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Les océans du Canada maintenant : Écosystèmes de l’Arctique, 2023

© Sa Majesté le Roi du chef du Canada, représenté par la ministre du ministère des Pêches et des Océans, 2025.
Cat. No. Fs23-549/1-2024E-PDF 978-0-660-73837-6

Remerciements

Les connaissances réunies dans le présent rapport sont le fruit d’immenses efforts déployés par de nombreux chercheurs, techniciens, équipages de navires, conseils de cogestion, organisations de chasseurs et de trappeurs, membres de la communauté et d’autres. Nous saluons les efforts des organisations inuites et des contributeurs scientifiques qui ont examiné ce rapport. Nous soulignons l’engagement de toutes les personnes qui cherchent à comprendre les écosystèmes marins de l’Arctique. Une grande partie des travaux présentés dans ce rapport ont été entrepris sur les territoires ancestraux inuits (Inuit Nunangat), qui comprennent les terres, les eaux, les glaces et toutes les formes de vie qui s’y trouvent, et nous le reconnaissons avec gratitude.

Merci
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Œuvre d'art par Amanda Key

Avant-propos

Les rapports intitulés Les océans du Canada maintenant sont des résumés de l’état actuel et des tendances des océans du Canada. Ils sont produits dans le cadre de l’engagement du gouvernement du Canada d’informer le public sur l’état actuel des océans du Canada.

Les océans du Canada maintenant : Écosystèmes de l’Arctique, 2023 présente de nouvelles connaissances sur l’état des écosystèmes marins dans l’Arctique canadien. Ce rapport a été produit par une équipe de coauteurs issus de communautés de l’Arctique et d’organisations inuites, du milieu universitaire, d’organisations non gouvernementales et de Pêches et Océans Canada.

Le présent rapport est fondé sur des renseignements détaillés se trouvant dans le Rapport technique canadien des sciences halieutiques et aquatiques 3633, « État des mers arctiques du Canada1 ». L’information présentée reflète les méthodes améliorées de compréhension et de connaissance des écosystèmes marins de l’Arctique. On y expose l’état actuel de l’environnement, des habitats, des espèces et des réseaux trophiques. Ce rapport met en évidence les progrès réalisés en matière de connaissance de la biodiversité (les espèces présentes), de l’état de l’habitat (la structure et l’utilisation des écosystèmes) et des processus qui influent sur l’habitat et les réponses des espèces (les raisons pour lesquelles la variabilité et le changement se produisent).

Apprendre ensemble

Les chercheurs et les peuples autochtones du Nord travaillent ensemble afin d’utiliser l’information existante et de faire progresser l’obtention de nouveaux renseignements nécessaires à la compréhension et à la gestion des écosystèmes dans l’Arctique canadien.

L’Arctique canadien englobe la plus grande zone océanique du Canada, s’étendant de la baie James aux eaux au large du point le plus au nord du Nunavut (figure 1). Cette région couvre une vaste gamme d’environnements côtiers et extracôtiers. De nombreux endroits n’ont pas été étudiés, et il reste encore beaucoup à apprendre sur les espèces marines, les habitats et les processus écosystémiques de l’Arctique. Les Inuits de l’Inuit Nunangat et les chercheurs travaillent de plus en plus ensemble pour définir et aborder les questions relatives à l’écosystème. L’état des connaissances consignées varie grandement d’un endroit à l’autre dans l’Arctique canadien. Il est important de savoir d’où proviennent les renseignements sur l’Arctique et à quelle période de l’année ils correspondent. Les généralisations à l’échelle de l’Arctique ont tendance à être inexactes et ne sont probablement pas utiles pour la prise de décisions. Grâce à des observations pluriannuelles, nous pouvons mieux comprendre le degré et le type de variabilité qui se produit dans l’écosystème, et détecter les changements attribuables au climat.

Faits saillants : L’Inuit Nunangat

Les territoires ancestraux inuits sont connus sous le nom d’Inuit Nunangat et comprennent les terres, les eaux, les glaces et toutes les formes de vie qui s’y trouvent. L’Inuit Nunangat comprend quatre régions inuites : le Nunavut, le Nunavik, le Nunatsiavut et la région désignée des Inuvialuit.

A map of Atlantic Canada's three bioregions.

Les quatre régions de l’Inuit Nunangat

Version texte

Cette carte montre les quatre régions de l’Inuit Nunangat présentées en différentes couleurs. D’est en ouest, les régions visées par les revendications territoriales sont les suivantes :

  • Inuvialuit (bleu foncé)
  • Nunavut (bleu clair)
  • Nunavik (brun)
  • Nunatsiavut (orange)
Les terres à l’extérieur de l’Arctique canadien sont indiquées en blanc, y compris le Groenland. Toutes les zones océaniques sont en bleu clair.

Inuktitut

Inuinnaqtun

Zone d’étude du rapport et collectivités de l’Inuit Nunangat

Zone d’étude du rapport et collectivités de l’Inuit Nunangat

Version texte
  • Océan Pacifique Alaska
  • Yukon
  • Fleuve Mackenzie
  • Tourbillon de Beaufort
  • Bassin Canada
  • Territoires du Nord-Ouest
  • Nunavut
  • Groenland
  • Pikialasorsuaq – Polynie des eaux du Nord
  • Baie de Baffin
  • Île de Baffin
  • Baie d’Hudson
  • Québec
  • Océan Atlantique

Collectivités

Région désignée des Inuvialuit

  1. Akłarvik/Aklavik
  2. Inuuvik/Inuvik
  3. Tuktuuyaqtuuq/Tuktoyaktuk
  4. Ikaahuk/Sachs Harbour
  5. Paulatuuq/Paulatuk
  6. Uluhaqtuuq/Uluhaktok

