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Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent

Efficacité des mesures de rétablissement et modifications ou ajouts recommandés

Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent

Examen de l’efficacité des mesures de rétablissement concernant le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent (PDF, 1.52 MB)

Table des matières

6. Efficacité des mesures de rétablissement et modifications ou ajouts recommandés

Les sections ci-après décrivent en termes généraux les mesures de rétablissement qui ont été mises en œuvre pour réduire chacune des menaces relevées, ainsi que tous les renseignements disponibles sur les paramètres démographiques ou la santé de la population qui illustrent l'efficacité de ces mesures. Comme il est difficile d'évaluer l'efficacité des différentes mesures de rétablissement et leurs répercussions sur la population, on examine collectivement toutes les mesures de rétablissement visant à atténuer une menace donnée afin de déterminer si elles sont parvenues à réduire la menace.

Les mesures de rétablissement énumérées dans le cadre de l'objectif 6 du programme de rétablissement ne réduisent pas directement les menaces qui pèsent sur le béluga de l'ESL. Toutefois, les programmes de surveillance qui relèvent de cet objectif sont importants pour orienter les mesures d'atténuation fondées sur les menaces. L'efficacité des mesures de rétablissement mises en œuvre pour réduire plus directement ou pour atténuer les menaces repose souvent sur les renseignements obtenus dans le cadre de ces mesures non fondées sur les menaces. En outre, les connaissances acquises grâce aux mesures prévues dans le cadre de l'objectif 6 peuvent servir à éclairer l'élaboration de nouvelles mesures de rétablissement visant à réduire les répercussions des menaces. Comme cet objectif n'est pas fondé sur les menaces et qu'il n'est pas directement lié au rétablissement, il est impossible d'en mesurer l'efficacité; toutefois, les sections ci-après traitent de son importance pour l'évaluation du rétablissement et de l'efficacité des autres mesures de rétablissement.

6.1 Évaluation générale de l'efficacité des mesures de rétablissement

Le déclin (1 % par année) de la taille de la population de béluga de l'ESL documenté au cours des quinze dernières années après une période de stabilité relative (Mosnier et al. 2015), ainsi que l'absence apparente d'expansion de la répartition du béluga (Mosnier et al. 2010; Gosselin et al. sous presse), indiquent que les objectifs de rétablissement sur le plan de la taille de la population et de l'aire de répartition n'ont pas été atteints. Ces deux facteurs montrent également que, même si les mesures de rétablissement menées à bien ont permis de stabiliser la population avant 2000, elles ne lui ont pas permis de croître au taux de croissance ciblé de 2 % et n'ont pas suffi pour enrayer son déclin.

On a récemment effectué une analyse de viabilité de la population (AVP) du béluga de l'ESL, qui suppose un climat chaud et divers niveaux de ce que l'on considère désormais comme les trois principales menaces pour la population (c.-à-d. bruit/dérangement, contaminants organochlorés persistants et disponibilité des proies réduite) [Williams et al. sous presse]. L'analyse conclut que la population de béluga de l'ESL n'atteindra probablement pas le but de rétablissement de 7 070 individus d'ici à 2100, même dans les scénarios de gestion de ces menaces les plus optimistes. Même si l'on ne sait pas exactement dans quelle mesure relative les trois menaces examinées dans le modèle empêchent le rétablissement de la population, les fortes anomalies négatives observées depuis 2010 sur le plan de l'étendue et de la durée des glaces de mer et des températures de l'eau, si elles persistent, ressortent comme des facteurs qui pourraient réduire la capacité du béluga de l'ESL (ou sa résilience) à composer avec les trois autres menaces (Williams et al. sous presse).

Étant donné les renseignements ci-dessus, il est évident que, collectivement, les mesures de rétablissement énoncées dans le programme de rétablissement menées à bien jusqu'à présent n'ont pas permis d'atteindre les objectifs de rétablissement, et que la tendance actuelle de la population ne montre pas non plus de progrès vers le rétablissement. La section suivante évalue les progrès accomplis dans la réduction des menaces qui empêchent le rétablissement du béluga.

6.2 Efficacité des mesures de rétablissement fondées sur les menaces et améliorations recommandées

6.2.1 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 1. Réduire les contaminants dans le béluga, ses proies et son habitat

Les mesures de rétablissement qui relèvent du premier objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par les contaminants. Le béluga de l'ESL est exposé à divers composés chimiques toxiques, principalement par l'intermédiaire de son alimentation, mais également dans l'environnement (sédiments, eau, air). Certains polluants existent depuis longtemps dans l'environnement du béluga et ont été réglementés bien avant l'apparition de préoccupations concernant leur incidence potentielle sur la santé du béluga (p. ex., BPC, DDT, HAP). D'autres composés chimiques toxiques ont été introduits dans l'environnement plus récemment (p. ex., le dichloroéthane polybromé ou les EDP) et ont été réglementés après 2005 (c.-à-d. après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP), mais pas nécessairement à la suite des mesures de rétablissement énoncées dans le programme de rétablissement du béluga. D'autres (p. ex., autres produits ignifuges) sont nouveaux et ne sont pas réglementés.

La surveillance des concentrations de composés organochlorés persistants (p. ex., DDT, BPC, mirex, dioxines, furanes) et de certains métaux (p. ex., le mercure) dans le béluga de l'ESL et les études sur leurs effets potentiels ont commencé au début des années 1980, c'est-à-dire avant l'inscription de la population en vertu de la LEP (p. ex., Martineau et al. 1987; Muir et al. 1996a; 1996b; MPO 2012 pour examen). Ces études ont établi que le béluga de l'ESL compte parmi les populations marines les plus contaminées de la planète, ce qui a soulevé des préoccupations au sujet de sa santé. On s'inquiétait également de la présence d'une certaine classe de contaminants (les hydrocarbures polyaromatiques, ou HAP) provenant des alumineries dans le béluga de l'ESL; on pensait que les HAP étaient responsables des taux élevés de cancer documentés dans la population (Martineau et al. 2002).

On a proposé plusieurs mesures de rétablissement qui visaient principalement à renforcer les efforts de réduction des concentrations de contaminants dans le béluga, ses proies et son habitat et à en comprendre les séquences des effets (tableau 2). Les recherches concernant les effets physiologiques des contaminants sur le béluga de l'ESL sont limitées depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP. Les études qui permettent de mieux comprendre les effets des contaminants sur la santé portent principalement sur d'autres populations de bélugas de l'Arctique et d'autres espèces de mammifères marins.

Après 2005, on a mis en place des mesures réglementaires pour réduire les rejets de plusieurs composés chimiques toxiques, même si un certain nombre de composés chimiques étaient déjà réglementés avant cela (tableau 2). Le repérage et le classement par ordre de priorité des sites aquatiques et terrestres contaminés ont eu lieu bien avant l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP (en 1998), et divers sites sont depuis lors le théâtre d'initiatives de décontamination dans la région des Grands Lacs (voir le tableau 2).

6.2.1.1 Efficacité des mesures

Comme le béluga est exposé à divers polluants dont la date d'introduction, l'abondance et la persistance dans l'environnement sont historiquement différentes et qu'ils n'ont pas tous fait l'objet des mêmes mesures réglementaires, il est difficile d'évaluer si la menace des contaminants, dans son ensemble, a diminué pour le béluga.

Le béluga vit longtemps, et plusieurs contaminants sont persistants et volatils. Par conséquent, on s'attendait à ce qu'il faille plusieurs années pour que les changements des concentrations de contaminants dans les proies du béluga ou dans l'environnement se traduisent par des changements significatifs dans la charge de contaminants et la santé du béluga. Dans l'ensemble, certains signes indiquent que les mesures entreprises au cours des dernières décennies ont amélioré la qualité de l'habitat et des proies du béluga de l'ESL en ce qui concerne quelques contaminants. Ces améliorations ont eu des effets en cascade pour le béluga. Les concentrations de plusieurs composés organochlorés persistants désormais réglementés, comme le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT), les biphényles polychlorés (BPC) ou le mirex, restent élevées dans le béluga de l'ESL, mais ont cessé d'augmenter. Certains de ces composés ont commencé à afficher des tendances à la baisse, en particulier chez les femelles reproductrices, qui peuvent se décharger d'une partie de leur charge de contaminants sur leur baleineau nouveau-né (Gouteux et al. 2003; Lebeuf et al. 2007; 2012; 2014).

