référence, reflètent les plus grandes quantités de nourriture et d’énergie disponibles.
Les teneurs en matières nutritives et en oxygène dans l’eau et les niveaux de biomasse sont contrôlés dans le but d’estimer le potentiel de biorémédiation d’un site d’AMTI. Les charges en matières solides et en matières solubles issues de l’élevage de saumons sont modélisées à titre de première étape de l’élaboration d’un modèle global et souple d’AMTI. L’extrapolation, par application de la bioénergétique, de l’approche par bilan massique est juxtaposée à des mesures modernes de la santé des écosystèmes telle l’éxergie.
Aucun des agents thérapeutiques utilisés en salmoniculture n’a été décelé dans les laminaires et les moules recueillies aux sites d’AMTI au cours des cinq dernières années, alors que les teneurs en métaux lourds, en arsenic, en BPC et en pesticides étaient toujours inférieures aux niveaux réglementaires. Un test de dégustation de moules de taille marchande récoltées à un site d’AMTI et à un site de référence a révélé qu’elles n’étaient pas différentes. Tous les ans, il se produit dans la baie de Fundy des poussées de Alexandrium fundyense, un dinoflagellé qui secrète une phycotoxine paralysante, que les moules peuvent accumuler jusqu’à des niveaux supérieurs aux limites réglementaires en été et au début de l’automne. Cependant, les teneurs en phycotoxine paralysante dans les moules ont diminué rapidement à mesure que les poussées de A. fundyense ont fléchi. Les teneurs en acide domoïque, secrétée par la diatomée Pseudo-nitzschia pseudodelicatissima, n’ont jamais été supérieures aux limites règlementaires au cours des cinq années de l’expérience. Tous ces résultats indiquent que, lorsque des mesures de surveillance et de dépuration appropriées sont mises en ouvre, les moules et les laminaires de l’AMTI peuvent être récoltées sans danger pour les consommateurs.
Un sondage des attitudes envers l’aquaculture a révélé que le public a une réaction plus négative envers les pratiques actuelles de monoculture et considère que l’AMTI sera un succès. Une étude par groupes de discussion a révélé que la plupart des participants étaient d’avis que l’AMTI a le potentiel de réduire les incidences environnementales de la salmoniculture, de bonifier l’économie des collectivités et d’accroître les possibilités d’emploi, ainsi que d’améliorer la compétitivité et la durabilité de l’industrie. Tous les participants étaient d’avis que les produits de l’AMTI sont salubres et 50 % étaient prêts à payer 10 % de plus pour ceux-ci s’ils étaient étiquetés en conséquence.
Nous sommes en voie d’élaborer un modèle bio-économique pour calculer la valeur actualisée nette de l’AMTI. Le modèle, projeté sur dix ans, a été conçu pour traiter des plages de données et prédire la variabilité à long terme. Les résultats préliminaires montrent que l’ajout de la culture des laminaires et des moules à l’élevage du saumon est rentable et peut aider à réduire les risques.
Nous sommes actuellement en voie de faire une mise à niveau des systèmes et de collaborer avec le MPO, l’ACIA, EC et le MAPANB pour établir un cadre réglementaire et stratégique pour la salubrité des produits de l’AMTI, qui permettra son développement à l’échelle commerciale.
Recherche : Thierry Chopin, Fred Page, Neil Ridler et Manav Sawhney (UNB); Shawn Robinson (MPO); Michael Szemerda (Cooke Aquaculture Inc.); John Sewuster (Les Algues acadiennes Ltée); et Sharon Boyne-Travis (ACIA). Information : Thierry Chopin, à tchopin@unbsj.ca. Rapport : FIA - APECA et AquaNet.
2001 - 2011
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