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Recherche sur les requins-taupes communs

Lamna nasus

requin-taupe commun
Requin-taupe commun mâle

Notre laboratoire a mené des recherches approfondies sur la biologie et la dynamique des populations de requins-taupes communs. L'appui et le financement de l'industrie canadienne de la pêche au requin-taupe commun ont également joué un rôle important dans la réussite de ce programme de recherche. En effet, l'aide que l'industrie canadienne de la pêche au requin a fournie au programme a été substantielle, en dépit du fait qu'elle était indépendante de tout quota de pêche actuel ou futur.

Détermination de l'âge et du taux de croissance

Plusieurs centaines de vertèbres ont été sectionnées pour révéler des anneaux de croissance. Nous nous sommes concentrés dernièrement à déterminer si ces anneaux se forment chaque année et s'ils peuvent, par conséquent, servir à établir le taux de croissance et la longévité pour soutenir une évaluation du stock fondée sur l'âge. La validation de l'âge a été entreprise sur plusieurs fronts : analyse des données de fréquence de longueur, analyse des données de recapture des requins marqués, examen des vertèbres de requins recapturés marqués comme jeunes de l'année, examen des vertèbres de requins recapturés marqués par injection d'oxytétracycline et analyses de la teneur en carbone nucléaire. Nos résultats indiquent clairement que les vertèbres fournissent une mesure exacte de l'âge du requin-taupe commun, au moins jusqu'à l'âge de 26 ans. Le requin le plus vieux jusqu'à maintenant avait 26 ans, et les calculs suggèrent que le requin-taupe commun pourrait vivre jusqu'à 40 ans. Ces travaux ont été publiés dans Campana et al. 2002 et Natanson et al. 2002.

Les photos ci-dessous montrent des exemples de vertèbres préparées de requin-taupe commun comme le montre le système d'analyse des images. Les anneaux de croissance annuels apparaissent par paires d'anneaux pâles et foncés. La figure 1 illustre des vertèbres prélevées chez des requins-taupes communs recapturés qui avaient été marqués comme jeunes de l'année. Ces échantillons sont importants parce qu'ils fournissent des exemples de requins dont l'âge est connu. Les anneaux de croissance sur l'échantillon de vertèbres de la figure 2 indiquent un requin d'environ 15 ans. Cet âge n'est pas validé, mais on suppose que l'interprétation des anneaux est correcte puisque ceux-ci sont semblables à ceux de vertèbres validées, comme dans la figure 1.

Cliquez sur les photos ci-dessous pour les agrandir (il est à noter que ces images en haute résolution prendront plus de temps à s'afficher).

Vertèbres préparées de requin-taupe commun comme le montre le système d'analyse des images

Les images ci-dessous montrent les vertèbres de requins-taupes communs marqués par injection d'oxytétracycline et d'âge connu (à noter ces images en haute résolution prendront plus de temps à s'afficher).

>Vertèbres de requin-taupe commun d'âge connu

Vertèbres de requins-taupes communs marqués par injection d'oxytétracycline

Comparaison de la croissance et de la maturité avec celles de la population inexploitée

La population du requin-taupe commun dans l'Atlantique Nord-Ouest est exploitée depuis plus de 40 ans, laissant la taille de la population actuelle à environ 10 % de ce qu'elle était à l'origine. Est-ce que ce niveau de pêche a eu des effets sur le taux de croissance et la taille/l'âge des individus matures sexuellement? Les recherches pour répondre à cette question sont maintenant terminées (Cassoff et al. 2007).

Nous avons testé les changements liés à la densité dans la croissance et la maturation du requin-taupe commun dans l'Atlantique Nord-Ouest (Lamna nasus) après un déclin de 75 à 80 % de la population en raison de la pêche. Des données sur les vertèbres et la reproduction recueillies dans les populations vierges (de 1961 à 1966) et exploitées (de 1993 à 2004) ont été analysées afin de comparer le taux de croissance et l'âge/la longueur à la maturité entre les deux périodes. Les résultats de tests de rapport des vraisemblances nous ont permis de constater des différences importantes entre les modèles de croissance reparamétrisés de von Bertalanffy pour chaque période. Après l'âge de 7 ans, la longueur moyenne selon l'âge était plus grande entre 1993 et 2004 qu'entre 1961 et 1966. Entre 1961 et 1963 et entre 1999 et 2001, la longueur à la maturité avait diminué chez les mâles (de 179 à 174 cm CFL) et était invariable chez les femelles (216 cm CFL), tandis que l'âge à la maturité avait décliné tant chez les mâles (de 8 à 7 ans) que chez les femelles (de 19 à 14 ans). Selon une analyse des associations des requins-taupes communs avec la température, les individus ont occupé les eaux à des conditions de température comparables au milieu des années 1960 et pendant la décennie de 1990, écartant ainsi la possibilité que les changements de croissance aient été provoqués par la température. L'augmentation du taux de croissance et la diminution de l'âge à la maturité qui ont été observées après l'exploitation appuient l'hypothèse d'une réaction de croissance compensatoire en fonction de la densité.

