Revue de la littérature scientifique concernant les effets environnementaux potentiels de l'aquaculture sur les écosystèmes aquatiques - Volume 5
Table des matières
- Texte Complet
- Avant-Propos
- Interactions comportementales entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage – effetc possibles sur les populations sauvages (Laura K. Weir and Ian A. Fleming)
- Un aperçu général des impacts écologiques d'aquaculture d'eau douce en Canada (C.L. Podemski and P.J. Blanchfield)
- Examen scientifique de l'élevage de bivalves : interaction entre les espèces d'élevage et les espèces sauvages. (T. Landry, M. Skinner, A. LeBlanc, D. Bourque, C. McKindsey, R. Tremblay, P. Archambault, L. Comeau, S. Courtenay, F. Hartog, M. Ouellette and J.M Sevigny)
Interactions comportementales entre le saumon d'élevage et le saumon sauvage - Effets possibles sur les populations sauvages
Laura K. Weir
Department of Biology, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada
Ian A. Fleming
Ocean Sciences Centre, Memorial University of Newfoundland, St. John's, Terre Neuve, Canada
Sommaire
Il existe des interactions comportementales entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages aux trois stades mentionnés dans le présent examen. La capacité qu'ont les saumons d'élevage à migrer vers des rivières après s'être évadés de sites piscicoles en milieu océanique donne lieu à des interactions avec les saumons sauvages durant la période de reproduction. Puisque nous en connaissons très peu sur le saumon lors de la partie de son cycle de vie passée en milieu marin, il est difficile d'évaluer quels seront les effets à long terme des interactions entre les saumons d'élevage et les saumons sauvages sur les populations sauvages au stade de reproduction. Cependant, les saumons d'élevage montrent des régimes de migration aberrants, notamment en raison du fait qu'ils peuvent se disperser dans de nombreuses rivières et ainsi avoir des conséquences pour plus d'une population sauvage. Les effets des interactions comportementales entre les saumons d'élevage et les saumons sauvages sont plus évidents lors de la période de reproduction. Les femelles et les tacons mâles matures d'élevage constituent les éléments les plus probables du flux génétique entre les populations d'élevage et les populations sauvages, l'importance de ces éléments étant accrue par le fait que les saumons d'élevage viennent à maturité en plus bas âge en raison d'une vitesse de croissance plus rapide. Cependant, les interactions comportementales sur les lieux de fraie avec les mâles et les femelles de grande taille, ainsi qu'avec les tacons mâles matures, peuvent avoir des effets néfastes sur le succès de reproduction des poissons sauvages. La progéniture d'élevage et hybride dans les milieux d'eau douce peuvent faire concurrence aux poissons sauvages pour la nourriture et le territoire. De plus, à ce stade, les effets de l'aquaculture sur l'environnement sont réduits. Les effets maternels ont une grande incidence sur le succès de la progéniture d'élevage aux premiers stades juvéniles, et la survie de celle ci est habituellement faible par rapport à celle des poissons sauvages (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003). En outre, les juvéniles d'élevage ont parfois plus de difficultés à échapper aux prédateurs et ne sont habituellement pas dominants par rapport aux poissons sauvages en milieu naturel.
Tandis que les tendances générales suggèrent que les poissons d'élevage et les poissons hybrides pourraient ne pas avoir un comportement semblable aux poissons sauvages, ils ont en effet un taux de survie moins élevé (McGinnity et al., 2003), les différences entre les études illustrent que le succès des poissons d'élevage dans la nature ne peut être déterminé qu'en tenant compte du contexte. Les effets des poissons d'élevage dépendent d'un certain nombre de facteurs, y compris l'origine génétique, les conditions d'élevage, le nombre, le moment, l'importance et la fréquence des évasions, et l'état de la population sauvage (Hutchings, 1991). Ainsi, l'évaluation des risques devra porter sur les facteurs qui sont les plus susceptibles d'entraîner une exposition au danger (évasion) et de faire varier le niveau de risque et l'importance des dommages (Kapuscinski, 2005). Cette évaluation devra également tenir compte de divers types d'incertitude. Un résultat important de ce processus devrait être un plan de réduction des risques et la mise en œuvre de ce plan.
