Centre d’expertise sur les mammifères marins, Rapport de recherche scientifique 2012-2014
Table des matières
- Remerciements
- Message du directeur du CEMAM
- Inventaire des cétacés dans l’Extrême-Arctique 2013
- Béluga de l’estuaire du Saint-Laurent
- Le suivi des prédateurs par émetteurs-récepteurs acoustiques et balises GPS révèle des rencontres avec des poissons marins équipés d’un émetteur acoustique
- Les suivis longitudinaux du succès reproducteur révèlent une variation marquée de la valeur adaptative chez le phoque gris
- Atlas annuel du bruit de navigation: le modèle PSSEL
- Impact des changements climatiques sur la qualité et la disponibilité de la banquise côtière permettant la reproduction du phoque annelé sur la côte du Labrador
- Bélugas et phoques annelés: bioindicateurs de changements écosystémiques dans la mer de Beaufort
- L’impact des changements climatiques sur la reproduction d’une espèce dépendante de la glace: le phoque du Groenland du Nord-Ouest de l’Atlantique
- Publications de 2012-2014
Atlas annuel du bruit de navigation: le modèle PSSEL
Yvan Simard, Nathalie Roy, Florian Aulanier et Cédric Gervaise
La principale source de bruit anthropique dans l’océan est l’activité maritime. À l’échelle internationale, tant la taille et le nombre de navires ont augmenté depuis les années 1960. Puisque les navires produisent du bruit de basses fréquences se propageant sur de grandes distances (> 100 km), le bruit de basses fréquences généré dans l’océan aurait vraisemblablement augmenté dans l’espace de navigation de l’hémisphère Nord proportionnellement à la croissance du transport maritime et de l’activité économique à l’échelle mondiale. Les effets nocifs potentiels de l’augmentation du bruit sous-marin sur la faune, la flore et les écosystèmes marins ont attiré l’attention de la communauté scientifique, des organismes de réglementation et de l’Organisation maritime internationale.
Des outils logiciels et de modélisation numérique ont été proposés pour permettre l’estimation de la menace du bruit pour les organismes marins, notamment à partir de la répartition du trafic maritime. Par exemple, des cartes précises du bruit lié au transport maritime sont nécessaires pour effectuer une planification spatiale marine à l’appui des règlements concernant les activités océaniques. Cette demande peut paraître simple, mais y répondre de manière appropriée pour prendre des décisions de gestion éclairées représente une tâche considérable (figure 9). La qualité de la réponse peut être évaluée selon: a) la capacité des modèles à reproduire adéquatement les mesures réalisées in situ; b) la résolution spatiale adéquate de l’ensemble du processus de modélisation pour bien tenir compte de la perte de propagation élevée à proximité des sources et des gradients environnementaux à petite échelle (c.-à-d. maillage choisi des intrants et grille de mise en correspondance); c) la résolution temporelle, notamment au cours du cycle annuel pour les environnements changeant de façon saisonnière, comme les eaux des trois océans canadiens; et d) la capacité de fournir des mesures utiles à la prise de décisions de gestion, telles que la distribution de probabilité des valeurs, leur répartition temporelle par rapport aux budgets fixés, et qui ne se limitent pas aux mesures de tendance centrale, comme la valeur moyenne, qui ne peut fournir le pourcentage de temps nécessaire pour l’atteinte des niveaux très critiques.
Le projet de niveau d’exposition probabiliste au bruit de navigation (PSSEL) a été lancé en 2012 afin d’élaborer une nouvelle approche de cartographie et de modélisation du bruit lié au transport maritime visant à fournir les outils adéquats et nécessaires pour répondre aux besoins d’évaluation des conditions actuelles et futures dans les eaux canadiennes. En effet, les conditions sont susceptibles de changer prochainement en raison de l’augmentation des activités maritimes, notamment le long des nouvelles routes de navigation envisagées dans les eaux arctiques et subarctiques.
La voie maritime du Saint-Laurent, située dans le bas estuaire du Saint-Laurent (figure 11) où la profondeur est d’environ 300 m et où plusieurs espèces de mammifères marins sont observées à longueur d’année ou de façon saisonnière, est considérée comme une région pilote pour la mise en œuvre du modèle PSSEL. Un observatoire acoustique sous-marin appelé AS4 (pour Acoustic Surveillance of Seaway and Ship Signautres) a été déployé le long de la route d’accès à la voie maritime du Saint-Laurent (figure 11) et a été exploité pendant un an en 2012-2013 afin de mesurer les niveaux de source spectrale (SSL) des navires de la flotte marchande actuelle, en vertu du protocole ANSI (figure 9, case violette de gauche). Un suivi du trafic maritime a été assuré au moyen des réseaux d’antennes du Système d’identification automatique (SIA) de la Garde côtière canadienne installés dans les eaux canadiennes méridionales (figure 11) pendant 12 mois en 2013. Le SIA a fourni les informations relatives aux caractéristiques des navires ainsi qu’à leur localisation à haute résolution dans le temps et l’espace (Figure 10). Les données issues du SIA ont été utilisées pour calculer un atlas du transport maritime annuel par type, longueur et vitesse de navire à l’échelle mensuelle (figure 9, case violette de droite).
La densité du trafic maritime et la banque de données sur les niveaux de source spectrale des navires alimentent le modèle PSSEL. La troisième et dernière entrée au modèle PSSEL est la perte de propagation acoustique depuis les sources (c.-à-d. les navires), qui peut être déterminée à l’aide de modèles de propagation simples ou complexes alimentés par les caractéristiques du médium de propagation, sa bathymétrie et la structure géologique du fond (figure 9, case orange).
Les résultats préliminaires du modèle PSSEL appliqués au trafic estival de 2013 dans le bas estuaire du Saint-Laurent démontrent l’importance de prendre en considération la totalité du niveau d’exposition probabiliste aux bruits de navigation pour évaluer le bruit des navires et son incidence sur la vie marine. Cela illustre la faible utilité des mesures centrales estimées sur de longues périodes ainsi que des grilles d’analyse grossières pour la réalisation d’une telle tâche. Les cartes présentant le pourcentage de temps pendant lequel le niveau d’exposition aux bruits de navigation dépasse des seuils donnés, que l’algorithme du modèle PSSEL est capable de calculer de manière efficace, semblent très utiles pour identifier rapidement les zones plus ou moins pressantes pour la planification spatiale marine. Le modèle PSSEL a été utilisé en mode prévisionnel pour simuler une augmentation réaliste du trafic dans la zone pilote. Ces simulations sont actuellement appliquées aux futures voies de navigation des eaux arctiques et subarctiques.
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