Nunavut

  1. Qurluqtuq/Kugluktuk
  2. Iqaluktuuttiaq/Cambridge Bay
  3. Talurjuaq/Taloyoak
  4. Uqšuqtuuq/Gjoa Haven
  5. Kuugaarjuk/Kugaaruk
  6. Qamani'tuaq/Baker Lake
  7. Arviat
  8. Tikiraqjuaq/Whale Cove
  9. Kangiqliniq/Rankin Inlet
  10. Igluligaarjuk/Chesterfield Inlet
  11. Salliq/Coral Harbour
  12. Naujaat
  13. Ausuittuq/Grise Fiord
  14. Qausuittuq/Resolute
  15. Ikpiarjuk/Arctic Bay
  16. Mittimatalik/Pond Inlet
  17. Iglulik/Igloolik
  18. Sanirajak/Hall Beach
  19. Kangiqtugaapik/Clyde River
  20. Qikiqtarjuaq
  21. Panniqtuuq/Pangnirtung
  22. Iqaluit
  23. Kinngait/Cape Dorset
  24. Kimmirut

Nunavik

  1. Chisasibi
  2. Kuujjuaraapik
  3. Umiujaq
  4. Sanikiluaq
  5. Inukjuak
  6. Puvirnituq
  7. Akulivik
  8. Ivujivik
  9. Salluit
  10. Kangiqsujuaq
  11. Quaqtaq
  12. Kangiqsuk/Kangirsuk
  13. Aupaluk
  14. Tasiujaq
  15. Kuujjuaq
  16. Kangiqsualujjuaq

Nunatsiavut

  1. Nunainguk/Nain
  2. Agvituq/Hopedale
  3. Qipuqqaq/Postville
  4. MaKovik/Makkovik
  5. kikiak/Rigolet

Aires protégées

Zone de protection marine de Tuvaijuittuq

Aire marine nationale de conservation de Tallurutiup Imanga du Canada

Zone de protection marine d’Anguniaqvia niqiqyuam

Zone de protection marine de Tarium Niryutait

Carte

Inuit Nunangat

  • Inuvialuit
  • Nunavut
  • Nunavik
  • Nunatsiavut
  • Yukon
  • Fleuve Mackenzie
  • Territoires du Nord-Ouest
  • Groenland
  • Baie de Baffin
  • Baie d’Hudson
  • Québec
  • Océan Atlantique

Inuktitut

Inuinnaqtun

Les conditions extrêmes dans l’Arctique rendent difficiles la recherche scientifique et la surveillance tout au long de l’année. La plupart des recherches ont lieu lorsque les eaux sont libres (de juillet à septembre environ). C’est la période où l’on peut atteindre les sites par bateau et par navire. Pourtant, l’utilisation de nouvelles technologies et les observations continues (p. ex. les amarres en mer) augmentent les connaissances sur les écosystèmes, notamment sur la biodiversité des espèces et leur répartition tout au long de l’année. La surveillance hivernale dirigée par les communautés peut fournir des renseignements documentés au cours d’une saison où les données sont souvent de piètre qualité. L’utilisation de nouvelles technologies de relevés sonores (c.-à-d. acoustiques) et satellitaires (c.-à-d. télémétrie) a permis d’améliorer la cartographie des déplacements des animaux et de leur population au fil des saisons (p. ex. programme communautaire de télémétrie visant le béluga et interprétation coopérative des résultats).

La participation des communautés autochtones à la recherche et à la surveillance scientifiques augmente avec les efforts visant à faire le pont entre les connaissances autochtones et les données scientifiques occidentales (figure 2). Bien que de nombreux projets de recherche fournissent des renseignements sur les changements actuels, les connaissances autochtones offrent la perspective la plus longue dans le temps. Des partenariats caractérisés par le respect mutuel et la collaboration permettent de comprendre les conditions environnementales et biologiques historiques de base, ce qui aide à détecter et à surveiller les changements. Le rapprochement de multiples modes de connaissance permet de mieux comprendre le changement environnemental. Cette compréhension est essentielle à une cogestion efficace des espèces et des écosystèmes marins dans l’Inuit Nunangat.

Faits saillants : La cogestion des zones de protection marines (ZPM)

Dans l’ouest de l’Arctique canadien, deux zones de protection marine ont été établies en vertu de la Loi sur les océans grâce au leadership des communautés inuvialuites et des organisations de cogestion :

Les deux ZPM comportent des objectifs de conservation qui ont été élaborés conjointement avec les partenaires inuvialuits et qui soutiennent le Plan de gestion du béluga de la mer de Beaufort produit par le Comité mixte de gestion de la pêche. La ZPMAN est la première ZPM canadienne dont l’objectif de conservation est fondé uniquement sur les connaissances autochtones; cet objectif vise à maintenir l’habitat d’espèces de subsistance de première importance (p. ex. l’omble chevalier, le béluga, le phoque).

L’établissement des priorités, la cogestion et la surveillance de ces ZPM se font dans le cadre de partenariats entre les organisations inuvialuites et Pêches et Océans Canada (MPO), avec le soutien d’autres collaborateurs.

Reliés entre eux, mais différent

L’Arctique canadien comporte des régions où la glace de mer et les conditions océaniques sont uniques, malgré les fortes influences des océans Pacifique, Atlantique et du centre de l’océan l’Arctique.

Les tendances de la glace de mer et de l’océan dans l’Arctique canadien peuvent être influencées par les océans qui sont reliés, mais demeurent uniques. Des ensembles de données sur 20 ans et plus sont essentiels pour détecter et comprendre les changements et les différences entre les zones océaniques. Les tendances scientifiques de la glace de mer à long terme proviennent principalement de l’analyse des données satellitaires (de 1979 à aujourd’hui). Les satellites peuvent également révéler des conditions comme la température et la concentration d’algues, mais seulement à la surface de l’océan. Les tendances océaniques dont il est question ci-dessous sont déterminées par des mesures effectuées à bord des navires qui sont répétées chaque été (c.-à-d. l’information sur le tourbillon de Beaufort) ou par des amarres en mer. Les amarres à long terme sont des lignes sous-marines d’instruments qui recueillent des données océaniques comme la température, la salinité, le mouvement de l’eau et l’épaisseur de la glace tout au long de l’année. Elles sont remplacées chaque année pour pouvoir continuer à enregistrer les données. Dans tout l’Arctique canadien, moins de sept amarres mesurent les conditions océaniques de façon continue depuis plus de 20 ans.