En revanche, les produits ignifuges hautement toxiques, comme l'éther diphénylique polybromé (EDP), pour lesquels la mise en œuvre de la réglementation est récente, ont augmenté exponentiellement dans les tissus du béluga au cours des années 1990. Depuis, les concentrations se sont stabilisées ou ont continué à augmenter, mais à un taux plus lent (Lebeuf et al. 2014; Simond et al. sous presse). D'autres contaminants nouveaux et actuellement non réglementés restent non quantifiés dans les tissus du béluga, étant donné les efforts de recherche actuellement limités portant sur les contaminants et le béluga de l'ESL (mais voir Simond et al. sous presse).

Quelques indications semblent laisser entendre que, pour certaines classes de contaminants, les mesures de rétablissement menées à bien jusqu'à ce jour ont eu des effets positifs sur l'habitat du béluga et des effets en cascade sur la santé du béluga. La diminution apparente de l'incidence du cancer chez les bélugas nés après le brusque déclin des concentrations d'HAP dans les sédiments de surface de leur zone d'estivage en est un exemple notable (Lair et al. 2016). Il est également possible que la diminution du cancer soit liée aux réductions des BPC, qui agissent indirectement sur les concentrations d'HAP en modifiant leur dégradation en métabolites cancérogènes (Lair et al. 2016). Il est impossible de déterminer la contribution précise des diverses mesures de gestion entreprises (p. ex., réglementation de certains contaminants par rapport à l'assainissement des sites contaminés) dans l'amélioration générale de la santé et de la contamination du béluga.

Ces résultats sont encourageants et indiquent que les mesures entreprises dans les Grands Lacs ou d'autres secteurs en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga de l'ESL sont parvenues dans une certaine mesure à réduire l'apport global de contaminants dans l'environnement du béluga de l'ESL sur une période de quelques décennies. Toutefois, les concentrations des contaminants réglementés restent élevées dans le béluga, même si certaines se sont stabilisées ou ont décliné dans ses tissus. D'autres contaminants, comme les EDP, continuent à augmenter, ce qui indique que les mesures actuelles ne suffisent pas à réduire cette menace.

6.2.1.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires

Les EDP et les autres produits ignifuges hautement toxiques sont actuellement une grande source d'inquiétude, car on les soupçonne de jouer un rôle dans le manque de rétablissement du béluga et dans l'aggravation de sa situation. Depuis 2008, on trouve un nombre anormalement élevé de baleineaux nouveau-nés morts dans l'ESL (Lesage et al. 2014b), une tendance qui s'accompagne depuis 2010 d'un nouveau phénomène de signalements réguliers de complications périnatales chez les femelles adultes mortes (Lair et al. 2016). L'interférence des EDP avec l'activité normale de la thyroïde a le potentiel de provoquer de tels effets ou de rendre les nouveau-nés moins aptes à la survie (Lair et al. 2016).

À la lumière des réalisations obtenues grâce aux mesures de rétablissement menées à bien et de ces récentes constatations, les mesures de rétablissement visant à réduire la menace des contaminants devraient avoir pour principal objectif de réduire les rejets et le transport de composés chimiques toxiques dans l'habitat du béluga. Les mesures doivent comprendre des règlements supplémentaires, une application pleine et entière ou un élargissement des règlements existants (voir le tableau 2 pour consulter les différents règlements en question), une mise en application adéquate, ainsi que la décontamination des sites aquatiques et terrestres (tableau 3). Les EDP et les produits ignifuges nouveaux doivent faire l'objet d'une attention particulière, étant donné leur haute toxicité et le rôle qu'ils pourraient jouer dans l'augmentation actuelle de la mortalité des femelles adultes et des baleineaux. Il est important de noter que les améliorations découlant de la mise en œuvre de toute mesure visant à réduire la menace des contaminants ne deviendront évidentes qu'à long terme (c.-à-d. > 10 ans), en raison de la nature de la menace.

6.2.1.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées

Étant donné la diversité importante et changeante des composés chimiques toxiques dans l'environnement, il faut examiner les renseignements disponibles sur les charges de contaminants chez le béluga, les seuils de toxicité et les effets attendus sur la santé afin d'axer les mesures réglementaires sur les composés chimiques toxiques prioritaires.

Il existe une série chronologique sur l'incidence du cancer, les problèmes périnatals et les concentrations de plusieurs composés organochlorés toxiques chez le béluga; il se peut qu'il existe une série chronologique pour les espèces sentinelles et l'habitat, mais il n'a pas été possible de le déterminer dans le délai imparti pour l'achèvement du présent examen. Les séries chronologiques existantes se sont révélées des indicateurs utiles de l'efficacité des mesures prises pour réduire l'exposition du béluga aux composés chimiques toxiques. De ce fait, il faut poursuivre la surveillance de ces aspects. Il faudrait également prévoir une série chronologique pour surveiller les concentrations et les tendances des produits ignifuges nouveaux et des autres composés chimiques toxiques chez le béluga et dans son habitat, ce qui contribuera à évaluer l'efficacité des mesures de rétablissement recommandées concernant ces contaminants (p. ex., les règlements). Une telle série chronologique peut au besoin orienter l'adaptation ou recadrer les mesures de gestion au fil du temps.

Tableau 3. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de réduire les concentrations des contaminants chez le béluga et ses proies et dans son habitat, et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Le rang de mise en œuvre de la mesure dépend de l’ampleur de la portée de la mesure ou des avantages pour la population du point de vue de la réduction de la menace, ainsi que de l’incidence directe ou indirecte de la mesure sur la réduction de la menace. Le moment de la mise en œuvre peut être « immédiat » (dans l’année qui vient), « à court terme » (dans 1 à 5 ans), « à moyen terme » (dans 5 à 10 ans) ou « à long terme » (10 ans ou plus) et représente l’horizon d’acquisition des renseignements scientifiques nécessaires pour mettre la mesure en œuvre et pour que les effets de la mise en œuvre deviennent évidents, sous la forme soit d’une réduction du niveau de la menace, soit des avantages pour la population. On donne un rang de 1 aux mesures qui réduisent directement la plupart des effets d’une menace et un rang de 2 aux mesures dont la portée est large, mais qui ont des effets indirects sur la menace. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.

Mesures de rétablissement Efficacité prévue Moment prévu Rang
Portée Impact Lancement de la mise en œuvre Améliorations
Mesures fondées sur la gestion
Continuer à réduire les rejets de composés chimiques toxiques à la source grâce à de nouveaux règlements ou à l'élargissement des règlements existants Grande Direct Court terme Long terme 1
Poursuivre les efforts de réduction de la pollution dans le système des Grands Lacs et dans d'autres zones situées en amont ou à l'intérieur de l'habitat du béluga, grâce à des initiatives interprovinciales, nationales et internationales (en particulier avec les gouvernements des États-Unis et de l'Ontario) Grande Direct Court terme Long terme 1
Veiller à l'application adéquate des règlements existants concernant les rejets de composés chimiques toxiques au Canada (voir le tableau 2, qui contient la liste des règlements pertinents) Grande Direct Immédiat Long terme 1
Réduire le nombre et l'ampleur des rejets accidentels et illégaux de polluants Grande Indirect Court terme Long terme 2
Déterminer les zones extérieures à l'habitat du béluga où le dépôt, le rejet ou l'immersion de substances chimiques peuvent finir par détériorer la qualité de l'habitat du béluga, et interdire le dépôt, le rejet ou l'immersion de substances chimiques dans ces zones Petite Direct Court terme Long terme 2
Poursuivre l'assainissement des sites aquatiques et terrestres contaminés prioritaires désignés pour le béluga Petite Direct Court terme Long terme 2
Informer les intervenants (municipalités, comité ZIP, etc.) des préoccupations liées aux apports de polluants provenant des activités agricoles et autres, du traitement des eaux usées, des installations de stockage de déchets, des décharges, etc. Grande Indirect Court terme Long terme 2
Lacunes dans les données et besoins en surveillance
Selon un examen scientifique des charges de contamination du béluga, des seuils de toxicité (lorsqu'ils sont connus) et des effets physiologiques attendus pour chaque groupe de composés chimiques, déterminer ceux qui sont les plus susceptibles d'entraîner des effets sur la santé du béluga afin d'orienter les mesures réglementaires et d'en établir l'ordre de priorité     Immédiat    
Surveiller les indicateurs de réduction des contaminants à haut risque chez le béluga (incidence du cancer, charges) en maintenant le programme de surveillance et d'échantillonnage des carcasses     Immédiat    
Surveiller le nombre et la taille des rejets accidentels et illégaux dans le système du Saint-Laurent     Court terme    
Établir des indicateurs de rendement pour la réduction des contaminants à haut risque dans l'habitat du béluga, et assurer une surveillance à l'échelle et à la fréquence appropriées (à définir)     Immédiat    
Mieux comprendre les seuils de toxicité, les séquences des effets et les impacts des principaux contaminants sur le béluga et les autres espèces sentinelles. Ces renseignements permettront de déterminer à quelle concentration les différentes classes de contaminants représentent une menace ou ne sont plus une menace pour le béluga, et pourraient orienter la gestion adaptative et les règlements     Long terme    

