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Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011

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Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011

Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011 (PDF, 5.16 MB)

3.0 Interactions entre les mammifères marins et les humains

3.1 Les phoques communs comme indicateurs de la contamination du réseau alimentaire au Canada (Peter S. Ross, Michel Lebeuf)

Les polluants organiques persistants regroupent les produits chimiques possédant quatre propriétés clés : ils sont persistants, bioaccumulables, toxiques et assujettis à un transport de longue portée. Les polluants de cette catégorie comprennent les biphényles polychlorés (BPC), les dioxines (polychlorodibenzoparadioxines ou PCDD) et le DDT. Même si la plupart des polluants organiques persistants ont été réglementés au Canada et qu'ils sont actuellement assujettis à la Convention internationale de Stockholm de 2001, des préoccupations subsistent en ce qui a trait à la persistance de ces contaminants. L'utilisation du DDT comme insecticide a mené à une défaillance reproductive complète d'un grand nombre d'oiseaux se nourrissant de poissons en Amérique du Nord et en Europe. Les BPC ont aussi été liés à une défaillance reproductive, à l'immunotoxicité et à la perturbation d'endocrines chez les mammifères marins. Des dioxines ont également été impliquées dans la défaillance reproductive du touladi dans le lac Ontario pendant la période de 1945 à 1980.

Les polluants organiques persistants sont lipophiliques et se répartissent facilement dans les tissus adipeux des organismes vivants. La persistance métabolique de ces polluants entraîne leur bioamplification lors du passage aux niveaux trophiques supérieurs. Les espèces des niveaux trophiques élevés ont des concentrations jusqu'à un milliard de fois plus élevées que l'eau environnante. Les programmes de recherche et de surveillance écotoxicologiques fournissent un aperçu des priorités en matière de conservation pour certaines populations de mammifères marins ainsi que les risques pour la santé humaine liés à la consommation d'aliments d'origine marine. Comme ces polluants entrent dans l'environnement à partir d'une combinaison de sources ponctuelles et non ponctuelles, les études sur les mammifères marins peuvent fournir un signal intégré de contaminants dans les réseaux alimentaires et ainsi fournir des renseignements pour les règlementations, l'atténuation, la conservation et la gestion des pêches. En plus des sources locales et régionales, le transport de longue portée par l'entremise de processus atmosphériques et de migrations biologiques apporte les contaminants dans les régions côtières.

Les phoques communs s'échouent sur des rochers intertidaux dans le détroit de Georgia, en Colombie-Britannique, au Canada.

Les phoques communs s'échouent sur des rochers intertidaux dans le détroit de Georgia, en Colombie-Britannique, au Canada.
Photo: Peter S. Ross.

Les polluants organiques persistants préoccupants au Canada comprennent les BPC, les dioxines, les furanes, les pesticides organochlorés, dont le DDT ainsi que les éthers diphényliques polybromés. Des niveaux élevés de BPC ont été signalés dans les épaulards (Orcinus orca) résidents et migrateurs de la Colombie-Britannique et les bélugas (Delphinapterus leucas) de l'estuaire du fleuve Saint-Laurent. Pour ces cétacés figurant dans la Loi sur les espèces en péril (LEP), les polluants organiques persistants ont été identifiés à des niveaux préoccupant à l'égard de la conservation des espèces dans le contexte des programmes de rétablissement. Même si les polluants organiques persistants ont diminué chez les mammifères marins du Canada depuis la mise en œuvre des règlements au cours des années 1970, l'émergence de contaminants incluant les éthers diphényliques polybromés démontre une augmentation constante chez les mammifères marins du début des années 1980 jusqu'au début des contrôles partiels en 2004.

Les phoques communs (Phoca vitulina) sont de petits pinnipèdes qui sont largement répartis dans l'ensemble de l'hémisphère Nord. Ils se situent sur les côtes du Pacifique et de l'Atlantique du Canada ainsi que dans l'Arctique et l'estuaire du fleuve Saint-Laurent (figure 8). Ils sont considérés comme étant omnivores, mais ils préfèrent les petites proies riches en lipides, dont le merlu (Merluccius sp.), le hareng (Clupea sp.) et le poulamon (Microgadus sp.). Le phoque commun est devenu un indicateur utile de la contamination du réseau alimentaire marin en raison de son abondance, de sa répartition, de son niveau trophique élevé, de sa nature non migratoire et de sa relative facilité de manipulation.

Les phoques communs (Phoca vitulina) sont des pinnipèdes qui sont largement répartis le long des côtes du Pacifique, de l'Atlantique et de l'Arctique du Canada (zones ombrées).

Figure 8: Les phoques communs (Phoca vitulina) sont des pinnipèdes qui sont largement répartis le long des côtes du Pacifique, de l'Atlantique et de l'Arctique du Canada (zones ombrées).