Comparaison de la croissance et de la longévité des populations de requin-taupe commun dans l'Atlantique Nord-Ouest et les eaux de la Nouvelle-Zélande

Les populations de requin-taupe commun dans l'Atlantique Nord-Ouest et les eaux de la Nouvelle-Zélande diffèrent substantiellement sur le plan de leurs caractéristiques biologiques : le requin-taupe commun de la Nouvelle-Zélande atteint une taille maximale plus petite, arrive à maturité à une taille plus petite et à un âge plus avancé, et vit probablement beaucoup plus longtemps que le requin-taupe commun de l'Atlantique Nord-Ouest.

Il semble que les taux de croissance des populations de requin-taupe commun de la Nouvelle-Zélande et de l'Atlantique Nord-Ouest soient semblables jusqu'à l'âge de quatre ans environ, après quoi la croissance du requin-taupe commun de la Nouvelle-Zélande ralentit de façon notable. De plus, le requin-taupe commun de l'Atlantique Nord-Ouest atteint une taille beaucoup plus grande que celui de l'hémisphère Sud : les requins qui dépassent 200 cm sont courants dans l'Atlantique Nord et très rares dans les eaux entourant la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Les longueurs médianes à la maturité des requins-taupes communs de la Nouvelle-Zélande sont de 140 à 150 cm pour les mâles et de 170 à 180 cm pour les femelles, comparativement à 166 cm et à 208 cm respectivement pour ceux de l'Atlantique Nord-Ouest. Les estimations de l'âge à la maturité des requins-taupes communs de la Nouvelle-Zélande sont de 8 à 11 ans pour les mâles et de 15 à 18 ans pour les femelles. En comparaison, les requins-taupes communs de l'Atlantique Nord-Ouest arrivent à maturité un peu plus tôt, soit autour de 8 et 13 ans pour les mâles et les femelles respectivement. La longévité des requins-taupes communs de la Nouvelle-Zélande est incertaine, mais elle est d'au moins 38 ans et pourrait atteindre 65 ans. Le requin-taupe commun le plus âgé que l'on ait trouvé dans l'Atlantique Nord-Ouest avait 26 ans. Toutes ces différences laissent supposer que la population de requin-taupe commun dans l'Atlantique Nord-Ouest est plus productive que celle qui se trouve dans le Pacifique Sud. Il existe également de solides indications que les anneaux de croissance des vertèbres cessent d'indiquer la croissance annuelle chez un requin très vieux ou dont la croissance est lente (Francis et al. 2007).

Une comparaison des caractéristiques relatives à la taille et à la maturité du requin-taupe commun dans les eaux du monde entier est présentée dans un document de Francis et al. (2008).

Maturité sexuelle

Un échantillonnage intensif à bord de navires de pêche commerciale a servi à documenter le développement fondé sur la longueur et les saisons de tous les tissus reproductifs. En plus des mesures de la taille de certains organes internes (oviducte, glande coquillière, ovaire, utérus, œufs et embryons chez les femelles; ptérygopodes, sac siphonal, testicules, épididyme, ampoule et spermatophores chez les mâles), bon nombre de ces organes ont également fait l'objet d'un examen histologique. La taille et l'âge à la maturité sexuelle ont été déterminés pour chaque sexe. Les résultats initiaux indiquent que 50 % des individus mâles sont matures à une longueur à la fourche de 174 cm (8 ans), tandis que les femelles ne sont matures que lorsque cette longueur atteint 217 cm (13 ans). Ces travaux sont maintenant publiés (Jensen et al. 2002).

Cliquez sur les images ci-dessous pour voir les différences internes entre des requins-taupes communs immatures et matures (il est à noter que ces images en haute résolution prendront plus de temps à s'afficher).

Les différences internes entre des requins-taupes communs immatures et matures

Rapport du requin-taupe commun avec la température

L'industrie de la pêche a bien voulu rendre disponible des centaines documents détaillés de lieux de pêche qui comprennent des températures de la surface de la mer et des profils de température. Ces données ont été analysées pour déterminer des modèles de répartition en rapport avec la température de l'eau, la profondeur et le temps de l'année. Nos résultats indiquent que le requin-taupe commun est le plus souvent capturé dans des eaux dont la profondeur varie entre 35 et 100 mètres et la température, entre -2 et 15 oC. En tout temps de l'année, la température moyenne à la profondeur des engins de pêche était invariablement située à 7 ou 8 oC. La profondeur de l'eau n'était pas associée au taux de prise, même si le requin-taupe commun a tendance à fréquenter des eaux peu profondes à l'automne plutôt qu'au printemps. Puisque le requin-taupe commun figure parmi les espèces de requins pélagiques les plus tolérantes au froid, il semble maintenant chercher des proies d'eau froide en prenant avantage de sa capacité thermorégulatrice. Cette recherche est maintenant publiée (Campana et Joyce 2004).