6.2.2 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 2. Réduire le dérangement d'origine anthropique

Les mesures de rétablissement qui relèvent du deuxième objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par le dérangement d'origine anthropique. Diverses activités d'origine anthropique peuvent perturber les activités normales du béluga de l'ESL, soit en masquant d'importants signaux acoustiques, soit en provoquant des réactions comportementales ou des réponses au stress (Clark 2009). Ces activités comprennent essentiellement la circulation maritime, l'exploitation des traversiers, l'observation des baleines, la navigation de plaisance (motorisée ou non), les activités de recherche et les projets d'aménagement marin. La circulation maritime a lieu dans l'ESL depuis plus d'un siècle, mais l'observation des baleines et d'autres activités sont plus récentes. De même, les séries chronologiques qui évaluent les tendances de ces activités sont limitées à une ou deux décennies seulement, et celles qui en étudient les répercussions à quelques années (p. ex., niveaux de bruit) [voir l'annexe 1].

L'atténuation des effets de la perturbation et du bruit est un phénomène relativement nouveau; les premières études, menées dans l'Arctique, datent des années 1970. Par conséquent, très peu de mesures ont été entreprises pour atténuer cette menace avant la publication du premier plan de rétablissement du béluga de l'ESL en 1995, et plusieurs autres mesures ont été mises en œuvre après l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005. Certaines de ces mesures visaient à mieux définir les niveaux auxquels des effets significatifs peuvent se produire, alors que d'autres avaient pour objet de réduire les perturbations physiques du béluga ou les niveaux de bruit dans son habitat (tableau 2).

6.2.2.1 Efficacité des mesures

Les recherches menées sous l'égide du programme de rétablissement ont permis de mieux comprendre les caractéristiques et la composition de la flotte de navires et les navires les plus susceptibles de perturber le comportement normal du béluga de l'ESL. L'existence de ce potentiel de perturbation découle soit des émissions sonores des navires (p. ex., porte-conteneurs), du nombre de passages qu'ils représentent (p. ex., les traversiers), de leur emplacement (chevauchement avec d'importants habitats des femelles et des baleineaux), soit de leur chevauchement acoustique avec l'écholocalisation ou les bandes de fréquences des communications du béluga (p. ex., navires d'observation des baleines) [McQuinn et al. 2011; Gervaise et al. 2012; Simard et al. 2014; 2016]. Les études d'impact indiquent que la circulation des navires marchands expose une proportion importante de la population de béluga de l'ESL à des niveaux de bruit susceptibles de provoquer des réactions négatives de nombreuses fois par jour, la vaste majorité des animaux exposés étant des femelles accompagnées de baleineaux ou de juvéniles (Lesage et al. 2014b). Les études indiquent également que les traversiers et les autres grands navires peuvent réduire l'habitat acoustique du béluga à une fraction de l'habitat qu'il devrait occuper dans des conditions naturelles (Gervaise et al. 2012), et que les zones les plus bruyantes se situent le long de la rive nord et à l'embouchure de la rivière Saguenay, tandis que les zones les plus silencieuses se trouvent le long de la rive sud et dans le moyen estuaire (McQuinn et al. 2011; Lesage et al. 2014a; Roy et Simard 2016).

Plusieurs des mesures de rétablissement mises en œuvre ont probablement accru la sensibilisation à l'état de conservation du béluga de l'ESL ou ont contribué à limiter les perturbations ou les émissions sonores dans l'habitat du béluga. Toutefois, on ne dispose d'aucun indicateur pour évaluer les changements des niveaux de bruit sous-marin, la conformité aux règlements ou la mesure dans laquelle les projets d'aménagement qui devaient mettre en œuvre des mesures d'atténuation du bruit se sont conformés à cette exigence depuis l'inscription de l'espèce. Par conséquent, il est impossible d'évaluer en termes quantitatifs l'efficacité des mesures de rétablissement visant à réduire les aspects sonores de la menace posée par les perturbations.

Un examen de l'évolution du trafic maritime et des interactions avec le béluga de l'ESL indique qu'il est possible de faire davantage pour réduire l'exposition du béluga aux activités d'observation des baleines, qui contribuent aux aspects sonores et physiques de la menace posée par les perturbations. Les bélugas sont ciblés par un petit pourcentage des activités d'observation des baleines dans le bas estuaire du Saint-Laurent, mais il est possible que ce pourcentage ait légèrement augmenté ces dernières années. Dans le moyen estuaire, une zone presque exclusivement utilisée par les femelles accompagnées de baleineaux et de juvéniles, les activités d'observation des baleines sont limitées, mais principalement ou exclusivement axées sur le béluga (Ménard et al. 2014; Martins 2016).

Dans l'ensemble, rien n'indique actuellement que les interactions du béluga avec les navires ou le volume de la circulation (navires marchands, bateaux de plaisance, bateaux d'observation des baleines) dans son habitat, un indicateur approximatif des niveaux de bruit sous-marin et du niveau de perturbation, aient diminué depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP en 2005. Par conséquent, nous considérons que les mesures de rétablissement mises en œuvre jusqu'à ce jour ne sont collectivement pas parvenues à réduire la menace du bruit sous-marin et le dérangement physique.

6.2.2.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires

On a signalé un nombre anormalement élevé de jeunes bélugas morts en 2010 et en 2012 (Lesage et al. 2014b). Ces anomalies coïncidaient avec les périodes de pointe des activités de navigation de plaisance à la marina de Tadoussac, à des cooccurrences plus élevées que d'habitude entre les bélugas et les bateaux dans le fjord du Saguenay et à de bonnes conditions météorologiques en juillet et en août dans l'habitat essentiel du béluga de l'ESL (Ménard et al. 2014). Ces résultats ont soulevé des préoccupations au sujet d'un lien possible entre le dérangement d'origine anthropique pendant la période de vêlage et l'augmentation de la mortalité périnatale des baleineaux et des femelles signalée au cours de ces années.

En vertu de la nouvelle Stratégie maritime du Québec et d'autres initiatives récentes ou proposées de développement économique à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitat du béluga de l'ESL, le nombre de passages de navires marchands dans l'habitat du béluga devrait augmenter. Ces nouvelles activités pourraient accroître la circulation dans des zones situées en dehors de la voie de navigation principale, qui sont à l'heure actuelle relativement silencieuses et exposées à un léger trafic maritime seulement. Cette augmentation de l'activité est préoccupante, car elle pourrait entraîner une diminution générale de l'étendue de l'habitat silencieux à la disposition du béluga.

On pourrait entreprendre assez rapidement plusieurs mesures de rétablissement qui entraîneraient des réductions immédiates de l'exposition du béluga au bruit et aux interactions avec les navires et qui contribueraient à atténuer les répercussions des futurs développements. La détermination et la protection des zones de l'ESL qui sont actuellement à la fois relativement silencieuses et importantes pour le béluga de l'ESL pourraient entraîner la création de refuges acoustiques ou de « sites d'opportunité », permettant de réaliser à l'avenir d'importants gains en matière de conservation (Williams et al. 2015). Dans les limites du PMSSL, un examen du plan de zonage visant à mettre en œuvre des zones d'exclusion pourrait renforcer la protection des habitats importants contre le bruit et les perturbations physiques. À court terme, on peut également examiner l'emplacement des routes de navigation par rapport à l'habitat important du béluga, ce qui pourrait révéler les zones où des ajustements mineurs permettraient d'obtenir des gains considérables sur le plan de la qualité acoustique de l'habitat ou de la réduction de l'exposition du béluga au bruit. Le remplacement des traversiers bruyants à utilisation intensive, comme celui de la baie Sainte-Catherine/Tadoussac, par une infrastructure routière ou par des traversiers plus silencieux réduirait considérablement les niveaux de bruit dans une partie importante de l'habitat du béluga.

Il faut également prendre des mesures pour sensibiliser les utilisateurs aux mesures réglementaires et volontaires et augmenter leur conformité à cet égard. Des mesures fondées sur les recherches menant à une meilleure caractérisation de la flotte (navires marchands et bateaux d'observation des baleines) contribueraient à cibler les efforts sur les navires les plus problématiques.