Afin de caractériser les niveaux et les risques de contamination de cette espèce, des jeunes phoques communs ont été capturés vivants sur des sites d'échouerie à l'aide de filets de capture et de petites embarcations. Des prélèvements de gras, de peau et de sang ont été recueillis dans des conditions aseptiques. Les échantillons ont été conservés pour l'analyse des BPC (n = 160) et des éthers diphényliques polybromés (n = 44) au Laboratoire d'expertise pour l'analyse chimique aquatique (LEACA) à Sidney, en C.-B.

Les résultats ont révélé des concentrations modérées de BPC et d'éthers diphényliques polybromés se trouvant dans les phoques des quatre régions de l'étude (figure 9). Malgré les règlementations, les BPC ont des concentrations plus élevées que les éthers diphényliques polybromés. Les niveaux de BPC étaient plus élevés chez les phoques de l'estuaire du fleuve Saint-Laurent, reflétant ainsi la proximité des sources industrielles de cette région. D'un autre côté, les concentrations d'éthers diphényliques polybromés étaient plus élevées chez les phoques du détroit de Georgia, en Colombie-Britannique, reflétant probablement la proximité des municipalités majeures connues pour déverser des éthers diphényliques polybromés par l'entremise d'effluents d'eaux usées (p. ex., Vancouver). Malgré les niveaux relativement faibles de BPC et d'éthers diphényliques polybromés chez les phoques de Terre-Neuve-et-Labrador provenant de contributions locales, les résultats démontrent clairement la répartition omniprésente de ces polluants organiques persistants dans les réseaux alimentaires côtiers.

Figure 9: Les phoques communs de quatre régions du Canada révèlent la contamination des réseaux alimentaires côtiers par les BPC et les éthers diphényliques polybromés. Les BPC continuent d'être présents chez les espèces ayant un niveau trophique élevé malgré les règlementations établies au cours des années 1970. Les éthers diphényliques polybromés font actuellement l'objet d'une surveillance minutieuse réglementaire à la suite d'augmentations rapides dans les organismes vivants.

Figure 9: Les phoques communs de quatre régions du Canada révèlent la contamination des réseaux alimentaires côtiers par les BPC et les éthers diphényliques polybromés. Les BPC continuent d'être présents chez les espèces ayant un niveau trophique élevé malgré les règlementations établies au cours des années 1970. Les éthers diphényliques polybromés font actuellement l'objet d'une surveillance minutieuse réglementaire à la suite d'augmentations rapides dans les organismes vivants.

Les concentrations de BPC et d'éthers diphényliques polybromés dans l'environnement marin reflètent des historiques différents d'utilisations, d'émissions et de règlementations, et leurs conséquences sur les réseaux alimentaires adjacents. Les phoques communs fournissent une mesure intégrée de la contamination du réseau alimentaire côtier, ce qui permet d'obtenir un aperçu des contaminants préoccupants dans l'environnement côtier. Les résultats fournissent de l'information pour la gestion de l'écosystème et contribuent à établir les priorités des règlementations, des objectifs de conservation ainsi que des autres stratégies de gestion.

3.2 Relevés des baleines boréales et marquage par satellite : mer de Beaufort, 2007-2010 (Lois Harwood)

Les baleines boréales appartenant à la population de la mer de Béring (également appelée la population B-T-B, de la région de Béring-Tchoukotka-Beaufort) passent l'hiver dans la mer de Béring, pour ensuite retourner chaque année à leur aire d'estivage dans la mer de Beaufort canadienne et le golfe d'Amundsen. Certains sites de la mer de Beaufort utilisés par les baleines boréales en quête de nourriture comprennent des régions qui ont été assujetties à des activités d'exploration d'hydrocarbures dans les années 1980 et, plus récemment, où on a effectué des relevés sismiques 2D et 3D en 2001-2002 et en 2006-2010. Même s'il n'y avait aucune activité sismique extracôtière dans la mer de Beaufort en 2011, au moins deux programmes sont prévus pour 2012. Il faut également noter que la route de migration d'automne de la baleine boréale croise des emplacements d'intérêt pour l'industrie des hydrocarbures dans la mer de Beaufort d'Alaska et la mer de Tchoukotka centrale, qui comprend la concession 193 actuellement active.

Pendant le mois de juillet, les baleines boréales sont largement dispersées dans la partie extracôtière de la mer de Beaufort canadienne, seules ou en petits groupes (deux ou trois animaux sont aperçus à la surface). Au début et au milieu du mois d'août, les baleines se rassemblent pour s'alimenter dans des zones précises et récurrentes dans l'aire de répartition d'été. Les regroupements durant la période d'alimentation ont lieu lorsque les conditions océanographiques favorisent la concentration de leur proie principale : le zooplancton (crustacés). Elles doivent chercher des zones où les proies sont adéquatement concentrées afin de satisfaire leurs besoins énergétiques. Les caractéristiques océanographiques qui mènent à la remontée des eaux riches en nutriments sont particulièrement importantes dans la détermination de la répartition du zooplancton. Dans le sud-est de la mer de Beaufort, l'échantillonnage du plancton à proximité des baleines boréales qui s'alimentent a révélé la présence principale de copépodes (de 76 à 92 %) (Limnocalanus macrurus, Calanus hyperboreus, Calanus glacialis) ainsi que des amphipodes de la famille des gammaridés et des hypéridés, de krill, de mysidacés et d'isopodes en tant que proies majeures.