Marquage par satellite du requin-taupe commun

Jusqu'à tout récemment, les zones de mise bas du requin-taupe commun étaient complètement inconnues. Afin de déterminer les voies migratoires et les zones de mise bas de cette espèce, un projet a été entrepris pour marquer, au début de l'automne, des individus à maturité sexuelle avec des étiquettes satellites d'archivage détachables sur leurs lieux d'accouplement. Au début du printemps (lorsque les femelles mettent bas), les étiquettes se sont détachées des requins et ont transmis leurs données. Les résultats se sont avérés surprenants : toutes les femelles matures avaient migré vers la mer des Sargasses (entre les Bermudes et Cuba) pour donner naissance à leurs petits. Pour ce faire, elles ont dû traverser le Gulf Stream, dont les températures de l'eau sont trop chaudes pour le requin-taupe commun d'eau froide. Par conséquent, les requins-taupes communs femelles ont littéralement plongé sous le Gulf Stream à des profondeurs de 1 360 mètres pour éviter les eaux chaudes. Une fois rendues dans la mer des Sargasses, elles sont demeurées à une profondeur moyenne de près d'un demi-kilomètre, ce qui explique probablement pourquoi il n'a pas été possible de les détecter au fil des ans. Cette recherche est maintenant publiée (Campana et al. 2010).

Ces renseignements permettront au Canada ou à la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique de décider si une gestion des pêches à l'échelle internationale ou une désignation de zones de mise bas protégées est nécessaire.

Étiquette satellite d'archivage détachable fixée à un requin-taupe commun mature

Étiquette satellite d'archivage détachable fixée à un requin-taupe commun mature

Carte illustrant les lieux d'étiquetage et où les étiquettes se sont détachées pour 21 requins-taupes communs marqués au large de la côte est du Canada.

Carte illustrant les lieux d'étiquetage et où les étiquettes se sont détachées pour 21 requins-taupes communs marqués au large de la côte est du Canada. Les mâles et les femelles immatures sont restés au nord de la latitude 37°N, alors que toutes les femelles matures ont migré vers la mer des Sargasses en avril. Le mois où l'étiquette s'est détachée est indiqué par un nombre.

Dynamique des populations

Les taux de prise commerciale, les fréquences de longueur, les recaptures d'individus marqués et l'estimation de la composition selon l'âge de la population ont été intégrés pour reconstruire une perspective sur la dynamique des populations et le niveau de pêche durable du requin-taupe commun au large de la côte est du Canada. Un premier produit de cette enquête a été une évaluation détaillée du stock de requin-taupe commun qui a été présentée à la fin de 1999. Une version mise à jour et améliorée de l'évaluation du stock a été présentée au printemps de 2001 et elle a servi de point de départ pour élaborer un nouveau plan de gestion. Un aperçu de certains résultats a été publié (Campana et al. 2002; Campana et al. 2008).

En 2004, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) avait recommandé que le requin-taupe commun soit désigné comme espèce en voie de disparition, selon les renseignements sur les stocks résumés dans Campana et al.; (2003) (SCCS docrech - 2003/007). En désignant le requin-taupe commun comme une espèce en voie de disparition, toute pêche commerciale du requin-taupe commun serait interdite. Le gouvernement canadien a décidé de ne pas inscrire le requin-taupe commun sur la liste en vertu de la Loi sur les espèces en péril (LEP), en raison des mesures de conservation rigoureuses prévues dans le nouveau plan de gestion des requins.

Pour mettre à jour et améliorer les renseignements disponibles sur le requin-taupe commun, une évaluation exhaustive du stock a été effectuée en 2005 et a conclu que l'abondance du stock reproducteur femelle de 2005 se situait entre 12 % et 15 % de son niveau de 1961, mais que la population était demeurée relativement stable depuis la réduction des quotas de prises en 2002 (Rapport d'évaluation du rétablissement; 2005). La plus récente évaluation du stock indique que le rétablissement de la population a déjà commencé (Évaluation du stock 2010)(Évaluation du stock 2012).