À l'heure actuelle, les répercussions des nouveaux projets d'aménagement, y compris la circulation des navires qui y est associée, sont évaluées au cas par cas, sans tenir compte des impacts qu'ils pourraient produire au-delà de la proximité immédiate de l'emplacement du projet ou des impacts d'autres projets ou activités autorisés dans la même région. Un examen stratégique (ou programmatique) de toutes les activités et de tous les projets d'aménagement qui contribuent au bruit et à la circulation des navires dans l'ESL s'impose, car il fournira le cadre dans lequel établir les objectifs de gestion (p. ex., sur le plan des niveaux de bruit ou du volume de la circulation à ne pas dépasser), améliorera la planification spatiale et évaluera et gérera les effets cumulatifs ou regroupés des activités économiques sur le béluga et son habitat (Wright et Kyhn 2014).

6.2.2.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées

Il n'existe pas d'indicateur d'efficacité pour les anciennes mesures de rétablissement ayant trait à cette menace. Il faudrait établir en priorité des indicateurs pour évaluer l'évolution des niveaux de bruit et de la circulation dans les principaux habitats du béluga, ainsi que le degré des interactions entre les utilisateurs de l'ESL et le béluga. Les recherches qui permettent de mieux comprendre comment les sources de bruit chroniques nuisent à la santé et au comportement du béluga pourraient contribuer à mieux cibler les mesures de rétablissement et à orienter les objectifs de gestion relatifs aux niveaux de bruit et de circulation.

Tableau 4. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de réduire le bruit et le dérangement d’origine anthropique et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.

Mesures de rétablissement Efficacité prévue Moment prévu Rang
Portée Impact Lancement de la mise en œuvre Améliorations
Mesures fondées sur la gestion
Identifierr des zones de refuge acoustique possibles et prendre des mesures pour les créer Grande Direct Court terme Immédiat 1
Augmenter la distance entre les voies de navigation et les zones importantes pour le béluga de l'ESL (p. ex., déplacer la voie de navigation, station pilote) Grande Direct Court terme Immédiat 1
Augmenter la distance entre les embarcations de plaisance et les navires d'observation des baleines en révisant le plan de zonage du PMSSL et en mettant en œuvre des zones d'exclusion Grande Direct Court terme Immédiat 1
Réduire l'empreinte acoustique des navires qui génèrent un grand volume de circulation dans l'habitat du béluga (p. ex., traversiers, navires marchands canadiens), ce que l'on pourrait accomplir en remplaçant une partie de la circulation des traversiers par une infrastructure routière ou en utilisant des technologies d'insonorisation dans les navires qui contribuent le plus à la circulation. Grande Direct Moyen terme Immédiat 1
Renforcer l'application du Règlement sur le PMSSL et du Règlement sur les mammifères marins à l'extérieur du PMSSL, en particulier dans les habitats importants du moyen estuaire Grande Direct Court terme Immédiat 1
Élargir la zone d'interdiction de navigation de 400 m pour l'observation du béluga dans le PMSSL aux zones situées au-delà du PMSSL Grande Direct Immédiat Immédiat 1
Élaborer et promouvoir des mesures incitatives visant à réduire les émissions sonores des navires et éliminer les navires les plus bruyants Grande Direct Moyen terme Immédiat 1
Rendre l'atténuation du bruit et la surveillance des effets de l'atténuation obligatoires pour les projets d'aménagement marin susceptibles de toucher l'habitat du béluga Petite Direct Immédiat Immédiat 2
Effectuer un examen stratégique de toutes les activités et de tous les projets d'aménagement qui ont contribué ou pourraient contribuer au bruit et à la circulation des navires dans l'habitat du béluga, afin d'établir des objectifs de gestion et de pouvoir rendre compte des effets cumulatifs et des initiatives d'aménagement en cours et nouvelles qui se déroulent à l'intérieur et à l'extérieur de l'habitat du béluga de l'ESL Grande Indirect Court terme Moyen terme 2
Expliquer aux capitaines des navires marchands comment un changement de leur comportement peut entraîner des modifications de la qualité acoustique de l'habitat du béluga, en vue de les inciter à se conformer davantage à des mesures volontaires Grande Indirect Court terme Immédiat 2
Lacunes dans les données et besoins en surveillance
Élaborer des indicateurs de l'efficacité des mesures de rétablissement (existantes ou nouvelles) [p. ex., degré d'application, conformité aux mesures réglementaires ou volontaires, niveaux de bruit dans les principales zones, espace sonore du béluga) et les surveiller sur une échelle de temps appropriée (propre à la mesure de rétablissement)     Court terme    
Terminer la caractérisation de la flotte afin de repérer les navires qui contribuent le plus à l'empreinte sonore, soit sur le plan du nombre de passages, soit sur celui du niveau sonore     Court terme    
Examiner les innovations et les solutions techniques qui existent dans le monde entier et qui pourraient s'appliquer aux navires marchands ou aux bateaux d'observation des baleines afin de réduire les émissions sonores, et évaluer leur faisabilité dans l'ESL     Immédiat    
Mettre au point un cadre d'évaluation et de surveillance des effets cumulatifs du dérangement et du bruit associés à l'observation des baleines, à la navigation et à d'autres initiatives d'aménagement     Court terme    
Mener des études afin de déterminer les effets à court et à long termes des formes chroniques de dérangement sur la santé et l'état du béluga     Court terme    

6.2.3 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 3. Veiller à ce que l'approvisionnement en nourriture soit adéquat et accessible

Les mesures de rétablissement qui relèvent du troisième objectif de rétablissement visent à réduire la menace posée par l'approvisionnement en nourriture inadéquat et inaccessible. L'efficacité des mesures de rétablissement ciblant cette menace dépend en fin de compte de la capacité à identifier les principales espèces proie du béluga de l'ESL. Même si l'on a mené une étude poussée sur l'alimentation dans les années 1930 (Vladykov 1946), l'utilité de ces renseignements reste limitée pour évaluer l'alimentation actuelle, puisqu'ils ont été obtenus sur un site que le béluga de l'ESL n'utilise plus. Les renseignements contemporains sur l'alimentation sont limités, car l'intestin des bélugas que l'on trouve morts de maladie est souvent vide. Toutefois, on a obtenu quelques perspectives sur l'alimentation de printemps et d'été du béluga à partir des efforts suivis d'échantillonnage d'intestins de béluga, ainsi que grâce à des méthodes indirectes qui font appel à divers traceurs chimiques, comme les isotopes stables, les acides gras et les contaminants (Nozères 2006; Lesage 2014; Lesage et al. 2017). Même si les données indiquent une alimentation diversifiée, elles laissent également entendre que la majeure partie de l'alimentation du béluga est composée d'une poignée seulement d'espèces proie, et que l'espère ciblée varie d'un mois, d'un endroit et d'une saison à l'autre. Les poissons de fond comme les espèces de morue, de sébaste, de merluche blanche et plusieurs espèces fourragères comme le capelan, le hareng et le lançon, ainsi que le poulamon et l'éperlan arc-en-ciel, sont probablement importants pour le béluga de l'ESL. Par conséquent, les mesures qui protègent ou augmentent directement ou indirectement l'abondance de ces espèces devraient profiter au béluga de l'ESL.

Des études récentes ont également mis en évidence un lien entre le déclin de la couverture de glace de mer et la température de l'eau et la diminution de la survie des jeunes bélugas (Williams et al. sous presse). Ces conditions de réchauffement ont pu toucher le béluga directement, mais plus probablement indirectement en ayant une incidence sur la répartition des proies et leur biomasse, et donc leur disponibilité pour les femelles adultes (p. ex., Buren et al. 2014).

C'est le MPO qui assure la gestion et la surveillance des populations de poissons et d'invertébrés qui pourraient être des proies du béluga; leur mise en œuvre, dont la date varie selon l'espèce, remonte bien avant la publication du plan de rétablissement (1995) ou du programme de rétablissement (2005). À l'heure actuelle, peu d'efforts visent à surveiller spécifiquement les stocks de poissons marins et d'invertébrés dans l'ESL, ce qui s'explique simplement par les faibles niveaux de pêche. Il existe des exceptions pour certaines espèces anadromes et diadromes, comme l'anguille d'Amérique, le poulamon et l'éperlan arc-en-ciel.

Les mesures de rétablissement proposées dans le programme de rétablissement avaient pour intention de renforcer la protection des sites de frai et d'élevage des proies et de limiter les prélèvements par les pêches ou d'autres activités susceptibles de nuire aux proies ou à leur habitat (tableau 2).