Dans l’ensemble de l’hémisphère Nord, l’étendue de la glace de mer a diminué quelle que soit la saison, et la période d’eau libre a augmenté dans les régions où la couverture de glace n’est présente qu’en hiver (figure 3). Le volume de glace estival a diminué jusqu’à 82 % entre 1979 et 2023 pour l’ensemble de l’Arctique. Ce déclin majeur reflète la perte considérable d’épaisseur de la glace de mer de plusieurs années (Faits saillants : Les types de glace de mer). Ce n’est pas le cas dans toutes les régions de l’Arctique et les eaux canadiennes continuent d’abriter des habitats de glace de plusieurs années. Au cours des dix derniers étés, la glace de mer de plusieurs années a diminué de 7 % dans l’extrême nord de l’Arctique canadien (figure 3). On peut observer que la glace de mer change graduellement. Des diminutions ou des augmentations rapides et fortes se produisent également lors de certaines années et décennies.

Faits saillants : Les types de glace de mer

Glace saisonnière : Glace de mer qui commence à croître, puis fond complètement ou flotte hors de l’Arctique en moins d’un an.

Glace de plusieurs années : Glace de mer qui se forme et dure plus d’un été.

Glace de rive : Glace près des côtes ou des îles qui reste en place malgré les vents ou les courants océaniques; cette glace ne dérive pas.

Banquise : Glace de mer en dérive qui forme un paysage chaotique de crêtes et de floes dont l’épaisseur varie considérablement en hiver.

Les zones océaniques sont directement reliées entre elles, et pourtant il existe des zones uniques. Cela comprend le tourbillon de Beaufort, une zone extracôtière en rotation qui occupe le profond bassin Canada dans l’ouest de l’Arctique canadien (figure 4). Le plateau continental est influencé par le tourbillon de Beaufort qui y est relié. Depuis 2003, des études ont permis de faire le suivi d’une accumulation d’eau douce dans les quelques centaines de mètres du haut de ce tourbillon et d’une accumulation de chaleur dans la couche d’eau intermédiaire en provenance du Pacifique. Cette accumulation s’est produite sur une période de 26 ans lorsque le tourbillon de Beaufort a tourné plus rapidement dans le sens antihoraire (figure 4). Le poids supplémentaire de l’eau douce sur le dessus du tourbillon pousse la couche d’eau du Pacifique inférieure vers le haut (remontée d’eau) et vers le plateau continental moins profond de l’ouest de l’Arctique canadien. Ce mouvement d’eau plus salée vers la rive a été surveillé pendant 30 ans par des instruments fixés à des amarres près du fond marin sur le plateau continental. Une collecte de données aussi longue était nécessaire pour détecter ce changement avec certitude.

L’habitat océanique dynamique est créé par la variabilité et les changements dans les eaux côtières et extracôtières. La température et la salinité sont de principaux facteurs qui contrôlent la structure et la qualité de l’habitat océanique pour la vie. Les petites quantités de changement mesurées dans l’eau de mer de l’ouest et de l’est de l’Arctique canadien (figure 5) diffèrent des changements plus importants observés au cours des mêmes années dans les mers de Béring et de Barents. Ces autres mers arctiques reçoivent des eaux plus chaudes de leurs océans voisins.

Mise à jour des attentes

De nouvelles recherches montrent que les écosystèmes marins réagissent de façon incohérente et inattendue à la variabilité naturelle ou au changement du climat.

De nouvelles informations ont montré des réponses complexes et parfois inattendues des écosystèmes marins à la variabilité des océans ou aux changements climatiques. Une dynamique des océans et une répartition des espèces inattendues sont constatées au fil du temps et dans des régions allant du sud au nord.

La perte de glace de mer présente-t-elle des avantages?

La navigation dans le passage du Nord-Ouest du Canada devrait être plus facile en raison de la perte de glace de mer. Cependant, une comparaison des années 1968 à 2006 et 2007 à 2020 a montré que, même avec moins de glace de plusieurs années (présence et croissance) dans le passage du Nord-Ouest, la glace continue d’être un danger pour le transport dans un avenir prévisible. On prévoyait également une expansion de l’habitat pour le varech et les graminées marines en raison de la perte de glace et d’autres changements environnementaux liés au climat, mais cette expansion n’a pas encore été détectée dans les quelques sites canadiens comportant au moins dix années de données. Des relevés récents des zostères de la baie James touchées par le développement hydroélectrique et les conditions extrêmement chaudes des années 1990 montrent une perte continuelle. Cela contredit également l’expansion actuelle de l’habitat des zostères dans d’autres parties de l’Arctique, qui est liée au climat. Au Canada, certaines possibilités découlant de la perte de glace de mer et du réchauffement de l’Arctique ne sont pas nécessairement rapides ou garanties.

Voisins mais différents

Même dans les zones adjacentes, on voit des changements qui ne sont pas nécessairement les mêmes. Des modifications de la biodiversité du zooplancton ont été documentées dans les océans Pacifique et Atlantique. Toutefois, malgré un lien étroit avec ces eaux, de tels changements n’ont pas été détectés dans l’Arctique canadien. Les arches de glace des eaux du Nord et du détroit de Lancaster (figure 3) ne sont qu’à quelques centaines de kilomètres l’une de l’autre dans l’Arctique de l’Est. Elles sont essentielles à la formation des polynies (Faits saillants : Les polynies). Le nombre de jours chaque année où les arches étaient stables est demeuré à peu près le même pendant 20 ans, puis, de 2001 à 2022, leurs profils d’instabilité ont changé. Ils ne réagissent pas de la même façon aux forces atmosphériques et océaniques.

Faits saillants : Les polynies

Les polynies sont des zones de glace mince ou d’eau libre pendant la période de couverture de glace. Ce sont des habitats productifs menacés par un réchauffement qui modifie la glace de mer, la chaleur à la surface et la quantité d’eau douce entrant dans l’océan Arctique. Des modifications du déplacement de la glace de mer ont révélé la présence de nouvelles polynies de courte durée à Tuvaijuittuq (la dernière zone de glace). L’instabilité des polynies attendues comme Sarvarjuaq (les eaux du Nord) s’accroît. Elles risquent d’être perdues ou gravement altérées.