Mortalité après la remise à l'eau des requins-taupes communs munis d'une étiquette satellite

Le requin-taupe commun est un grand migrateur et passe de longues périodes dans les eaux canadiennes avant de se rendre dans les eaux internationales. La Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique a approuvé de nouveaux règlements appuyant la remise à l'eau de requins-taupes communs vivants capturés dans les eaux internationales, mais la survie de ceux-ci après leur remise à l'eau n'a jamais été mesurée. Nous entreprendrons bientôt une recherche pour mesurer la survie après la remise à l'eau de requins-taupes communs pris pendant une pêche commerciale au moyen d'étiquettes satellites d'archivage détachables. Une meilleure compréhension de la survie des requins-taupes communs après leur remise à l'eau améliorera l'exactitude des évaluations de stocks effectuées au Canada et à l'étranger, et simplifiera ainsi la gestion et la gouvernance internationale de l'espèce.

Alimentation

Dans le cadre de l'échantillonnage détaillé qui est effectué à bord de navires commerciaux, le contenu de l'estomac de 1 022 requins-taupes communs a été examiné et pesé pour déterminer de quoi se nourrissent ces grands prédateurs.

Nos résultats indiquent que le requin-taupe commun est un prédateur actif et opportuniste, qui s'alimente de divers groupes de poissons et d'invertébrés dans toute la colonne d'eau. Au cours de la première moitié de l'année, il se nourrit surtout de poissons pélagiques (en particulier le maquereau, le hareng et le cavalo féroce) et de calmars. La morue, la limande, la lompe et d'autres poissons de fond se retrouvent souvent dans son estomac à l'automne, lorsqu'il fréquente des eaux moins profondes. Le loup de mer, l'aiguillat commun, le lançon, le sébaste, de petits crabes et quelques crustacés ou gastéropodes sont d'autres exemples de proies moins courantes. Dans l'ensemble, 91 % du poids du contenu de l'estomac était des poissons. Outre des organismes vivants, on a constaté que le requin-taupe commun consommait de petits morceaux de détritus et de débris flottant dans la colonne d'eau. On a retrouvé dans son estomac de la corde et de la ligne à pêche, des emballages reluisants et des objets en plastique. Ces travaux de recherche sont maintenant publiés (Joyce et al. 2002).

Cliquez sur les photos ci-dessous pour voir des exemples de proies courantes et moins courantes (il est à noter que ces images en haute résolution prendront plus de temps à s'afficher).

Proies courantes

Proies rares

Sondage

Carte des stations de relevé

Carte des stations de relevé

Selon l'évaluation du potentiel de rétablissement du requin-taupe commun de 2005 , un relevé dirigé sur le requin serait nécessaire si la pêche dirigée du requin-taupe commun devait reprendre. L'objectif principal d'une série chronologique de relevés sur les requins serait de surveiller l'état de la population de requins-taupes communs par suite des efforts de rétablissement, en fournissant une estimation de l'abondance relative et de la composition selon la taille qui serait indépendante de la pêche. Les estimations des relevés sur l'abondance seraient libres des contraintes liées à l'utilisation du taux de prise commerciale comme indice d'abondance pendant les périodes d'une pêche restreinte sur le plan spatial, comme cela a été documenté dans la pêche après 2000. Puisque le modèle de population détaillé dans l'évaluation du potentiel de rétablissement fournit une estimation sur l'abondance de la population en 2005, un relevé sur les requins effectué en 2006 ou 2007 pourrait être calibré contre la plus récente estimation sur l'abondance du modèle de population. Une fois ce rapport défini, des relevés subséquents seraient utilisés pour surveiller les changements relatifs à l'abondance de la population de requins-taupes communs et ainsi suivre le rétablissement de la population. Le deuxième objectif des relevés serait de surveiller l'abondance de la population et la composition selon la taille d'autres populations de requins, particulièrement les requins bleus et les requins-taupes bleus.

Un relevé sur les requins réalisé à l'aide d'engins de capture de requins à la palangre devrait être effectué chaque année sur une période d'au moins deux ans afin de fournir une estimation raisonnable de la distribution et de l'abondance des requins. Des relevés subséquents pourraient aussi être effectués, éventuellement, sur de plus longs intervalles de temps. La capture à la palangre se ferait le long des colonnes d'eau, de la surface vers le fond, puis du fond vers la surface. La zone de relevé serait composée de près de 50 stations réparties selon un système de quadrillage sur le plateau néo-écossais, dans le golfe du Saint-Laurent et au large du sud de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le premier relevé sur les requins a été achevé en juin 2007 et le deuxième, en juillet 2009. L'ensemble des stations de relevé est illustré ci-dessous. Les résultats ont révélé que l'abondance relative dans les deux relevés était très semblable, comme le modèle de population l'avait prévu. Le relevé sur les requins sera répété dans cinq ans pour confirmer que le rétablissement de la population se poursuit.

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