6.2.3.1 Efficacité des mesures

Les études scientifiques indiquent que certaines des proies à disposition du béluga sont produites localement, alors que d'autres sont importées du golfe du Saint-Laurent. Par conséquent, pour être efficaces, les mesures de rétablissement doivent cibler les proies dans les deux régions. Les mesures de rétablissement mises en place pour limiter les pêches commerciales ou protéger les poissons ou leur habitat dans l'ESL ont probablement été avantageuses pour le béluga, même s'il n'existe aucun indicateur quantitatif direct de l'efficacité de ces mesures sur le plan de l'amélioration de la disponibilité des proies pour le béluga. Dans le golfe du Saint-Laurent, le moratoire sur certaines espèces fourragères a contribué à atténuer dans une certaine mesure la menace liée à l'approvisionnement inadéquat en nourriture, puisqu'il a empêché la pêche de certaines espèces fourragères sur lesquelles le béluga exerce une prédation (p. ex., le lançon) ou desquelles les proies du béluga dépendent (p. ex., le krill et les copépodes). En 2009, une nouvelle politique intitulée « Politique sur la pêche des espèces fourragères » a été instaurée. Elle permet la pêche des poissons fourrages lorsque tous les objectifs de conservation prescrits par la directive sont atteints. Toutefois, on n'a proposé ou entrepris aucune nouvelle pêche de ce type depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ou depuis la mise en œuvre de la directive de 2009.

Les stocks de poisson de fond dans le golfe du Saint-Laurent se sont effondrés au début des années 1990, et certaines de ces espèces sont des proies du béluga (p. ex., la morue, le sébaste). Ces ressources jadis abondantes n'ont jamais été remplacées par des poissons pélagiques ou d'autres espèces, laissant l'écosystème en déficit général de biomasse (Plourde et al. 2014). Un moratoire sur la pêche de la morue franche est en vigueur depuis 2009 dans l'ESL et dans le sud du golfe du Saint-Laurent afin de permettre à la population de se rétablir; il est encore en place de nos jours. Toutefois, la taille du stock se trouve encore à une petite fraction des niveaux qui régnaient dans les années 1970 ou 1980. À l'échelle mondiale, plusieurs stocks de poisson de fond et plusieurs espèces fourragères qui pourraient être particulièrement importants pour le béluga (p. ex., le hareng de printemps de la division 4T) demeurent à des niveaux faibles. Nous en concluons donc que les mesures de rétablissement mises en œuvre depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ne sont pas parvenues à augmenter l'accès du béluga à des biomasses de proie adéquates. En fait, on a fait bien peu pour atténuer cette menace qui, jusqu'à récemment, était considérée comme une menace potentielle seulement.

6.2.3.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires

Le déclin de la population de béluga à la fin des années 1990 et la modification de la dynamique de la population ont coïncidé avec des changements intervenus dans plusieurs conditions environnementales, notamment une baisse de l'abondance des poissons démersaux et de certaines proies pélagiques (Plourde et al. 2014), ce qui laisse entendre que l'approvisionnement en nourriture est peut-être devenu limité et pourrait encore jouer un rôle dans le déclin actuel. Une analyse de viabilité de la population a indiqué que les mesures de gestion menant à une amélioration de la disponibilité des poissons démersaux et du hareng de printemps de la division 4T auraient des effets bénéfiques sur le taux de croissance de la population de béluga de l'ESL (Williams et al. sous presse). Par conséquent, les mesures de rétablissement qui agissent sur les niveaux des pêches actuelles et des nouvelles pêches ou qui protègent l'habitat des proies du béluga, y compris leur approvisionnement en nourriture (poissons fourrages et invertébrés), pourraient augmenter la disponibilité des proies pour le béluga (tableau 5). Par exemple, il existe actuellement une pêche du hareng de printemps de la division 4T, une proie qui pourrait être particulièrement importante pour le béluga de l'ESL au printemps et dont le stock s'est effondré aux alentours de l'an 2000 (Plourde et al. 2014). Ce stock se trouve actuellement dans la zone critique de l'approche de précaution du MPO; même si une réduction des captures commerciales est appliquée depuis 2000, un mauvais recrutement a limité le rétablissement de ce stock. D'autres réductions des niveaux de prises du hareng (ciblant principalement le hareng de printemps) pourraient contribuer au rétablissement de cette espèce fourragère clé à un état de bonne santé, ce qui serait avantageux pour le béluga.

6.2.3.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées

Il nous reste encore beaucoup à apprendre sur l'alimentation du béluga. Il faut achever les études en cours et utiliser des traceurs chimiques et le contenu de l'intestin pour que les mesures de rétablissement ciblent les espèces proie les plus importantes. On pourrait compléter ces études par des études sur le terrain portant sur la stratégie d'alimentation du béluga et l'utilisation de son habitat afin de mieux comprendre son alimentation au moyen des fonctions et des caractéristiques de l'habitat. Des méthodes fondées sur des modèles bioénergétiques pourraient estimer les besoins en énergie du béluga et l'approvisionnement en nourriture nécessaire pour soutenir la population et lui permettre de se rétablir.

Parallèlement, il faut élaborer des indicateurs de tendance propres aux espèces fourragères et aux autres proies du béluga. Étant donné le rôle potentiel du recul de la couverture de glace de mer et du réchauffement de la température dans l'explication des changements intervenus dans la répartition, la biomasse ou la qualité des proies, il faut maintenir des programmes de surveillance ciblant ces aspects physiques de l'environnement du béluga pour obtenir le contexte d'interprétation des changements de la dynamique de la population de béluga de l'ESL ou d'autres composantes biologiques de son écosystème.

Tableau 5. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin d’assurer un approvisionnement en nourriture adéquat et accessible pour le béluga et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.

Mesures de rétablissement Efficacité prévue Moment prévu Rang
Portée Impact Lancement de la mise en œuvre Améliorations
Mesures fondées sur la gestion
Examiner les allocations de pêches et les modifier au besoin pour protéger et augmenter les stocks actuels des principales espèces proie et leur disponibilité pour le béluga Grande Direct Court terme Court terme 1
Mettre en œuvre des mesures plus strictes ou une interdiction concernant certaines pêches ciblant les espèces fourragères (p. ex., le capelan, le hareng, le lançon) ou la nourriture dont dépendent les espèces fourragères (p. ex., le krill et les copépodes) dans le golfe du Saint-Laurent ou dans l'ESL, afin que toutes les espèces associées aux besoins en nourriture du béluga restent en bonne santé Grande Direct Court terme Court terme 1
Reconnaître que l'origine des proies ne se limite peut-être pas à l'ESL; mettre systématiquement en œuvre des mesures pour protéger le béluga et son habitat lorsqu'on évalue les impacts environnementaux des projets côtiers et extracôtiers Grande Direct Court terme Immédiat 1
Renforcer la protection des sites de frai et d'élevage et des corridors de migration des principales espèces proie du béluga Grande Direct Court terme Court terme 1
Tenir explicitement compte des besoins en nourriture du béluga lorsqu'on évalue de nouvelles pêches ou des pêches existantes dans le golfe du Saint-Laurent et l'ESL Grande Direct Moyen terme Immédiat 1
Officialiser l'interdiction des chaluts de fond dans le moyen estuaire du Saint-Laurent afin de protéger l'habitat des proies du béluga Grande Direct Court terme Immédiat 1
Lacunes dans les données et besoins en surveillance
Achever les études sur l'alimentation et entreprendre des études sur les stratégies d'alimentation et les fonctions de l'habitat     Court terme    
Élaborer des indicateurs de disponibilité des proies dans l'ESL et les surveiller périodiquement (à définir)     Court terme    
Maintenir les programmes de surveillance de la couverture de glace de mer et de la température de l'eau de mer dans l'ESL et le golfe du Saint-Laurent     Immédiat    

6.2.4 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 4. Atténuer les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population

Les mesures de rétablissement qui relèvent du quatrième objectif de rétablissement visent à réduire les effets d'autres menaces pesant sur le rétablissement de la population. Parmi ces autres menaces, les collisions avec les petits bateaux (autres que les navires marchands) et l'empêtrement dans les engins de pêche ont été responsables d'un petit nombre de morts. Sur un échantillon de 222 morts de bélugas documentées, on a attribué respectivement 8 (4 %) et 2 (1 %) morts aux collisions et à l'empêtrement (Lair et al. 2016). Le risque de collision augmente avec la vitesse et la manœuvrabilité; par conséquent, le risque est relativement plus élevé avec les petits bateaux qu'avec les grands navires. Le risque d'empêtrement est probablement associé aux filets maillants dans l'ESL, bien que le type d'engin en cause dans les morts documentées n'ait pas été confirmé (Lair et al. 2016). Les pêches dans l'ESL sont actuellement pratiquées à de très faibles niveaux; par conséquent, les incidents liés à des prises accessoires ou à des empêtrements de bélugas sont rares depuis quelque temps.

