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Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011

Table des matières

Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011

Centre d'expertise sur les mammifères marins : Rapport de recherche scientifique 2009-2011 (PDF, 5.16 MB)

4.0 Relations avec les conseils de cogestion

4.1 Recherche sur les mammifères marins dans le Nord : Travailler avec les chasseurs et les collectivités (Becky Sjare, Lois Harwood, Steve Ferguson, Véronique Lesage)

Contexte de la cogestion

Les approches de cogestion constituent le fondement de la conservation des ressources de mammifères marins et de poissons dans la plupart des régions du Nord du Canada. En termes généraux, la cogestion est un processus législatif qui fait en sorte que les chasseurs et pêcheurs locaux, les membres de la collectivité, les organismes gouvernementaux et les divers conseils publics partagent les responsabilités en matière de gestion et de conservation des ressources de mammifères marins et de poissons. Certaines caractéristiques clés de cette cogestion sont : l'élaboration partagée de projets de recherche, la mise en œuvre et la participation de la collectivité, la partage des pouvoirs décisionnels, l'utilisation du savoir traditionnel en parallèle aux résultats des recherches scientifiques. L'intégration de toutes ces caractéristiques favorise les programmes de recherche pour qu'ils soient efficaces et significatifs pour l'ensemble des participants tout en traitant des besoins en matière de gestion et de conservation à long terme pour l'espèce en question.

La plupart des organismes de cogestion des régions du Nord ont été créés dans le cadre des accords sur les revendications territoriales d'Inuvialuit, du Nunavik, du Nunavut et du Nunatsiavut. À l'heure actuelle, il y a plusieurs conseils et comités en fonction au Canada. Les principaux organismes pertinents pour la recherche des mammifères marins par le MPO sont les suivants : 1) le Comité mixte de gestion de la pêche (CMGP) actif dans le delta du Mackenzie et la mer de Beaufort depuis 1986; 2) le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (CGRFN) établi pour la région de l'est de l'Arctique en 1993; 3) le Torngate Joint Fisheries Board (TJFB) créé pour le nord du Labrador en 2005; 4) le Conseil de gestion des ressources fauniques de la région marine du Nunavik (CGRFRMN) établi en 2009 pour le nord du Québec.

Les organismes de cogestion sont les principaux instruments de gestion des mammifères marins (et des pêches) touchant les diverses zones des accords sur les revendications territoriales. Ils fournissent également une orientation et un cadre de travail à l'élaboration de partenariats ou de collaborations en matière de recherche avec le MPO, ainsi qu'un financement partiel ou total des travaux. Bien que la structure de gouvernance et les pouvoirs décisionnels de ces organismes varient, ils sont généralement tous composés de personnes nommées par les gouvernements et organisations autochtones, les collectivités, le MPO et d'autres ministères/organismes fédéraux. Dans certains cas, des gouvernements provinciaux ou territoriaux participent aux nominations.

Trouver un terrain d'entente

La nature et la portée des projets de recherche des mammifères marins entrepris par les organismes de cogestion et le MPO dans les régions du Nord varient grandement. Certains partenariats et certaines collaborations remontent au milieu des années 1980, comme le CMGP dans l'ouest de l'Arctique. Malgré ces différences, lors des dernières années certains thèmes de recherche sont communs aux zones visées par les différents accords, tels que : 1) l'élaboration de programmes d'échantillonnage pour les espèces concernées par des chasses de subsistance importantes d'un point de vue culturel et écologique; 2) l'amélioration de notre compréhension collective des mouvements saisonniers des mammifères marins et l'identification des habitats essentiels; 3) la compréhension et la surveillance des effets des changements climatiques sur les mammifères marins et leurs habitats; 4) l'évaluation des répercussions potentielles des activités de l'industrie sur des espèces clés; 5) l'élaboration d'une capacité de recherche, d'éducation fondée sur la science et d'une expertise en matière de prise de décision au niveau de la collectivité.