Comparaisons à grande échelle

À une plus grande échelle, les tendances observées dans les océans et dans l’Arctique canadien ne correspondent pas aux prévisions. Une étude récente de la biodiversité des fonds marins a révélé que l’océan Arctique canadien compte une plus grande diversité d’invertébrés y vivant que les eaux canadiennes de l’Atlantique et du Pacifique. Cela contredit l’hypothèse répandue selon laquelle la biodiversité diminue plus on regarde vers le nord. Les espèces importantes pour le réseau trophique montrent des tendances stables en ce qui concerne la diversité et la biomasse, y compris le zooplancton et la morue polaire. Cette constance est inattendue dans de nombreux écosystèmes marins, surtout compte tenu des répercussions continues des changements climatiques. Dans les eaux extracôtières, la composition des communautés de zooplancton demeure inchangée dans l’ensemble de l’Arctique canadien, y compris dans la baie d’Hudson. Les communautés sont toutes dominées par des espèces de copépodes riches en énergie. Les récentes mesures par navire (hydroacoustiques) dans les habitats extracôtiers de l’ensemble de l’Arctique canadien indiquent également des tendances stables de la biomasse de la morue polaire. Cependant, la variabilité d’une année à l’autre montre que le moment de la débâcle de la glace de mer peut l’influencer, particulièrement dans la baie de Baffin.

D’autres conditions océaniques rares peuvent être décelées lorsque l’Arctique canadien est comparé à d’autres régions arctiques ou océans du monde. Cela comprend les conditions liées à la chimie des océans (Faits saillants : Les extrêmes de l’acidification des océans) et la présence de vieille glace de mer épaisse dans la zone de protection marine de Tuvaijuittuq au nord de l’île d’Ellesmere. On trouve plus de vieille glace de mer dans cette région que partout ailleurs dans l’Arctique (figure 3).

Aucune tendance au réchauffement des océans n’a été observée dans l’est de la mer de Beaufort, selon les données satellitaires sur les températures estivales à la surface de la mer (2003 à 2019). Cette constatation semble inhabituelle ou contre-intuitive, étant donné que les températures de l’air dans l’Arctique se réchauffent rapidement. Néanmoins, un changement important s’est produit. Au cours de la période étudiée, les eaux de surface se sont réchauffées considérablement plus tôt dans l’année. Ce qui a eu une incidence sur la quantité et le moment de la croissance du phytoplancton. Cet exemple démontre que l’évaluation d’une seule tendance peut ne pas permettre de vérifier si un changement écosystémique se produit ou non. Une tendance peut également passer inaperçue parce qu’il n’y a pas suffisamment de données pour de nombreuses parties de l’écosystème marin.

Source ou puits? – Pas de réponse unique

La question de la disponibilité des données est particulièrement importante pour comprendre comment les océans interagissent avec le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Les océans sont essentiels pour contrôler les niveaux de CO2 dans l’atmosphère afin de stabiliser le climat. L’océan Arctique canadien est-il un puits ou une source de CO2? S’il s’agit d’un puits, le CO2 passe de l’atmosphère à l’océan. S’il s’agit d’une source, le CO2 est libéré de l’océan dans l’atmosphère. L’amélioration de la couverture des données a réduit l’incertitude quant à la réponse à cette question. Les nouvelles données montrent que la réponse dépend de la saison et de la structure physique de l’océan (figure 6).

Faits saillants : Les extrêmes de l’acidification des océans

L’acidification des océans est une situation où l’océan devient plus acide. Les niveaux de CO2 de l’atmosphère ont augmenté en raison de l’activité humaine. Lorsque le CO2 se dissout dans l’eau océanique, il forme un acide faible. Ce phénomène nuit aux coquilles, carapaces et squelettes des organismes marins et interfère avec les réactions et les processus chimiques normaux. Cependant, dans certaines régions, d’autres processus influencent l’acidité de l’eau océanique.

Les eaux situées en deçà de 2 000 m restent dans la baie de Baffin pendant très longtemps, soit de 360 à 690 ans. La matière organique sur le fond marin reste aussi et consomme de l’oxygène lorsqu’elle se décompose, ce qui entraîne une accumulation de CO2. Cela mène à une acidification extrême dans ces eaux profondes. En revanche, on ne détecte pas d’augmentation constante de l’acidification dans les eaux qui s’écoulent de l’Arctique vers l’ouest de la baie de Baffin et le détroit de Davis. C’est une situation rare pour les eaux océaniques extracôtières. L’eau douce des rivières, la glace de mer, la fonte des glaciers et les eaux côtières de l’Extrême Arctique pénètrent dans la baie de Baffin et le détroit de Davis. L’apport d’eau douce aggrave habituellement l’acidification des océans. Dans cette région, c’est la variation de la teneur en eau douce dans l’eau de mer plutôt que l’augmentation des niveaux de CO2 qui contrôle l’état de l’acidification des océans. Les eaux de la baie de Baffin montrent à quel point il est important de déterminer les processus qui contribuent à une acidification extrême et rare dans l’Arctique canadien.

Comment les espèces réagissent

De nouvelles études ont permis de mieux comprendre les façons dont l’habitat océanique varie au fil des saisons et des années, et comment ces variations constituent des possibilités ou des défis pour certaines espèces.

La vie marine est intimement liée aux cycles annuels de modification de l’habitat, y compris la couverture de glace et les eaux libres, l’obscurité et la lumière, le réchauffement et le refroidissement, et les poussées de production qui alimentent les réseaux trophiques. Les longs cycles naturels (p. ex. dix ans) et les changements climatiques peuvent modifier :

La variabilité et la modification de l’habitat peuvent influer sur la répartition des ressources pour les espèces, le moment où elles fraient et le nombre de leurs descendants, la façon dont elles se nourrissent et chassent et où elles vont. Des recherches récentes ont montré que certaines espèces pourraient s’adapter aux modifications de l’habitat, du moins à court terme.