Le béluga fait également face à plusieurs menaces d'origine anthropique sporadiques, qui pourraient causer plusieurs morts en peu de temps, y compris les déversements de substances toxiques, les proliférations d'algues nuisibles et les maladies épizootiques (épidémie dans une population animale). Comme c'est le cas dans de nombreuses autres régions côtières tempérées, les proliférations de dinoflagellés nuisibles Alexandrium tamarense se produisent à intervalles réguliers dans l'ESL, trois marées rouges importantes ayant été documentées au cours des deux dernières décennies (Scarratt et al. 2014). On a associé cette algue à la mortalité du béluga de l'ESL et d'autres espèces marines en 2008 (Scarratt et al. 2014). L'eutrophisation (augmentation des nutriments qui favorisent la croissance des plantes qui absorbent de l'oxygène et entraînent la mort des poissons ou des mollusques), la variabilité du climat et les changements du régime de précipitations pourraient augmenter la fréquence et la gravité de ces événements (Van Dolah 2000; Anderson et al. 2012). Étant donné sa petite taille, la population de béluga de l'ESL pourrait être gravement touchée par un seul événement d'intoxication (Scarratt et al. 2014).

Très peu de déversements majeurs de produits toxiques se sont produits dans le Saint-Laurent et, jusqu'à ce jour, la plupart d'entre eux ont eu lieu dans un port (Villeneuve et Quilliam 1999). Toutefois, l'occurrence de fortes marées et de courants puissants, la couverture de glace saisonnière et le brouillard fréquent dans l'ESL et le golfe du Saint-Laurent augmentent le risque de déversement de produits toxiques. Le Saint-Laurent et le golfe du Saint-Laurent comptent parmi les zones désignées comme présentant la probabilité la plus élevée d'un déversement important (WSP Canada Inc. 2014). Comme la zone occupée par le béluga de l'ESL est limitée, un grand déversement de produits toxiques pourrait toucher simultanément un grand nombre d'individus et avoir des conséquences à long terme sur une grande proportion de l'aire de répartition (Peterson et al. 2003).

Les maladies épizootiques n'ont pas été documentées chez le béluga de l'ESL. Toutefois, on a signalé la présence chez le béluga de l'ESL de virus tels que le papillomavirus et le virus herpétique, qui sont les principales causes de ces événements épidémiques (De Guise et al. 1994; Lair et al. 2014). D'autres pathogènes, comme le virus de la maladie de Carré ou le morbillivirus des cétacés, posent un risque élevé pour le béluga de l'ESL, car la population n'a apparemment jamais été exposée à l'un ou à l'autre de ces pathogènes (Mikaelian et al. 1999; Nielsen et al. 2000). Le béluga pourrait être exposé par l'intermédiaire de l'expansion, suite aux changements climatiques, de l'aire de répartition des espèces de mammifères marins exotiques infectées à la ou par l'intermédiaire d'une contamination biologique provenant des eaux usées municipales, des eaux d'égout et de ballast et du ruissellement côtier rejeté dans l'écosystème du Saint-Laurent. La petite taille de la population de béluga, sa nature grégaire, un système immunitaire potentiellement affaibli par l'exposition chronique aux contaminants et une faible diversité génétique rendent la population de béluga de l'ESL vulnérable aux maladies épizootiques.

6.2.4.1 Efficacité des mesures

Il a fallu une série chronologique de près de trente ans pour qualifier le niveau de menace que représentent le risque de collision et l'empêtrement pour le béluga de l'ESL (Lair et al. 2016). Par conséquent, les mesures de rétablissement n'ont été mises en place que récemment pour réduire les risques de collision avec le béluga de l'ESL, qui représentent environ un individu tous les quatre ou cinq ans. Ces mesures visaient à réduire l'imprévisibilité du déplacement des navires pour le béluga, en réduisant leur vitesse et en évitant les brusques changements de cap. Même si ces mesures ont probablement été utiles, la série chronologique permettant de documenter les changements de ces risques est actuellement trop courte pour évaluer directement l'efficacité de cette mesure pour réduire le risque de collision.

On a entrepris très peu de mesures de rétablissement pour atténuer les menaces posées par la prolifération des algues toxiques, les maladies épizootiques, les déversements de produits toxiques et l'empêtrement dans les engins de pêche, ce qui s'explique peut-être par leur probabilité d'occurrence relativement plus faible que celle des autres menaces relevées pour la population. Toutefois, la prolifération d'algues nuisibles de 2008 montre que, lorsqu'ils se produisent, ces événements peuvent supprimer plusieurs individus dans une population.

Le MPO a mis en œuvre des examens systématiques des projets d'aménagement marin au cas par cas depuis la désignation de l'habitat essentiel afin d'évaluer leurs impacts sur le béluga et son habitat et d'intégrer des mesures d'atténuation, au besoin. Cet examen plus minutieux des projets individuels a probablement contribué à limiter la dégradation de l'habitat. Il convient de noter que cette mesure ne visait pas à améliorer l'habitat du béluga, mais à limiter toute poursuite de la dégradation; toutefois, ici encore, il n'existe aucun indicateur quantitatif de l'efficacité de cette mesure.

À l'heure actuelle, les données sont trop clairsemées pour que l'on puisse évaluer les tendances des proliférations d'algues nuisibles, des déversements de produits toxiques, des empêtrements ou des collisions depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP. Par conséquent, l'efficacité des mesures de rétablissement mises en œuvre pour atténuer ces menaces reste difficile à évaluer.

6.2.4.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires

Le nombre de pétroliers qui transitent par le Saint-Laurent en transportant des produits pétroliers et d'autres substances toxiques a commencé à augmenter en 2014, en raison du pétrole de l'Alberta déchargé du système ferroviaire au moyen des installations existantes à Sorel, au Québec; ce nombre devrait continuer à augmenter dans l'immédiat et à moyen terme (COSEPAC 2014). Par conséquent, il est probable que le risque de déversement accidentel ait également augmenté. Un plan d'urgence est en place pour l'ESL en cas de déversement accidentel de produits toxiques, mais aucune ligne directrice ne traite spécifiquement du béluga (gouvernement du Canada 2015) [tableau 6].

On a mis en place des limitations de vitesse et des codes de pratique à respecter en présence du béluga, mais il faut mieux les faire connaître. La promotion de ces mesures auprès des exploitants de bateaux d'excursion ou des propriétaires d'embarcations de plaisance grâce à l'application des règlements et à des campagnes de sensibilisation contribuerait à réduire le risque de collision, en plus de limiter les perturbations et le stress.

Il n'y a pas grand-chose à faire pour prévenir les épidémies de maladies épizootiques une fois qu'elles se sont déclarées. La réintroduction en milieu sauvage de mammifères marins réhabilités qui ont pu entrer en contact avec des pathogènes peut déclencher de tels événements. Il faut formaliser une directive sur la manière de traiter les mammifères marins malades et leur réhabilitation et réintroduction afin de s'assurer que la population de bélugas de l'ESL compte autant d'individus que possible tout en réduisant le risque de maladies épizootiques.

Les mesures visant à diminuer les apports anthropiques d'azote dans le milieu marin peuvent contribuer à réduire la probabilité des proliférations d'algues nuisibles.