Lacunes dans les connaissances
Malgré le nombre croissant d'études sur le sujet, il existe encore de nombreuses lacunes en ce qui concerne les effets possibles des poissons d'élevage sur les populations sauvages. Notre rapport porte principalement sur les tendances qui ressortent des études sur les différences entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages. Il existe toutefois des différences importantes entre les résultats des diverses études, ce qui met en évidence le fait que les conséquences des interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages dépendent probablement du contexte. Certaines études montrent que les conséquences des interactions, ou l'ampleur des différences, entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages varient en fonction de la souche d'élevage et de la population sauvage concernées (Einum et Fleming, 1997; Weir et al., 2004). Cela est peut-être attribuable à un manque de connaissances sur l'interaction entre les effets génétiques et environnementaux de l'aquaculture sur les poissons d'élevage. Il est important de connaître ces effets pour évaluer comment des poissons d'élevage d'origine différente peuvent avoir une incidence sur certaines populations sauvages. Certaines études indiquent que des changements génétiques peuvent se produire chez certaines populations sauvages à la suite de l'évasion de poissons d'élevage (Crozier 1993 et 2000), mais il n'existe aucun document prouvant que les poissons d'élevage évadés sont directement responsables de changements démographiques chez des populations sauvages. Il est toutefois possible de tirer des conclusions solides en ce sens en se fondant sur deux expériences de libération dans des rivières (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003). Du point de vue démographique, nous en connaissons peu sur la survie et la concurrence en mer des poissons d'élevage et des poissons sauvages. De plus, nos connaissances sur les comportements de migration et d'errance des poissons d'élevage évadés demeurent rudimentaires malgré le fait que les poissons d'élevage ont plus de chances de s'évader d'enclos en mer et que leurs premières interactions avec des poissons sauvages se produisent lors de la migration au stade adulte. Il existe des données de fond sur les interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages en milieux artificiels ou semi naturels, mais il manque de données de terrain sur ce type d'interactions dans les rivières, notamment en ce qui concerne les juvéniles. De plus, bien que la valeur adaptative globale pendant une génération ou plus ait déjà été étudiée (Fleming et al., 2000; McGinnity et al., 2003), les conséquences démographiques à long terme d'une baisse de la valeur adaptative des poissons d'élevage par rapport à celle des poissons sauvages en milieu naturel n'ont toujours pas été déterminées. Des progrès importants ont été réalisés en ce qui a trait à l'approfondissement des connaissances sur les interactions entre les poissons d'élevage et les poissons sauvages afin de permettre une évaluation des risques, mais il reste encore des lacunes dans les connaissances qui constituent des sources d'incertitude. Une étude officielle de ces lacunes, qui comprend des analyses de la sensibilité des modèles de flux génétiques et de dynamique des populations, est nécessaire pour déterminer les types d'études à entreprendre afin de réduire l'incertitude actuelle.
Références
Crozier, W.W. 1993. Evidence of genetic interaction between escaped farmed salmon and wild salmon (Salmo salar L.) in a Northern Irish river. Aquaculture 113: 19–29.
Crozier, W.W. 2000. Escaped farmed salmon, Salmo salar L., in the Glenarm River, Northern Ireland: genetic status of the wild population 7 years on. Fish. Manage. Ecol. 7: 437–446.
Einum, S., and I.A. Fleming. 1997. Genetic divergence and interactions in the wild among native, farmed, and hybrid Atlantic salmon. J. Fish Biol. 50: 634–651.
Fleming, I.A., K. Hindar, I.B. Mjølnerød, B. Jonsson, T. Balstad, and A. Lamberg. 2000. Lifetime success and interactions of farmed salmon invading a native population. Proc. R. Soc. Lond., B 267: 1517–1523.
Hutchings, J.A. 1991. The threat of extinction to native populations experiencing spawning intrusions by cultured Atlantic salmon. Aquaculture 98: 119–132.
Kapuscinski, A. 2005. Current scientific understanding of the environmental biosafety of transgenic fish and shellfish. Rev. Sci. Tech. Off. Int. Epiz. 24: 309–322.
McGinnity, P., P. Prodöhl, A. Ferguson, R. Hynes, N.Ó. Maoilédigh, N. Baker, D. Cotter, B. O'Hea, D. Cooke, G. Rogan, J. Taggart, and T. Cross. 2003. Fitness reduction and potential extinction of wild populations of Atlantic salmon Salmo salar as a result of interactions with escaped farm salmon. Proc. R. Soc. Lond., B 270: 2443–2450.
Weir, L.K., J.A. Hutchings, I.A. Fleming, and S. Einum. 2004. Dominance relationships and behavioural correlates of spawning success in farmed and wild male Atlantic salmon, Salmo salar. J. Anim. Ecol. 73: 1069–1079.
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