Le CMGP de l'ouest de l'Arctique était le premier organisme de cogestion à adopter un programme d'échantillonnage biologique basé sur la participation des chasseurs afin de résoudre des problèmes touchant la collectivité et de répondre au besoin d'études des mammifères marins à long terme. Le comité et les chercheurs du MPO ont reconnu que la pêche ou la chasse de subsistance des mammifères marins par les Inuvialuits pouvait fournir des données biologiques à long terme beaucoup moins coûteuses. De plus, ces données auraient été logistiquement difficiles à recueillir. Des projets collectifs quasi permanents découlant des accords dans la région des Inuvialuits comprennent la surveillance de la chasse de subsistance des phoques annelés (afin d'examiner la condition corporelle, la reproduction ; la présence de contaminants et de maladies) et de la chasse des bélugas (suivi de la taille et du sexe des baleines récoltées; suivi de la période de chasse; récolte de statistiques). La participation annuelle des collectivités du Nunavut est devenue importante pour le programme de suivi dans la région environnante de la baie d'Hudson depuis 2003. Les chasseurs du Nunavumiut recueillent principalement des échantillons de tissus de phoque (annelé, barbu, du Groenland, commun), du béluga et du narval. Ils fournissent également des échantillons des principales espèces consommées par les mammifères marins. Depuis 2008, le Torngate Joint Fisheries Board appuie le programme de collecte d'échantillons du Labrador sur les phoques annelés par les collectivités de Nain, de Makkovik, de Hopedale et de Rigolet. Un programme similaire est susceptible d'être entrepris au Nunavik lorsque le CGRFRMN nouvellement créé sera complètement établi. Ces programmes font participer l'ensemble des collectivités au suivi, à la collecte d'échantillons, à la planification, à la communication et à l'interprétation des données.

Un chasseur d'Arviat, dans la baie d'Hudson, donne une présentation aux enfants de l'école élémentaire locale. Il leur explique comment il coordonne la collecte d'échantillons de phoques annelés par les chasseurs locaux de la région et comment il examine certains échantillons (on voit un fœtus de phoque annelé).

Un chasseur d'Arviat, dans la baie d'Hudson, donne une présentation aux enfants de l'école élémentaire locale. Il leur explique comment il coordonne la collecte d'échantillons de phoques annelés par les chasseurs locaux de la région et comment il examine certains échantillons (on voit un fœtus de phoque annelé).
Photo: DFO

La compréhension des mouvements saisonniers des espèces de mammifères marins est nécessaire afin de bien évaluer l'abondance de la population, de déterminer les stocks ou les unités de gestion, de déterminer les habitats essentiels et enfin pour élaborer des stratégies de gestion et de conservation à long terme. Les organismes de cogestion de toutes les régions visées par les accords ont reconnu cette nécessité. Ils collaborent avec le MPO sur divers programmes de marquage (émetteur satellites) de mammifères marins (p. ex., phoques annelés, bélugas, narvals, baleines boréales). Les contributions et participations de nombreux chasseurs aux programmes de captures d'animaux vivants notamment pour la sélection des emplacements, des périodes, des techniques de capture, de manipulation d'animaux, ainsi que leurs connaissances du comportement des animaux, ont grandement contribué à la réussite des projets. Certains résultats des projets ont surpris les chasseurs et les chercheurs du MPO et impliquent de nouvelles interprétations des comportements de migration et de plongée des animaux, en plus de redéfinir l'utilisation de l'habitat par certaines espèces. Dans plusieurs communautés on retrouve des équipes expérimentées pour le marquage de mammifères marins : à Ulukhaktok, à Tuktoyaktuk et à Aklavik dans l'ouest de l'Arctique, à Sanikiluaq, à Igloolik et à Kuujjuaraapik dans la région de la baie d'Hudson, ainsi qu'à Nain dans la région du lac Melville au Labrador.

Les impacts du changement climatique sur les mammifères marins, constituent une préoccupation majeure pour les organismes de cogestion, les collectivités et le Ministère, en particulier pour les espèces qui ont une importance culturelle, nutritionnelle et commerciale. Les données recueillies sur de longues périodes par les divers programmes de surveillance découlant des accords sont actuellement analysées. Ces analyses tiennent compte des changements climatiques dans l'environnement marin (p. ex., des changements dans la couverture de glace et d'accumulation de neige). Elles incluent aussi les données scientifiques historiques et le savoir traditionnel touchant les changements liés à la distribution des animaux et à leur abondance. Ces approches de recherche fournissent des aperçus des changements propres à une espèce. Cependant elles ne définissent pas bien pour le moment comment les dynamiques de l'écosystème sont touchées. Dans la région de la baie d'Hudson du Nunavut, des recherches visant à décrire le réseau alimentaire complet de la baie sont présentement en cours. Elle sera utilisée dans le but d'établir un modèle d'interactions trophiques des mammifères marins incluant les nutriments et le phytoplancton. Ce modèle aidera à prévoir l'incidence des perturbations du système sur les mammifères marins (p. ex., les effets des eaux plus chaudes sur les poissons proies). La compensation des répercussions des changements climatiques de l'Arctique sur les mammifères marins par la protection des habitats essentiels saisonniers et par l'identification des populations les plus vulnérables, sont des mesures pertinentes pour la conservation de ces espèces. De plus, ces renseignements peuvent être utilisés par les habitants du Nord afin de s'adapter pour préserver leurs activités culturelles et économiques découlant de la présence des mammifères marins proche de leurs communautés.