6.2.4.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées

Le programme de surveillance des carcasses et les nécropsies systématiques du béluga de l'ESL ont permis de faire le suivi des incidents (p. ex., collisions, empêtrement, intoxication) et d'évaluer l'impact relatif de ces menaces sur le béluga de l'ESL. Le programme donne également l'occasion de détecter les éclosions de maladies épizootiques. Ces exemples illustrent l'utilité de la poursuite du programme de surveillance des carcasses; cependant, il est encore nécessaire d'établir des indicateurs afin d'assurer un suivi direct des tendances du niveau des menaces au fil du temps. Depuis 2012, le Système d'identification automatique (SIA), obligatoire pour les navires d'un certain tonnage, pourrait servir à établir une série chronologique des menaces posées par les grands navires; cependant, il n'existe aucune technologie similaire pour surveiller systématiquement la circulation des petits bateaux, y compris les petits bateaux d'observation des baleines et les bateaux d'excursion qui naviguent dans l'ESL. Il existe un programme de surveillance des proliférations d'algues nuisibles dans le bas estuaire du Saint-Laurent, même si la situation actuelle ne permet plus d'analyser en temps opportun les échantillons prélevés. Il faut rétablir pleinement le programme de surveillance des proliférations d'algues nuisibles dans l'ESL et inclure l'urée parmi les nutriments surveillés dans le bas estuaire du Saint-Laurent, ainsi qu'élargir ces deux programmes de surveillance au moyen estuaire. Ces programmes, en supposant qu'ils s'accompagnent d'un soutien permettant d'analyser en temps opportun les échantillons prélevés, permettraient d'évaluer les tendances de l'eutrophisation et la détection précoce des proliférations d'algues nuisibles, en tenant compte du fait qu'il peut être extrêmement difficile d'en éviter les effets sur le béluga. Ces programmes sont tout particulièrement nécessaires pour évaluer l'importance relative des menaces à l'avenir, étant donné le potentiel d'augmentation de la fréquence de ces événements due au changement climatique, et sont utiles pour comprendre les conditions environnementales favorables à de tels événements et, peut-être, les prédire.

On sait que les techniques qui permettent actuellement de récupérer le pétrole dans l'eau froide et dans les eaux couvertes de glaces sont inefficientes. Étant donné la prévalence de telles conditions environnementales dans le Saint-Laurent pendant plus de six mois, il est urgent de réaliser de nouvelles recherches visant à découvrir comment gérer les déversements accidentels de pétrole dans ces conditions environnementales.

Des indicateurs de conformité aux règlements dans le PMSSL ou à des mesures volontaires visant à réduire les risques de collision sont également nécessaires.

Tableau 6. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin d’atténuer les effets d’autres menaces sur le rétablissement de la population et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.

Mesures de rétablissement Efficacité prévue Moment prévu Rang
Portée Impact Lancement de la mise en œuvre Améliorations
Mesures fondées sur la gestion
Réduire l'eutrophisation en mettant des règlements en œuvre pour diminuer les apports industriels, agricoles et atmosphériques d'azote, en particulier l'urée, un nutriment qui favorise les proliférations d'algues nuisibles dans le milieu marin Grande Indirect Court terme Moyen terme 2
Réduire la probabilité des déversements de produits toxiques (p. ex., en réduisant la circulation des pétroliers, en améliorant la résistance de la coque des navires, les méthodes de manutention, etc.) Grande Direct Moyen terme Immédiat 1
Intégrer des renseignements sur les risques de collision dans les campagnes de sensibilisation destinées aux capitaines de bateaux de tourisme et d'embarcations de plaisance, avec l'intention principale de réduire les perturbations (voir le tableau 4) Grande Direct Court terme Immédiat 1
Maintenir une capacité d'intervention en cas d'événements tels que les empêtrements, les déversements de produits toxiques, les maladies et les collisions en poursuivant l'exploitation du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins afin d'augmenter les chances de sauver les bélugas en détresse Grande Direct Immédiat Immédiat 1
Élaborer et appliquer une directive officielle sur la réhabilitation des mammifères marins malades et leur réintroduction dans le milieu sauvage en tenant compte des risques de maladies épidémiques chez le béluga de l'ESL Grande Direct Court terme Immédiat 1
Mettre à jour le plan d'urgence environnementale pour l'ESL et y inclure des mesures spécifiques pour le béluga de l'ESL, et préciser les rôles et les responsabilités en cas de déversement accidentel de pétrole ou d'une autre substance toxique Grande Indirect Court terme Immédiat 2
Lacunes dans les données et besoins en surveillance
Poursuivre l'exploitation du programme de surveillance des carcasses afin de détecter les collisions et les empêtrements au fil du temps et fournir les échantillons nécessaires pour documenter les éventuelles maladies épidémiques, les proliférations d'algues toxiques et l'impact de ces divers agents de stress sur la population de béluga de l'ESL     Moyen terme    
Élaborer des indicateurs visant à évaluer les tendances de la circulation des pétroliers, ainsi que la fréquence et l'étendue des incidents de déversement de produits toxiques     Court terme    
Effectuer de nouvelles recherches pour augmenter l'efficience de la récupération du pétrole dans l'eau froide et dans les eaux couvertes de glaces     Moyen terme    
Rétablir le programme de surveillance des algues toxiques dans l'ESL afin de maintenir la capacité de détection des proliférations d'algues nuisibles, et officialiser et soutenir le programme de surveillance des toxines chez le béluga de l'ESL     Immédiat    
Inclure l'urée dans les nutriments surveillés dans le bas estuaire du Saint-Laurent, et établir un programme de surveillance des nutriments et des proliférations d'algues dans le moyen estuaire afin d'évaluer les tendances de l'eutrophisation et la probabilité des proliférations d'algues nuisibles     Immédiat    
Élaborer des indicateurs de la conformité aux règlements dans le PMSSL afin de réduire les risques de collision     Immédiat    

6.2.5 Mesures de rétablissement associées à l'objectif 5. Protéger l'habitat du béluga dans toute son aire de répartition

Les mesures de rétablissement qui relèvent du cinquième objectif de rétablissement ne visent pas à réduire une menace bien particulière, mais plutôt à combler des lacunes dans les données concernant la répartition du béluga et les zones d'utilisation intensive, y compris les fonctions qu'elles jouent, et à énumérer les mesures de protection générales du béluga de l'ESL dans tout son habitat.

6.2.5.1 Efficacité des mesures

Depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP, on a étendu les séries chronologiques des relevés photoaériens et des données de suivi des colonies de bélugas et on les a regroupées afin de désigner l'habitat important dans l'aire de répartition d'été du béluga de l'ESL (Lemieux-Lefebvre et al. 2012; Mosnier et al. 2016). Ces renseignements ont été intégrés dans une analyse documentaire et ont formé une grande partie de la base qui a servi à désigner l'habitat essentiel du béluga entre juin et octobre (MPO 2012). En dehors de cette période, les données restent relativement rares (voir Mosnier et al. 2010 aux fins d'examen), même si elles donnent à penser que certains bélugas passent l'automne et l'hiver dans le golfe du Saint-Laurent et que d'autres restent dans l'ESL.

Le gouvernement a annoncé qu'il a l'intention de protéger l'habitat essentiel du béluga dans la Partie I de la Gazette du Canada en mai 2016 (http://www.gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2016/2016-05-14/pdf/g1-15020.pdf). Une fois l'habitat essentiel protégé, toute activité ou entreprise susceptible d'en détruire une partie quelconque sera jugée illégale. Le MPO exerce actuellement ses activités dans l'esprit de cette future protection, en examinant systématiquement et minutieusement au cas par cas les projets d'aménagement marin ou les activités susceptibles de détruire l'habitat essentiel du béluga et en exigeant des mesures d'atténuation, lorsqu'il les juge appropriées. Cette procédure a amélioré la protection de l'habitat du béluga de l'ESL, même s'il n'existe aucun indicateur direct de son efficacité.

À l'heure actuelle, les fonctions et les principales caractéristiques des zones importantes de l'habitat dans l'habitat essentiel, ainsi que leur interconnectivité, restent généralement inconnues, ce qui limite notre compréhension de l'importance relative du rétablissement de la population. Ces connaissances sont essentielles pour évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement marin proposés dans diverses parties de l'habitat du béluga.

Les campagnes de sensibilisation et les conditions de permis d'exploitation de bateaux d'excursion qui limitent l'accès aux zones délicates (p. ex., accès limité des bateaux d'excursion à la baie Sainte-Marguerite) ont probablement aussi contribué à la protection de l'habitat du béluga; toutefois, ici encore, il n'existe aucun indicateur direct de l'efficacité de ces mesures.

Dans l'ensemble, les recherches scientifiques menées depuis l'inscription de l'espèce en vertu de la LEP ont contribué à combler des lacunes dans les données et ont permis de désigner l'habitat essentiel pendant une partie de l'année. Cette désignation a déclenché un examen préalable et une atténuation accrus des projets d'aménagement et de leurs impacts, contribuant à rehausser la protection de l'habitat du béluga, ce qui a peut-être indirectement prévenu l'augmentation de certaines menaces, comme le bruit sous-marin et les perturbations physiques. D'autres mesures de protection, notamment la désignation de l'habitat essentiel pour la période de novembre à mai, sont en attente.