Réchauffement : Modification de l’habitat des glaces et des rivières

Les algues qui poussent sur la face inférieure de la glace de mer constituent une importante source de nourriture précoce. De nombreux zooplanctons, petits invertébrés et poissons peuvent manger les algues de glace au fur et à mesure de leur croissance. Lorsque la neige et la glace fondent, les algues libérées de la glace peuvent être rapidement consommées par les brouteurs dans l’eau et par les invertébrés sur le fond marin. Avec l’évolution de l’habitat de glace de mer, la disponibilité des algues de glace changera également. Le zooplancton et les invertébrés des fonds marins mangent une variété d’aliments, mais on ne sait pas comment le fait d’avoir moins accès aux algues de glace influera sur la qualité ou la diversité des invertébrés des fonds marins.

Il est également difficile de prévoir comment les modifications de l’habitat causées par le réchauffement affecteront des espèces importantes sur le plan culturel, comme l’omble chevalier (Faits saillants : Omble chevalier, le saviez-vous?). Les réponses peuvent varier selon les individus et les populations entières à mesure que leur environnement change de multiples façons (figure 7). Les modifications de la glace de mer continueront d’affecter tous les habitats marins et les liens entre les réseaux trophiques. Le réchauffement aura également une incidence sur la qualité de l’habitat pour les espèces et sur la biodiversité en général.

Faits saillants : Omble chevalier, le saviez-vous?

  • L’omble chevalier est la seule espèce de poisson d’eau douce se trouvant au nord d’environ 75° de latitude nord. C’est au nord de l’île d’Ellesmere!
  • Toutes les communautés qui ont accès à l’omble chevalier l’utilisent pour se nourrir.
  • L’Arctique canadien soutient les pêches commerciales et émergentes de l’omble chevalier qui emploient des Inuits.
  • Le fait d’être une espèce adaptée au froid pourrait rendre l’omble chevalier plus vulnérable aux changements climatiques.

Réponses : La génétique et la mobilité sont importantes

La faible diversité génétique au sein d’une espèce peut rendre cette espèce moins apte à s’adapter aux modifications de l’habitat, surtout si elle ne peut pas se déplacer vers un autre endroit. Par exemple, les zostères de la baie James présentent moins de variabilité génétique que les zostères dans la région subarctique canadienne du Pacifique et de l’Atlantique. Dotée d’une faible diversité génétique, la zostère de la baie James a un potentiel limité d’adaptation aux modifications de l’habitat liées au réchauffement, à la débâcle précoce de la glace et à l’augmentation de l’apport en eau douce.

En revanche, les espèces mobiles ont plus d’options pour y faire face. Certaines populations de bélugas et de baleines boréales ont modifié leur façon de plonger pour atteindre leurs proies. Le comportement de plongée change également en fonction de l’emplacement dans leur aire de répartition, de la période de l’année et de la quantité de glace de mer autour d’eux (figure 8). On a observé que le narval, autrefois considéré comme moins flexible que les autres baleines lors de sa migration, a retardé sa migration vers le sud à l’automne parce que moins de glace de mer se trouve dans son habitat. Dans la baie d’Hudson, une colonie de guillemots de Brünnich a déplacé l’aire de répartition de son habitat vers des zones où la couverture de glace était moins importante. Ces nouvelles zones offraient encore suffisamment d’eau froide pour leurs proies qui préfèrent un habitat recouvert de glace. La souplesse quant à l’utilisation de l’habitat, surtout pendant les saisons où ils ont besoin d’aliments gras, peut aider les prédateurs marins à faire face aux répercussions des changements climatiques dans l’Arctique.

Des changements à grande échelle des habitudes migratoires n’ont pas été observés dans l’Arctique canadien, bien que les mammifères et les oiseaux marins aient apporté des ajustements locaux en réponse aux modifications de l’habitat. Par contre, la présence d’épaulards et de cachalots augmente dans l’est de l’Arctique canadien. Les baleines peuvent aller plus loin et rester dans de nouvelles zones en raison de la perte de glace de mer et de la période d’eau libre plus longue.

Stabilité des espèces et utilisation de l’habitat

On connaît mieux les lieux où vivent les espèces, les habitats qu’elles préfèrent et la diversité des espèces qui vivent dans les eaux arctiques du Canada.

De nouveaux renseignements décrivent activement l’emplacement des espèces à différents moments et à différentes échelles spatiales. Alors que nous effectuons un zoom sur l’Arctique canadien, nous considérons trois échelles :

Les évaluations de différentes espèces montrent comment elles peuvent avoir un effet sur leur environnement et jusqu’à quel point elles sont stables.

À l’échelle de l’Arctique

Des études portant sur l’ensemble de l’Arctique canadien ont mis à jour les connaissances sur la répartition et la diversité des espèces. Par exemple, dans plus de 400 stations dans l’Arctique canadien, on a trouvé du zooplancton gras Calanus hyperboreous à 93 % des stations et Calanus glacialis à 100 %. D’autres copépodes plus petits (p. ex. Oithonia similis) étaient également présents dans 93 à 100 % des stations (figure 9). Cela signifie que des proies importantes pour les poissons marins et les baleines boréales sont actuellement accessibles dans les eaux arctiques canadiennes. À l’échelle de l’Arctique, la diversité des invertébrés vivant sur et dans les fonds marins a également été réévaluée. Une étude récente a permis de découvrir 1 522 différents types (taxons) d’invertébrés, soit 560 taxons de plus qu’auparavant. Pourtant, cette nouvelle évaluation sous-estime probablement encore la biodiversité des fonds marins. On en apprend beaucoup sur la répartition des mammifères marins, des poissons et des oiseaux pendant leurs déplacements saisonniers.

Comparaison de la taille d’importants zooplanctons

Comparaison de la taille d’importants zooplanctons dans les eaux arctiques.