Une équipe de marquage se préparant à poser un émetteur satellite sur un jeune phoque annelé capturé dans la région du lac Melville, au Labrador.

Une équipe de marquage se préparant à poser un émetteur satellite sur un jeune phoque annelé capturé dans la région du lac Melville, au Labrador.
Photo: DFO

Des membres de l'équipe de marquage de Paulatuk dans l'ouest de l'Arctique relâchent un phoque annelé équipé d'un émetteur satellite.

Des membres de l'équipe de marquage de Paulatuk dans l'ouest de l'Arctique relâchent un phoque annelé équipé d'un émetteur satellite.
Photo: DFO

Un chasseur de la région de la baie d'Hudson visite le laboratoire des mammifères marins de l'Institut des eaux douces du MPO.

Un chasseur de la région de la baie d'Hudson visite le laboratoire des mammifères marins de l'Institut des eaux douces du MPO.
Photo: DFO

Les répercussions du développement industriel de grande envergure dans les régions du Nord constituent une préoccupation importante pour les tous partenaires de cogestion. Le CMGP et les chercheurs du MPO dans l'ouest de l'Arctique ont mené un certain nombre d'études conjointes, examinant les effets possibles de la production pétrolière et gazière dans la mer de Beaufort. Des projets récents ont été réalisés sur les impacts des activités de forage sur la répartition et les mouvements des phoques annelés (marquage); la répartition, les mouvements et le comportement des baleines boréales durant l'alimentation estivale dans le sud-est de la mer de Beaufort (relevés aériens et marquage) et la répartition des bélugas dans l'estuaire du fleuve Mackenzie et dans les régions extracôtières adjacentes (relevés aériens, surveillance acoustique). D'éventuels projets d'exploration pétrolière et gazière dans la baie de Baffin et à Lancaster Sound, de nouveaux projets miniers de grande envergure incluant le transport par voie maritime durant l'hiver, des projets hydroélectriques dans la région de la baie d'Hudson, ainsi que des développements hydroélectriques, pétroliers et gaziers proposés le long de la côte du Labrador, peuvent tous avoir des répercussions sur les communautés et leurs activités. Ainsi, elles constitueront une préoccupation future pour les communautés et le Ministère.

Les occasions pour les chasseurs et les autres membres de la collectivité d'acquérir de nouvelles compétences techniques et de nouvelles aptitudes de leadership, de participer à toutes les étapes d'un programme de recherche et d'offrir leur savoir écologique local de façon importante et pertinente, se manifestent clairement dans la large gamme de programmes brièvement décrits dans le présent document. De plus, comme mentionné précédemment, la réussite de nombreux programmes résulte directement de la participation des chasseurs ou de la collectivité. Dans toutes les régions visées par les accords, on a observé une mobilisation, parfois très novatrice, afin d'améliorer la communication et le transfert d'informations en tous genres, favorisant ainsi de nouvelles occasions d'échanger des connaissances entre les organismes de cogestion, les collectivités et le Ministère. Par exemple, des cartes et des animations des mouvements et des phoques (parfois en temps réel) provenant des projets de télémétrie satellitaire près de Sanikiluaq, de la baie d'Hudson, du golfe d'Amundsen, des mers de Beaufort/Tchoukotka et du lac Melville, au Labrador, peuvent être consultés sur Internet. L'affichage de ces résultats sur le Web rend l'information plus rapidement accessible à la communauté scientifique, aux médias, aux collectivités du Nord, au public, aux étudiants et aux professeurs. À l'avenir, le Ministère et les organismes de cogestion continueront à travailler étroitement ensemble afin d'assurer l'exploitation durable et la conservation des ressources de mammifères marins dans les régions du Nord du Canada.

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