6.2.5.2 Améliorations à apporter aux mesures de rétablissement actuelles et mesures supplémentaires

La création d'une zone de protection marine (ZPM) dans l'ESL, où certaines restrictions semblables à celles qui ont été promulguées dans le PMSSL pourraient être en vigueur (p. ex., accès limité aux zones sensibles), contribuerait à élargir la protection de l'habitat du béluga aux zones situées le long de la rive sud, importantes pour les femelles et les baleineaux. La promulgation de règlements de zonage dans le PMSSL renforcerait encore la protection de l'habitat, tout en tenant compte du fait que ces règlements doivent être appliqués pour qu'ils soient efficaces (tableau 7).

À l'heure actuelle, l'habitat essentiel désigné ne couvre que les zones utilisées entre juin et octobre, puisque les données recueillies en dehors de la période estivale ne suffisent pas pour désigner les habitats importants. Il faudrait élargir la désignation de l'habitat essentiel selon les besoins afin d'inclure les habitats utilisés pendant d'autres périodes de l'année.

6.2.5.3 Surveillance et recherche à l'appui des mesures de rétablissement recommandées

Il faut désigner les zones d'utilisation intensive pendant le printemps, l'automne et l'hiver afin d'élargir l'habitat essentiel, selon les besoins, et de renforcer la protection accordée par la Loi sur les espèces en péril. Il faut également mieux comprendre la structure sociale de la population de béluga et l'interconnectivité entre les zones d'utilisation intensive, car ces lacunes dans nos connaissances entravent actuellement notre capacité à pleinement évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement. Il existe des données sur ces questions; il faudrait les analyser et publier les résultats.

Tableau 7. Améliorations que l’on suggère d’apporter immédiatement aux mesures de rétablissement afin de protéger l’habitat du béluga dans toute son aire de répartition et de surveiller l’efficacité de ces mesures. Les définitions sont présentées dans le tableau 3. Les mesures qui visent à combler des lacunes dans les données ou à assurer une fonction de surveillance ne se voient attribuer ni portée, ni impact, ni moment prévu des améliorations, ni rang, car elles appuient collectivement la mise en œuvre des mesures fondées sur la gestion énumérées.

Mesures de rétablissement Efficacité prévue Moment prévu Rang
Portée Impact Lancement de la mise en œuvre Améliorations
Mesures fondées sur la gestion
Établir le projet de zone de protection marine de l'estuaire du Saint-Laurent et la réserve aquatique de Manicouagan et les utiliser comme cadre pour instaurer des mesures de protection supplémentaires visant le béluga de l'ESL, au besoin Grande Direct Court terme Court terme 1
Promulguer un règlement de zonage dans le PMSSL afin de protéger les zones d'utilisation intensive et augmenter l'application Grande Direct Court terme Immédiat 1
Publier l'arrêté en conseil visant la protection de l'habitat essentiel dans la Partie II de la Gazette du Canada pour officialiser la protection légale de l'habitat essentiel actuellement désigné pour le béluga de l'ESL Grande Indirect Court terme Court terme 1
Lacunes dans les données et besoins en surveillance          
Élaborer des indicateurs de l'efficacité des mesures de protection de l'habitat     Court terme    
Désigner et protéger l'habitat important utilisé par le béluga de l'ESL en dehors des mois d'été, y compris les caractéristiques qui rendent ces habitats propices au béluga, et les fonctions vitales qu'elles soutiennent     Court terme    
Déterminer les proportions de la population de béluga de l'ESL qui utilisent les différentes parties de son aire de répartition afin de mieux évaluer les impacts potentiels des projets d'aménagement marin sur le rétablissement de la population     Court terme    
Publier les données accumulées au cours des vingt-cinq dernières années au sujet de l'organisation sociale et de la structure spatiale des unités sociales dans l'estuaire du Saint-Laurent afin d'apporter un point de vue important aux évaluations d'impact et aux mesures de protection     Court terme    

6.2.6 Objectif de rétablissement 6. Assurer une surveillance régulière de la population de béluga de l'estuaire du Saint-Laurent

Depuis que le COSEPAC a évalué le béluga de l'ESL comme une espèce en voie de disparition en 1983, plusieurs programmes ont été mis en œuvre afin de surveiller différents aspects de la population. Ils comprennent un programme de surveillance des carcasses de béluga (lancé en 1982 et pleinement mis en œuvre à compter de 1983), qui prévoit la nécropsie complète des carcasses relativement bien préservées. Ce programme s'est poursuivi depuis 1983.

La surveillance de la taille et de la répartition de la population et du taux de recrutement à l'aide d'une méthode normalisée (levés photoaériens) s'est également poursuivie au fil du temps. Toutefois, ces relevés ont eu lieu à intervalles plus irréguliers après 2000, ce qui réduit notre capacité à détecter les tendances démographiques par la suite. On a lancé une autre série chronologique de surveillance (basée sur les relevés photoaériens) en 2001; elle offre une estimation indicielle parallèle, mais pas comparable, des tendances démographiques. Toutefois, les relevés visuels ne permettent pas de détecter les baleineaux et ne peuvent donc pas fournir un indice de recrutement.

Une étude par identification photographique menée par le Groupe de recherche et d'éducation sur les mammifères marins (GREMM) se poursuit depuis la fin des années 1980. Ce programme a le potentiel de contribuer à la documentation et à l'explication des fluctuations du taux de recrutement, de l'utilisation de l'habitat et d'autres questions écologiques.

6.2.6.1 Efficacité des mesures

Le programme de surveillance des carcasses a fourni des renseignements à long terme sur les paramètres démographiques (Lesage et al. 2014b) et les causes de mortalité (Lair et al. 2016), et le MPO a examiné l'utilité de ce programme pour évaluer la situation de la population de béluga (MPO 2007). Ce programme a également fourni des échantillons de tissus qui ont permis de surveiller différents types de composés chimiques toxiques (p. ex., Lebeuf et al. 2014; voir également MPO 2012 aux fins d'examen) et d'autres traceurs chimiques qui ont apporté une perspective sur les changements de l'écologie trophique et de l'alimentation (Nozères 2006; Lesage 2014; Lesage et al. 2017).

Les relevés photoaériens ont permis d'établir un modèle de la dynamique de la population structuré selon l'âge, qui permet d'examiner les tendances démographiques dans un cadre significatif sur le plan biologique (Mosnier et al. 2015). Le présent exercice fait appel aux estimations de la taille de la population et aux indices de recrutement tirés des relevés. Les relevés ont également fourni les renseignements nécessaires pour arriver à la conclusion que rien n'indique actuellement une expansion ou une contraction de la répartition de la population (Gosselin et al. 2014). Toutefois, les estimations de l'abondance sont hautement variables et présentent parfois une grande incertitude. Ce fait, combiné au petit nombre d'estimations obtenues en raison des grands intervalles de temps entre les relevés, réduit la capacité de détecter les changements de l'abondance de la population en temps opportun.

Le programme de photo-identification du GREMM a donné un indice de l'évolution du taux de recrutement sur vingt-cinq ans (Michaud 2014). Ces données ont contribué à la validation des extrants du modèle concernant la dynamique de la population et les tendances démographiques (Mosnier et al. 2015; MPO 2014).

6.2.6.2 Améliorations à apporter aux mesures de surveillance et mesures supplémentaires

Le résultat de l'examen récent par le MPO (MPO 2014) de la situation du béluga de l'ESL souligne l'importance de ces programmes de surveillance pour comprendre le sort de la population de béluga de l'ESL. Il faudrait donc maintenir ces programmes (p. ex., le programme de surveillance des carcasses, le programme de relevés de population). Toutefois, il existe à l'heure actuelle très peu d'outils pour documenter les changements de l'état de santé ou du taux de reproduction, et il faut donc mettre en place des activités de surveillance supplémentaires afin de documenter ces aspects, qui sont des indicateurs clés des effets sublétaux et des effets à l'échelle de la population des facteurs de stress anthropiques et naturels.

Tableau 8. Mesures de rétablissement visant à assurer la surveillance périodique de la population de béluga de l’ESL

Lacunes dans les données et besoins en surveillance Moment prévu
Lancement de la mise en œuvre
Maintenir le programme de surveillance des carcasses et le programme de nécropsie afin de poursuivre la documentation des paramètres démographiques, des causes de mortalité et de l'incidence des diverses menaces au fil du temps Immédiat
Continuer d'effectuer des relevés photoaériens systématiques, au moins tous les trois ans, afin de documenter les changements de la répartition, de la taille de la population et de la proportion des baleineaux Court terme
Élaborer des méthodes pour évaluer la santé, l'état corporel et le taux de reproduction, et les surveiller chaque année Court terme
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