Des relevés aériens de baleines boréales et des études de marquage ont été effectués afin de mettre à jour nos connaissances sur la répartition, l'utilisation de l'habitat et sur le comportement de cette baleine dans le sud-est de la mer de Beaufort. L'étude du comportement a été effectuée en collaboration avec des scientifiques et des chasseurs de l'Alaska. Les contributions apportés par ces travaux étaient de signaler l'emplacement de baleines boréales en temps réel et de signaler les observations venant des relevés aériens aux autres scientifiques qui travaillaient sur un projet d'échantillonnage océanographique complémentaire. Ces travaux comprenaient aussi une stratégie d'atténuation des effets potentiels du bruit sismique sur les baleines boréales dans le sud-est de la mer de Beaufort.

Des relevés aériens systématiques ont été menés au-dessus de la mer de Beaufort canadienne à la fin du mois d'août en 2007, 2008 et 2009 afin d'examiner la répartition des baleines boréales (Balaena mysticetus). Un total de 24-26 transects (N-S) ont été effectués en avion lors de chaque relevé, tous dans des conditions favorables, le long de lignes espacées de 15 minutes de longitude. Un total de 334 baleines boréales (244 signalements), dont 10 baleineaux, ont été observées sur les relevés, le plus souvent des individus solitaires (76,6 %) ou en groupes de deux (14,3 %). La zone d'étude était ensuite divisée en cellules de 20 km par 20 km, équivalant à l'espacement des transects. L'extrapolation du nombre de baleines visibles sur les transects aux zones de chaque cellule n'ayant pas été couvertes par les relevés a donné environ 1 320 (95 % EC de 1 036 à 1 603) baleines boréales visibles à la surface au cours du relevé de 2007. Après l'application d'une correction approximative pour les baleines submergées, on estime que 5 280 baleines boréales, c'est-à-dire au moins la moitié des estimations de la taille actuelle du stock, étaient présentes dans la zone d'étude au moment du survol.

Marquage d'une baleine boréale

Marquage d'une baleine boréale
Photo: DFO

Les baleines boréales étaient regroupées à neuf emplacements géographiques à l'intérieur de la zone d'étude dans le cadre des relevés de 2007 à 2009. Les neuf emplacements n'ont cependant pas tous été fréquentés chaque année, et jamais plus de six d'entre eux n'étaient fréquentés au cours d'une même année. Les eaux peu profondes au large de la péninsule Tuktoyaktuk étaient attrayantes pour les baleines boréales lors des relevés de 2007 à 2009 représentant ainsi 47,3 % des baleines observées, ce qui équivaut à 66,5 % de toutes les observations. Les huit autres emplacements où les baleines boréales étaient regroupées comprenaient une proportion variant de 1,5 % à 6,3 % des observations totales des relevés. L'importance totale (28,1 %) de ces emplacements pour les baleines boréales n'était pas égale à celle de la péninsule Tuktoyaktuk quant au nombre de baleines aperçues. La tendance des baleines boréales à se regrouper et les connaissances actuelles des zones de regroupement fréquentées au cours d'une saison donnée, fournissent un cadre de travail pour l'établissement de mesures d'atténuation liées aux relevés sismiques de la mer de Beaufort.

En 2005, l'Alaska Department of Fish and Game a entamé un projet de recherche collaborative afin d'étudier les mouvements et l'utilisation de l'habitat du stock de baleines boréales (Balaena mysticetus) de l'ouest de l'Arctique. En 2007-2010, des scientifiques du MPO et des chasseurs de baleines canadiens ont collaboré sur ce projet afin de déployer des émetteurs satellites sur des baleines boréales au Canada. Au total, 59 émetteurs satellites ont été installés en Alaska et au Canada entre 2006 et 2010, dont 21 émetteurs dans les eaux canadiennes. Ce marquage couvrant plusieurs années consécutives nous a permis d'examiner la variabilité des mouvements, des zones d'hivernage et la variabilité de la période de migration. Nous avons déterminé plusieurs zones d'utilisation intensive dans l'aire de distribution des baleines boréales, en plus d'avoir documenté des interactions avec l'activité sismique extracôtière. Des analyses plus détaillées sont en cours. Elles comprendront les mouvements des animaux par rapport aux activités industrielles et les facteurs océanographiques ayant une incidence sur les mouvements et l'alimentation des baleines boréales.

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