Version texte

La taille relative de certains copépodes arctiques est montrée par rapport à un trombone. Le trombone est placé horizontalement sur le côté gauche, et la hauteur du trombone est de 8 mm. À sa droite, quatre espèces de copépodes sont représentées par des silhouettes noires en forme de T de tailles variées. La première et la plus grande espèce, Calanus hyperboreus, mesure 8 mm de long, comme le trombone à sa gauche. La deuxième espèce, Calanus glacialis, mesure environ 5,5 mm de long. La troisième espèce, Metridia Longa, mesure environ 4,9 mm de long. La quatrième et plus petite espèce, Oithona similis, mesure moins de 1 mm de long.

Inuktitut

Inuinnaqtun

Pour les mammifères marins, la profondeur de l’eau joue un rôle essentiel dans l’endroit où les baleines se rassemblent et la façon dont elles utilisent leur habitat pour se nourrir (figure 8). La migration des oiseaux marins peut être mesurée sur de longues distances grâce au suivi par satellite, à des géolocalisateurs légers et à de petits dispositifs GPS. Un nouveau suivi des oiseaux marins a permis d’établir des liens à longue distance avec l’Antarctique (sternes arctiques), l’océan Indien (labbes à longue queue), la mer d’Okhotsk (goélands bourgmestres), le golfe du Mexique (goélands argentés) et de multiples endroits dans les océans Pacifique et Atlantique. Il est nécessaire de comprendre ces liens sur de longues distances pour examiner les effets potentiels des changements environnementaux à grande échelle et l’influence humaine sur les aires de reproduction de l’Arctique et les aires d’hivernage plus au sud.

À l’échelle côtière

Dans les zones côtières, les connaissances autochtones et la surveillance par les communautés permettent de comprendre la diversité des espèces passées et actuelles, ainsi que les modifications de la répartition et de la santé des mammifères marins et des poissons. Au cours des dernières années, les communautés de l’Arctique ont signalé la présence d’espèces inhabituelles. Ces observations pourraient montrer un changement graduel de l’aire de répartition d’une espèce, la présence d’une espèce rare ou l’arrivée d’une espèce causée par un changement radical de l’environnement océanique (figure 10).

L’application de multiples modes de connaissance améliore la compréhension des observations inhabituelles et des événements inattendus. Les connaissances autochtones sur les espèces passées et actuelles fournit des renseignements sur les occurrences rares et inhabituelles, par rapport à celles qui sont en fait nouvelles. Les observations par les communautés permettent de mieux comprendre les observations de cachalots dans le détroit d’Éclipse depuis 2014 et l’hivernage de la baleine boréale dans de nouvelles zones. Les observations de cachalots et de baleines boréales sont liées à la modification de la glace de mer observée par les communautés.

Dans les zones côtières, l’habitat de prédilection de l’omble chevalier et d’autres espèces semblables (p. ex. le Dolly Varden) est étroitement lié aux températures de l’eau et au degré de salinité qui soutiennent le mieux le rendement physique (p. ex. l’activité et la digestion) et à leurs proies. De nouveaux renseignements indiquent que l’omble chevalier peut migrer dans des rivières couvertes de glace et dans des eaux marines en hiver. Les poissons de la rivière Coppermine se sont déplacés jusqu’à 18 km au large des côtes sous la glace de mer (région de Kitikmeot, au Nunavut), où certaines des températures corporelles les plus basses de l’omble chevalier ont été enregistrées. Ce déplacement hivernal, qui n’avait jamais été documenté auparavant, montre que les rivières et les fleuves peuvent constituer des liens importants entre les écosystèmes d’eau douce et les écosystèmes marins toute l’année, et pas seulement après la fonte des glaces.

À petite échelle

À très petite échelle, une vidéo sous-marine à haute résolution (Faits saillants : La neige marine) a révélé comment et quand les cellules individuelles du phytoplancton commencent à s’assembler pour former des agrégats qui coulent ensuite. Cette technologie vidéo a montré que le copépode, un zooplancton, suivait ces agrégats, se nourrissant d’eux plutôt que des cellules individuelles qui restaient plus près de la surface. Cette description détaillée des interactions entre les espèces aide à comprendre comment et quand l’énergie est transférée à la base du réseau trophique marin.

Faits saillants : La neige marine

Les images sous-marines à haute résolution montrent l’évolution saisonnière et l’exportation des particules qui se forment pendant et après la prolifération phytoplanctonique dans la baie de Baffin. Les cellules de phytoplancton et les débris des algues en décomposition s’agglutinent en particules. Ces particules qui descendent dans l’eau ressemblent à de la neige. Les nouvelles images à haute résolution montrent que le nombre et la forme des particules changent au fil du temps – de la couverture de glace en hiver à la débâcle au printemps et aux eaux libres en été. Cela peut expliquer pourquoi le zooplancton utilise différentes parties de son habitat lorsqu’il accède aux ressources de la neige marine.

Répercussions et stabilité

De nouvelles connaissances sur les espèces laissent entendre qu’elles pourraient avoir des répercussions sur leur écosystème. Des proliférations d’algues nuisibles qui ont causé l’apparition de toxines dans les invertébrés des fonds marins (c.-à-d. des phycotoxines amnestiques et paralysantes) ont été découvertes dans l’ouest de l’Arctique canadien. Les niveaux de toxines étaient très faibles, et ces invertébrés ne sont pas récoltés par les communautés locales. On ne sait pas encore si les proliférations d’algues nuisibles sont de plus en plus fréquentes dans l’Arctique canadien.

Les communautés continuent de surveiller le saumon dans l’Arctique canadien. La première capture d’un saumon kéta juvénile près de la frontière canado-américaine (Kaktovik, Alaska) confirme la fraie dans l’Arctique nord-américain. Les conséquences et les possibilités d’une augmentation du nombre de saumons dans les rivières de l’Arctique demeurent incertaines pour les autres poissons et les gens qui en dépendent.

Il n’y a pas suffisamment de données à long terme sur la population pour classer scientifiquement le statut de conservation de la plupart des espèces marines dans l’Arctique canadien. Deux espèces d’oiseaux marins sont gravement menacées : le guillemot à miroir et la mouette blanche. Pour ce qui est des mammifères marins, le plus récent inventaire portait sur les bélugas de l’est de la mer de Beaufort, dont la population est stable à 38 000 individus. Les dénombrements des populations de mammifères marins se font généralement tous les cinq ans, ou plus, pour une population donnée. Mais chaque année, les stocks commerciaux de poissons et de crevettes sont surveillés dans la baie de Baffin, le détroit de Davis et l’est du détroit d’Hudson. Ceux-ci montrent des populations saines de flétan du Groenland et de crevettes d’Ésope et nordique, bien que l’augmentation du nombre de jeunes sébastes (Faits saillants : La résurgence du sébaste) pourrait menacer les crevettes, car ils les mangent et entrent en concurrence avec elles pour la nourriture.

Faits saillants : La résurgence du sébaste

Le flétan du Groenland et deux espèces de crevettes (crevettes d’Ésope et nordique) sont pêchés commercialement dans l’Arctique canadien. Depuis 2020, les prises commerciales de crevettes dans le détroit de Davis comprenaient des prises accessoires de nombreux jeunes sébastes. Les engins de pêche ont été modifiés pour réduire ces prises accessoires, mais il est difficile de séparer le sébaste juvénile de la crevette, car leur taille est semblable.

On ne sait pas pourquoi, certaines années, un très grand nombre de sébastes se trouve dans le détroit de Davis. Lorsque cela se produit, le sébaste se nourrit de la crevette, de la morue polaire et d’autres espèces. Il peut aussi manger les crevettes de la pêche commerciale. La concurrence et la prédation causées par le sébaste ont des répercussions sur l’ensemble du réseau trophique, jusqu’aux baleines et aux oiseaux. La résurgence du sébaste pourrait également avoir des répercussions négatives sur la pêche à la crevette et au flétan du Groenland.

Comprendre le fonctionnement des écosystèmes

Les scientifiques comprennent désormais mieux le fonctionnement des écosystèmes et ce qui peut influencer l’activité et la survie de certaines espèces marines.

Il est essentiel, pour la gestion de l’écosystème, de comprendre les nombreuses étapes qui entraînent des changements dans l’océan. Au cours des dernières années, les interactions entre les espèces et l’environnement ont été étudiées dans l’ensemble des réseaux trophiques et des régions. Ces études ont permis de mieux décrire les réponses attendues au changement.

Contrôle de l’écosystème : Le soleil

Le soleil et la glace de mer jouent un rôle majeur dans le contrôle des réseaux trophiques marins de l’Arctique. À certains endroits, la quantité de lumière du jour passe d’aucune lumière à de la lumière toute la journée, au cours d’une année arctique (figure 11). La réponse du réseau trophique au retour du soleil est rapide. Le transfert de la lumière du soleil à travers la glace de mer et dans l’océan contrôle où et quand les algues de glace et le phytoplancton poussent. Leur croissance fournit l’énergie qui soutient la majeure partie du réseau trophique. La neige qui tombe sur la glace peut bloquer le transfert de la lumière nécessaire pour amorcer la croissance après le sombre hiver. De nouvelles recherches effectuées dans la baie de Baffin montrent que 100 fois plus de lumière peut traverser la glace en seulement deux semaines lorsque la neige commence à fondre. L’habitat de la surface de l’océan prend rapidement vie sous la neige et la glace restantes. Mais si assez de neige tombe, la lumière du soleil est bloquée et la nouvelle croissance s’arrête soudainement. Avec suffisamment de lumière, la population de phytoplancton croît rapidement, fournissant de la nourriture pour le zooplancton.

Les cycles de la lumière amènent de nombreux zooplanctons et poissons de l’Arctique à migrer vers le haut et le bas dans la colonne d’eau chaque jour pour éviter d’être vus par les prédateurs. Ils transfèrent l’énergie du réseau trophique avec eux lorsqu’ils se déplacent verticalement. De nouvelles recherches menées dans l’ouest de l’Arctique canadien ont montré qu’une partie de la migration des bélugas est liée à ces cycles. À l’automne, lorsque le soleil se couche de nouveau le soir, le béluga montre des déplacements distincts liés au soleil dans des eaux à plus de 700 m de profondeur, des plongées moins profondes lorsque les eaux sont plus sombres et plus profondes lorsque le soleil brille.

Les océans du Canada maintenant : Écosystèmes de l’Arctique, 2023 - Warming waters, less sea ice

Cycles saisonniers de la lumière du jour dans l’Arctique canadien avec l’augmentation des périodes de jour et de nuit de 24 heures dans les endroits plus au nord.

Version texte

Cette infographie illustre les différences de longueur de jour et de nuit dans l’Arctique selon l’endroit.

Trois schémas montrent les différences de la longueur du jour et de la nuit pour trois collectivités différentes dans l’Arctique canadien. Ces schémas s’étendent de janvier à décembre (axe du bas) et représentent le nombre de nuits ou de jours par mois. Le bleu foncé indique une nuit de 24 heures, le jaune foncé indique une journée de 24 heures, et la nuit et le jour habituels sont montrés comme un rapport entre le bleu pâle et le jaune. Une carte de l’Arctique canadien en haut de l’infographie montre l’emplacement de chacune des trois communautés.

Le schéma pour Ausuittuq/Grise Fiord (en haut), l’emplacement le plus au nord sur la carte, montre des nuits de 24 heures de novembre à début février. La lumière du jour commence après le début de février et augmente jusqu’à la fin d’avril, alors que des jours de 24 heures se produisent jusqu’à la mi-août. La lumière du jour commence alors à diminuer et la nuit augmente jusqu’à ce que les nuits de 24 heures recommencent en novembre.

Le schéma pour Iqaluktuuttiaq/Cambridge Bay (milieu), l’emplacement le plus central sur la carte, a des périodes de 24 heures par jour et de 24 heures par nuit beaucoup plus courtes. Les nuits de 24 heures durent de décembre à début janvier, tandis que les journées de 24 heures durent de la mi-mai à la mi-juillet. La transition des rapports entre la nuit et le jour entre ces deux périodes est plus graduelle que celle d’Ausuittuq/Grise Fjord, plus au nord.

Le schéma de Sanikiluaq (en bas), l’emplacement le plus au sud-est de la carte, n’a pas de périodes de 24 heures de jour ou de nuit. Plutôt, on observe un rapport entre le jour et la nuit en constante évolution, avec une journée plus longue en juillet et une nuit plus longue en décembre.

Inuktitut

Inuinnaqtun

Contrôle de l’écosystème : La glace de mer

Que se passe-t-il dans les écosystèmes marins lorsque le dégel de la glace de mer est précoce ? Il est nécessaire de tenir compte des réponses à un dégagement précoce de la glace de mer pour mieux comprendre comment elle contrôle les écosystèmes. Ce changement prolonge la période d’eau libre. Dans l’ensemble de l’Arctique, on s’attendait à ce que le dégagement plus précoce des glaces augmente la production à la base du réseau trophique et profite à tous. Mais cette augmentation n’a pas encore été clairement documentée dans l’Arctique canadien. Des recherches montrent qu’un dégagement trop hâtif des glaces pourrait limiter les avantages. Il semble maintenant que la débâcle des glaces avant juin augmente la probabilité que les larves de zooplancton ratent le meilleur moment pour se nourrir (figure 12). Par conséquent, moins de larves deviennent des adultes, et la croissance des adultes est faible. Cela réduit ensuite la nourriture des larves de morue polaire, ce qui limite leur développement jusqu’à l’âge adulte. Les modifications induites par la glace du moment où la nourriture du zooplancton est présente ne sont pas la seule raison d’un décalage. Les aliments disponibles peuvent ne pas être sains pour les larves. Ce cas s’est produit récemment dans la baie de Baffin, où le phytoplancton (Pseudo-Nitzschia) semblait libérer une toxine (l’acide domoïque, une neurotoxine). Cet événement a empêché les copépodes de se nourrir, malgré la bonne synchronisation de la prolifération (figure 12).

La glace de mer change dans l’Arctique canadien (figure 3), mais les réponses d’une espèce peuvent varier selon les endroits. Dans la baie de Baffin et la mer de Beaufort, la survie des larves de morue polaire jusqu’à l’âge adulte est affectée par la concentration de glace de mer et les températures de l’eau. Dans la baie de Baffin, le moment de la débâcle de la glace de mer est étroitement lié à la survie des larves de morue polaire. On ne trouve pas la même relation étroite dans la mer de Beaufort (ouest de l’Arctique canadien), même si le moment de la débâcle a changé d’un mois ou plus (figure 12).

Contrôle de l’écosystème : Nutriments

Les nutriments (p. ex. azote inorganique, phosphore, silice) constituent le carburant de base du réseau trophique. La façon dont les nutriments sont répartis dans l’Arctique canadien a récemment été étudiée, ce qui a mis à jour les principales connaissances sur l’approvisionnement en nutriments. Par exemple, on comprend maintenant que les eaux provenant de l’océan Atlantique fournissent jusqu’à 25 % des éléments nutritifs à l’archipel Arctique canadien. L’estimation précédente n’était que de 5 %. Dans les régions côtières, l’eau de fonte glaciaire apporte des nutriments dans le nord-est de l’Arctique canadien de deux façons : elle fournit directement des micronutriments comme le fer et le manganèse, et en s’enfonçant, l’eau de fonte dense et froide pousse vers le haut l’eau des profondeurs riche en nutriments utilisés par le phytoplancton (figure 13).

Le carbone organique dans l’eau est également un nutriment marin essentiel. Deux types de carbone organique sont importants pour le réseau trophique. Si ce carbone est plus petit qu’un grain de poussière, on l’appelle le carbone dissous. Les microbes (p. ex. les bactéries) ou les morceaux provenant d’un organisme vivant représentent le deuxième type, c’est-à-dire le carbone particulaire. On en sait maintenant davantage sur les mécanismes de contrôle de l’approvisionnement en carbone des rivières, de la terre et de l’océan. Les rivières et les fleuves peuvent fournir de grandes quantités de carbone organique aux réseaux trophiques côtiers et marins. Les tendances à long terme (p. ex. de 1998 à 2019) de la région du fleuve Mackenzie montrent une augmentation importante des deux types de carbone à la fin de l’été. Cela s’explique probablement par les apports du dégel du pergélisol (figure 13). Par conséquent, ce dégel peut être un facteur important en vue de comprendre le transfert du carbone vers le milieu marin. Le carbone transféré ne reste pas toujours sous forme dissoute ou particulaire; une partie est transformée en CO2. On a découvert que les débris de pergélisol qui s’écoulent lentement libèrent plus de trois fois plus de CO2 dans l’atmosphère que les débris d’une falaise côtière lorsqu’elle s’effondre soudainement. La quantité de CO2 libérée par l’érosion du pergélisol dépend du type d’érosion et de la durée pendant laquelle les débris restent près des rives.

Conclusion

Les océans du Canada maintenant : Écosystèmes de l’Arctique, 2023 présente les progrès majeurs réalisés pour la compréhension du fonctionnement des écosystèmes marins et de leur état dans l’Arctique canadien. De nouvelles informations continuent de mettre en évidence l’importance de comprendre les conditions physiques de l’environnement et la base du réseau trophique, ce qui est nécessaire pour expliquer les changements qui se produisent chez les espèces et le fonctionnement des écosystèmes.

Le présent rapport souligne qu’il n’est pas judicieux de faire des énoncés généraux au sujet d’un indicateur de changement ou d’état précis. En vue d’assurer une bonne compréhension d’une question, il faut tenir compte de l’endroit et du moment précis auxquels elle se rapporte. D’importantes lacunes subsistent dans les connaissances, car l’information n’est pas disponible de manière égale pour tous les lieux et toutes les collectivités. Cependant, notre compréhension collective s’améliore grâce à l’inclusion respectueuse de multiples modes de connaissance et à l’intégration de différentes méthodes de collecte de données et de recherche issues de diverses disciplines. Les programmes de collaboration continuent de favoriser une meilleure compréhension des espèces et des écosystèmes dans lesquels elles vivent.

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